Omertà
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À propos de ce livre électronique
"Avec des amis comme toi, pas besoin d'ennemis… Un peu comme quand on t'a pour fille."
Annie. L'enfer à votre porte, les abysses derrière celle-ci.
Notre mère.
"Quand ça sèche ça fait un peu comme de la mort aux rats. Ils vont croire qu'on les a empoisonnés, ces connards de manouches."
Gérard. La brutalité crasse, bête et méchante.
Notre père. Que son nom reste oublié.
"Mes parents sont des criminels."
Moi. Lucie Vandecandelaère.
Lumière du Chandelier.
J'ai vu le jour dans la nuit de l'Humanité.
Je suis née pour illuminer les ténèbres.
Des champs boueux de la Normandie aux favelas armées de Rio de Janeiro ; voici ma partie d'échecs contre l'Omertà.
Mon combat pour la vérité.
Ma course vers la lumière.
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Aperçu du livre
Omertà - Lucie Vandecandelaere
Omertà
Lucie Vandecandelaere
Published by Lucie Vandecandelaere, 2025.
Omertà
Lucie Vandecandelaère
Tous droits réservés.
Ceci n'est pas une œuvre de fiction. Tout est réel, à l'exception des identités, qui ont dû être changées.
Certaines conversations ont été recoupées, pour des raisons de temporalité.
Mais chacune de ces paroles a été prononcée.
À mes frères
Et à moi.
Lucie Vandecandelaère.
Table des matières
PARTIE I : Lucie
Chapitre 1 – Révélation
Chapitre 2 – Déshumanisation
Chapitre 3 – Insoumission
Chapitre 4 – Altercation
Chapitre 5 – Insurrection
Chapitre 6 – Erosion
Chapitre 7 – Evasion
Chapitre 8 – Dépression
Chapitre 9 – Oppression
Chapitre 10 – Suffocation
PARTIE II : Lucy
Chapitre 11 – Evaporation
Chapitre 12 – Exploration
Chapitre 13 – Dépersonnalisation
Chapitre 14 – Perversion
Chapitre 15 – Aliénation
Chapitre 16 – Perdition
PARTIE III : Lucie 3
Chapitre 17 – Intimidation
Chapitre 18 – Reconversion
Chapitre 19 – Imprécation
Chapitre 20 – Corrosion
Chapitre 21 – Abrasion
Chapitre 22 – Explosion
Chapitre 23 – Calcination
Chapitre 24 – Abnégation
Chapitre 25 – Coalition
Chapitre 26 – Combustion
Chapitre 27 – Confusion
Chapitre 28 – Pérégrination
Chapitre 29 – Damnation
Chapitre 30 – Persécution
Chapitre 31 – Expiation
PARTIE IV : Lucie Vandecandelaere
Chapitre 32 – Cristallisation
Chapitre 33 – Révocation
Chapitre 34 – Complication
Chapitre 35 – Inaction
Chapitre 36 – Réaction
Chapitre 37 – Invasion
Chapitre 38 – Prédation
Chapitre 39 – Implosion
Chapitre 40 – Confession
Chapitre 41 – Compromission
Chapitre 42 – Conspiration
Chapitre 43 – Expatriation
Chapitre 44 – Exploitation
Chapitre 45 – Expérimentation
Chapitre 46 – Assimilation
Chapitre 47 – Délation
Chapitre 48 – Orchestration
Chapitre 49 – Désintoxication
Chapitre 50 – Purification
Chapitre 51 – Intensification
Chapitre 52 – Corruption
Chapitre 53 – Rédemption
Chapitre 54 – Libération
Épilogue
Remerciements
Retrouvez l’autrice dans son combat pour la survie :
PARTIE I : Lucie
Chapitre 1 – Révélation
Plus de 50000 mineurs sont victimes de violences physiques dans le cadre familial, en France, chaque année.
En tout cas, plus de 50000 plaintes sont déposées tous les ans.
Combien ne le sont pas ?
« Peut-on vivre sans amour ? ».
C’est avec cette question que je retrouvai mon frère. Timéo, 17 ans de traumas et d’autisme, sortait de sa consultation hebdomadaire avec son psy.
Je l’accueillis dans le nuage perpétuel de fumée de la Clopomobile. Ma chère Dacia Logan, plus âgée encore que lui. Une main sur mon volant défaillant, une autre sur le levier de vitesse parsemé de morceaux de frites, et le cerveau en position latérale de sécurité, je pris la route de notre enfer personnel.
Déjà nous étions lancés à 40 kilomètres à l'heure sur les chemins aux innombrables ralentisseurs de Biéville-Beuville. Le charme de ce petit village normand aurait pu être complet, n’eut-ce pas été la fin d’un froid mois de novembre. Mais le paysage passait sans que nous le regardions. Nous nous retrouvions en effet pour la deuxième séance de psychanalyse du jour.
Avec l’énergie d’un influenceur Linkedin, j’essayais d’enseigner à cette pauvre tête blonde que l’amour, on le trouve en soi. Qu’on se l’apporte personnellement au jour le jour. Qu'on doit le puiser dans son âme.
Hélas, je ne croyais pas un mot sortant de ma propre bouche.
C’était d’ailleurs un problème récurrent, l’absence de foi en moi. J’ai toujours eu cette merveilleuse faculté de savoir les choses sans y croire ; un doux paradoxe qui prit fin dans cette même voiture, ce jour précis.
J'avais l’esprit brumeux à force de chercher des raisons de vivre à donner à Timéo dans ce monde en perdition. Mon bras brûlait au contact du chauffage déréglé de la Clopomobile, et l’autre gelait par l’air glacial de l’hiver calvadosien qui entrait par la fenêtre ouverte. Les vapeurs de nicotine fuyaient mes poumons en me brûlant les rétines. Ma courroie criait ruine sous mon capot.
Et c'est là que j’eus l’immense satisfaction d’entendre mon frère me révéler le secret de la vie.
« Monsieur Portras a dit que Annie est folle ».
Annie, officiellement notre mère, dans les faits l’un des plus grands démons que la Terre ait jamais enfanté. Annie, l’enfer à votre porte, les abysses derrière celle-ci. Annie, le cauchemar inépuisable, la source intarissable de malheur, l’horreur incarnée…
En la forme d’une harpie cinquantenaire, aux cheveux courts, teints en rouge. Comme d’ailleurs son regard, quand elle le pose sur vous avant de vous annoncer les pires atrocités du ton de la banalité absolue.
« Tu sais, Timéo, ça me fait très plaisir d’entendre ça. Des années qu’on sait qu’elle est cinglée, personne qui nous croit… Et un professionnel de la santé qui le reconnaît ? Qu’est-ce qui lui fait dire ça ?
—Je lui raconte tout ce qui se passe à la maison. Et je lui ai parlé de toi… »
Lucie Vandecandelaère. Enchantée de vous rencontrer. Monsieur Portras doit se régaler, avec des histoires comme les nôtres. C’est pas tous les jours qu’on croise des survivants de familles psychopathiques.
Après un temps de réflexion, entre deux jurons à l’égard des conducteurs sans foi ni loi qui règnent en maître dans la campagne normande, je relançai notre adolescent salvateur :
« A ce propos. J’espère que tu te rends compte d’à quel point ce n’est pas normal, de vivre comme on le fait… De survivre dans ces conditions, en vérité. Dans les familles normales, rien de tout ça n’arrive. Et personne n’a besoin de se demander si on peut, ou non, vivre sans amour.
—Mais du coup, on peut ?
—Timéo, si je savais ce que c’était de vivre, de réellement vivre, je te répondrai. Je te dirai juste de garder espoir ; un jour ou l’autre, tu pourras t’évader. Tu auras 18 ans cet été, il s’agit de tenir jusque-là… et de toujours, toujours, garder tes plans secrets. Si elle apprend que tu essayes de lui échapper… Comme on l’a vu avec moi, c’est là qu’elle tentera de t’annihiler pour de bon.
—La garce, observa Timéo, ses mains, que je voyais à la périphérie de mon regard, serrées sur ses genoux. Et le Gérard, il a encore dit quelque chose sur toi. »
Gérard. D’apparence, brute épaisse et crasseuse, au cerveau aussi déserté par les pensées raisonnables que son crâne par les cheveux.
Dans les faits, brute épaisse et crasseuse, au cerveau aussi déserté par les pensées raisonnables que son crâne par les cheveux.
L’identité de ce charmant personnage ? Notre père, aux yeux de la loi. Mais surtout, que son nom ne soit pas sanctifié.
« Ah, tiens, ça change. C’était quoi, cette fois-ci ? demandai-je, sachant pertinemment que la réponse ne m’apporterait aucun réconfort en ces temps d’horreur.
—Il m’a demandé aujourd’hui si je savais ce qui t’était arrivé, genre pour collecter des informations. Et si tu m’avais demandé de l’argent, carrément racketté selon ses propres termes, ces derniers jours.
—Il était pas en train de cambrioler un chantier, l’autre jour ? Je suis dans une réalité alternative où c’est moi, la criminelle, maintenant ?
—Qu’est-ce qu’il a dit d’autre… euh… ah oui, il a eu des propos aussi, à ton égard, des trucs du genre ah, elle va finir sous les ponts ! Elle va crever, ça va faire une merde en moins
. Il a dit ça l’autre jour. Ça va lui apprendre la vraie vie !
. La vraie vie ? C’est ça, la vraie vie, pour lui ?
—Eh, Timéo, comme on dit : si je finis morte sous un pont, j’espère que le pont lui tombera dessus par la même occasion. »
Et sur ces joyeuses paroles, la route continua, vers la maison de ce même Gérard à la personnalité si délicieuse. Il était temps d’y redéposer Timéo. Ou « picot », surnom que lui avait trouvé Gérard, et dont l’idée générale était de rabaisser l’intelligence de mon frère.
L’hôpital, la charité, tout ça… Chez nous, la culture plafonnait à la hauteur des fraises au mois de décembre. Mais il n’a jamais été bon d'y souligner les incohérences.
Au risque, donc, de la façon qui fut la mienne trois jours après cette conversation, de se retrouver sans domicile fixe.
Chapitre 2 – Déshumanisation
La violence psychologique, dite aussi mentale ou émotionnelle, n'a, elle, que peu de chiffres à montrer.
C'est une violence invisible.
La mémoire est un être traître. Roublarde, elle sait apporter les informations à qui en fait la demande.
Mais elle en profite pour vous poignarder dans le dos.
J’ai alors moins de trois ans. Je suis à la crèche, et un petit garçon tente de m’offrir un téléphone rouge. Autour de moi trônent des jouets. Devant moi, ma mère part sans se retourner. J'ai la main tendue vers elle.
Entre nous, une barrière vouée à me garder prisonnière.
Des années plus tard, le comique de situation me rend amère. La prison dans laquelle je me sentais alors enfermée était une bouffée d’air frais. Je l’ignorais, mais la cellule d’isolement se trouvait finalement être notre maison au crépis disgracieux, enclavée entre deux champs et une ferme. C'était ce village gris, où les vaches avalaient inlassablement la même herbe humide. C'était ce patelin oublié des Dieux, où les poulets mouraient en hurlant, après avoir vécu en hurlant, leurs cris accompagnant les trop rares levers du soleil.
La campagne est un lieu de solitude. Ma campagne, elle, était un lieu de perdition.
Née en 1997, j’ai connu l’avènement des ordinateurs, mais toujours à distance. Alors que ceux-ci gagnaient du terrain dans les foyers français, ma mère était seule à en posséder un. Dans notre maison grandissante au rythme des enfants qui apparaissaient, la liberté virtuelle lui était réservée. Pendant qu’elle racontait sa vie, et la mienne, sur un blog de commères qu'elle avait créé, je lisais. Souvent d’ailleurs, je devais plutôt relire ; les livres manquaient face à mon inextinguible soif d’évasion.
Qu’est-ce que je cherchais alors à fuir ?
La possibilité que mes parents ne m'aiment pas. A fortiori, la possibilité qu'ils n'aiment personne.
L’ambiance, terrifiante, épuisante, présente entre ces murs parfois construits de façon hasardeuse.
L’ennui, atroce, profond, lié à une redoutable solitude, provoquée - sans que je le sache alors - en grande partie par ma mère. Elle qui s’était fâchée avec le quartier entier. Elle, qui ne m’avait pas appris les bases de la sociabilité, n’ayant tout bonnement aucune compétence dans le domaine. Elle, le démon dissimulé en pleine lumière.
De fil en aiguille et de livre en livre, j’ai développé un goût profond pour l’écriture. Sur des petits cahiers Diddl, sur des blocs-notes colorés, à l’opposé de mon monde en noir et blanc, je résumais mes différentes amourettes de passage. Peut-on vivre sans amour, me demandait Timéo ? Je crois, au final, que non. Quitte à s’en inventer pour en remplir l’absence.
Entre deux fictions, se trouvaient aussi les mots d’une existence bien plus sombre que ne l’aurait laissé présager ma chambre, dont la déco était une explosion de violet. Traces de discussions avec mes parents.
Présages d'un futur bien sombre.
A 8 ans, mon quotidien était déjà hors de toute routine classique. Mais, pour moi, ce genre de mots doux était la normalité :
« Vous allez vous en prendre une chacun ! Ah, je vais vous claquer la tronche. Lucie, tu me pourris la vie ; je vais te démolir le portrait si tu ne manges pas. »
Évidemment, je ne mangeais pas. Je repartais dans ma chambre avec parfois des bleus de coup de poing, ou un estomac douloureux d'être laissé vide.
Pour mieux me retrouver, plus tard, devant cette même table où j’étais déjà restée des heures durant. A contempler les mêmes plats. Des décennies après, je n'y touche toujours pas.
A jurer, finalement, que l'on ne reverrait jamais de viande se poser sur mes papilles gustatives.
Et les heures passaient, dans l'ennui et l'attente d'une libération. Le silence n'était pas encore l'étau étouffant qu'il deviendrait.
Non, ma prison n'était alors que vacarme.
« TU VAS ARRÊTER DE GUEULER, OUI ? » gueulait ce cher Gérard, devant mon refus d'obéir. « TU MANGES CE QU'ON TE DIT, QUAND ON TE LE DIT !
—Je te conseille de manger, renchérissait une Annie hilare devant mes larmes. Mais c'est bien, continue de crier comme une folle ! Je vais montrer cette vidéo à tous tes copains.
—JE VAIS APPELER LA POLICE ! criai-je donc, dans une vaine, triste tentative de défense.
—TU COMMENCES A ME FAIRE CHIER, TU FAIS PLEURER LE PETIT LA ! CA SUFFIT TES CONNERIES ! » concluait Gérard, me dominant d'un bon mètre et de son énorme voix de bœuf enragé.
Déjà à l’époque, et d’après ce même joli petit carnet rose bonbon, je voulais appeler le 119. Mais c’était la garantie, dans mon esprit déjà bien torturé, d’une formidable correction de la part de Gérard.
Il a toujours eu la main aussi leste pour frapper que pour voler.
Moi, c’était mes pieds qui faisaient preuve de rapidité. Les années passant, je trouvais un nouveau terrain dans lequel disparaître : celui du béton et du ballon. Inlassablement, pendant des heures, je jonglais. Dans notre rue déserte où l’écho résonnait sur les murs de pierre défraîchis, ou devant notre porte d’entrée. Occasionnellement, la balle heurtait une vitre. J'entendais la douce voix de notre furie locale s'élever.
« Tu vas faire gaffe, oui ? Tu nous coûtes déjà assez cher comme ça ! »
Je re-disparaissais alors au plus vite dans mon univers imaginaire, où la vie se parait des mille couleurs que la réalité ne possédait plus depuis longtemps.
Un coup de pied, un ballon, blam. Un coup de poing, un mur, boum. Un choc après l'autre. Le rythme des bim, bam, boum m'entraînait dans une danse mentale effrénée. J'imaginais un Hôtel infini.
La porte s'ouvrait. Le majordome m'y demandait si j'allais bien. Un bain chaud accueillait mon corps épuisé, sale, meurtri. L'île des vacances offrait des glaces à volonté, et j'appréciais la saveur simple et riche de la vanille. Dans les couloirs, de bois sculpté, de carrelage coloré, de béton armé, on ne croisait que des gens souriants.
A l'Hôtel Infini, insulter, injurier, menacer sont des actes interdits. Un pas de côté, et c'est le bannissement. Oui, à l'Hôtel Infini, ne valse que l'empathie.
La réalité, si je pouvais l’esquiver en pensée, ne m’offrait pas cette chance dans le monde physique. Fuir ? Mais pour aller où ? Parfois, à bout, je menaçais de fuguer.
Annie a toujours beaucoup apprécié de rire ; attention toutefois, seulement aux dépends des autres.
« Ah oui, tu vas t'en aller ? Mais je t'en prie ma chérie, voici la porte d'entrée. Ben allez, pars, t'attends quoi ? T'hésiteras pas à m'écrire, hein, pour me raconter si c'est mieux la nourriture des poubelles… Petite branleuse, va. »
A 12 ans, je me faisais inlassablement punir. Je partais en douce promener mon chien vieillissant ? Interdiction de sortir. J'allais nourrir une tribu de chats sauvages, dans un aéroclub à l’extrémité du village ? Privation de technologie.
Mon portable caché, ma DS aux abonnés absents, je ressortais néanmoins. Je partais donner les croquettes que je pouvais acheter ou, le plus souvent, dérober en cachette, à Boules, Whisky, Câlin, et tous leurs petits copains à quatre pattes. Un kilomètre, deux, trois ; j'allongeais la foulée, je poussais les pédales de ma bicyclette. Le vent fouettait mon visage, la pluie gelait mes mains serrées, et mes entrailles se tordaient, imaginant le supplice qui m'attendait au retour.
Sauf que ces chats n'avaient personne, et moi non plus. Si eux ne pouvaient pas m'aider, moi, je pouvais les nourrir. Ce que je fis pendant plusieurs années. Quelques rares voisins aidaient aussi : de-ci, de-là, naissait une niche improvisée de cartons et de couvertures. L'herbe constamment humide de ce dépotoir normand laissait deviner un chemin, tracé par les passages d'humains chargés de croquettes. Des gamelles en plastique erraient, abandonnées après avoir été vidées de leur contenu.
Hélas, rien de positif ne dure dans ce recoin perdu du Calvados.
J’étais de nouveau en route pour l’aéroclub abandonné, bravant la bruine normande qui, elle, ne connaît pas les RTT. Mais je manquai rentrer dans un de mes camarades de la rescousse féline.
« Oh, Lucie ! Tu vas nourrir les chats ?
—Oui, j’ai du boeuf bourguignon pour eux aujourd’hui !
—Il ne faut pas que tu y ailles.
—Pourquoi ?
—J’y suis déjà allé… et je les ai retrouvés dans la poubelle. Heureusement, j’en avais déjà ramené trois chez moi la semaine dernière… »
Le restaurant de l’aéroclub avait été racheté, et son propriétaire n'avait pas pensé à acquérir une âme au passage. Mais une carabine, ça, oui.
C’est ainsi que Boules, Whisky, Câlin, et tous les autres chats avaient été exterminés par un monstre de plus, dans l’enclave du mal qu’est le hameau de Marcelet.
En 2023, lors d'un Halloween froid et venteux, j'ai recroisé ce monsieur.
« Ah, Lucie… Je me souviens de toi. Tu allais nourrir les chats, non ?
—Oui, c'était moi ! Vous en aviez récupéré, je crois ?
—Trois chats adorables ! Ils sont encore en vie. J'aurais tant aimé en sauver plus... Si j'avais su... »
Mais nous n'avions pas su. A l'époque, personne ne semblait au courant que Marcelet était infesté de monstres.
Hélas, les chats de l'aéroclub ne furent pas les seuls à souffrir dans ce village infernal.
Si les enfants se sont accumulés dans cette maison de l’égarement spirituel qu'était la mienne, alors les animaux s’y amassaient comme les punaises de lit dans le Paris des Jeux Olympiques.
Dans ce boucan constant de cris d’enfants et d’hurlements de parents qui n’en avaient que le nom, se sont par exemple promenés J-B et Caramel.
J-B était un bichon au poil initialement blanc, je pense. Difficile à dire. Ce brave toutou n’avait pas été lavé pendant une très longue période. Il était agressif, il est vrai !
Mais pas facile de vivre des années avec les yeux crevés.
Chez nous, on guérit à la force de l’esprit, ou on reste dans notre peine. C’est le même principe qui s’appliqua, des années plus tard, quand mon chat Caramel se blessa dans une bagarre de félins. Comme Gérard le dit, les yeux illuminés d'un sombre éclat :
« Ça sert à rien de le soigner, il fait que de dormir ! Je vais lui coller une balle, ça ira plus vite. »
Caramel survécut à cet incident, là où J-B finit bel et bien ses jours traversé par des plombs de carabine.
Le paradoxe de la vie a une saveur toute particulière dans cette prison de violence et d’ignorance. Dans ma campagne gouvernent les psychopathes en puissance. Ils sèment la terreur, protégés par les grands champs de blés du monde civilisé qui les entoure.
Mais la mort est une perspective universelle. Comme le Fisc, elle finit par trouver le chemin de votre porte.
Une fois, je passais une nuit entière à vomir. La gastro me tenait, et elle ne me lâchait pas. A chaque minute, son vomissement. A chaque battement de coeur, l'étau sur ma poitrine se resserrait.
Plus d'air dans mes poumons. Plus de forces. Panique. A l'aide.
Annie dût se rendre à l'évidence, elle allait se retrouver avec un cadavre sur les bras.
« Gérard ! Tu emmènes Lucie à l'hôpital. »
Silence. Rien ne se passe.
« Mais tu fais quoi, là ?
—Ben, je déjeune.
—Qu'est-ce que t'as pas compris dans « t'emmènes Lucie à l'hôpital » ?
—Ah, je dois y aller maintenant ? »
C'est ainsi que Gérard dût renoncer à son petit-déjeuner, et moi, à la mort qui me tendait les bras.
Il est bon de noter que l’hôpital, le Sheitan, comme nous la surnommions, ne voyait aucun problème à m’y expédier. Au contraire. Des années plus tard, elle tenta de m’y faire enfermer ad vitae æternam.
Et quelles sales années furent celles-ci.
Chapitre 3 – Insoumission
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) se traduisent par des obsessions (pensées dérangeantes, répétitives et incontrôlables), causant une forte anxiété. Celle-ci est atténuée par la mise en place de comportements répétitifs, irraisonnés et incontrôlables (les compulsions).
Dans 30 % des cas (38 à 54 % chez l’enfant), les troubles obsessionnels compulsifs se déclenchent brutalement, après un traumatisme ou un stress important. (Ameli.fr)
La saleté est une promesse tenue, dans la maison qui m'a vue grandir.
Déjà, on la retrouve dans chaque parole prononcée par mes géniteurs maladifs. Bonne à rien
, sale clocharde
, feignasse
; des poésies verbales que l'on retrouve seulement en terre infernale.
Ensuite, elle vit dans les tâches de moisi. Celles que l'on retrouve un peu partout, chez Gérard. Non, ne vous asseyez pas sur cette cuvette, mes amis. Ça fait dix ans qu'elle n'a pas vu la couleur d'une éponge.
Non, ne touchez pas cette table basse. Oui, ce sont des traces de sang que vous y voyez ! Mon frère cadet, Swan, y a laissé une dent. Demandez l'histoire à ma mère, elle sera ravie de vous la partager.
« C'est Lucie, elle sautait sur le canapé… Forcément, il l'a suivie. Que des conneries en tête, cette gamine ! Elle pouvait pas faire attention ? Ça nous a coûté cher en dentiste, cette histoire. »
Mais la saleté vit aussi sur nos peaux. La réputation que nous, français, avons de ne pas nous laver, a dû naître chez mes géniteurs.
Pourtant, j'aime me décrasser. Hélas, une douche, pour moi, est un moment de danger.
Tout avait commencé quand j'étais petite. Dans mon bain, j'avais la joie de découvrir l'anatomie masculine. Mon père venait prendre ses douches devant moi.
Avec le temps, j'avais appris à m'enfermer à clé. Hélas, les gardiens de prison ont toujours un trousseau sur eux.
Il faut savoir que dans ce dépotoir qu'est notre maison campagnarde, la porte de la salle-de-bain peut se déverrouiller de l'extérieur. Je l'ai appris à mes dépends.
« ON S'ETAIT DIT RENDEZ-VOUS DANS DIX AAAAAAAAAAH C'EST QUOI, CA ?! »
La buée de mes quelques minutes d'eau chaude autorisées, glissant agréablement sur ma peau, venait de laisser place à la froideur, glaciale, d'une eau gelée.
Le rideau tiré sur le côté laissait apparaître le visage sournois de Annie. Un verre vide dans la main.
« Qu'est-ce que tu fais, là ? lui demandai-je, choquée et claquant des dents.
—Tu gaspilles toute l'eau chaude, signala-t-elle, triomphante.
—Eh, mais tu dégages, je ne veux pas que tu me voies à poil, lui hurlai-je donc.
—Ce corps, c'est moi qui l'ai fait, il m'appartient ! » me répondit-elle, avant de s'en aller en éteignant la lumière, me plongeant dans le noir.
Heureusement, la nuit et moi sommes de vieilles amies. Nous nous sommes rencontrées dès le CM2, alors que je lisais en cachette, sous mes couvertures.
Nous nous sommes encore rapprochées au collège, quand j'ai cessé de dormir. Je refusais d'ouvrir les yeux sur une nouvelle journée de torture.
Lucie Vandecandelaere, collège Jean Moulin. Taux de popularité : zéro. Trousses mystérieusement envolées : une. Nombre de coups reçus par des collégiennes sans cervelles : plein.
Nombre de poings de Gérard qui se lèvent : encore plus.
L'adolescence ne m'a apporté aucun répit. Dans cette grande guerre des tranchées qu'était mon existence, le front venait de se dédoubler. Quelle bataille choisirez-vous, aujourd'hui ? Besoin de plus de munitions ? Commencez à compter vos balles, soldats. D'ailleurs, hâtez-vous aussi de compter les lettres de ce livre. Comptez le nombre de fois que la lumière s'allume. Comptez, comptez. Choisissez un chiffre, et comptez.
Me voilà atteinte de tocs, mais où est la surprise ? N'est-ce pas, quelque part, normal pour la « toquée », la « tarée » de la famille ? A ce stade, retourner tous les objets de la maison pour pouvoir dormir, ce n'était qu'une étape logique dans mon développement.
« Punaise, je n'ai pas appuyé sur l'interrupteur de la cuisine. »
« Mince, j'aimerais vraiment retourner la manette de la télévision. »
« Est-ce que le gaz est bien éteint ? Je ferais mieux de vérifier… Non, j'ai déjà vérifié quatre fois. Il est éteint.
—Mais est-ce que tu en es sûre, Lucie ? Tu ferais mieux d'aller voir, quand même. »
Un coup d'œil à ma porte. La lumière tremblotante de la télévision allumée se glissait jusqu'aux ténèbres de ma chambre. Je tendis l'oreille ; des gémissements me répondirent.
« Bon, ben il va falloir attendre, Lucie. Gérard est dans le canapé, il regarde encore ses « films ». Mais si t'as de la chance, à 2h il est couché. Ça t'en fait presque cinq pour dormir ! Sois patiente… Profite de ce moment pour aérer ta chambre. Mince, il neige… N'oublie pas de glisser une écharpe sous ta porte, il faut empêcher le froid de se répandre. »
Les températures négatives ont hélas ça en commun avec ma famille : elles sont insidieuses. Elles s'étendent dans l'atmosphère comme une pneumonie dans vos poumons, entraînant avec elles la chute de leur hôte.
Les répercussions de mes actes ne se sont jamais fait attendre.
« ET TOI, SALE PETITE CONNE, T'AS ENCORE OUVERT TA FENETRE LA NUIT ? TU VEUX QUE L'HUMIDITE SE REPANDE ? MA MAISON VA ËTRE DETRUITE A CAUSE DE TOI…
—Non, j'ai juste ouvert cinq minutes…
—TU VAS ARRETER DE MENTIR, OUI ? LES VOLETS ONT BOUGE LA NEIGE SUR TA FENETRE. TU VAS ARRETER DE CASSER MA MAISON. »
Gérard a toujours été très fier de sa maison. Oui, les murs qu'il avait bâtis de ses mains se séparaient les uns des autres, mais ce n'était pas grave : il les avait construits, alors, c'était la faute du vent.
Oui, l'eau chaude y manquait vite ; mais ce n'était pas la faute du chauffe-eau, trop petit pour sept personnes. C'était de la mienne, sale petite ingrate qui ne savait que gâcher tout son argent.
Oui, la maison était dégueulasse. Mais ce n'était pas sa faute. C'était moi, feignasse que je suis, qui ne nettoyait pas derrière cette armée de braves gens.
Cendrillon, au moins, avait compris sa place. Moi, je n'ai jamais accepté l'esclavagisme.
« Annie, ton mari débile a encore menacé de me cogner…
—En même temps, c'est toi la débile. T'as qu'à pas ouvrir ta fenêtre comme une tarée toutes les nuits. Et tu vas respecter ton père.
—C'est toi qui l’appelles le débile…
—C'est absolument pas vrai. T'es vraiment qu'une sale menteuse. »
L'ennemi de mon ennemi est mon ami.
Un soir encore je fuis la bataille. Je fermai les yeux, quêtant le sommeil. Sur le chemin du Graal, je retrouvai mon Hôtel Infini et mon Majordome. Le sourire aux lèvres, je suivis sa tête couronnée de doux cheveux blancs jusqu'à une tour médiévale. Là, en haut de ces marches éclairées de bougies lumineuses, se trouvait ma chambre imaginaire. Mon lit m'attendait. Les draps y étaient faits, frais et propres comme la neige qui tombait, là, à quelques mètres de mon corps épuisé.
Un soir encore, le sommeil ne vint pas.
Le monde réel n'était que trop réel.
Chapitre 4 – Altercation
En 2024, environ 611 358 élèves ont été victimes de harcèlement scolaire en France. (CIDFP)
« Quand on t'a comme amie, on n'a pas besoin d'ennemis. Un peu comme quand on t'a pour fille. »
Annie a toujours été riche d'opinions, quitte à les « oublier » par la suite. Non, elle n'avait pas dit ça. Non, ça ne s'était pas passé comme ça. Oui, cette vidéo la montre faire exactement ce dont je l'accuse ; mais c'est sorti de son contexte, vous comprenez, votre Honneur. C'était de l'humour. On en a bien rigolé après, je vous le promets.
Qui s'est fendu la foire, ça, c'est une autre histoire.
Mais ma mère aime rire. Notamment avec mes amis ; seulement ceux qu'elle apprécie, évidemment.
Principalement Valentin.
Arrivée au lycée, mes au revoir faits sans émotion pour un collège qui ne m'avait apporté que de la torture supplémentaire, j'ai rencontré un tout nouveau monde. C'en était fini du bâtiment lugubre de banlieue normande. Bonjour, les locaux luxueux d'un quartier riche du centre-ville caennais.
Salut, mes nouveaux camarades.
Parmi ceux-là figurait Valentin, qui partagea ma classe de seconde. Scientifique là où j'étais littéraire, il ne m'en accordait pas moins toute son attention.
Valentin était un jeune homme un peu bizarre, je vous l'accorde. Ses cheveux bruns bouclés lui avaient valu le surnom de mouton ; son éternel manque de goût vestimentaire nous condamnait tous à supporter sa passion pour les pulls ignobles. N'ayant moi-même aucun intérêt pour l'habillage, je n'aurais de toute façon pas pu lancer la première pierre.
C'est regrettable. On oublie un peu trop vite la valeur d'une bonne lapidation.
Valentin aimait la technologie. Il collectionnait les ordinateurs, les serveurs informatiques, les applications innovantes. Quand il n'était pas occupé à écouter des chansons telles que « Montrez-moi vos miches madame » d'Andréas et Nicolas, il se montrait très disposé à régler nos problèmes technologiques.
« Ton ordinateur ne démarre plus ? Amène-le chez moi ce week-end, je te le réparerai. Aussi, tu peux me montrer ton portable ? Je vais t'installer une application, tu vas voir, c'est trop drôle.
—C'est pour faire
