À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Marc Lisle, après une scolarité tumultueuse et un accident de longue durée, se consacre à l’écriture d’une histoire qui le hante. Animateur d’un atelier littéraire, il se réjouit des succès de ses élèves. Encouragé par ses proches, il publie "Histoires à mourir".
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Aperçu du livre
Histoires à mourir - Marc Lisle
The Trail’s End
Il fait chaud ! Je baisse la vitre de la Ford pour que l’air me rafraîchisse un peu tout en m’éventant avec la carte routière que je tenais sur mes genoux. La brise induite par le courant d’air me donne une illusion de fraîcheur. Je jette un coup d’œil sur ma toute nouvelle montre-bracelet, il est neuf heures moins cinq.
— C’est vrai qu’elle est chouettos c’te nouvelle montre !
Je tourne ostensiblement mon poignet pour admirer le dernier petit cadeau de mon amoureux et, surtout, pour le distraire de sa conduite. Je le vois qui me regarde du coin de l’œil avec un petit sourire narquois. Comme il est beau mon homme avec son trilby blanc sur la tête.
— Je savais qu’elle te plairait ! me dit-il, sûrement pour amorcer la conversation.
— Tu sais toujours ce qui va me plaire, mon amour.
Il détourne rapidement la tête de la route et m’envoie un baiser. Je fais mine de l’attraper au vol pour le déposer sur ma bouche. Une nouvelle bouffée de chaleur m’incite à dégrafer trois boutons de mon chemisier.
— Tu ne trouves pas qu’il fait chaud ?
— Oh oui, très chaud Bébé. Ne va pas plus loin parce que la température risque de monter à des degrés insupportables.
Plaisante mon amoureux en lorgnant mon décolleté à présent largement ouvert.
— Non, mais sans rire, je trouve que c’est suffocant cette chaleur.
— Nous sommes en Louisiane… Tu as oublié ? Eh oui, tu as raison, même pour la Louisiane, il fait très chaud pour un mois de mai. Tu veux que j’accélère un peu pour te faire plus de vent ?
— Non… merci mon amour. C’est juste que je trouve qu’il fait particulièrement chaud ce matin, voilà tout. Je trouve que c’est bizarre. On aurait peut-être dû attendre demain ou après-demain pour ce… rendez-vous. Il aurait peut-être fait moins chaud.
— Mais enfin Bébé, c’est ridicule ! On ne repousse pas un rendez-vous comme ça ! On avait dit mercredi, et mercredi… c’est aujourd’hui !
— Tu as raison mon chéri, oubli ce que je viens de dire… je sais pas pourquoi, je suis pas trop dans mon assiette. Je me sens… bizarre.
— C’est ton mauvais rêve qui te tracasse ?
— Peut-être… Je sais pas… Laisse tomber, ça va me passer.
*
* *
À une vingtaine de kilomètres de là, à la sortie d’Arcadia, sur la petite route qui mène à la paroisse de Bienville, six hommes sont affairés autour du camion d’Iverson T. Methvin.
— Dites Monsieur Hamer, je me tiens où ?
— Restez sur la route à côté de votre camion, Methvin… avec votre roue démontée par terre. Cela paraîtra plus naturel.
Iverson Methvin acquiesce et, manivelle de cric en main, il va se poster vers l’avant de son camion, juste à côté de l’aile gauche pour être bien visible des véhicules qui arriveraient en face.
— Frank, je crois que notre rendez-vous est manqué… Ça fait des heures qu’on poireaute ici et personne n’est arrivé sur cette foutue route. Je crois qu’on devrait rentrer. Et puis, il commence vraiment à faire chaud. Et je me fais bouffer par ces saloperies de moustiques !
— Du calme Ben. Si Methvin a accepté de jouer le jeu, c’est que c’est du sérieux ! Tout sera réglé avant midi… crois-moi ! Et, je ne suis pas en reste moi non plus avec les moustiques.
— Pffffff, ouais, mais les gars en ont marre Frank !
Les quatre autres coéquipiers assermentés qui constituent le reste de l’équipe que Frank avait trié sur le volet s’étaient regroupés sur le bas-côté de la route. Bob se ventilait avec son chapeau tandis que Ted et Henderson fumaient une cigarette en écoutant blaguer le dernier compère de la troupe.
— Aller les gars, éteignez-moi ces cigarettes, ça pourrait nous faire repérer. Soyez patient et retournez à vos postes… Ted, Oakley et Bob de ce côté. Ben et Henderson avec moi. Et restez tranquille !
*
* *
Au même moment, à moins de 10 kilomètres de Frank et son équipe, dans la Ford V8 modèle 18, une petite frimousse féminine plisse les lèvres dans un air insatisfait.
— Hooo chéri, j’ai la fringale !
— Ben… mange un morceau. On a les sandwiches de chez Ma Canfield… On s’est arrêté exprès pour ça, tout à l’heure. Tu n’as qu’à prendre le mien si tu veux. Et moi, si j’ai faim, tout à l’heure, eh ben… On pourra certainement retourner chez Ma après notre petite affaire… Non ?
— Tu as raison mon amour. Tu trouves toujours une solution… Je t’aime.
Je me retourne et m’agenouille tout en me penchant sur le dossier de mon siège. Ma jupe remonte un peu sur mes cuisses, je suis consciente que mon amoureux doit avoir une belle vue sur mon derrière. Pendant que je fouille et pioche dans notre panier à pique-nique posé sur la banquette arrière de la voiture, je sens une main inquisitrice remonter de la pliure de mon genou vers le haut de ma cuisse. Je fais mine de protester en remuant mon postérieur tout en tirant un gros sandwich carré entouré d’une serviette à carreaux rouge et blanc. En sortant celui-ci, j’aperçois dans le panier, mon carnet à poème et me souviens que je n’ai pas parlé à mon chéri de mon dernier texte. Je me saisis de celui-ci avec la ferme intention de lui en faire lecture.
— Tu as fini de gigoter Bébé ? Je n’arrive pas à me concentrer sur la route avec tes gesticulations frauduleuses. Ma main n’arrive pas à tenir en place.
— Ah, c’est donc cela que je sens sur l’arrière de ma cuisse ! Je croyais que c’était une bête !
Mon amoureux ricane de ma plaisanterie et me pince la fesse en ajoutant :
— Tiens, v’la que la bête te mord le derrière !
— Ah oui, c’était une morsure ? On aurait pu davantage croire à une caresse peut-être… Non ? Bon, ça y est, j’ai fini. J’ai attrapé un sandwich…
Je me rassieds, presque à regret, correctement dans mon siège. Je pose sur mes genoux et lisse ma carte routière qui était un peu chiffonnée puis, par-dessus, mon précieux carnet à poèmes. Je dégage avidement la serviette qui recouvre mon sandwich. Mon estomac grogne, la salive emplie ma bouche. Je croque férocement dans le premier morceau découvert et analyse la saveur…
— Cheddar et beurre de cacahuète ! Et j’ai aussi attrapé mon carnet à poèmes. Tu veux que je te lise mon dernier ?
— Ah oui Bébé, j’adore comme tu écris. Tu sais que tu aurais pu être Poétesse ou écrivain… Ce n’est pas pareil d’ailleurs ?
— Si, lui répondis-je en fermant les yeux, comblée de bonheur par la grosse bouchée de sandwich que je viens d’avaler.
Je me laisse un instant bercer par l’air tiède qui entre par la fenêtre de la Ford. Je croque avidement dans mon encas. Le pain et le fromage au beurre de cacahuète ravissent mes papilles. Je rouvre les yeux et admire un court moment la luxuriance de la flore qui borde notre route. Je suis heureuse. J’aime tellement la vie que nous menons avec mon amoureux. J’avale la dernière bouchée de mon sandwich et ouvre mon carnet pour faire lecture de mes derniers écrits à mon chéri. Je jette encore un coup d’œil sur ma montre, il est 9 h 13. Tiens, comme dans mon rêve !
— Bon, tu es prêt mon amour ? Je vais commencer à lire…
— Attends Bébé, il y a un camion arrêté sur le bas-côté. On dirait le camion du père Methvin. Mais oui, c’est bien lui… on dirait qu’il a crevé. Attends, je ralentis… Putain, c’est quoi ce traqu…
À une trentaine de mètres de la Ford, tandis qu’Iverson Methvin se jette au sol, Ted Hinton, Prentis Oakley, Bob Alcorn, Benjamin Gault, Henderson Jordan et Frank Hamer surgissent des fourrés de part et d’autre de la route. Prentis tire le premier et décharge sa Remington. Ils est tout de suite suivit par ses camarades qui font cracher sans état d’âme leurs Thompson automatiques et leurs fusils à pompe sur la Ford V8 modèle 18 qui en même temps semble réduire sa vitesse, puis ré accélérer vers les hommes de loi. Comme aux ralentis, Iverson Methvin voit très clairement une rafale atteindre le chauffeur de la Ford en pleine tête. La voiture se perce de partout. Des éclats de verre sautent dans tous les sens. Le véhicule oblique lentement sur la gauche pour finir le nez blotti dans les fourrés. Elle s’immobilise dans l’herbe. Les coups de feu emplissent de leur vacarme toute la campagne avoisinante. Des bouts de métal, de tissus, de carburant, giclent de toutes parts de la carcasse assassinée. Les armes à feu continuent leurs aboiements de mort jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de munition. Puis, finalement, les déflagrations se taisent. Un long hurlement plaintif s’élève de la voiture et retombe dans le silence et la fumée aux odeurs de poudre, de carburant, de sang. L’équipe de Frank est immobile, arme toujours au poing. Ils sont suspendus, dans l’attente peut-être d’un mouvement, d’un mot. Frank s’avance d’un pas déterminé vers la voiture tout en se saisissant de son révolver qui était resté à sa ceinture. D’un geste sûr, il lève le bras et vide son barillet sur les deux corps inertes et ensanglantés affalés dans la Ford criblée de balles. Puis il ponctue avec un ton laconique :
— C’est terminé les gars !
Son air est grave. Methvin est encore allongé au sol. Son audition est voilée, certainement abîmée par les explosions fracassantes des armes à feu aux gueules encore fumantes. Lentement, il se relève, hébété, incrédule. Jamais il n’aurait pensé que cela aurait pu se produire ainsi. Il avait accepté de servir d’appât pour sauver son fils. Mais deux vies avaient été nécessaires pour cela. Peut-être ne se le pardonnerait-il jamais. Gault bouge alors de sa retraite et s’approche pour dépasser Frank, colt encore à la main. Puis, d’un geste nerveux, il ouvre brusquement la portière passager. Une très jolie jeune femme blonde glisse au bas de l’ouverture. Elle semble expirer un dernier souffle. Son bras se déroule et sa main lâche un carnet épargné par les giclés d’hémoglobines. Une carte routière et un sandwich à moitié dévoré tombent au sol.
— Ils sont morts Frank… Ils sont morts tous les deux.
Le père Methvin, bouche entrouverte, regarde halluciné les corps sans vies des deux jeunes gens. Ils étaient à peine plus vieux que son fils, pense-t-il. Benjamin jette un coup d’œil sur le gars au volant, il n’est pas beau à voir. Puis son regard inspecte la jeune femme. Il se baisse, ramasse le carnet qui vient de glisser de sa main. Ces yeux se posent perplexes sur l’écriture soignée qu’il décrypte. Machinalement, à voix basse, entre ses dents, il commence à marmonner. Il s’interrompt, lève la tête et lance à ses camarades justiciers :
— Eh les gars je viens de ramasser un carnet que la fille tenait, écoutez ça :
Vous avez lu l’histoire de Jesse James ;
Comment il vécut, comme il est mort ;
Ça vous a plus, hein, vous en d’mandez encore ;
Eh bien, écoutez l’histoire de… Bonnie and Clyde.
Fin
Pas mal, comme fin, non ? Perso, j’ai adoré la brutalité du contraste entre romantisme et massacre à l’arme à feu. Mais bon, tout est affaire de goût. Je laisse à votre appréciation d’exprimer ou non votre approbation.
L’histoire suivante est plus poétique. Elle est empreinte d’art et, si nous en revenons à une espèce de notion de temps, elle ressemble à une vision d’éternité. Je ne vous en dis pas plus et vous laisse découvrir…
Fontaine de jouvence
Il est des choses, à la fin d’une vie usée par le temps, qui ouvrent les portes d’un espoir d’éternité l’espace d’un instant. Je suis un vieil homme qui a vu tant de choses, que mes yeux brûlés de chagrin refusent aujourd’hui d’en accepter davantage. Certains trouveront cela triste de vieillir en perdant des facultés essentielles à leur confort de vie, pourtant, cette perte est en réalité un bienfait. Si je peine à me déplacer, c’est parce que ma destinée n’est pas ailleurs. Et si ma vue est si basse, c’est pour voir avec le cœur chaque individu qui passe. Je me plais, vers la fin du printemps, par les jours de grand soleil, quand celui-ci vers 17 h a chauffé la rue, à m’installer à tâtons, à l’extérieur, sur un fauteuil de toile pliable, attendant de capter quelque merveille. Posé là, plaqué au mur de mon logis, sur le trottoir. Je goûte encore, de mon front et de mes joues, la tiède couleur de l’astre du jour descendant. Je tends l’oreille, et le piaillement d’un oiseau, le bruissement du vent dans des ramures lointaines, les murmures des passants rythment le temps qui s’écoule. Sur mon trottoir, le bâtiment qui jouxte ma porte est occupé depuis peu par un cours de danse. Le professeur qui loue les lieux doit être un jeune homme sensible et poli, empli de la grâce de ceux qui pratiquent l’art du geste. Il ne manque jamais de me saluer et me demande souvent si la musique ne me dérange pas. Comment le pourrait-elle ? Elle est la voix de la rêverie et de l’enchantement. Elle est l’onde qui fait se mouvoir les cœurs vers les rythmes les plus endiablés ou bien les langueurs des sanglots les plus tristes. Elle est l’expression de tous sentiments, la voix qui raconte l’indicible. Je réponds alors qu’au contraire de me déranger, elle enjolive ma fin de journée. Il me remercie et glisse vers la porte d’à côté que j’entends tinter puisqu’une clochette y est accrochée. Il ne faut pas attendre bien longtemps pour distinguer parmi les bruits de la ville, l’arrivée par petits groupes, des jeunes gens qui conversent avec enthousiasme des progrès qu’ils ont faits ou des difficultés qu’ils éprouvent à exécuter telle ou telle technique. La danse est un art précis et précieux. Des bonjours me sont lancés de part et d’autre un peu à la manière dont on jette des fleurs au toréador après une corrida. Je leur réponds d’un signe de ma main ridée et livide. Juste un geste pour que ma voix éraillée ne brise pas l’harmonie de ces fluettes tonalités en majorité féminines. La clochette tinte et tinte encore jusqu’à se taire et faire place à un sourd brouhaha puis, silence… et la musique démarre. Je reste là à écouter les : un, deux, trois, des cours des plus jeunes et les musiques à tendance jazz ou plus syncopée de chorégraphies plus dynamiques. Je reste sur mon trottoir jusqu’à ce que la fraîcheur humide de la tombée du jour ne m’avertisse d’une heure trop tardive. Alors, j’attrape ma canne blanche, je me lève, plie mon fauteuil et rentre dans mon antre de vieux monsieur égratigné par la vie, mais égaillé par cet interlude musical. Ainsi les jours s’écoulent et se suivent dans leur ronde routinière et rassurante. Puis, d’une manière incroyable, ce matin, au dixième coup du clocher de l’église toute proche, je ressens comme une énergie toute neuve éclore en mon intérieur. Je n’ai jamais connu de sensation identique. Je me sens prêt à prendre une sorte de nouveau départ, comme une envie de liberté adolescente. L’atmosphère est déjà tiède. Pourtant, ma fenêtre est ouverte. Mes mains froissées, posées sur le rebord de l’huisserie, se cramponnent à celle-ci avec fermeté et vigueur. J’inspire à pleins poumons. L’air embaume les feuilles vertes et naissantes. Une touche de fragrance de mimosa me ramène à mes premiers émois olfactifs. Je décide, puisque la météo s’y prête et mon énergie m’y invite, de briser l’absurde loi de la sortie de fin de journée et de m’accorder en cette radieuse journée une escapade matinale. Ma canne blanche précède mes pas. Cela n’est qu’une habitude. Mes jambes connaissent par cœur le sentier qui mène à ma porte. Au passage, ma main gauche agrippe le fauteuil de toile pliant qui me sert d’assise et je franchis triomphant le seuil de ma porte pour m’installer sur le trottoir. L’air est doux. Des oiseaux gazouillent de toutes parts et se mêlent aux autres bruits de la ville. Dans le lointain, un coup de klaxon. À deux rues d’ici, tout au plus, une moto s’affole d’un râle long et rauque. Puis, soudain, tout proche, je décèle la tonalité cristalline d’une voix toute féminine. C’est la première fois que je l’entends. Je devine une jeune femme belle et bien faite. Celle-ci accompagne les pas du jeune professeur que mon oreille aguerrie a reconnus. Le timbre de sa
