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Les Arts decoratifs
Les Arts decoratifs
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Livre électronique522 pages3 heures

Les Arts decoratifs

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À propos de ce livre électronique

Du Moyen Âge à l'Époque contemporaine, l'art décoratif peut être défini par les matériaux, le design et les objets artistiques utilisés à la fois en architecture urbaine et en architecture d'intérieur. Comme beaucoup d'autres formes d'art, l'art décoratif continue à se développer, ajoutant à l'utilité de simples pièces comme des chaises une dimension esthétique pour s'orienter vers des objets purement ornementaux.
Les Art décoratifs, en valorisant tous les supports d'expression de l'art décoratif à travers les siècles, aspire à faire l'éloge de ces édifices et objets souvent sous-estimés. À l'origine non considérés comme des arts appliqués, leur potentiel artistique ne fut reconnu qu'au XXe siècle lorsque la production industrielle remplaça la création artisanale.
L'ancienneté, l'authenticité et surtout la singularité de ces précieux travaux sont aujourd'hui les nouveaux standards de qualité et de beauté de l'art décoratif.
Rejoignez-nous pour la découverte de l'évolution de l'art décoratif à travers cet aperçu des principaux chefs d'oeuvre à travers le temps.
LangueFrançais
Date de sortie15 sept. 2015
ISBN9781783108848
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    Aperçu du livre

    Les Arts decoratifs - Albert Jaquemart

    Notes

    Diptyque, VIIIe siècle.

    Ivoire d’éléphant, 34,3 x 10,7 cm.

    Provient du trésor de la cathédrale

    de Beauvais. Musée de Cluny, Paris.

    Introduction

    Pour parler du mobilier, il faut commencer par définir la valeur du mot selon les diverses époques auxquelles il s’applique. Dans son sens propre et général, mobilier veut dire tout ce qui est mobile, transportable, facile à mettre à l’abri.

    En effet, dans les premiers temps de notre histoire l’homme était en quelque sorte nomade. Si les besoins mêmes de la défense faisaient ériger des châteaux, forteresses propres à arrêter une incursion ennemie, à protéger les modestes habitations qui venaient se grouper autour, seigneurs et vassaux, riches et pauvres, prévoyant l’invasion victorieuse ou la nécessité d’aller combattre au loin pour la cause du pays, se tenaient prêts à renfermer dans des coffres réunis d’avance les objets composant leur avoir : ces coffres sont donc le premier, le plus ancien mobilier.

    À mesure que la sécurité s’accrut, que les sociétés plus condensées trouvèrent un appui dans leur organisation légale, le bien-être se développa et avec lui le luxe, ce besoin inné des races intelligentes, dont les yeux veulent être satisfaits en proportion des lumières de l’esprit. Ce n’est donc à proprement parler qu’après les luttes du Moyen Âge qu’il a pu exister un mobilier tel que nous l’entendons aujourd’hui, c’est-à-dire un ensemble d’objets placés dans les divisions principales de l’habitation pour satisfaire à des besoins différents et s’offrir sous un aspect agréable, élégant, grandiose même.

    Il est donc bien difficile de composer un mobilier vraiment historique, même en cherchant ses éléments dans les époques proches de nous. Les mœurs et les besoins ont changé ; les pièces anciennes ont été détruites en grand nombre et lorsqu’on les trouve, elles n’offrent qu’une appropriation incomplète au confortable, invention moderne, mais qui s’impose absolument dans toute habitation luxueuse.

    Quelques personnes ont songé, il est vrai, à transformer les meubles anciens pour les adapter aux exigences modernes. C’est là une barbarie contre laquelle protesteront tous les hommes de sens. Respectons les épaves des temps passés et gardons-nous d’y porter une main sacrilège. C’est à ce prix que des reliques précieuses peuvent conserver leur prestige et rehausser les galeries des heureux qui les possèdent.

    Nous n’admettons pas non plus le compromis adopté par quelques-uns qui consiste à compléter, par des imitations modernes, un ensemble caractérisant une époque. Peu de personnes s’y laisseraient tromper, et une pièce fausse glissée dans une collection quelconque jette le trouble dans l’esprit du visiteur et le fait douter de l’authenticité de tout le reste.

    Jetons maintenant un rapide coup d’œil sur les époques auxquelles le curieux peut demander avec chance de succès les parties diverses d’un mobilier de choix.

    Au XIVe siècle, Charles V et Jeanne de Bourbon avaient réuni au Louvre et dans leurs châteaux des merveilles sans nombre dont un inventaire détaillé nous a conservé la description. Il fallait nécessairement que les appartements destinés à contenir ces trésors leur offrent un cadre convenable et en effet, tous les écrits contemporains constatent l’admiration qui saisissait les visiteurs et que partagèrent l’empereur Charles IV et son fils Wenceslas, roi des Romains, lorsqu’ils vinrent à Paris en 1378. Ces princes eurent même un grand plaisir, disent les écrivains, à recevoir de la part du roi de magnifiques joyaux tels qu’on les savait faire à Paris.

    Le XVe siècle n’aurait certes rien à ajouter à ce luxe. Tout au plus pourrait-on lui demander des objets de nature à meubler un oratoire ou un cabinet de travail, c’est-à-dire des chaires, des bancs, des pupitres et prie-dieux, des armoires pouvant contenir des livres, etc.

    Au XVIe siècle, les meubles applicables à nos usages sont déjà plus nombreux. Les nécessités du transport subsistent encore et tout doit pouvoir se démonter : les lits ont leurs colonnes et autres parties articulées, les tables sont à tréteaux ou brisées pour se rabattre sur leur axe, les cabinets sont nombreux et variés de matières et de dimensions de telle sorte que, remplis d’objets précieux, ils puissent trouver place dans les coffres ou bahuts, les chaises à tenailles ou brisées, en un mot le mobilier de camp est prêt à être emballé avec les coussins de garnitures, les tapis et tentures mobiles qu’on accrochait là où se trouvait la résidence du moment.

    Vue aérienne du château d’Écouen.

    Salle des sculptures de Notre Dame de Paris.

    Musée de Cluny, Paris.

    À la fin du siècle, les meubles se multiplient encore et déjà les plus encombrants cessent de voyager. Au moment où l’on quitte le château qui les renferme, on les relègue dans le galetas ou garde-meuble où ils resteront jusqu’au retour. À ce moment le goût des curiosités se répand. Les navigations lointaines procurent les meubles d’Yndie, les coffrets peints à la façon de Turquie, les tapis orientaux et ces porcelaines de Chine qu’on se procurait si facilement au Caire. Il est facile, au reste, de se rendre compte aujourd’hui des richesses que pouvait renfermer un palais en 1589 ; l’Inventaire des meubles de Catherine de Médicis, publié par M. Edmond Bonnaffé, est à cet égard très instructif.

    Pour revenir à des choses moins exceptionnelles, renvoyons au musée national du Moyen Âge de Cluny où la garniture provenant du château de Villepreux et ayant appartenu à Pierre de Gondy, évêque de Paris, montre le luxe du XVIe siècle sous un aspect plus modeste et permet de composer un lit mieux approprié aux besoins contemporains. Nous ferons ressortir encore cette particularité importante : que l’inventaire de Catherine de Médicis montre réunis en grand nombre les cabinets en ébène marqueté d’ivoire et ceux façon d’Allemagne, c’est-à-dire marquetés de bois divers mais qu’il passe sous silence les meubles sculptés, qui devaient être encore en usage comme le pourraient prouver ceux aux chiffres d’Henri II et au double croissant qu’on rencontre dans les musées et chez les curieux. On est encore dans le XVIe siècle pur tant que n’apparaissent pas les pièces un peu alourdies de l’époque d’Henri IV qui mènent directement au style Louis XIII. Le mobilier de cette époque de transition, triste parfois à cause de l’abus du bois d’ébène, a déjà certaine pompe annonçant le siècle de Louis XIV. Et quand nous parlons de mobilier, nous n’entendons pas sortir des pièces d’apparat plutôt luxueuses qu’utiles. C’est encore là le caractère de l’époque du grand roi. On ne saurait chercher un tableau plus complet et prouvant mieux l’absence du mobilier d’usage. Pour trouver celui-ci intime et coquet il nous faut arriver au règne de Louis XV, ce roi qui désertait les grands appartements pour se réfugier dans les réduits à portes dérobées et à escaliers secrets. Mais alors, si l’emphase a disparu le caprice exagéré prend sa place, tout se contourne. Le tarabiscoté, le chantourné, les chicorées exubérantes, apparaissent dans toutes choses ; le simple est inconnu. C’est l’époque difficile entre toutes pour l’homme de goût, car le laid y côtoie ce qui n’est que fantaisie ou élégance outrées et, par un choix judicieux, on peut en écartant les exagérations, œuvre évidente des artistes de peu de valeur qui ne saisissent les idées que par leur côté excessif, trouver les éléments d’un mobilier charmant de chambre à coucher ou de boudoir. Là commence l’ère remarquable des ciseleurs et les bronzes appliqués sur l’ébénisterie, comme ceux des flambeaux, des girandoles et des lustres, sont souvent d’un admirable travail et d’une conception pleine d’esprit.

    De l’époque Louis XVI nous dirons peu de chose. Le goût y porte tout le monde et elle est mieux connue. Son caractère de simplicité coquette est une spirituelle protestation contre les rocailles et le dévergondage des meubles précédents. La rareté, le haut prix, la crainte des contrefaçons, voilà les seuls écueils que puisse rencontrer le curieux.

    On voit par ce rapide aperçu combien la formation d’un mobilier historique offre de difficultés, combien il y faut apporter de soin et de tact afin d’éviter les anachronismes. Dès les temps anciens, l’amour de ce qui est curieux et rare avait introduit dans les intérieurs cette variété heureuse qui caractérise si parfaitement le goût du collectionneur. Les Romains voulaient s’entourer des objets précieux que la conquête ou le commerce lointain pouvaient leur procurer. Le Moyen Âge eut les mêmes tendances et la recherche de l’exotique ne fit que croître avec le temps. Chez nous, les croisades furent une première révélation ; les guerres d’Italie achevèrent l’œuvre et suscitèrent notre renaissance.

    Alessandro Vittoria,

    Jupiter tenant le foudre, vers 1580.

    Bronze, 72 cm. Château d’Écouen,

    musée national de la Renaissance.

    Quelques ouvrages orientaux, les riches tapis, les antiques, ont donc le droit de figurer dans les mobiliers anciens pour en augmenter le charme ; c’est ce qui ressort des descriptions qui précèdent. Au XVIIe siècle, l’Inde et la Chine peuvent mélanger leurs produits à ceux de notre industrie nationale. Sous Louis XV la porcelaine s’impose partout ; c’est le moment de l’épanouissement de notre manufacture nationale et de la découverte en Saxe de la pâte dure semblable à celle des Chinois. Non seulement la table, mais les cheminées, les meubles, les consoles se couvrent des groupes, des vases, des girandoles de nouvelle invention, ce qui ne veut pas dire que les ouvrages orientaux doivent être proscrits. Ceux-ci perdent un peu de leur vogue sous Louis XVI et la porcelaine de France tend à prendre leur place. Avec ses peintures délicates, ses couleurs douces et variées, la porcelaine de Sèvres s’harmonie merveilleusement avec les placages de bois de rose et les ciselures rivales du bijou, avec les bronzes dorés au mat et les orfèvreries fines prétendant au style antique. L’art, disons plus, la science consiste donc à savoir choisir ces éléments divers et à les combiner de telle sorte que le goût soit satisfait sans préjudice pour la vérité historique : alors l’impression est complète et le visiteur croit revivre à une autre époque.

    En arriver là est difficile sans doute. Il a fallu non seulement de grands sacrifices mais des circonstances heureuses, pour permettre à quelques curieux de compléter un salon, une chambre à coucher, un boudoir, avec des choses non seulement anciennes, mais d’époque bien précise. Aussi chacun peut se souvenir du salon Louis XIV de M. Léopold Double et du boudoir charmant de la Duthé où le plafond, les boiseries peintes sont accompagnés de tous les accessoires d’origine recueillis patiemment, poursuivis au feu des enchères publiques ou arrachés au marteau des démolitions. On a pu aussi admirer les appartements somptueux de la famille de Rothschild, où l’on s’attendait à chaque instant à voir apparaître les sympathiques figures de Marie-Antoinette et de Mme de Lamballe, dont le souvenir est partout évoqué.

    Ces difficultés ne doivent pas décourager ceux qui désirent emprunter au passé les objets dont ils s’entourent. Si l’histoire leur échappe par la rigueur de ses exigences, ils peuvent adopter un compromis qu’admet le goût en se composant un mobilier franchement éclectique.

    Expliquons-nous ici : parmi les curieux de nos époques, il en est quelques-uns qui, comme leurs ancêtres de la Renaissance et des siècles suivants, se déclarent franchement collectionneurs et possèdent un cabinet. Dans ces temps on le sait, le cabinet, dépendance et parure de la demeure, renfermait avec les bijoux et objets de parure, les pièces d’orfèvrerie, les bronzes, les armes, les marbres, les médailles, les cristaux et pierres dures, les tableaux, c’est-à-dire tout ce qui peut constituer la curiosité. Beaucoup parmi ceux qui recueillaient les reliques du passé se refusaient par modestie à avouer qu’ils possédaient un cabinet. Étaient-ils moins riches en raretés que les curieux anciens ? Nullement ; ce qu’ils acquéraient ne se groupait pas dans une seule galerie.

    Le cabinet, cela s’épand de toutes parts, cela les entoure où qu’ils soient, et leurs jouissances en sont augmentées puisque à chaque instant ils ont sous la main l’un de ces mille objets qu’ils aiment. Or, voilà précisément ce qui constitue le mobilier éclectique. Pourrait-on en conclure qu’il s’agit de posséder des choses de valeur et de les rapprocher au hasard pour être dans la loi de l’éclectisme ? Un riche intérieur ne doit pas ressembler, en effet, au magasin d’un marchand bien pourvu et partout le disparate est choquant. Les choses spécialement datées par le style ont des harmonies indiquées. Les crédences[1] du Moyen Âge, les bahuts aux fines ogives, jureraient au voisinage des commodes et bureaux tourmentés de forme, éclatants par leurs cuivres tordus et envahissants. Les robustes faïences françaises deviendraient grossières au contact d’un meuble Louis XVI et la porcelaine de Sèvres s’affadirait sur une armoire de Boulle et rapprochée des cristaux de roche du XVIIe siècle.

    La règle, nous dira-t-on, où la trouver ? Nous le répétons, dans le goût. Proclamons à la louange de nos artistes que c’est surtout d’eux qu’on peut prendre conseil pour le savant assemblage de ces choses diverses. Le choix dans les formes, la note juste dans le rapprochement des couleurs, la suprême élégance des ensembles, montrent l’expérience acquise dans leurs études de chaque jour, dans leurs connaissances historiques en mettant en relief, chez ceux qui d’instinct sont coloristes, toute la puissance de ce génie particulier.

    Mettre en valeur une tapisserie d’Arras ou de Flandre, faire ressortir convenablement un cabinet de laque, un piqué de l’Inde ou un ébène incrusté d’ivoire, trouver la place des armes, des porcelaines, des bronzes, montrer une terre cuite de Clodion, un ivoire de Duquesnoy, une orfèvrerie de Baslin, suspendre à sa vraie place une broderie persane, une soie de l’Inde, un rouleau japonais, ne saurait être l’œuvre du premier venu. L’anachronisme peut être aussi choquant entre deux pièces mal assorties qu’entre les membres épars d’un mobilier complet. Les plus belles armures prendront un air de ferraille suivant le fond qui leur servira de repoussoir. Choisir, trouver les transitions, voilà le vrai secret.

    Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener,

    Secrétaire à cylindre du cabinet intérieur

    de Louis XV à Versailles, 1760-1769.

    Bronze et placage de bois d’essences différentes,

    porcelaine de Sèvres, 147,3 x 192,5 x 105 cm.

    Châteaux de Versailles et de Trianon.

    Jean-François Dubut, Petit Secrétaire

    Louis XV (d’une paire) de forme violonée,

    vue rapprochée des sabots en bronze doré.

    Archives Galerie Didier Aaron, Paris.

    Le Mobilier

    ll y a deux parts à faire dans le mobilier du Moyen Âge. Les monuments les plus importants sont évidemment ceux d’usage religieux ; n’est-ce point en effet dans la maison de Dieu que devait se manifester le plus grand luxe ? Les ateliers établis dans les monastères ne devaient-ils pas réserver tous leurs soins pour cette partie de leur travail ? L’histoire le prouve et c’est parmi les stalles de chœur, les garnitures de sacristies qu’il faut chercher les chefs-d’œuvre de l’art.

    Nous nous arrêterons peu, pourtant, sur cette partie du mobilier qui s’éloigne un peu de la spécialité de cette étude. Il nous suffira de signaler les types qui dans nos musées en offrent la caractéristique. Nous citerons en première ligne le grand dressoir de sacristie conservé à Cluny et qui provient de l’église de Saint-Pol-de-Léon. Sa construction à triple étage, la délicatesse de son couronnement découpé comme une dentelle, ses panneaux où saillent les armes de France, de Bretagne et celles d’un donateur peut-être, ses belles ferrures armoriées comme le bois, en font un des plus intéressants spécimens de l’ébénisterie du XVe siècle. Une pièce non moins importante et du même temps est la boiserie sculptée formant grille de clôture qui garnissait une des chapelles de l’église d’Augerolles (Puy-de-Dôme). Mentionnons encore un grand banc de réfectoire aux armes de France et provenant probablement d’une abbaye royale et arrêtons-nous au seuil de la Renaissance, où le mobilier religieux se rapproche par le style du mobilier civil.

    Pour trouver les restes de celui-ci, il faut nécessairement chercher dans les habitations seigneuriales. Les premiers artisans chargés de la confection des récipients divers, et plus ou moins grands, qui devaient servir à renfermer et transporter l’avoir de chacun, étaient tout simplement des charpentiers. Il n’est même pas sans intérêt de passer en revue les différents termes qui ont servi à qualifier ce genre primitif de meubles. Le bahut dans l’origine était une enveloppe de cuir ou d’osier couvert de toile servant à renfermer et garantir une large boîte dans laquelle se casaient des boîtes plus petites. Avec le temps le nom passa de l’enveloppe à la boîte même et servit à désigner jusqu’à des armoires et des écrins. Le coffre est plus variable encore, il se confond souvent avec le bahut et devient synonyme de malle, écrin, bouge, etc. Très grand, il servait de refuge aux autres pour le voyage et dans l’intérieur, faisait l’office de nos armoires. Il servait en même temps de siège et même de table. Quant aux coffres plus petits, ils variaient autant par la forme que par la matière. Ceux d’or, d’argent, de bois précieux, de cuivre ciselé et émaillé, eurent une grande part dans la vie élégante et le luxe du Moyen Âge. L’habitude de serrer dans des coffres, non seulement les bijoux précieux mais le numéraire, fit adopter le nom pour exprimer l’ensemble des finances du roi ou de celles de l’État.

    La huche est encore un coffre ou bahut appelé parfois arche, huceau, hucheau, huchel et buffet. Le hucheau était moins grand que la huche et rien ne permet de reconnaître si les autres variétés du nom indiquaient une différence de forme ou d’usage.

    Venons-en à nos ouvriers primitifs, les charpentiers. Pour eux l’art devait être relégué au second rang. La solidité, on le conçoit, était la première qualité pour ces coffres destinés à voyager souvent sur le dos de sommiers puissants, appelés chevaux bahutiers, à parcourir les escaliers tortueux, les passages étroits des tours féodales et à supporter le poids de ceux qui en faisaient leur siège. Aussi l’une des plus anciennes ornementations consista-t-elle dans l’application de ferrures compliquées qui ajoutaient leur résistance à celle des bois savamment ajustés. Le musée parisien de l’hôtel Carnavalet possède un de ces coffres bardés dans le même système et peut-être par la même main que la célèbre porte de Notre-Dame, l’un des chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle. Pourtant, dès la fin du XIe siècle on avait compris la nécessité d’embellir par quelques reliefs des objets constamment placés en vue et qui devaient chercher à se rapprocher du luxe des tentures et des vêtements. On alla même plus loin, les grandes surfaces furent couvertes de fonds d’or et rehaussées de peintures. Au siècle suivant, on se préoccupa de la recherche des formes. On fit entrer les bois façonnés au tour dans la construction du meuble, puis au XIIIe siècle on ornementa les fonds de sculptures d’un léger relief.

    Pendant ces deux siècles d’ailleurs, le mobilier resta très borné. Comme nous venons de le dire, les huches et bahuts en faisaient la base puisqu’on leur confiait les habits, le linge, les objets précieux et l’argent. Le lit venait ensuite, puis la chaire ou chaise du maître du logis, des bancs à dossiers, quelques escabeaux, le buffet qui était mobile et autour duquel on pouvait circuler pour faire le service, et le dressoir en forme d’étagère qu’on garnissait de nappes et sur lequel on rangeait la vaisselle de prix. Les lits étaient entourés d’étoffes suspendues par un système de cordages, et les gros meubles garnis de coussins mobiles et de tapis sarrasinois.

    Buffet deux-corps, fin du XVIe siècle. Noyer blond.

    Table octogonale, vers 1480-1500.

    Chêne, 75 x 90,5 x 79 cm.

    Musée de Cluny, Paris.

    Le XIIIe siècle, en amenant le perfectionnement des outils, provoqua d’ailleurs une séparation parmi les ouvriers livrés à la fabrication du

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