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L’Art de l’Inde
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L’Art de l’Inde

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Si le « palais de l’amour » autrement connu sous le nom de Taj Mahal, est considéré comme l’emblème de l’art de l’inde, il n’en est pas pour autant l’unique représentant. Caractéristique par son élégance, sa splendeur et ses influences perses et européennes, l’art de l’inde se manifeste aussi bien dans l’architecture, la peinture que dans les arts décoratifs.
LangueFrançais
ÉditeurParkstone International
Date de sortie15 sept. 2015
ISBN9781783108800
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    Aperçu du livre

    L’Art de l’Inde - Vincent Arthur Smith

    Maha-Janaka jataka : trois domestiques de la reine réagissent à l’information inattendue disant que le roi prévoit de renoncer à ses biens matériels et de les laisser à sa maîtresse, fin du

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    e siècle après J.-C., fin de la période Gupta. Détail d’une fresque. Grottes d’Ajanta (grotte no I), près d’Aurangabad, Maharashtra.

    L’Inde et son art

    L’art ne peut pas être confiné, pour le moins tant que les sciences humaines sur lesquelles notre culture est basée ont une signification. De nos jours, l’éloignement ne devrait plus être un obstacle pour l’apprécier, mais plutôt une incitation supplémentaire, alors que nos explorations se limitent pour la plupart à notre créneau horaire. Il est regrettable que dans l’imaginaire de beaucoup de gens, l’Orient évoque un certain romantisme qui les attire, bien que vague. Celui-ci accentue le fait que cela ne relève que de l’exceptionnel, et a pour conséquence que seule la curiosité se substitue à l’admiration.

    La peinture et la sculpture modernes offrent un progrès certain et un enseignement logique. Ainsi, beaucoup d’artistes d’écoles plus récentes pourraient être qualifiés d’ « académiciens ». Ce processus est comparable à celui des méthodes scientifiques modernes : l’art moderne est, en effet, le résultat de recherches esthétiques et méthodiques. Des tableaux de Manet, en passant par Cézanne, jusqu’aux artistes actuels, l’histoire ne peut se raconter que dans le cadre d’une aventure intellectuelle et d’une découverte esthétique.

    La vision personnelle des créateurs de l’art moderne a eu pour effet d’élargir nos intérêts esthétiques et de réévaluer les choses ignorées ou sous-estimées pendant longtemps : la peinture et la sculpture chinoise, la sculpture gothique, la sculpture grecque archaïque, la sculpture africaine, la finesse des tapisseries ou la puissance des dessins primitifs, sans oublier, et non le moindre, l’art indien sous toutes ses facettes. En considérant toutes ces richesses autrefois si souvent refusées et méprisées, les dogmes des générations passées avec leur suffisance, leur intolérance et leur ignorance, semblent se complaire dans leurs contraintes et l’appauvrissement de leur vie.

    Ce mouvement est si essentiel et si justifié que j’ai choisi d’aborder l’art indien sous un angle artistique plutôt qu’archéologique. C’est pourquoi je me suis appuyé sur les témoignages des artistes vivants dont la vision créative et l’appréciation amicale furent la pierre angulaire d’une critique plus précise que la logique de l’archéologie et d’autres sciences, avec lesquelles chaque discussion mène toujours au-delà de la thématique de l’art. Il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’introduire l’analyse d’une œuvre d’art avec une profusion de mots, ou de faire une dissertation, qui détourne d’une vraie compréhension de l’art visuel vers la littérature, l’histoire ou la métaphysique, et ne peut pas être considérée comme une critique solide. Quelles que soient les raisons, il est toujours regrettable de renoncer à une critique artistique.

    Paul Gauguin (1848-1903) écrivit en 1897 : « [...] Ayez toujours devant vous les Persans, Cambodgiens et un peu les Égyptiens. » On se demande ce qu’il aurait bien pu dire s’il avait connu les fresques d’Ajanta avec leurs traits superbes incroyablement maîtrisés, et leur rendu plastique délicat. L’exposition de sculptures indiennes datant du Moyen Âge tardif au musée du Trocadéro, à Paris, peut être considérée comme un premier pas que fit l’Occident envers l’art indien.

    Le 28 février 1910, on pouvait lire dans le Times au-dessus des signatures de treize excellents artistes et critiques, la déclaration suivante :

    « Nous, les artistes, critiques et étudiants d’art, signataires ci-dessous, [...] pensons que ce qu’il y a de mieux dans l’art indien est l’expression noble et juste de l’émotion religieuse d’un peuple ainsi que son plus sincère ressenti du divin. Nous reconnaissons dans la représentation sacrée de Bouddha l’une des inspirations artistiques les plus grandes du monde. Nous comprenons que l’existence d’une tradition artistique puissante, fleurissante et indépendante, représente pour le peuple indien une valeur inestimable et que tous ceux qui estiment la culture dans cette région et l’admirent, devraient la sauvegarder avec respect et amour. Opposés aux stéréotypes de certaines formes d’art traditionnelles, nous pensons que le chemin vers le vrai progrès passe par le développement naturel de l’art national du passé historique. Nous sommes convaincus que nous exprimons l’opinion d’une majorité d’Européens qualifiés et nous voudrions assurer nos collègues indiens, qu’ils soient professionnels ou étudiants, de notre admiration et de notre soutien envers leur école nationale des arts qui continue de faire preuve de vitalité et de liberté à interpréter la vie et la philosophie indienne, tant qu’elle reste fidèle à elle-même. Nous ne méprisons rien de ce qui provient de sources étrangères et nous croyons que le caractère unique sera jalousement préservé, qui est la conséquence naturelle de l’histoire et des conditions de vie de ce pays, ancré dans leurs conceptions antiques et profondément religieuses, symbolisant la fierté de l’Inde et du monde oriental dans son ensemble. »

    Cette déclaration fut composée lors d’un exposé de Sir George Birdwood (1832-1917), chroniqueur des arts industriels indiens, tenu devant la Royal Society of Arts. En réalité, un tel discours avait déjà été publié trente ans plus tôt, mais l’époque n’était pas encore prête pour un tel appel. D’aucune manière on peut faire à Birdwood le reproche d’avoir manqué de soutien à la culture et à la vie indienne. Une analyse stylistique de l’artisanat de l’Inde moderne force à reconnaître la prépondérance de l’influence islamique et, en particulier, de la culture persane de l’empire de Moghol.

    La poterie est, excepté dans sa forme ménagère quotidienne, d’un style purement islamique. Les tissus, avant tout le brocart, sont principalement décorés de dessins persans même si l’imagination et la pureté des couleurs sont d’influence indienne. Certaines autres sortes de tissus, comme le phulkaris brodé (une technique de broderie utilisée dans le Punjab indien et en Afghanistan) du nord-ouest et les tissus en batik noué et tissé (technique des ligatures et technique des réserves ou tulis) sont en revanche purement indiens. La tradition indienne a pu être entièrement maintenue uniquement en ce qui concerne la fabrication de bijoux, la broderie perlée typique des villages ainsi que l’émail de Jaipur (Rajasthan). Le penchant de Birdwood pour tout cet artisanat aux couleurs vives d’une grande finesse et pour cette vie complexe et incertaine, s’exprime magnifiquement sous sa plume dans de nombreux passages. Les arts de l’Inde antique et médiévale restèrent cependant en dehors de son étude et sa critique n’est pas très pertinente et reste très subjective.

    Dans son exposé devant la Royal Society of Arts, il affirma, en parlant d’un certain bouddha assis javanais, que son « [...] portrait absurde, figé dans sa pose immémoriale, n’[était] rien de plus qu’une image en bronze peu inspirée, louchant vaguement vers son nez, ses genoux, ses pouces et ses orteils. Un pudding serait une représentation tout aussi valable du symbole de la pureté passionnée et du calme de l’âme. »

    Cette observation se dirige cependant davantage contre le verbiage des critiques, pour qui le contenu idéal d’un objet compte beaucoup plus que sa forme, qu’une critique contre l’art indien. Dans un guide officiel du département de l’Inde du Victoria & Albert Museum à Londres, on pouvait lire une critique encore plus acerbe :

    « Les formes monstrueuses des divinités purâniques ne conviennent pas pour incarner une des formes les plus élevées de l’art : [...] c’est peut-être la raison pour laquelle la peinture et la sculpture ne sont pas reconnues en Inde en tant que beaux-arts. [...] On peut voir à quel point la sculpture de figures échoua en tant que forme d’art véritable, à travers les tentatives de la représenter comme échelle de valeur naturelle, et c’est uniquement parce que la sculpture animalière ou humaine en pierre et ivoire est d’une très grande précision qu’elle suscite autant d’admiration. »

    Bodhisattva Avalokitesvara (bodhisattva de la compassion), fin du

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    e siècle après J.-C., fin de la période Gupta. Détail d’une fresque. Grottes d’Ajanta (grotte no I), près d’Aurangabad, Maharashtra.

    Vessantara jataka : scène de pavillon au palace du prince Vessantara et de sa femme la princesse Madri,

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    e siècle après J.-C., fin de la période Gupta. Détail d’une fresque. Grottes d’Ajanta (grotte no XVII), près d’Aurangabad, Maharashtra.

    Représentation du miracle de Sravasti : pour faire taire les sceptiques qui ne croient pas en lui, le Bouddha se manifeste par miracle en une centaine de formes différentes,

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    e siècle après J.-C., fin de la période Gupta. Détail d’une fresque. Grottes d’Ajanta (grotte no II), près d’Aurangabad, Maharashtra.

    Il est important de souligner que l’objet dont il est question est la gravure indienne moderne sur ivoire. Le professeur Richard Westmacott, décrit l’art indien dans son Manuel de la sculpture, en un seul paragraphe et fonde apparemment son jugement sur des gravures et lithographies reproduites dans les deux ou trois livres qui étaient, à l’époque, uniquement disponibles :

    « Il n’existe pas d’arguments qui justifieraient de perdre beaucoup de temps avec la sculpture de l’Hindoustan. On n’a pas besoin d’aide pour comprendre l’histoire de l’art, et sa qualité inférieure enlève tout intérêt de l’étudier en tant qu’époque de l’histoire de l’art. On doit cependant admettre que les travaux existants possèdent suffisamment de caractère pour reconnaître leur origine et, même s’ils n’ont pas de qualités propres qui pourraient être utiles aux étudiants, ils représentent néanmoins un centre d’intérêt pour des savants et des archéologues. Les sculptures trouvées dans différentes régions de l’Inde – dans le sanctuaire d’Ellora, les grottes d’Elephanta et d’autres lieux – possèdent un caractère strictement symbolique et mythologique. Ce sont généralement des combinaisons de formes humaines et animales, repoussantes de laideur, qui méprisent outrageusement toute règle et probabilité d’exécution. »

    Gautama Bouddha assis sous un pipal dans la Dharmachakra Parvartana Mudra et la couronnée Maitreya assise sous l’arbre d’Asoka,

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    e siècle après J.-C., fin de la période Gupta. Détail d’une fresque au dessus de l’entrée. Grottes d’Ajanta (grotte no XVII), près d’Aurangabad, Maharashtra.

    Selon l’opinion du Dr Anderson, auteur du Catalogue de sculptures du Musée indien à Calcutta (le Kolkata actuel), les sculpteurs indiens « n’ont jamais dépassé… une médiocrité lamentable », même s’il considère les sculptures du temple Orissa comme « de très belles œuvres d’art ». En son temps, le directeur du Art Museum, Sir Caspar Purdon Clarke, prit une position avec un peu plus de retenue, en attribuant à l’Inde une bonne position parmi les arts du monde, mais seulement parce qu’il « correspond tout à fait à son pays et son peuple. »

    Ces opinions étaient courantes chez les spécialistes de la fin du xixe siècle en ce qui concernait un art qui était déjà estimé par des artistes, tels qu’Auguste Rodin (1840-1917), Edgar Degas (1834-1917), et Aristide Maillol (1861-1944) et l’influence était palpable dans leurs travaux.

    Une meilleure connaissance de l’art indien est principalement due au Dr Ananda Coomaraswamy, et Ernest Binfield Havell. Jusqu’à un certain point, leurs interprétations concordent, surtout de natures littéraires. Le Dr Coomaraswamy pense que « tout ce que l’Inde a à offrir au monde résulte de sa philosophie », l’état de « concentration mentale » (yoga) de l’artiste et la représentation de certains rites deviennent des sources de la « spiritualité » de l’art indien. La faiblesse de cette prise de position réside clairement dans l’absence d’une critique restreinte au domaine concerné ; la forme est regardée d’un point de vue purement littéraire et, de fait, se confond avec des impulsions religieuses, et autres. Il s’agit là d’une critique historiquement mal fondée, car l’état d’esprit mais aussi la philosophie résultent de l’Inde médiévale, comme le démontre l’examen des textes cités.

    L’art de plus en plus hiératique de l’Inde médiévale et moderne est assurément étroitement lié, particulièrement dans le Sud, à la tradition littéraire. Cependant, la tradition littéraire n’est pas la source de l’art, car l’iconographie présuppose des images. La technique du Sastra (ou Shastra, qui signifie écriture ou leçon), résulte en une standardisation de la production en dépit de laquelle le génie, auquel aucune limite n’est fixée, s’est imposé. La statue en bronze Nataraja (le roi de la danse) prêtée par Lord Ampthill à South Kensington, est un excellent exemple parmi des centaines de travaux sans intérêt. La structure de la formule littéraire reste trop souvent une structure purement théorique ; l’art est plein de vie, et c’est seulement ainsi que l’on atteint la beauté formelle.

    Un miracle se conçoit dans la durée et vaut dans le monde entier ; nous sommes émerveillés face à la main et à l’œil qui accomplissent ce miracle. Il est cependant évident que beaucoup de ces travaux, d’un point de vue esthétique, ne valent pas le métal dans lequel ils furent coulés. Leur fonction comme objets d’adoration est une tout autre affaire. Persister sur la nécessité de s’encombrer l’esprit avec d’énormes quantités d’attributs symboliques et psychologiques avant d’en apprécier la valeur revient à se masquer les yeux. Des recherches historiques et littéraires peuvent être d’une certaine utilité, mais ne remplacent pas un regard artistique.

    Une vision artistique diffère naturellement de celle de la vie quotidienne. Ceux qui s’y intéressent s’efforcent de comprendre le lien qu’il existe entre les couleurs, les formes et les objets, comme s’ils adhéraient à l’objet. Intensité et distance vis-à-vis du superflu et du superficiel sont donc nécessaires. Cette objectivité rigoureuse peut être affaiblie à tout moment par toute sorte de sentiments « presque naturels » et par des interrogations hors sujet ; mais dès lors, la critique fait place à la curiosité. Un autre aspect est devenu évident lors d’un récent débat sur l’art indien. Pour beaucoup de gens, d’un point de vue artistique, l’Inde et son peuple ne présentent que peu d’intérêt, mais le passé comme l’avenir de ce pays devraient éveiller notre intérêt et notre curiosité.

    Le faste de l’histoire indienne n’a rien à envier à celui d’autres pays. D’un point de vue artistique, l’histoire se scinde en deux principales époques. La première, qui se termine avec la conquête des musulmans, représente une œuvre épique en soi. Cette période donna naissance au développement d’un art magistral. En partant de la sculpture figurative, vive et très populaire, reposant sur des traditions vivantes de la première période, un meilleur savoir-faire et une plus grande imagination ont conduit à l’art classique de la dynastie des Gupta (d’environ 300 à 550 après J.-C.). À partir de ce moment-là, une tradition littéraire est née et peut raisonnablement être qualifiée de médiévale. L’art des grands temples-grottes fit, en effet, place à l’art des villes-temples de Bhuvaneswar dans l’État fédéral d’Orissa, et Khajuraho dans l’État fédéral de Madhya Pradesh, où la tradition littéraire prit la forme iconographique des sastras.

    Dans le Sud, une impressionnante architecture datant du xviie siècle a été retrouvée. D’excellents travaux d’art de moulage en bronze furent créés. Cependant, il se peut que quelques uns datent du xixe siècle. Il est important de différencier le déclin de l’artisanat et la médiocrité de certaines exécutions. L’art indien a néanmoins pris sa place parmi les arts du monde et fait dorénavant partie du patrimoine mondial. L’avenir de l’art en Inde est un autre problème dont auront à s’occuper les spécialistes.

    Des traditions ont disparu tout comme les symboles qui les représentaient, mais il est vain de les regretter ; d’autres traditions et symboles sont certainement en train de naître. En effet, Protée et Triton (divinités maritimes dans la mythologie grecque) sont oubliés, mais la mer demeure. Seul le rêve est perdu, ou plutôt les moyens de l’exprimer.

    Temple Lingaraj avec cent cinquante chapelles plus petites, 1000, dynastie des Keshari / dynastie des Somavamsi. Grès rouge. Bhubaneswar, Orissa.

    L’histoire des religions de l’Inde doit se comprendre sur fond de conflits originels et de superstitions. Les quatre Védas (textes sacrés de l’hindouisme) ne peuvent être considérés, en dépit de leur ancienneté, comme source unique de la pensée religieuse en Inde, mais seulement comme des représentations critiques et très ciblées de cet arrière-plan implicite et nécessairement imparfait. La relation entre l’hindouisme et le primitif, née des peurs indéterminées et du désir des masses, entre la philosophie formelle des écoles, la vénération et l’expiation, est présente à travers toute l’histoire religieuse et politique de l’Inde.

    Les anciens écrivains bouddhistes ne connurent pas l’Atharvaveda (qui est une des collections de textes sacrés de l’hindouisme), mais sa pratique et son dogme ne peuvent être distingués des polythéismes plus poétiques et plus altruistes des collections de textes moins répandus, mais plus orthodoxes (mais pas plus anciens). Les forces et révélations des Purânas (textes de caractère épique écrits entre le ive et le xive siècle, véritables livres sacrés de l’hindouisme) et des épopées ne sont pas forcément modernes parce qu’ils n’apparaissent pas dans les Védas, mais sont, en un sens, plus anciennes puisque nées en Inde, sur leur terre natale. La thaumaturgie et la théosophie védique ne furent à aucun moment les croyances de l’Inde. En effet, les innombrables déesses-mères et les protecteurs des villages du Sud sont plus proches de la véritable religion indienne, qui est quant à elle, toujours comparée superficiellement à l’hindouisme, mais qui est fondamentalement indépendante et inchangée.

    Parmi les divinités plus insignifiantes, on trouve les génies de la terre et des montagnes, qui occupent une place au bord du panthéon des dieux ; les quatre divinités protectrices, avec Kuvera à leur tête ; les Gandharvas, musiciens célestes ; les Nâgas, créatures reptiliennes, dont l’empire se situe au-delà des eaux torrentielles mais qui sont parfois comparées aux esprits des arbres. Ils ont pour ennemis jurés des créatures mi hommes, mi oiseaux appelés Garudas.

    Ces divinités inférieures peuvent être considérées comme les dernières reliques d’une kyrielle de divinités oubliées, autrefois influentes, qui durent être apaisées les unes après les autres. Ces êtres étranges d’un autre monde n’appartiennent ni complètement au bouddhisme ni à l’hindouisme. Le roi du ciel Kuvera et la déesse de la chance Sirima Devata apparaissent sur le bas-relief du stupa Bharhut à Bodhgaya. Sirima Devata obtint la reconnaissance des auteurs du Satapatha Brahmana (texte sacré de l’hindouisme avec descriptions des rites védiques) qui furent forcés d’inventer une légende pour justifier son existence.

    Temple Vishvanath, groupe de monuments Khajuraho avec ses sculptures érotiques, 1020, dynastie des Chandella. Grès. Khajuraho, Madhya Pradesh.

    Dans la Taittirya Upanishad (l’une des Upanishads les plus âgées et originales des textes philosophiques de l’hindouisme), elle est encore une fois correctement mentionnée en compagnie de la lune, de la terre et du soleil. À Sanchi, village dans l’État fédéral indien Madhya Pradesh, elle est représentée exactement comme à Jaipur (capitale de l’État fédéral Rajasthan), sur du marbre peint et doré, assise sur un lotus et purifiée par deux éléphants.

    La Maha Samaya Sutta décrit une entrevue de toutes les grandes divinités qui rendent hommage à Bouddha dans la grande forêt de Kapilavatthu. Dhatarattha, roi de l’Est, Virulhaka, roi du Sud, Virupakkha, roi de l’Ouest et Khuvera, roi du Nord, s’y rendent avec leur armée yaksha (divinités inférieures et esprits de la nature) et leurs vassaux. Les Nâgas viennent de Nabhasa, Vesali, Tacchaka et Yamuna, parmi lesquels se trouve Eravana. Leurs ennemis, les Garudas, sont aussi présents tout comme les habitants des océans, les Asuras. S’y trouvent également, le feu, la terre, l’air, l’eau ainsi que les divinités védiques et Mara, l’esprit tentateur qui fut vaincu par Bouddha.

    On trouve une liste plus vaste avec la même description, probablement antérieure, dans l’Atanatiya Sutta. Les deux listes sont visiblement le résultat d’une tentative sacerdotale de soumettre ces cent un divinités et esprits sous l’influence de l’enseignement de Bouddha, en les représentant ainsi assemblés aux pieds de Bouddha. Le groupe des yakshas, des yakshis et des devatas gravé dans les colonnes de pierre du stupa de Bharhut, remplissent la même fonction, mais ils sont, sans aucun doute, de nature terrestre et possèdent quelque chose de la beauté délicate des esprits de la forêt. Ils paraissent bienveillants ; toutefois, leur aspect fut choisi à des fins bouddhistes. Comme toutes les forces archaïques, elles sont exigeantes et lorsqu’elles sont méprisées ou provoquées, leur colère est cruelle et inexorable. Parés de joyaux terrestres, ils montrent, en effet, quels trésors ils possèdent, mais se confondent avec les arbres sous lesquels ils se trouvent et s’identifient aux fleurs de la forêt qu’ils tiennent.

    Le culte des arbres et de leurs esprits a une longue histoire. Dans la sculpture antique (du iie siècle au ier siècle avant notre ère), les bouddhas ne sont représentés que par des petits symboles, auxquels appartiennent aussi les arbres. En effet, Gautama atteignit l’illumination pendant qu’il était assis sous l’arbre Asvattha ou Pipal. Dans l’Atharvaveda, il est dit que les divinités du troisième ciel sont assises sous l’arbre Asvattha et cela pourrait aussi être « l’arbre des feuilles justes » de la Rig-Veda sous lequel Yama et les bénis passèrent du temps.

    Dans les Upanishads, les esprits des arbres adoptèrent une forme physique. Comme toutes choses, ils sont objets de la palingénésie. Lorsque l’esprit disparaît, l’arbre se fane et meurt, mais l’esprit reste immortel. Dans les jatakas, ces trois dieux jouent un grand rôle et sont vénérés avec des fleurs, de la nourriture et du parfum. Ils habitent toute sorte d’arbres, mais le banian est l’arbre le plus fréquemment choisi. L’arbre à laine d’un rouge écarlate et fleurissant, l’arbre-salat, de même que l’arbre Bodhi, sont, aujourd’hui encore, considérés comme des saints. La déesse Sal est révérée par les Oraons de Chotanagpur comme faiseuse de pluie, et dans le Mirzapur du Sud, les Korwas installent le sanctuaire de Dharti Mata sous ses branches. Dans les jatakas sont évoqués plus d’une fois des sacrifices d’animaux et humains en liaison avec les arbres mentionnés. Dans des cas d’expiations extrêmes, il se peut qu’un coq ou une chèvre soit sacrifié en plus des offrandes de fleurs et des sucreries habituelles.

    Les caractéristiques et fonctions de ces divinités correspondent fortement à celles des déesses mères de l’Inde du Sud. Se trouvent parmi elles Mariamma, la déesse de la variole, Kaliamma, la déesse des animaux sauvages et des démons de la forêt, Huliamma, la déesse des tigres, Ghantalamma, la porteuse des cloches, sans oublier Mamillamma qui est assise à côté d’un manguier.

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