Qui sont ma mère et mes frères ?: La famille de Jésus de Nazareth

Par Philippe Giron

Nous avons tous en tête les merveilleuses histoires de Noël, avec Jésus, Marie et Joseph, le bœuf et l’âne, les bergers, les rois mages, sans oublier la fuite en Égypte et le massacre des Saints Innocents. Seuls les deux évangiles selon saint Matthieu et saint Luc parlent de ces événements, mais ils ne disent pas forcément la même chose. Quant à Joseph, il disparaît mystérieusement dès les premiers chapitres des évangiles.
On a beau chercher Anne et Joachim dans les évangiles, on ne les y trouve pas. Sainte Anne est pourtant la patronne de la Bretagne et est honorée à Sainte Anne-d’Auray, sanctuaire réputé, dans le Morbihan. Et puis, les évangiles nous parlent bien de « frères et soeurs » de Jésus. Qu’en est-il réellement ?
Ces textes sont plutôt discrets sur la famille de Jésus et la foi populaire s’est attachée à des éléments qui ne s’y trouvent pas. Et s’il s’agissait à travers ces différents textes de mieux comprendre ce qui est à l’origine de la foi chrétienne et d’en comprendre le sens ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Philippe Giron est diacre de l’Église catholique à Lannion pour le diocèse de Saint Brieuc. Ancien ingénieur réseaux, il est titulaire d’une licence de théologie de l’Institut Catholique de Paris.

• Langue: Français
• Éditeur: Saint-Léger Editions
• Date de sortie: 13 mai 2025
• ISBN: 9782385224745

Aperçu du livre

Page de titre

Philippe Giron

Qui sont ma mère

et mes frères ?

La famille de Jésus

de Nazareth

Remerciements

Merci à Jean-Louis S. et Roselyne D.-R.

pour leur soutien et leurs conseils judicieux,

et à Marie-Anne pour sa relecture attentive et sa patience.

Préface

Il fut un temps où l’on plaisantait, dans les séminaires et les presbytères, sur « Jésus, fils d’une famille honorablement connue de Nazareth ». C’était évidemment ironique, avec un brin d’auto-dérision, mais sans méchanceté : plutôt la conscience qu’on n’était pas dupe du contraste entre le modèle de la « Sainte Famille » mis en avant par l’Église depuis la fin du xixe siècle – plus ou moins consciemment confondu avec la « famille nucléaire » (et / ou bourgeoise) – et la famille de Jésus telle qu’elle apparaît dans les évangiles. Peut-être parce qu’il est confronté, dans son ministère de diacre permanent depuis 2012, à de multiples modèles de familles, qui ne correspondent pas à cette norme et même parfois la contestent ouvertement, Philippe Giron a voulu en avoir le cœur net sur ce que disent exactement le Nouveau Testament et la Tradition de l’Église ancienne. Armé d’une licence en théologie obtenue à l’Institut catholique de Paris, nanti aussi d’une curiosité et d’une rigueur héritées de sa formation scientifique, il s’est donc lancé dans une recherche sur la famille de Jésus, sinon « recomposée » (c’est un mot très récent) du moins « peu ordinaire », pour reprendre ses mots.

Les évangiles ne sont pas des reportages ou des enquêtes de terrain a posteriori de journalistes, mais des récits, des témoignages et des réinterprétations à partir de la foi « post-pascale » en Jésus réveillé d’entre les morts. Le souci de leurs narrateurs n’était pas la « vérité » historique, ce qui s’est « vraiment passé » et « vraiment dit ». Les auteurs des écrits dits « canoniques » (reconnus dignes de foi par l’Église du second siècle et inclus dans le « Canon » des Écritures) ne sont pas allés vérifier l’authenticité et la véracité des informations livrées par les différents témoins. En conséquence, certains s’étonnent et se récrient devant l’historicité défaillante des récits et leur créativité littéraire, où ils ne voient qu’inventions humaines. C’est vrai a fortiori des évangiles dits « de l’enfance » de Jésus, dont le merveilleux est pain béni pour la critique historique. Pourtant, la popularité de ces récits au long de l’histoire et aujourd’hui plus que jamais (avec la construction de crèches plus épatantes les unes que les autres) ne s’est pas démentie et donne à réfléchir, malgré la critique historique, et aussi la relative discrétion et simplicité des textes considérés comme crédibles par l’Église. Il faudrait toujours rappeler aux historiens hypercritiques, l’interpellation du grand théologien protestant Karl Barth : « Kritischer müssten mir die Kritiker sein ! », qu’on pourrait traduire librement mais fidèlement par : « Encore un effort, messieurs les critiques ! »

Quoi qu’il en soit, le travail de Philippe Giron pour reconstituer le puzzle de la famille de Jésus dit, avec pédagogie et discernement, ce qu’un honnête chrétien et un lecteur cultivé (et critique !) devrait savoir et retenir de cette « famille » atypique. Il a pourtant choisi comme titre une des paroles les plus incompréhensibles (et les plus décourageantes) de Jésus à propos des siens : « Qui sont ma mère et mes frères ? », réplique-t-il quand on lui annonce qu’ils attendent « dehors » ? Parole énigmatique d’abord parce qu’elle résonne comme une fin de non-recevoir envers les siens, qui prolonge celle qu’il a dite à ses parents à douze ans, quand ils l’ont retrouvé au Temple : « Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » Parole énigmatique ensuite par sa radicalité voire sa dureté proprement « évangélique » : il ne suffit pas, loin de là, d’invoquer les liens de la chair et du sang, l’appartenance naturelle héritée, pour se dire « du Christ ». Parole énigmatique enfin quant au sens à donner au mot « frères » : s’agit-il de « cousins » de Jésus ou de « vrais frères » selon la chair, ce qui signifierait que Marie a eu d’autres enfants que Jésus, et impliquerait d’importantes conséquences, notamment théologiques. Là encore Philippe Giron fait le point sur cette question disputée et discutée depuis les premiers temps, en rappelant la position de l’Église sans dissimuler les controverses qu’elle a suscitées et suscite encore.

Ce petit livre ne prétend pas être un travail exégétique de première main, ni un essai théologique de haute volée, mais un outil de travail bien ficelé pour des formations catéchétiques et autres. Et ce n’est peut-être pas un hasard que ce soit un diacre marié qui s’intéresse à la « famille de Jésus », au point de faire la monographie qui manquait sur ce sujet complexe, dont les éléments divers et variés sont dispersés dans les évangiles et d’autres sources.

Jean-Louis Schlegel¹

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1 Jean-Louis Schlegel a été éditeur aux Éditions du Seuil. Il est l’auteur de deux petits essais sur la Bible (Moïse et le Dieu unique, Hatier, 2013, et La Bible expliquée aux jeunes, Seuil, 2017). Il est aussi traducteur de l’allemand, notamment de théologiens (Johann Baptiste Metz, Hans Küng, Hans Urs von Balthasar, Josef Ratzinger, Karl Rahner).

À la recherche

de la famille de Jésus

« Qui sont ma mère et mes frères ? » (Mc 3, 33). Quand nous installons la crèche de Noël, nous ne faisons pas le lien avec cette interpellation de Jésus dans l’évangile de Marc, car nous avons plutôt en tête de merveilleuses histoires. Pourtant la question se pose : quel rapport avec la suite compliquée de la vie de cette famille ? Avec la crèche, nous plaçons Jésus dans la mangeoire, le bœuf et l’âne près de lui, les bergers et leurs moutons, les rois mages et aussi Joseph, le père adoptif de Jésus, et bien sûr Marie, sa mère. Nous avons aussi en tête le récit de la fuite en Égypte, et celui du massacre des enfants innocents par Hérode…

Tout ce qui entoure cette famille et ces personnages que nous idéalisons dans l’ambiance sympathique de Noël, tout cela, quand nous revenons à la réalité du monde complexe dans lequel nous vivons, nous aide-t-il dans notre foi ? Et d’abord, faut-il y croire ?

Seuls les évangiles selon Matthieu et Luc parlent de la naissance de Jésus, mais ils ne disent pas la même chose, et les éléments de la vie familiale qu’ils rapportent sont ténus. Quant à Joseph, il disparaît mystérieusement dès les premiers chapitres des évangiles. Où sont les parents de Marie, Anne et Joachim ? On a beau les chercher, on ne les trouve pas dans les évangiles. Sainte Anne est pourtant la patronne de la Bretagne, et elle est honorée dans le sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray, dans le Morbihan… Quant aux « frères et sœurs » de Jésus, les évangiles nous en parlent bien, sauf que la tradition de l’Église catholique est de dire qu’il s’agit de cousins. Pourquoi, et en a-t-il toujours été ainsi ?

Les récits évangéliques canoniques sont donc plutôt discrets sur la famille de Jésus, mais la foi populaire – la « foi du peuple », ce n’est pas péjoratif – a voulu s’attacher à des éléments qui ne s’y trouvent pas, sans doute pour compléter cette sobriété. S’agit-il d’ajouts postérieurs aux évangiles, de relectures pour montrer que Jésus est bien Dieu et Fils de Dieu ? Qu’en est-il exactement ? Que dit l’Église là-dessus ? Et que nous enseignent les textes ?

Le but de ce travail est de regarder ce qui est dit de la famille de Jésus dans le Nouveau Testament. Je commencerai par la « Sainte Famille », avant de parler de Jésus lui-même. Nous connaissons sa vie et son message tels qu’ils sont racontés par les évangiles, mais j’examinerai avant tout les récits de son enfance chez