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Savoir-Être
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Livre électronique574 pages6 heures

Savoir-Être

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À propos de ce livre électronique

La musique est la seule forme de communication que Connor Owens contrôle. Peu importe à quel point il souhaite s'intégrer, les plaisanteries et les conversations informelles n'ont jamais été son fort. L'université est encore un tout autre univers social dans lequel il ne sait pas du tout comment naviguer - jusqu'à ce qu'il rencontre Jared, un joueur de football avec des yeux noisette et un sourire arrogant qui détient le pouvoir de briser les murs de sa prison auto-imposée.

L'attention de Jared ouvre Connor à un tout nouveau domaine d'intimité émotionnelle et physique. Mais alors que la confiance en soi de Connor se développe, il en va de même de sa peur que tout va s'écrouler. Parce que dans ce monde socialement défini, combien de temps une relation entre un violoniste introverti et un joueur de football dans le placard peut-elle vraiment durer ?

LangueFrançais
ÉditeurSara Alva
Date de sortie2 avr. 2015
ISBN9781310061035
Savoir-Être
Auteur

Sara Alva

Sara Alva is a former small-town girl currently living in big-city L.A. with a husband, two cats, and an avocado tree. She recently discovered— after a year in her house— that she also has a fig tree in her backyard, which might mean she needs to get out more. But sometimes the stories waiting to be told demand more attention, and when she puts fingers to keyboard, it’s usually to write about journeys of self-discovery, heartache, personal growth, friendship and love. When she isn’t writing, she’s teaching or dancing. For information on novels, upcoming releases and other free reads, visit www.SaraAlva.com.

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    Aperçu du livre

    Savoir-Être - Sara Alva

    SAVOIR ÊTRE

    Sara Alva

    Savoir Être

    Copyright © 2013 Sara Alva

    Tous droits réservés.

    Couverture de Dani Alexander

    Traduit de l’anglais par Lily Karey

    Relecture et corrections par Bénédicte Girault, Lily Atlan & Lady L

    Aucune partie de ce livre ne peut être utilisée, reproduite ou distribuée de quelque manière que ce soit, sans l’autorisation écrite de l’auteur.

    Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et évènements sont une création de l’auteur ou sont utilisés à des fins fictives. Toute ressemblance avec des évènements réels, des lieux ou des personnes vivantes ou décédées serait purement fortuite.

    Son In Love de « Kiss Me Kate »

    Paroles et musiques de Cole Porter

    Copyright © 1948 (renouvelé) de Cole Porter

    Copyright renouvelé et assigné à John F. Wharton,

    Propriétaire des droits sur les paroles et musiques de Cole Porter

    Publication et droits inhérents assignés à Chappell & Co. Inc.

    Tous droits réservés utilisés avec autorisation.

    DÉDICACE

    À mon mari, qui heureusement, n’a aucun regret depuis le jour où il m’a dit :

    « Bébé, tu devrais écrire un roman »

    REMERCIEMENTS

    Ma gratitude éternelle va :

    Aux merveilleuses personnes qui m’ont aidé durant l’écriture et durant le processus de publication : Anyta, Jay, Raevyn, Andra, Jess, Jenny, Yvette, Tim, Cole, Daniel et Dani.

    À l’équipe et aux lecteurs de GayAuthors.org pour m’avoir aidée à trouver ma passion.

    Et à Dani (encore une fois) pour avoir crié ses encouragements du haut de son podium et pour avoir créé cette belle couverture.

    PREMIER SEMESTRE

    CHAPITRE UN

    Connor Owens marchait sur le plancher récemment ciré et un rare instant de calme s’installa en lui. Les douces odeurs de résine et de cire, la scène légèrement bombée, le poids chaud de son violon dans ses mains, tout était rassurant et familier au milieu de ces quelques semaines tumultueuses.

    Il resserra son archet et attrapa sa colophane, souriant au plaisir simple qu’il avait à donner ces coups longs et réguliers pour enduire minutieusement les crins.

    Ça, il connaissait. Ça semblait juste.

    Dans la vie universitaire pleine d’inconnus, l’orchestre serait son sanctuaire. Il pouvait déjà le sentir alors que les bourdonnements du réglage des instruments emplissaient l’air, le vent s’infiltrait dans les arpèges, le bruissement des partitions sur les pupitres l’alertait sur le nouveau morceau qu’ils allaient jouer : Shéhérazade de Rimsky Korsakov.

    Il avait hâte de le jouer. Il ne ferait pas le solo, bien sûr, mais le morceau entier était agréable et vraiment, à cet instant, cela n’avait pas d’importance tant qu’il jouait aussi longtemps que possible, entouré par la myriade de sons de tous les autres instruments. C’était le genre de groupe auquel il pourrait appartenir sans avoir à essayer si fort que ça lui en donnait littéralement mal à la tête. Ça venait naturellement.

    — Salut !

    Une voix féminine l’accueillit et son regard remonta le long d’une longue jupe bohème jusqu’au visage d’une grande fille élancée dont les cheveux lui arrivaient à la taille.

    — Je suis Rebecca.

    Elle rassembla ses mèches blondes derrière sa tête et les noua en une queue de cheval basse tandis qu’elle s’asseyait à côté de lui.

    — On dirait que je suis ta partenaire de pupitre. Tu dois être Connor.

    Il hocha la tête, tendant sa main pour serrer la sienne et lutta pour ne pas rougir quand sa prise fut beaucoup plus ferme que la sienne.

    — Tu es en première année, non ? continua-t-elle.

    — Ouais.

    — Tu dois être sacrément bon alors, pour être déjà dans les premiers violons. Je me suis battue deux ans pour en arriver là.

    Il haussa les épaules. Il n’était pas très à l’aise avec les éloges, peu importait le nombre de fois où sa mère l’avait réprimandé de ne pas accepter poliment les compliments.

    — Bien, quand nous aurons les répétitions de sélection, ne laisse pas Vidar t’intimider. C’est un scandinave très, très amer. Je parie qu’il pense qu’il est trop bon pour être employé comme professeur pour l’orchestre du lycée, mais je suppose qu’il ne l’est pas, sinon il aurait trouvé un autre emploi.

    Connor laissa échapper un petit rire en regardant nerveusement là où était assis l’homme en question, cinq rangées plus loin, faisant les balances avec un air pincé sur le visage. Rebecca suivit son regard.

    — Tu vois ce que je veux dire, non ? Tu peux carrément dire qu’il a un balai dans le cul.

    Cette fois, Connor rit franchement et, quand Rebecca se joignit à lui, il eut un instant d’euphorie. Peut-être que la musique ne serait pas seulement le réconfort qu’il cherchait. Peut-être que ça lui donnerait aussi une chance de nouer une nouvelle amitié. Ça ne devrait pas être si difficile, même pour lui, de s’appuyer sur la relation entre partenaires de pupitre, sur la façon dont ils apprenaient à jouer en ne faisant qu’un, bougeant et s’inclinant en parfaite synchronisation.

    — On peut répéter ensemble, si tu veux.

    Rebecca resserra son archet.

    — Tu sais, faire de notre mieux pour ne pas attirer sa colère.

    Connor ouvrit lentement la bouche.

    — Oh… euh…

    Le tap-tap-tap d’une baguette l’interrompit et le silence retomba sur la foule assemblée. Le chef d’orchestre leva les bras et, comme si un fil invisible reliait son petit bout de bois à chaque instrument, tous se levèrent à l’unisson.

    Rebecca sourit à Connor une nouvelle fois et il lui rendit son sourire. Peut-être que Rebecca, plus âgée et plus sage sans aucun doute, pourrait devenir son intermédiaire dans le monde de l’Université… À condition qu’il puisse repousser sa timidité assez longtemps pour lui donner une chance.

    C’était une bonne chose qu’elle soit une fille.

    ***

    Il se dirigeait vers sa chambre, de meilleure humeur que d’habitude, laissant les mélodies de Shéhérazade jouer dans sa tête. S’il suivait le tempo, il aurait le temps de terminer le premier mouvement et au moins une partie du deuxième lorsqu’il atteindrait son bâtiment. Hereford était beaucoup plus loin que les dortoirs habituels des premières années, mais construction récente voulait dire climatisation, chose que sa mère avait demandé sans compromis pour son fils asthmatique.

    Ce n’était pas plus mal. Il ne se serait pas intégré aux dortoirs des premières années, de toute façon.

    Bien sûr, il n’y avait pas vraiment de manière concrète d’éviter de passer par ces centres d’interactions sociales. Il détourna les yeux du troupeau d’étudiants se prélassant dans la cour, riant et partageant de la nourriture, des ragots et, dans bien des cas, de la salive. Shéhérazade prit de la vitesse en même temps que ses pas. Avec un peu de chance, il aurait l’air de quelqu’un qui avait besoin d’aller en urgence quelque part ailleurs et pas d’un paria qui ne savait tout simplement pas trouver sa place.

    Alors qu’il approchait d’Alderman Road, un frisbee orange et bleu avec le V familier de Virginie atterrit à ses pieds.

    — Hey !

    Un garçon à la peau mate lui fit signe.

    — Lance-le par ici, tu veux ?

    Connor le ramassa et le retourna dans sa main. Il envisagea de le lancer, mais maintenant, un groupe s’était formé autour du garçon et il n’avait aucune envie de faire une démonstration publique de son faible lancer. Il franchit la distance entre eux et offrit le disque d’une main tendue.

    — Euh… tiens.

    Au milieu de la foule rassemblée, un visage à l’air familier avec un polo au col relevé s’avança vers lui.

    — Hey, tu allais à mon lycée. Tu es le joueur de violon, c’est ça ?

    Connor cligna rapidement des yeux. Est-ce que quelqu’un de populaire l’avait réellement reconnu ? Mais il retrouva ses esprits et sentit la sangle de son violon sur son épaule. Ce n’était pas précisément brillant d’en déduire qu’il était le joueur de violon.

    Il hocha la tête.

    — Euh, ouais. Connor.

    — Tim, dit son ancien camarade de classe, bien que ce soit inutile parce que Connor connaissait déjà son nom.

    Il était bon pour associer un nom à un visage, même si quasiment personne ne l’avait encore fait pour lui.

    — Hey, veux-tu te joindre à nous ?

    Connor se força à sourire. Il ne le voulait pas vraiment, mais il n’y avait probablement pas d’autre moyen pour se faire des amis.

    — Hum, peut-être que je vais juste… regarder.

    Tim et ses amis échangèrent des regards perplexes.

    — Bien sûr. D’accord.

    Connor s’assit sur un carré d’herbe près d’un petit cerisier en fleurs et quelques autres spectateurs s’assirent à ses côtés. Une fille avec un short bleu moulant et le sigle de leur école en travers de ses fesses – UVA – se tourna vers lui avec un sourire amical.

    — Donc, tu joues du violon. C’est comment ?

    — C’est… c’est amusant, j’imagine.

    — Cool.

    La fille hocha la tête et continua de regarder Connor jusqu’à ce que son pouls s’emballe. C’était à son tour de parler. Il essaya d’ouvrir la bouche pour faire sortir plus de mots, mais rien ne se passa.

    Tim trottina vers eux et désigna quelqu’un assis près de la ligne de touche.

    — Prends ma place, mec. Je fais une pause.

    Puis il attrapa la fille aux fesses tatouées UVA et l’attira à lui pour l’embrasser.

    — Prenez une chambre ! cria quelqu’un.

    — Peut-être qu’on devrait, cria Tim en retour, et la fille et lui s’éloignèrent.

    Connor les regarda partir avec un nœud de plus en plus gros dans l’estomac parce qu’avec Tim partait sa très provisoire connexion avec le groupe l’entourant actuellement.

    — Hey, je vais aller me chercher un truc à manger au Treehouse, annonça une autre personne inconnue.

    Et tout à coup, la foule entière commença à se lever et s’éloigner.

    — Ouais, ça me paraît bien.

    — Moi aussi.

    — J’y vais, je vous retrouve plus tard, les gars.

    Connor ne dit rien et, en quelques secondes, il se retrouva seul.

    Après tous ses efforts, il avait fini par être ami avec un arbre.

    ***

    La porte claqua et il s’y adossa lourdement, laissant le plus gros de son anxiété s’évacuer de son corps. Il était en sécurité désormais, le monde et tous ses étranges rituels de socialisation mis sous clef, de l’autre côté du mur.

    Ici, c’était seulement lui ses livres, son pupitre, son métronome, son lit… et le matelas sans couverture de l’autre côté de la pièce.

    La vie avait voulu qu’il n’ait même pas à se rabattre sur cette amitié, puisque son colocataire l’avait laissé tomber sans préavis. En dépit de toutes les rencontres et l’air de camaraderie évident pendant la semaine d’intégration, il n’arrivait toujours pas à faire de grands progrès dans les relations sociales. Comment le pourrait-il quand les clans qu’il avait tellement détestés au lycée se retrouvaient, en fin de compte à l’université ? Peut-être qu’ils n’étaient pas aussi flagrants, mais ils étaient toujours là. Les jolies filles restaient entre elles, les sportifs se tapaient toujours mutuellement dans le dos et s’esclaffaient bruyamment à des blagues déplacées et les parias redoublaient d’efforts pour trouver un moyen de s’intégrer. Pire encore, beaucoup d’entre eux semblaient réussir là où lui n’y arrivait clairement pas.

    Comme c’était souvent le cas, une centaine d’options de ce qu’il aurait pu dire pour maintenir la conversation avec la sympathique jeune fille inonda son esprit. « Est-ce que tu joues d’un instrument ? As-tu déjà voulu en étudier un ? Quel style de musique écoutes-tu ? »

    Mais ces idées n’étaient jamais à sa disposition quand il en avait besoin.

    Avec un soupir, il attrapa un de ses manuels scolaires sur son bureau. Il ferait aussi bien de se plonger dans ses études.

    ***

    — Bien.

    Rebecca fléchit ses doigts et se tortilla dans sa chaise, étirant son dos.

    — Je pense qu’on s’est occupé de tous les points sur lesquels Vidar va nous embêter lors des sélections. C’est quand ton prochain cours ?

    Connor ramassa son sac dans le coin de la petite salle de répétition. L’espace tenait plus du placard et semblait bien trop stérile pour de la musique, mais au moins, la présence de Rebecca apportait de la vie à l’air vicié.

    — Hum, j’ai mon cours de Théorie et Histoire de l’Anthropologie à deux heures à New Cabell… Je devrais probablement aller finir de le lire. Je n’en ai pas eu l’occasion la nuit dernière.

    Rebecca haussa un de ses pâles sourcils. Ils étaient si clairs, en fait, que s’il ne regardait pas de près, il pourrait les manquer sur sa peau pâle.

    — Tu sais que personne ne fait toutes les lectures demandées pour les cours, non ?

    — Ouais, je sais. Mais j’ai suivi un stage d’été avec ce professeur avant de commencer les cours ici et elle semblait vraiment m’apprécier. Je ne veux pas lui donner une raison de changer d’avis…

    Connor s’interrompit. Bien sûr, il venait juste de passer pour l’énorme geek qu’il était en réalité. Rebecca se mit à rire bien qu’elle soit plutôt du genre à ne pas se moquer de lui.

    — Un stage d’été avant d’entrer à l’Université ? Wow, ralentis ! Tu es censé te détendre un peu, pendant que tu le peux encore. Très bientôt, tu devras réfléchir aux choses bien réelles de la vie, comme trouver un travail.

    Elle gémit et jeta une écharpe en laine de couleur rouille autour de son cou, dans un grand geste théâtral.

    — Bref, profitons un peu de la liberté qui nous reste, d’accord ? Tu as une heure, allons manger un morceau au Newcomb. Un groupe d’amis déjeune là-bas à cette heure-ci.

    Connor réarrangea son sac sur sa hanche pour qu’il puisse glisser son violon sur son autre épaule, se laissant du temps pour réfléchir à sa réponse. C’était exactement le genre d’opportunité qu’il cherchait, mais ça lui demandait toujours un effort supplémentaire pour mettre de côté son envie presque instinctive de solitude.

    — D’accord. Ça me paraît bien.

    Newcomb signifiait bruit. Des cris, des rires, des plateaux qui s’entrechoquaient et des cliquetis de couverts. Trop de gens, trop de mouvements. Et beaucoup d’occasions pour Connor de se ridiculiser. Il balaya du regard les tables bondées, certaines remplies d’étudiants qui mangeaient au lance-pierre, d’autres, dont les occupants, dégustaient leurs repas plus tranquillement. Les groupes lui faisaient penser à ceux qui dominaient la cafétéria du lycée, même si les frontières étaient légèrement plus floues et les étiquettes moins faciles à mettre.

    Rebecca toucha légèrement son épaule et le guida vers une table. Quelques filles blondes étaient déjà assises là avec des sourires charmeurs et des débardeurs moulants, bavardant avec une brune qui semblait partager le style bohème de Rebecca. Deux gars aux cheveux assez longs et aux tee-shirts extra larges les rejoignirent alors que Rebecca et Connor se dirigeaient vers eux.

    — Hey, les gars, les interpella joyeusement Rebecca. Voici Connor, mon nouveau partenaire de pupitre. Vous pourriez nous rendre un service et surveiller nos violons pendant que nous allons nous chercher à manger ?

    — Oh !

    Connor enroula instinctivement ses bras autour de son instrument.

    — Euh… c’est bon, je vais le garder.

    Rebecca écarta sa protestation d’un geste de la main.

    — Je jure devant Dieu que tu peux faire confiance à ces gars. Ils mourraient pour protéger mon bébé, donc ils vont faire la même chose pour le tien. Pas vrai ?

    L’un des gars en tee-shirt assis à table leva les yeux au ciel.

    — Si tu le dis, Becca.

    Connor rougit, l’angoisse rampant le long de sa peau. Ce n’était pas comme si son violon était un Stradivarius, mais il avait pris l’habitude de ne jamais le laisser hors de sa vue. Au cours des quatre dernières années, il était devenu comme un cinquième membre, un substitut au meilleur ami qu’il n’avait jamais trouvé. La pensée d’avoir à développer ce degré d’intimité avec un autre instrument lui fit rater quelques battements de cœur.

    Mais c’était l’Université après tout et il était censé suivre le mouvement. Il prit une profonde inspiration par le nez et laissa tomber la sangle de son épaule.

    — Merci.

    Un rapide coup d’œil sur les propositions du jour l’amena au poulet au parmesan. Rebecca choisit la salade et sa longue queue de cheval blonde se balança en revenant à leur table avant même qu’il obtienne une assiette. Inquiet, Connor fit tambouriner ses doigts sur le plateau en plastique et envisagea de quitter la file d’attente. Peut-être qu’un repas plus simple comme un bol de céréales s’imposait. Quelqu’un le heurta alors que la file d’attente recommençait à avancer.

    — Désolé, dit une voix au-dessus de lui.

    Il leva les yeux vers la personne qui avait parlé et détourna rapidement le regard après un bref hochement de tête. Bien qu’il ne sache pas son nom, il se rappelait avoir vu ce visage à son cours d’Anthropologie. Des cheveux noirs et bouclés, des lèvres pleines et de doux yeux noisette.

    De sa vision périphérique, il vit le gars s’étirer et se perdit momentanément dans le muscle fin, mais clairement défini le long de son grand corps. Était-ce un athlète ? C’était soit ça, soit il prenait simplement bien soin de son corps. Exposé aux regards des gens, Connor gardait les yeux baissés, mais restait intensément concentré.

    — Fiston ?

    Une assiette chaude de poulet au parmesan, l’huile bouillonnant sur le fromage fondu, était brandie devant son visage. Il marmonna un « Oh, désolé » même si aucune oreille humaine n’avait pu l’entendre. Plateau en mains, il s’éloigna de son camarade de classe qui continuait à regarder devant lui, sans même jeter un deuxième coup d’œil dans sa direction.

    C’était aussi bien. Si le gars avait essayé de lui parler, il était pratiquement sûr qu’il se serait transformé en un imbécile bégayant. C’était simplement la façon dont les choses se passaient pour lui.

    Quand il arriva à la table de Rebecca, les deux filles BCBG étaient parties et maintenant, il se distinguait clairement du groupe en étant le seul à porter une nouvelle chemise boutonnée jusqu’en haut et un treillis impeccable. Il avait probablement besoin d’aller faire du shopping à la friperie du coin afin de s’intégrer un peu plus à sa bande.

    Si ça devait être sa bande.

    Il s’assura que sa chemise était au moins sortie de son pantalon et posa son plateau, bêtement content de voir que son violon était là où il l’avait laissé, son étui gris légèrement sale à côté de celui brun terreux de Rebecca.

    — Alors, une nouvelle âme prête à être cueillie.

    La brunette en face de lui se pencha en avant, faisant traîner les manches de son épaisse tunique en laine sur la table. Rougissant, Connor prit un siège. Avant qu’il réalise qu’il aurait dû répondre quelque chose, il était trop tard et il cafouilla avec sa fourchette tandis qu’il optait pour un haussement d’épaules.

    — Connor est déjà dans la section des premiers violons. Je parie que, s’il le voulait, il pourrait battre le diable scandinave dans quelques années, intervint Rebecca à sa place.

    — Toi et ta haine pour les hommes grands, minces et très pâles. Il me semble que la dame proteste beaucoup trop, répondit le plus grand des garçons en tee-shirt, faisant courir un pouce sur sa propre joue pâle.

    Rebecca leva les yeux au ciel et le badinage continua, passant au-dessus de la tête de Connor. Il mâchait et avalait méthodiquement, hochant la tête et souriant quand il sentait que c’était approprié, et souhaitant intérieurement être une personne plus intéressante pour ainsi cesser d’être une ombre sur la ligne de touche de sa propre vie.

    ***

    Ordinateurs portables déployés, fenêtres de messageries instantanées ouvertes, ses camarades de classe bavardaient autour de Connor. Ils ne s’arrêtèrent même pas quand le professeur d’Anthropologie commença son cours.

    Connor ne participait pas. Il ne participait jamais. À la place, il avait opté pour un simple cahier à spirales où il griffonnait furieusement des notes si les choses l’intéressaient ou le rendaient perplexe et gribouillait dans la marge quand il connaissait déjà le document. Même si aujourd’hui, il laissait ses pensées vagabonder un peu, errer jusqu’à l’autre côté de la pièce où il pouvait observer, à bonne distance, un camarade de classe en particulier.

    En fait, c’était plutôt facile de le dévisager, parce que le gars levait les yeux comme s’il pouvait voir le ciel à travers les dalles du plafond de la petite salle de New Cabell Hall. Grâce à son entraînement de la vision périphérique et la protection de sa frange, Connor le regardait s’appuyer contre la fenêtre, là où il était toujours assis. Un rayon de soleil frappait ses cheveux.

    Brun foncé… pas noir.

    La cible de Connor bâilla et s’enfonça dans son siège. Ses paupières commencèrent à tomber, le clignement de ses yeux devint plus long et plus fréquent, puis ses yeux se fermèrent complètement, ne semblant pas vouloir se rouvrir de sitôt. Ses lèvres s’entrouvrirent tandis qu’il somnolait.

    Connor sourit intérieurement.

    Maintenant, il pouvait réellement l’observer. Un léger ronflement et les gloussements qu’il provoqua tirèrent finalement le gars de son sommeil. Il regarda honteusement autour de lui et essuya le léger filet de bave qui coulait au coin de sa bouche.

    — Connor, pouvez-vous rester une minute pour discuter ?

    Se retournant brusquement, Connor fit face à son professeur, gêné d’avoir été assez distrait pour manquer les dernières minutes du cours. Mais alors que le reste des étudiants sortait, elle se jucha sur son bureau, souriant assez chaleureusement pour dissiper toute peur qu’il avait eue de se faire engueuler pour son inattention. Après tout, ce n’était pas comme s’il s’était endormi.

    — Vous faites vraiment un excellent travail.

    Le professeur Abrahms fit un geste en direction du devoir sur son bureau, lequel portait un « A » ainsi que « excellent » à l’encre rouge sur le haut.

    — Vous avez de merveilleuses idées sur la lecture du document et vos théories sont assez bien argumentées.

    Connor cligna des yeux. Devait-il la remercier pour sa contribution comme professeur ou garder le silence pour éviter de passer pour un lèche-bottes ? Il choisit le silence. Ou se retrouva avec ce choix par défaut, quand même.

    — Je voulais vous demander si vous seriez intéressé par du tutorat.

    — Oh…

    Il prit plusieurs secondes pour considérer sa requête.

    — Pourquoi ? Quelqu’un a-t-il besoin d’aide ?

    Le professeur Abrahms sourit de nouveau, mais ça semblait moins authentique cette fois.

    — Le département des sports m’a demandé de leur recommander quelqu’un qu’il pourrait embaucher comme tuteur. Il y a quelques étudiants dans l’équipe de football qui pourraient avoir besoin d’aide dans ce cours et malheureusement les cent un tuteurs d’Anthropologie sont trop surchargés ce semestre pour dispenser des cours particuliers.

    Il hocha lentement la tête. Il avait travaillé avec des enfants avant, faisant du bénévolat en tant que coach de lecture pour des élèves de primaire pendant des stages d’été. Mais il n’avait jamais envisagé de travailler avec quelqu’un de son âge, essentiellement parce qu’il partait du principe que ses inaptitudes sociales seraient incompatibles avec ça. Et travailler avec des sportifs, cools, confiants et totalement différents de lui en tous points de vue semblait une idée encore plus désastreuse.

    — C’est payé dix dollars de l’heure et, pour l’instant, ils cherchent seulement un engagement de deux heures par semaine, mais si tout va bien, ils pourraient vous embaucher pour d’autres matières également.

    Il ne pouvait pas arrêter de hocher la tête, principalement parce qu’il prenait le temps de chercher une façon polie de lui suggérer de trouver quelqu’un d’autre.

    — Généralement, je ne recommande pas de première année, mais dans votre cas, vous avez montré tellement de maturité dans votre travail tout au long de cet été… Je pense réellement que vous pourriez être utile.

    Un désagréable nœud dans l’estomac lui disait qu’il était déjà coincé, et totalement dépassé par la situation, à moins de vouloir vraiment prouver qu’il était un lâche ou pire, décevoir le professeur Abrahms. Lui en voudrait-elle pour le reste du semestre ? Il détestait constater combien il se souciait de ce qu’elle, ou quiconque, pensait de lui, mais l’idée que ses yeux amicaux puissent un jour le mépriser lui retournait les entrailles. Hébété, il hocha la tête encore une fois.

    — Ouais, c’est d’accord.

    Le professeur Abrahms rayonna.

    — Génial ! Je vais les appeler et leur faire savoir que vous êtes intéressé. Ils aimeraient que vous commenciez demain, si possible. Voilà les coordonnées.

    Il prit la feuille et marmonna des remerciements, priant de ne pas avoir fait la pire erreur de sa vie.

    ***

    Durant les quinze premières minutes de sa toute première séance de tutorat, personne ne se montra. Connor était assis dans la petite pièce seulement composée d’une table rectangulaire et de quatre chaises bordeaux assorties. Sur l’un des murs vides, une grande horloge égrenait les minutes.

    Il aurait été parfaitement heureux de rester ainsi pour les prochaines quarante-cinq minutes, car il faisait des progrès convenables sur son texte obligatoire, mais un léger coup à la porte lui signifia que ce ne serait pas le cas. Des cheveux bruns bouclés et des yeux noisette le saluèrent.

    — Hey, tu es le tuteur ? Cool, mec, je suis Jared.

    Jared. Enfin un nom sur un visage.

    Il tendit la main.

    — Michael va arriver. Il doit traîner son cul quelque part par là. Il a besoin de ce cours pour valider son année au cas où tu te demanderais pourquoi tu as été engagé. Bien que la raison pour laquelle quelqu’un voudrait être major en Anthro me dépasse.

    Connor serrait déjà la main tendue avant que Jared lui lance un regard contrit.

    — Désolé. Peut-être que c’est ce que tu as prévu ?

    — Euh…

    La tentative vouée à l’échec de Connor pour trouver une réponse fut interrompue par l’arrivée d’un autre camarade de classe, celui-ci un peu plus grand que Jared et plus volumineux. Le nouveau venu, Michael, se planta sur une chaise sans un salut.

    — OK, mec, voyons si tu peux m’aider à comprendre cette merde. Parce que là, ça me fait perdre mon temps.

    Le sang disparut du visage de Connor, mais une intense rougeur remplaça rapidement sa soudaine pâleur quand Jared lui adressa un sourire en coin, comme s’ils partageaient une sorte de blague.

    Soudain, conscient qu’il n’avait pas dit un mot depuis que Jared et Michael étaient arrivés, Connor s’assit lourdement et attrapa le livre devant lui. Il ne pouvait penser à aucune plaisanterie à dire qui ne serait pas totalement stupide, alors il se lança directement dans le texte, où il se sentait en sécurité, expliquant les points principaux de leur texte obligatoire.

    De temps en temps, il accordait un regard hésitant à ses étudiants et était accueilli avec une expression ennuyée de Michael et celle fatiguée de Jared. Il s’assurait de s’arrêter après chaque page pour vérifier s’il y avait quelque chose qu’ils ne comprenaient pas ou pour voir s’ils avaient des questions et, à chaque fois, ils répondaient tous les deux par la négative.

    Bien sûr, quand il arriva à la fin du chapitre et demanda à chacun d’eux de répéter les principaux points, il reçut des regards vides.

    Michael secoua finalement la tête.

    — Je dois être honnête avec toi, mec. Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi cette matière. Je pense que c’est parce que tout le monde disait que c’était facile et que ça ne me donnerait pas trop de stress supplémentaire puisque notre emploi du temps est tellement rempli. Mais cette merde n’est pas facile. Je veux dire, pas si tu essayes vraiment d’apprendre. Je suppose que je pourrais juste y arriver sans me fouler et soudoyer des gens pour obtenir les sujets et autres merdes, mais quel serait alors l’intérêt d’obtenir son diplôme ?

    Quand Connor ne répondit pas parce que, comme d’habitude, il se trouvait à court de mots, Michael continua.

    — Crois-moi, mec. Si ça ne te tente pas, choisis autre chose.

    Ce dernier commentaire était destiné à Jared qui haussa légèrement les épaules.

    — Ouais, je n’ai pas encore vraiment décidé dans quoi je vais me spécialiser.

    — Hein ? Eh bien, tu ferais mieux de réfléchir à quelque chose, parce que vu la façon dont tu joues, tu ne seras jamais pro, railla Michael, et Connor fut surpris quand Jared se moqua simplement.

    — Ouais, eh bien, au moins, j’ai ma jeunesse. Tu prends de l’âge, toi, cinquième année.

    — Je vais te montrer si je suis vieux !

    Michael riposta avec un coup rapide dans les côtes de Jared. Il restait seulement dix minutes avant la fin de leur séance, ce qui voulait dire que Connor devrait faire quelque chose pour les contenir et les faire revenir aux principes de l’Anthropologie Culturelle Bosnienne. Malheureusement, dire à deux athlètes costauds d’arrêter leurs chamailleries et de se remettre au travail n’était tout simplement pas dans ses capacités.

    Il attendit jusqu’à ce qu’ils aient leur dose de combats simulés avant de jeter avec hésitation un regard vers son livre.

    — V… voulez… voulez-vous revoir le chapitre pour le prochain devoir écrit ?

    Michael soupira, ne faisant aucun effort pour cacher son mécontentement, mais Jared le regarda avec un sourcil levé et un large sourire.

    — Ouais, bien sûr, Connor. C’est toi le patron.

    CHAPITRE DEUX

    Connor se dirigea vers la salle de sport, dans la lumière floue du crépuscule, jetant un regard mauvais aux citrouilles et fantômes qui étaient soudain apparus aux fenêtres du dortoir. Octobre était rempli d’encore plus de fêtes animées auxquelles il ne serait pas invité… Non pas qu’il aurait su quoi faire s’il était effectivement invité quelque part. D’un coup de pied, il jeta un caillou dans le sourire moqueur d’une citrouille, puis traversa la rue pour éviter un groupe de personnes venant en sens inverse.

    Jared arriva pour ses cours particuliers quelques minutes après lui, frictionnant ses bras nus qui dépassaient de son tee-shirt UVA orange.

    — Il fait si foutrement froid déjà. On n’aurait pas pu avoir quelques jours de plus de beau temps ? Les gens disent que c’est génial d’avoir toutes les saisons, mais je continue à dire que la Virginie craint. La plupart du temps, soit il fait trop froid, soit il fait trop chaud. Ou il pleut.

    Connor sourit, mais ne dit rien. D’habitude, Michael lui épargnait ce genre de banalités.

    — Bon, j’ai de mauvaises nouvelles.

    Jared se laissa tomber sur une chaise.

    — Michael s’est retiré du cours. Il a parlé avec son conseiller et ils ont décidé que ce serait mieux de les suivre le prochain semestre ou peut-être même durant l’été. Je n’en sais rien. Je pense juste qu’il veut les reporter aussi longtemps que possible.

    Connor hocha lentement la tête, se demandant si ses cours particuliers venaient de prendre fin. Michael était un défenseur et un des joueurs vedettes de l’équipe. Il devait conserver de bonnes notes. Mais Jared était une première année seulement et il n’était pas encore aussi important pour l’équipe. De plus, il n’allait sûrement pas anéantir sa moyenne avec toutes les matières obligatoires de son emploi du temps. Il allait donc probablement se retirer du cours aussi.

    — Tu fronces les sourcils quand tu réfléchis.

    Jared le coupa dans ses spéculations.

    — Et tu réfléchis beaucoup.

    Le pouls de Connor s’accéléra, son agressive voix intérieure entrant immédiatement en scène, lui rappelant qu’il était loin d’être normal – et que tout le monde autour de lui pouvait le voir. Il baissa les yeux sur son manuel et voulut surmonter ce sentiment, sans succès.

    — Je ne laisse pas tomber le cours si c’est ce à quoi tu penses. Je ne voudrais pas que tu te retrouves au chômage.

    En dépit de ses efforts pour poursuivre son étude de la fausse imitation du bois de la table en face de lui, Connor se retrouva à lever les yeux vers ceux de Jared. Il s’attendait à voir de la dérision ou de la moquerie.

    À la place, il croisa son regard égayé d’un doux sourire.

    — Alors, tu vas me parler du chapitre ?

    — D’a… d’accord, d’accord, balbutia Connor.

    Il ouvrit son livre et maudit intérieurement la façon dont ses doigts tremblaient contre les pages. Dans une dernière tentative pour se stabiliser, il prit une profonde inspiration, faisant attention à ne pas gonfler son torse et ne pas rendre son malaise encore plus évident. C’était un effort inutile. Son souffle fut piégé dans ses

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