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La Tragédie du Korosko
La Tragédie du Korosko
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Livre électronique167 pages2 heures

La Tragédie du Korosko

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À propos de ce livre électronique

Un groupe cosmopolite de touristes, parti du Caire a bord du Korosko pour une croisiere sur le Nil, est enlevé par une troupe de derviches musulmans fanatiques qui tentent de les emmener a Karthoum pour y etre vendus comme esclaves. Suivent maintes péripéties, «pimentées» de considérations politiques tenues par des anglais, des français et des américains sur la présence militaire anglaise en Égypte et en Afrique en cette fin du XIXe siecle.

LangueFrançais
ÉditeurBooklassic
Date de sortie29 juin 2015
ISBN9789635255504
La Tragédie du Korosko
Auteur

Sir Arthur Conan Doyle

Sir Arthur Conan Doyle was born in Edinburgh, Scotland, in 1859. Before starting his writing career, Doyle attended medical school, where he met the professor who would later inspire his most famous creation, Sherlock Holmes. A Study in Scarlet was Doyle's first novel; he would go on to write more than sixty stories featuring Sherlock Holmes. He died in England in 1930.

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    Aperçu du livre

    La Tragédie du Korosko - Sir Arthur Conan Doyle

    978-963-525-550-4

    Chapitre 1

    Le public se demandera peut-être pourquoi les journaux n’ont jamais raconté l’histoire des passagers du Korosko. À une époque comme la nôtre, où les agences de presse scrutent tout l’univers à la recherche du sensationnel, il paraît incroyable que le secret ait protégé si longtemps un incident international d’une telle importance. Bornons-nous à dire que cette discrétion reposait sur des motifs fort valables, à la fois politiques et d’ordre privé. D’ailleurs, un certain nombre de personnes étaient au courant des faits ; une version de ceux-ci parut même dans un journal de province, qui s’attira aussitôt un démenti. Les voici maintenant transcrits sous la forme d’un récit. Leur exactitude est garantie par les dépositions faites sous la foi du serment par le colonel Cochrane Cochrane, du club de l’Armée et de la Marine, par les lettres de Mademoiselle Adams, de Boston, Mass., ainsi que par le témoignage recueilli au cours de l’enquête secrète menée au Caire par le Gouvernement auprès du capitaine Archer, des méharistes égyptiens. Monsieur James Stephens a refusé de nous communiquer par écrit sa version de l’affaire ; mais comme les épreuves de ce livre lui ont été soumises, comme il n’y a apporté ni corrections ni suppressions, nous sommes en droit de supposer qu’il n’a relevé aucune inexactitude matérielle, et que ses objections à notre publication se fondaient surtout sur des scrupules personnels.

    Le Korosko avait une carène en carapace de tortue, l’étrave renflée, la poupe arrondie, un tirant de quatre-vingt centimètres et le profil d’un fer à repasser. Le 13 février 1895 il appareilla de Shellal, près de la première cataracte, à destination de Ouadi-Halfa. Je possède la liste des passagers de cette croisière ; la voici :

    Colonel Cochrane Cochrane … … … … … … … … ..  Londres.

    M. Cecil Brown … … … … … … … … … … … … … … … …  Londres.

    John H. Headingly … … … … … … … … … … … … … …  Boston, U.S.A.

    Mlle Adams … … … … … … … … … … … … … … … … … … ..  Boston, U.S.A.

    Miss S. Adams … … … … … … … … … … … … … … … … ..  Worcester, Mass. U.S.A.

    M. Fardet … … … … … … … … … … … … … … … … … … … .  Paris.

    M. et Mme Belmont … … … … … … … … … … … … … …  Dublin.

    James Stephens … … … … … … … … … … … … … … … ..  Manchester.

    Rev. John Stuart … … … … … … … … … … … … … … … .  Birmingham.

    Mme Shlesinger, la nurse

    et un enfant        Florence.

    Voilà quels étaient les touristes qui partirent de Shellal, avec l’intention de remonter les trois cent trente kilomètres du Nil nubien qui séparent la première cataracte de la deuxième.

    Pays étrange, cette Nubie ! Sa largeur varie entre quelques kilomètres et quelques mètres, car son nom ne s’applique qu’à la bande étroite de terres cultivables. Verte, mince et bordée de palmiers, elle s’étend de chaque côté du large fleuve couleur de café. Au-delà, sur la rive libyenne, commence le désert sauvage qui se prolonge sur toute la largeur de l’Afrique. Sur l’autre rive, un paysage pareillement désolé s’étale jusqu’à la mer Rouge lointaine. Entre ces deux immensités arides, la Nubie s’étire le long du fleuve comme un ver de terre tout vert. Par endroits elle s’interrompt : le Nil coule alors entre des monts noirs et craquelés par le soleil ; des sables mouvants orange décorent leurs vallées. Partout on décèle des vestiges de races disparues et de civilisations submergées. Des tombeaux bizarres s’inscrivent sur le flanc des collines ou se découpent contre l’horizon : pyramides, tumuli, rocs servant de pierres tombales ; mais partout, des tombeaux. De-ci de-là, quand le bateau contourne une pointe rocheuse, on aperçoit sur la hauteur une ville abandonnée, des maisons, des murailles, des remparts ; le soleil passe à travers les fenêtres ou les créneaux carrés. On apprend que la ville a été édifiée par des Romains, ou par des Égyptiens ; à moins que son nom et son origine n’aient été irrémédiablement perdus. On reste stupéfait ; on se demande pourquoi une race humaine, quelle qu’elle ait été, a bâti dans une solitude aussi rude. On admet difficilement la théorie selon laquelle ces constructions n’ont eu d’autre but que de défendre l’accès de la plaine fertile contre les pillards et les sauvages du Sud. Mais en tout cas elles se dressent encore, ces cités silencieuses et rébarbatives ; et au sommet des monts, on peut voir les tombeaux où sont ensevelis leurs habitants ; de loin elles ressemblent aux sabords d’un cuirassé. Telle est la région mystérieuse et morte que traversent en fumant, bavardant, flirtant, les touristes qui remontent vers la frontière égyptienne.

    Les passagers du Korosko s’entendaient bien entre eux ; ils avaient déjà fait presque tous ensemble le trajet du Caire à Assouan ; le Nil est capable de faire fondre toutes les glaces, y compris la plus résistante : l’anglo-saxonne. Ils avaient une chance inouïe : leur groupe était exempt de LA personne déplaisante qui, à bord d’un petit navire, suffit à gâcher l’agrément de tous. Sur un bateau à peine plus important qu’une grande vedette, un raseur, un cynique, un grognon tiennent à leur merci tous les passagers. Heureusement le Korosko n’avait rien embarqué qui ressemblait à un gêneur. Le colonel Cochrane Cochrane était l’un de ces officiers que le gouvernement britannique, conformément au règlement, déclare incapables de service actif à un certain âge, et qui démontrent la valeur du règlement en consacrant le reste de leur existence à explorer le Maroc ou à chasser le lion dans la Somalie. Brun, se tenant très droit, le colonel manifestait volontiers de la courtoisie déférente, mais son regard avait la froideur d’une commission d’enquête ; très soigné dans sa tenue vestimentaire, précis dans ses habitudes, il était gentleman jusqu’au bout des ongles. Pratiquant l’aversion des Anglo-Saxons pour les épanchements, il se cantonnait dans une réserve qui pouvait passer à première vue pour de l’antipathie ; mais il avait parfois du mal à dissimuler le bon cœur et les sentiments humains qui influençaient ses actes. À ses compagnons, de voyage il inspirait plus de respect que d’affection : tous avaient en effet l’impression qu’il n’était pas homme à laisser s’épanouir en amitié une relation de croisière ; pourtant, une fois accordée, cette amitié devenait partie intégrante de lui-même. Sa moustache était grisonnante, très militaire ; mais il avait gardé des cheveux extraordinairement noirs pour son âge. Dans la conversation il ne faisait jamais allusion aux nombreuses campagnes où il s’était distingué ; il expliquait cette discrétion en disant qu’elles remontaient au début de l’ère victorienne, et qu’il sacrifiait sa gloire militaire sur l’autel de sa jeunesse immortelle.

    Monsieur Cecil Brown (je prends les noms dans l’ordre de la liste) était un jeune diplomate qui appartenait à une ambassade sur le continent ; n’ayant pas tout à fait rompu avec le style d’Oxford, il péchait un peu par excès de subtilité, mais sa conversation était fort intéressante et témoignait d’une culture certaine. Il avait un beau visage triste, une petite moustache qu’il cirait soigneusement aux extrémités, une voix grave, et une négligence d’attitude que compensait une charmante façon de sourire lorsqu’il se laissait aller à sa fantaisie. Il s’efforçait de contrôler par un scepticisme railleur ses enthousiasmes juvéniles bien naturels ; dans ce cas il tournait le dos à l’évidence pour exprimer des idées qui choquaient le premier venu. Pour le voyage il avait emporté des livres de Walter Pater, et il restait assis toute la journée sous la tente avec un roman et son carnet de croquis à côté de lui sur un tabouret. Sa dignité personnelle lui interdisait de faire des avances aux autres, mais si ses compagnons décidaient de venir lui parler, il se révélait aussi courtois qu’aimable.

    Les Américains avaient constitué un groupe à part. Originaire de la Nouvelle-Angleterre et diplômé de Harvard, John H. Headingly complétait son éducation par le tour du monde. Il symbolisait parfaitement le jeune Américain, vif, observateur, sérieux, assoiffé de savoir, et à peu près libre de préjugés ; animé d’un beau sentiment religieux, nullement sectaire, il gardait la tête froide au sein des orages soudains de la jeunesse. Il semblait moins cultivé que le diplomate d’Oxford ; en réalité il l’était davantage, car ses émotions plus profondes contrebalançaient des connaissances moins précises. Mademoiselle Adams était la tante de Mademoiselle Sadie Adams : vieille fille de Boston, petite, énergique, ingrate de visage, elle comprimait difficilement une grande tendresse inemployée ; c’était la première fois qu’elle quittait l’Amérique, et une tâche entre toutes la passionnait : hisser l’Orient au niveau du Massachusetts. À peine débarquée en Égypte, elle avait trouvé que ce pays avait besoin d’être éclairé ; elle s’en occupa fébrilement. Les ânes au dos écorché, les chiens affamés, les mouches collées autour des yeux des bébés, les enfants tout nus, les mendiants importuns, les femmes en haillons, tout semblait défier sa conscience ; aussi se lança-t-elle avec courage dans une œuvre réformatrice. Comme toutefois elle ne parlait pas un mot de la langue du pays, et comme elle était incapable de se faire comprendre, sa remontée du Nil laissa l’Orient à peu près dans l’état où elle l’avait découvert, mais procura par contre à ses compagnons de voyage de nombreux sujets d’amusement. Sa nièce Sadie, qui partageait avec Madame Belmont l’honneur d’être la passagère la plus populaire du Korosko. N’était pas la dernière à s’en divertir. Très jeune, fraîche émoulue du Smith Collège, elle possédait encore la plupart des qualités et des défauts de l’enfance. Elle avait la franchise, la confiance un peu naïve, la droiture innocente, l’intrépidité, et aussi la loquacité et l’irrespect de son âge. Mais ses défauts eux-mêmes plaisaient, d’autant plus que cette grande et belle fille paraissait plus âgée qu’elle ne l’était réellement, à cause des boucles basses qui ourlaient ses oreilles et des formes pleines de son corps. Le frou-frou de ses jupes, sa voix décidée et franche, son rire agréable étaient toujours bien accueillis à bord du Korosko. Le colonel lui manifestait de la gentillesse bienveillante, et le diplomate d’Oxford cessait d’être artificiel quand Mademoiselle Sadie Adams s’asseyait à côté de lui.

    Nous parlerons plus brièvement des autres passagers. Certains étaient plus intéressants que d’autres, mais tous étaient corrects et de bonne éducation. Monsieur Fardet, Français accommodant bien que raisonneur, soutenait des opinions arrêtées touchant les machinations politiques de la Grande-Bretagne et l’illégalité de sa situation en Égypte. Monsieur Belmont, robuste Irlandais aux cheveux gris, avait remporté presque tous les concours de tir au fusil de Wimbledon et de Bisley ; il était accompagné de sa femme, pleine de charme et de grâce, très raffinée, et délicatement enjouée comme on l’est en Irlande. Madame Shlesinger, veuve d’un âge moyen, paisible et douce, n’avait d’yeux que pour son enfant qui avait six ans. Le Révérend John Stuart était un pasteur non conformiste de Birmingham, presbytérien ou congrégationaliste ; doté par le Créateur d’une corpulence considérable qu’accompagnait une lenteur léthargique, il possédait aussi un fond d’humour simple qui avait fait de lui, d’après mes renseignements, un prédicateur à succès et un orateur efficace bien qu’asthmatique, quand il parlait sur des estrades ultra-radicales.

    Il y avait enfin Monsieur James Stephens, avoué à Manchester (l’un des associés de la firme Hickson, Ward et Stephens) qui voyageait pour dissiper les effets d’une mauvaise grippe. Stephens s’était fait lui-même : il avait commencé par laver les carreaux de la société avant de diriger l’affaire. Pendant trente années, il s’était adonné à un travail aride, technique, et il n’avait vécu que pour satisfaire de vieux clients et en attirer de nouveaux. Son esprit et son âme étaient imprégnés du formalisme et de la rigueur des lois qu’il avait pour mission d’expliquer. Son tempérament ne manquait pourtant pas de noblesse et de sensibilité ; mais celles-là commençaient à s’étioler comme s’étiolent, dans la City, toutes les vertus humaines. Il travaillait par habitude, et, célibataire, il n’était intéressé par rien d’autre : son âme s’était cuirassée, pareille au corps d’une religieuse du Moyen Âge. Quand il tomba malade accidentellement, la Nature l’avait houspillé, expulsé de son repaire, et expédié dans le vaste monde, loin de Manchester et de sa bibliothèque remplie d’autorités reliées en veau. Au début, il l’avait vivement regretté. Puis, progressivement, ses yeux s’étaient ouverts, et il s’était vaguement rendu compte que son travail était bien banal à côté de cet univers merveilleux, divers, inexplicable, qu’il avait ignoré. Il en venait même à se demander si cette pause dans sa carrière ne se révélerait pas plus importante que sa carrière en soi. Des intérêts nouveaux le submergèrent, et ce juriste presque quinquagénaire sentit s’allumer en lui les derniers feux d’une jeunesse que trop de lectures avaient étouffée. Il était trop têtu pour convenir que ses manières avaient toujours été sèches et précises et qu’il usait d’un langage légèrement pédant ; cependant il lut, réfléchit et observa ; il soulignait et annotait son Baedeker, comme autrefois il avait souligné et annoté ses livres de droit. Il

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