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Tourments des fleurs
Tourments des fleurs
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Livre électronique264 pages3 heures

Tourments des fleurs

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À propos de ce livre électronique

Anna, Yaye Rama, Fatou, Ngoné : quatre femmes de générations et de statuts sociaux différents. Elles partagent cependant une histoire commune, celle de leur lutte pour se trouver une place, s'affirmer et obtenir le respect dans une société marquée par le patriarcat, où tradition et modernité s’opposent. Leurs rêves sont étouffés et leurs souffrances affectent l’équilibre familial au point d’entrainer des conséquences désastreuses aussi bien dans leur vie que dans la société dont elles sont censées représenter le socle.

Tourments des fleurs décrit l'évolution de ces femmes en proie avec des relations familiales influencées par la polygamie, les mariages arrangés, les blessures émotionnelles et les désillusions. Chaque récit évoque leur recherche de paix, de justice et d'équilibre entre deux mondes qu'elles doivent tenter d’apprivoiser.
LangueFrançais
ÉditeurÉditions Terre d’Accueil
Date de sortie5 sept. 2025
ISBN9782925133650
Tourments des fleurs
Auteur

Ndèye Coumba Bâ

Ndèye Coumba Bâ est titulaire d’un Diplôme d’études approfondies en littérature anglaise de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. Après son arrivée au Canada, elle décroche un autre diplôme, cette fois au HEC Montréal, en gestion. Depuis son jeune âge, Coumba voue une grande passion pour l’écriture. Elle se lance d’abord en poésie puis dans les nouvelles, sans toutefois sauter le pas vers la publication de ses œuvres. Ses sujets de prédilection tournent autour de la femme et des valeurs humaines. Coumba vit sur la rive-sud de Montréal et Tourments des fleurs est son premier roman.

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    Tourments des fleurs - Ndèye Coumba Bâ

    1

    La journée avait été épuisante à bien des égards. Sitôt sortie de son cours de 15 heures, Anna Sow s’engouffra dans sa voiture et prit le chemin de la maison. La chaleur étouffante de ce mois de mai combinée à sa dispute de la veille avec son mari Djiby n’avaient fait qu’accentuer son humeur maussade et désagréable. D’ailleurs, sa collègue et amie Nadia en avait fait les frais tôt ce matin-là ; pour une simple question sur la disponibilité d’un nouveau registre dans la salle des professeurs, Anna lui avait répondu sèchement et avait manqué de la faire trébucher quand elle était sortie à la hâte de la salle des professeurs pour rejoindre sa salle de classe. Sa mauvaise humeur était souvent synonyme d’impulsivité.

    Mariée depuis maintenant sept ans, Anna n’avait jamais connu de dispute aussi violente avec son mari que celle de la veille. Cette dernière avait fini par sonner le glas d’une relation éteinte qu’elle redoutait d’avouer, depuis longtemps déjà, tant elle croyait avec toute la force de son cœur que son mari allait changer et que leur relation prendrait une tournure positive. L’objet de la dispute a été la goutte d’eau qui fit déborder le vase !

    Professeure d’histoire et de géographie dans ce prestigieux lycée depuis plusieurs années, Anna était connue par ses pairs et par ses élèves pour être joviale. Outre ses compétences et son professionnalisme, elle était autant estimée pour sa gentillesse et sa disponibilité qu’admirée pour sa grande beauté, qui rappelait celle des princesses peules du Fouta. Elle-même issue de cette ethnie par son père Demba Sow, et wolof du côté de sa mère, Ngoné Samb, Anna de taille moyenne, avait un teint très clair, un visage rond et assez potelé. Un nez fin, ajoutant du charme à ce beau tableau trahissait ses origines. Ses yeux de biche étaient magnifiques et perçants, ses lèvres charnues laissaient entrevoir une belle dentition chaque fois qu’elle souriait et de jolies fossettes se dessinaient alors sur ses joues. Un autre trait caractéristique chez ce peuple, la chevelure abondante, et celle d’Anna dépassait ses épaules, ajoutant à son charme. Naturellement, la jeune femme détenait un grand pouvoir de séduction par son allure qui forçait le respect et l’admiration. Elle adorait s’habiller en tailleur, cheveux au vent, tantôt en jupe trois-quarts, tantôt en pantalon. Les tenues traditionnelles, tenues taille basse, pagnes et autres styles africains lui allaient aussi à ravir. D’ailleurs, c’est accoutrée ainsi qu’elle se plaisait à se pavaner chez elle, à recevoir des invités ou à finir la soirée entourée de son mari et de ses enfants dans leur coquette maison de Sacré-Cœur.

    Elle gara sa voiture devant chez elle et resta là, les deux mains sur le volant, l’air pensif.

    Elle jeta un coup d’œil à cette belle bâtisse bordée de fleurs, ce haut portail en fer forgé dont l’allure imposante et l’exquise finition édifiaient le confort des lieux. Dans ce quartier plutôt tranquille où elle habitait depuis près de six ans, des propriétés cossues jonchaient la rue. Anna ne fréquentait pas beaucoup ses voisins, même si elle les connaissait pratiquement tous. En effet, il était de coutume, lorsqu’une jeune épouse intégrait un quartier, qu’elle fasse le tour du voisinage pour se présenter et ainsi se faire connaître. Comme le soutenait la tradition, le voisin demeurait le parent le plus proche lorsqu’un malheur s’abattait sur soi. Ainsi, tout évènement malheureux ou heureux trouvait comme premier répondant le voisin, qui se substituait ainsi temporairement à la famille et aux proches, à condition bien sûr que des liens sincères et solidaires basés sur le respect et la courtoisie se soient tissés entre les différents protagonistes. Anna s’était principalement liée d’amitié avec la famille d’en face, plus particulièrement Yaye Rama, comme on l’appelait communément. C’était une grande dame qui occupait une place très importante dans sa vie.

    Après une journée harassante au lycée, Anna rentra comme d’habitude vers 16 heures, et une fois sa douche prise, elle se mit à la préparation du dîner. Sa domestique se chargea d’aller chercher les enfants à l’école, puisque tous les soirs, sa patronne s’occupait de cuisiner pour sa famille. Elle avait convenu d’ailleurs avec Djiby qu’elle lui ferait son repas préféré, le fameux thiéré aux poissons, un mets appétissant à base de couscous de mil accompagné d’une sauce aux tomates et aux légumes. Anna a toujours été un cordon bleu, et ce, depuis sa tendre jeunesse. Après les études, la cuisine demeurait sa deuxième grande passion. Elle se mit donc à la tâche et vers 19 heures, après la prière du crépuscule, son repas était prêt. Elle en servit une bonne portion à sa voisine et amie Yaye Rama, et sa domestique Fanta la lui apporta. Elle se changea et mit une jolie robe beige qui frôlait ses pieds ainsi qu’un pagne de la même couleur. Un joli chignon haut embelli par un léger maquillage finit de rehausser sa toilette. Son jeune garçon de 6 ans Abdou, taquin, la complimenta pour sa tenue tandis que Marie, sa fille, l’entoura de ses petits bras et déposa tout sourire un bisou sur sa joue. Ils passèrent un bon moment ensemble à regarder un dessin animé à la télé.

    Se prélassant confortablement sur le sofa, Anna observait ses enfants jouer sur la moquette. Ils étaient sa fierté, et le fait de les avoir à ses côtés tous les jours, les voir grandir en santé et heureux, représentait son plus grand bonheur. Son mari était souvent absent de ces retrouvailles en famille puisque son travail de chercheur universitaire était très prenant. Hormis les cours de philosophie qu’il dispensait à l’université de Dakar, il lui arrivait de voyager dans la sous-région et en Europe pour participer à des colloques ou à des réflexions sur le renouveau de l’enseignement universitaire en Afrique.

    Même si son cœur de femme éperdument amoureuse de son mari criait à l’abandon, la raison l’incitait à accepter ce coup du destin et à être fière de l’homme important qu’était devenu Djiby. Certes, Anna aurait voulu qu’il soit plus souvent à la maison afin de partager les dîners en famille, de sortir de temps à autre en couple pour vivre intensément des moments de qualité et non quelques heures à la sauvette le matin avant de se rendre au travail. Son mari et elle avaient rarement des moments de complicité. Lorsqu’il arrivait que le boulot leur permette de profiter d’environ deux heures de pause-déjeuner, Anna s’organisait toujours pour que son mari puisse la retrouver à la maison pour partager un repas ensemble. C’était l’occasion pour elle de jouer pleinement son rôle d’épouse divinement astucieuse, aimante, œuvrant pour le bien-être de son mari. Elle privilégiait ces moments, car ils lui permettaient de lui servir à manger, de le bichonner et de rendre ses après-midis des plus agréables et inoubliables possibles.

    Hélas, tout ceci était désormais bien loin dans ses souvenirs ! En effet durant leurs premières années de mariage, Djiby faisait preuve de bonne volonté pour retrouver son épouse à déjeuner à la maison, s’il n’était pas retenu à l’université pour de la formation ou des rencontres collégiales de grande importance. Seulement trois ans après leur mariage, et après qu’il eut gravi les échelons et intégré le club très sélect des professeurs émérites, ces déjeuners, dont raffolait Anna, n’existaient pratiquement plus. Et quand c’était les grandes vacances scolaires, ils jouissaient d’à peine un week-end tous ensemble en famille, alors il ne fallait pas espérer qu’il organisât une quelconque virée romantique, ne serait-ce que pour se rappeler que sa femme existait et avait besoin de se sentir vivre, aimée et gâtée comme n’importe quelle épouse.

    Ce soir-là, tandis que l’horloge au mur du salon indiquait qu’il était temps pour les enfants d’aller au lit, Djiby n’avait toujours pas donné signe de vie. Les enfants se changèrent, se brossèrent les dents et regagnèrent leur chambre respective. Anna formula une prière à l’endroit de son fils, l’embrassa sur le front et sortit de la chambre. Lorsqu’elle alla voir sa fille, celle-ci était assise dans son lit, les yeux fixés sur la porte. Marie lui demanda pourquoi son père n’était toujours pas rentré. Elle attendait la poupée qu’il lui avait promise avec impatience. En réalité, cela faisait plusieurs jours que les enfants ne faisaient que croiser leur père tôt le matin pour ne le revoir que le lendemain à la même heure. De toute évidence, son père lui manquait énormément, car elle l’adorait.

    — Tu sais, chérie, papa a beaucoup de travail, c’est pour ça qu’il tarde à arriver. Mais il pense très fort à toi et je suis sûre que tu auras ta jolie poupée très bientôt. Allez, maintenant dodo… Fais de beaux rêves !

    Anna pria également pour sa fille avant de refermer tout doucement la porte derrière elle.

    La domestique était partie se coucher presque en même temps que les enfants. Fanta s’occupait d’eux le matin avant de les emmener à l’école située à environ dix minutes de marche. C’était une fille très brave et respectueuse et durant ces cinq années au service de la famille, Anna avait toujours été en confiance, car sa domestique aimait sincèrement ses enfants et veillait sur eux avec beaucoup d’attention.

    Native de la ville de Thiès, Fanta dut abandonner le collège après plusieurs échecs au brevet de fin d’études moyennes. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses parents démunis, elle avait été contrainte de s’accrocher au premier boulot sauveur qui lui tombait sous les bras — celui de domestique. À seulement 18 ans, elle avait commencé à travailler chez Anna par l’entremise d’une voisine et grande amie, qui se trouvait aussi être une ancienne promotionnaire de l’université de Dakar.

    Pensive, Anna retourna au salon avant de se décider à appeler son mari. Son téléphone sonnait dans le vide ; elle ne laissa pas de message, de peur de perdre son calme. Cette situation l’exaspérait ! La colère monta en elle. Ce n’était pas la première fois que Djiby lui manquait de respect. Non seulement il s’arrangeait pour ne pas tenir ses promesses, mais elle avait aussi cette douloureuse impression que les enfants et elle étaient toujours relégués au second plan. Nul doute qu’il les aimait énormément, du moins, ses enfants représentaient tout pour lui, cela, elle en avait la certitude. Pourtant, son absence répétée, son inattention à ses désirs de femme et son égoïsme laissaient souvent sous-entendre que sa carrière était si importante qu’il fallait donc que ce soit à elle de se sacrifier pour le bien-être de la famille. Toutefois, son bien-être à elle, Djiby y pensait-il ? Savait-il seulement que l’amour ne se traduit pas uniquement par une cage dorée ainsi qu’une belle voiture, un confort matériel que bien des femmes lui envieraient ? Le ménage, il se vivait à deux et des compromis devaient être trouvés de part et d’autre afin qu’un foyer puisse être vivant. Djiby avait-il la moindre idée de combien il manquait à ses enfants qui le réclamaient incessamment, surtout sa fille qui l’idolâtrait ?

    Anna pouvait tout laisser passer. Elle était assez compréhensive pour accepter que le travail de son mari fût très prenant, et qu’il dût souvent s’absenter pour répondre à ses obligations professionnelles. Il pourrait même prendre une seconde épouse, s’il le souhaitait. Cela l’anéantirait certes dans son cœur de femme amoureuse, mais elle l’accepterait, par respect pour les préceptes de l’Islam qui lui conférait ce droit. Cependant, le respect était une valeur primordiale servant à consolider toute base d’une relation qui aspire à durer. Et ça, Djiby en était conscient. Il connaissait assez bien sa femme pour savoir qu’elle détestait qu’il la laissât sans nouvelles quand il était censé le faire et tout ce qui pouvait ressembler à un désintéressement chez lui l’affectait au plus haut point.

    Lorsqu’il franchit le seuil de la porte de la chambre à coucher, Anna était déjà au lit. Elle l’entendit se déshabiller et aller vers la salle de bains attenante. Après ce qui lui sembla une éternité, elle le vit ressortir. Il la regarda alors qu’elle était assise sur le lit, la couverture en soie couvrant ses jambes. Elle le fixait sans mot dire, lui n’était pas comme à son habitude. Ses yeux étaient rouges, il avait le regard fuyant, et lorsqu’il lui prit le bras et tenta de s’expliquer, elle manqua de s’évanouir. Ses mots sonnaient faux, ses phrases étaient incohérentes, son haleine puait l’alcool. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle voyait et entendait. C’était juste inconcevable ! Lui, son mari, ce Djiby qu’elle avait fréquenté pendant cinq ans avant de l’épouser, pour qui l’odeur de la cigarette et les déboires liés à l’alcool répugnaient depuis toujours, en était finalement arrivé à ça !

    — Je rêve… ou tu as bu, Djiby ? pestait-elle.

    — Écoute-moi bien, je n’ai pas bu ! Euh… qu’est-ce que tu racontes là ? Tu t’adresses à moi, Djiby Sané, fervent disciple de l’érudit de l’islam, Serigne Boubacar Diané de Ziguinchor, en bon musulman pratiquant que je suis, euh… tu oses me… je ne suis pas un ceddo¹, moi !

    Il attrapa les cheveux de sa femme qui se tenait là, stoïque. Les yeux écarquillés, elle observa son homme métamorphosé en un parfait inconnu pour elle, à ce moment précis. Djiby était devenu complètement méconnaissable ! Elle le repoussa si violemment qu’il tomba et s’assit presque machinalement sur ses genoux.

    — Tu n’as même pas honte ! Comment oses-tu rentrer à la maison dans un tel état ? Te rends-tu compte du mal que tu me fais, à moi et aux enfants ? Je peux tout te pardonner, Djiby, tout, mais ça, je ne l’accepterai jamais, hurla-t-elle, tu m’entends ? Jamais ! Tu me dégoûtes ! Et ne t’avise surtout pas de me toucher !

    Elle frappa violemment cette main qui tentait de lui toucher la cuisse. Elle cria sa déception, s’époumona à cracher sa douleur à la face de son mari. Ses larmes coulaient sans qu’elle s’en rende compte. Tous ses membres tremblaient. C’était plus qu’elle ne pouvait supporter. Elle le voulait hors de sa vue. Alors qu’elle tentait de le faire sortir de la chambre, Djiby parvint à agripper son bras et la jeta violemment sur le lit.

    — Tu te dois de me respecter, Anna ! Je suis ton mari, tu m’entends ? Ne me parle plus sur ce ton, hurla-t-il comme s’il perdait la raison. Et maintenant, assume ton rôle d’épouse, je le veux, tout de suite !

    Non, il n’était pas question qu’elle se laisse faire ; jamais il ne l’humilierait de la sorte. Une force incroyable qui découlait vraisemblablement de la rage qui bouillonnait en elle la poussa à s’extirper de cette étreinte dégoûtante, et de bouter cet homme hors de sa vue, malgré sa carrure imposante du haut de son 1,90 m. Dès qu’il sortit, elle s’empressa de refermer la porte à double tour et se laissa glisser le long de la porte, le visage enfoui dans ses mains. Elle sanglotait, elle avait mal. Elle souffrait non pas physiquement, mais psychologiquement et émotionnellement.

    Cela faisait d’ailleurs trop longtemps qu’elle souffrait en silence. Ses absences répétées, c’était une chose ; son inattention à son égard, à ses besoins, à ses tourments de femme délaissée, malheureuse, c’en était une autre. Et maintenant ça !

    Saut d’espace temps.

    En fait, elle aurait dû voir tout cela venir. Depuis qu’il s’entourait d’une bande de nouveaux copains, dont il avait fait la connaissance à ses séances de judo, il y avait de cela quelques mois, Djiby n’était plus vraiment le même. Ses virées nocturnes, qui étaient assez rares, devenaient de plus en plus fréquentes. Un soir du 24 décembre, alors qu’ils finissaient leur dîner en famille, Djiby lui avait rappelé que ses trois copains devaient passer le chercher un peu plus tard afin de sortir prendre un verre dans un resto-bar au centre-ville. Ce programme n’avait pas particulièrement plu à Anna, surtout depuis qu’il lui avait confié qu’aucun de ses amis n’était dans une relation sérieuse, encore moins marié. Y avait-il un risque quelconque à laisser son mari traîner avec ces jeunes cadres trentenaires et célibataires ? Anna avait préféré se dire que Djiby, bien qu’il fût bel homme, toujours élégant, et attirant aisément la gent féminine, n’avait jamais été un coureur de jupons. Elle lui faisait encore confiance.

    Pourtant, quand elle avait accueilli Alain, Ousmane et Serge dans son salon et leur avait tenu compagnie en attendant que son mari finisse de se préparer, elle avait vite réalisé à quels types d’énergumènes elle avait affaire. Jeunes et riches, la carrière de banquiers prospère, ils vivaient leur vie à cent à l’heure entre femmes, boîtes de nuit et virées de toutes sortes. Ousmane avait une fille de 3 ans d’une femme qu’il n’avait jamais voulu épouser, car selon ses dires, il ne lui faisait pas confiance puisque trop de mâles lui couraient après et qu’elle ne semblait pas vouloir repousser leurs avances. Quant aux deux autres, leur vie de célibataire leur convenait parfaitement ; il y avait trop de belles fleurs qui couraient les rues pour qu’ils se limitent à en butiner une seule…

    Ce soir du 24 décembre, Anna avait compris qu’elle devait agir si elle voulait éviter que son couple ne soit en péril. De toute évidence, Djiby aimait la compagnie de ces joyeux lurons, car il les trouvait drôles et intelligents, d’autant plus qu’ils partageaient des intérêts communs pour le sport et la politique. Ce serait donc une mauvaise stratégie de l’empêcher de fréquenter ceux qui vraisemblablement avaient toutes les chances de le dévier de sa voie, de ce que le couple avait mis tant d’années à construire. Elle pensait plutôt user de diplomatie, soit parler à son homme, lui rappeler à quel point il était important que le bonheur de sa femme et de ses enfants soit son moteur et guide ses pas dans toute entreprise, dans toute démarche et à chaque moment de sa vie. Djiby comprenait son inquiétude, et ne manquait guère de la rassurer. Il aimait lui rappeler son dégoût pour la cigarette et toutes ces choses illicites. Quant au mode de vie débridé que ses compagnons semblaient mener, cela ne l’influencerait aucunement puisqu’il l’aimait, elle, et personne d’autre.

    Ces promesses qui étaient censées l’apaiser n’avaient fait qu’accentuer ses doutes. L’adage ne soutient-il pas : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es » ? Ce n’était peut-être plus qu’une question de temps avant que ces débauchés entraînent son mari dans leurs délires d’irresponsables. À ce moment-là, il ne resterait plus à Anna que ses yeux pour pleurer.

    Saut d’espace temps.

    Djiby avait été son amour de jeunesse, le seul garçon pour qui elle avait éprouvé des

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