Ne pas nourrir les animaux
Par Cécile Hupin
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À propos de ce livre électronique
De charniers mis à nu en rhinocéros laineux, de peintures rupestres érotiques en machine à raffermir les enfants mous, de fêtes préhistoriques en tentatives d’évasion, Ne pas nourrir les animaux pose la question fondamentale de savoir si l’on peut protéger sans enfermer.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Cécile Hupin est scénographe et autrice. Elle a écrit plusieurs spectacles et publié de nombreuses nouvelles, dont "Au trou du blaireau, lauréate en 2019 du Prix RTBF et du Grand Prix du concours de nouvelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
"Ne pas nourrir les animaux " est son premier roman.
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Aperçu du livre
Ne pas nourrir les animaux - Cécile Hupin
Première Partie
Avant Astrud
Enlacée dans les bras de mon aimée, je dors depuis trente-cinq mille ans. Soudain…
PAC ! Un premier coup de pelleteuse me décroche la jambe droite : rotule, tibia, péroné, tarses, métatarses.
PAC ! Un deuxième coup de pelleteuse emporte mon bras gauche : radius, cubitus, phalanges, phalangines, phalangettes.
PAC ! Un troisième coup de pelleteuse tape net entre nous deux. Et je m’élève dans les airs.
Deux vieilles squelettes contre une pelleteuse : le combat est injuste. L’engin me rejette dans un mouvement puissant et je me disperse, un os par-ci, un os par-là, au sommet d’une petite montagne de terre. Il ne reste de moi en toi qu’une canine et deux molaires, qui flottent dans ton bassin. J’aurais pu y voir un ultime élan d’érotisme. Mais trois dents, ce n’est plus assez de moi, pour que nous formions encore un nous. Ce nous, qui après trente-cinq mille ans, va devoir apprendre à vivre scindé. Je voudrais pleurer à en imbiber la terre. À en inonder le chantier qui a mis fin à notre délicieuse étreinte. Mais les larmes des fantômes ne mouillent rien du tout. Et me voilà seule, si profondément seule et éveillée, loin de ma belle endormie. L’air me chatouille le calcium. Je ne suis plus une squelette, mais juste un vieux tas d’os, insignifiant, dont tout le monde ignore la douleur.
Quel gâchis ! Nous aurions pu faire une merveilleuse pièce archéologique, si seulement on nous avait découvertes ainsi encastrées. Les visiteurs du monde entier se seraient pressés pour venir nous regarder. Peep-show préhistorique ! Ton squelette et mon squelette, imbriqués et jouissant à l’infini, auraient été photographiés. Nos dessins auraient été reproduits à des millions d’exemplaires dans tous les livres d’histoire, sur des tee-shirts, des tasses, des Bics, des tote-bags et des cartes postales. Gâchis ! Gâchis ! Gâchis ! On aurait fait de l’ombre à Lucy, à Rascar Capac, à l’homme de Cro, l’homme de Ma, l’homme de Gnon.
Les scientifiques se seraient arraché les cheveux sur le mystère de nos corps siamois. On serait devenu le plus compliqué des puzzles. À qui qu’elle est cette clavicule ? Et qu’est-ce que c’est que ça ? Une côte ? Un morceau de cubitus ? Un occiput ? Météorites, coulées de lave, nuages de poussière, attaques de mammouths, toutes les causes de mortalité possibles auraient été envisagées. Et puis, un jour, un petit brin d’ADN aurait raconté l’histoire qui se cache derrière nos deux corps imbriqués.
FLASH-BACK !
Nous avions quatorze ans, elle et moi, l’esprit rebelle et le corps en feu. À cette époque, nous étions tout sauf squelettes, nous n’étions que chair et désirs irrépressibles. Mais les temps étaient rudes. Très rudes. Et les températures, exceptionnellement basses, gelaient tout sur leur passage. Autour de nous, les animaux crevaient et plus rien ne poussait. Nous, humains, on mâchouillait des racines, on suçait de la glace et on utilisait ce qu’on avait de ruse et d’intelligence pour tenter de survivre. Mais la disette faisait rage et la période glaciaire ne semblait pas vouloir toucher à sa fin. Il a fallu se contraindre et il a été décidé que la copulation serait proscrite, le temps pour la tribu de reprendre des forces. De toute façon, qui en avait encore l’énergie ? Qui en avait encore l’envie ?
« Mais moi ! MOI ! Je ne veux que ça, moi ! Copuler à l’endroit, à l’envers. Dans la neige, dans les arbres, dans la mer ! » Avec mes quatorze ans et mon corps en feu, c’était ça justement qu’il fallait pour me nourrir : du sexe et encore du sexe ! À toute heure du jour et de la nuit… Je venais à peine de découvrir ce plaisir-là et on me le retirait déjà. J’ai essayé d’obéir, de me contenir, mais c’était plus fort que moi. Je souffrais du manque bien plus que de la faim et du froid. Alors, quand au milieu d’une plage enneigée j’ai vu passer cette étrangère, aussi poilue que puissante et qui semblait habitée par la même envie de vivre que moi, j’ai bravé la frontière de tous les interdits. Je lui ai proposé mon corps au lieu de la trucider, comme mon instinct de survie aurait dû me le dicter. Elle était d’une autre tribu, mais nous étions habitées par la même soif. Elle était petite, trapue, forte comme une guenon et me remplissait de toutes sortes de plaisirs inconnus. Elle était gentille aussi et elle avait le plus doux des sourires. Nos appétits s’accordaient à la perfection. Plus elle m’en donnait, plus j’en voulais. Alors, nous avons quitté nos molles tribus respectives, pour nous installer à deux, dans une grotte souterraine où, grâce à nos corps brûlants, il faisait toujours chaud. Quand nous ne baisions pas, nous peignions sur les murs de notre abri des scènes inspirées de nos plus puissants ébats. Notre tanière était devenue le temple de l’érotisme.
Mais un jour, alors que nous cueillions des racines, un tigre à dents de sabre, attiré par la bonne odeur de viande fraîche de mon aimée, l’a attaquée par-derrière. J’ai hurlé avec tant de puissance et d’amour que je suis parvenue à faire fuir la bête, mais il était déjà trop tard pour ma belle qui, lentement, se vidait de son sang.
Vivre sans elle n’aurait plus aucune saveur, alors, dans une fabuleuse orgie suicidaire, nous avons bouffé des champignons bleus. Puis, nous avons copulé une magistrale et dernière fois, couchées sur un lit de pétales de plantes carnivores. Pendant septante-deux heures d’une délicieuse agonie, des mammouths roses dansaient le cha-cha-cha dans la plaine enneigée. C’était d’une puissance telle que toute la glace des alentours a fondu. Nous sommes devenues roses, rouges, bordeaux, violettes, bleues, grises. Et fermement imbriquées l’une dans l’autre, nous sommes mortes.
Depuis lors, fantômes-siamoises, nous dormions avec délectation. Nos corps ont été recouverts par la neige. Ensuite, nous avons pourri dans la chaleur d’une canicule à cent vingt-deux degrés Fahrenheit. Viscères à l’air, nous sommes devenues parc d’attractions pour les scarabées, les doryphores, les asticots. Une fois notre chair mangée, il ne restait que nos squelettes, intacts, qui se sont retrouvés enfouis sous terre dans des conditions de conservation idéales. Pendant trente-cinq mille ans, j’ai désiré mon amour, en chair et en os.
Nous, on a quatorze ans pour toujours et une vengeance à prendre. J’irai pisser sur la pelleteuse qui vient de m’ôter à ses bras.
*
* *
FLASH-BACK ! (Mais moins loin cette fois.)
Quelques années ante pelleteuse natum, alors que nous sommes encore imbriquées l’une dans l’autre, se dresse, au-dessus de nos têtes de mortes, une petite ferme. Avec son étable, ses enclos à veaux, sa laiterie et ses pâturages. Tout autour et jusqu’à la mer, il y a des champs et des terrains de golf à n’en plus finir. C’est un petit paradis préservé, notre terre. Un sol fertilisant qui donne envie de sauter et de faire des cumulets. C’est la campagne à la mer, la mer à la campagne : des vaches broutent, des mouettes posées sur leurs dos, comme des colibris sur des hippopotames. Et aujourd’hui comme hier, à quelques kilomètres de là, les humains s’agglutinent sur la côte. Le regard tourné vers la mer grise, ils ignorent que le jardin d’Éden se trouve dans leur dos, au milieu des champs.
À un bout de la corde à linge de cette petite ferme pendent des grands pantalons en velours, des slips jaunis et des marcels distendus (ça, c’est Walter). À l’autre bout de la corde à linge pendent des petites culottes toutes identiques et de longues robes à fleurs (ça, c’est Mary). Première impression olfactive : une odeur de pipe si puissante que les casseroles et même les fleurs du jardin sentent le tabac. Deuxième impression : une odeur qui oscille entre le cirage et le poil de veau. Troisième impression : une très discrète odeur de flan à la vanille.
Walter + Mary n’est pas égal à cœur. Walter + Mary est égal à frère et sœur. Leur union marque surtout leur désir de vivre loin des humains, près des vaches. Et nous, six pieds sous terre, nous dormons profondément.
Walter, c’est un drôle de loustic, comme ils disent. Walter tombe amoureux. Tout le temps, de n’importe qui. Bébé, il fallait le voir se vautrer dans les bras de tout le monde avec ses petits yeux pleins de croûtes de lait qui balançaient des « je t’aime ». Petit, il aima chaque enfant du village à tour de rôle, garçon ou fille, cela n’avait pas d’importance. Il commença par ceux de son âge d’abord, et puis les plus vieux que lui et puis les plus jeunes aussi. Et même les très vieux. Et aussi les très jeunes. Il avait le talent pour trouver, chez chacun et chacune, une petite splendeur, un minuscule éclat, qui lui chamboulaient les tripes. Walter mangeait bien, mais grandissait peu, tant son amour brûlant consommait toutes les calories de ce qu’il engloutissait. En plus d’être petit, Walter était couvert de balafres à force, rêveur, de se cogner à chaque poteau qui se dressait sur sa route. « Pardon », disait-il alors au poteau, avant d’essuyer le sang qui lui coulait dans les yeux, avec la manche de sa chemise.
Malheureusement, personne au village n’était capable de l’aimer avec autant de sincérité. On l’aimait comme un copain, un cousin, un gars sur qui on peut toujours compter, mais jamais personne ne l’aimait comme un ouragan. « Pas grave », qu’il disait. Mais chaque refus faisait naître en lui une petite crevasse invisible.
À l’âge de dix ans, Walter était troué comme une pierre ponce et sa bouche souriait à l’envers. À douze ans, ce sont ses genoux qui se sont mis à fléchir bizarrement pour ne plus jamais se tendre. À quatorze ans, son dos s’est tout d’un coup courbé, comme un robinet. Deux ans plus tard, il a perdu tous ses cheveux. « Pas grave », qu’il disait encore. À cause de son drôle de physique, on a commencé à l’appeler le Vieux Walter alors qu’il venait à peine de fêter ses seize ans. Mais, inlassablement, alors que son corps se rongeait de l’intérieur, il tombait encore et encore amoureux, comme une maladie incurable. De la voisine, de son copain, de la dame à la télé, de la chanteuse Astrud Gilberto, de son chien, du soleil, d’un caillou, de la chute des feuilles. Et si, enfant, ça le rendait touchant, devenu adolescent, son entourage a commencé à trouver ça louche et à lui faire comprendre qu’il devait réprimer ses sentiments. De plus en plus courbé, reclus et amoureux, Walter a décidé de prendre une vache. D’une vache à deux cents, son élevage a grandi, grandi et grandi. Enfin, il avait trouvé celles qui pourraient lui donner tout l’amour qu’il méritait. Un amour bovin et platonique, mais un amour quand même et c’était tout ce qui comptait pour lui. Quand les pis s’engorgeaient de lait, il massait ses vaches en leur chantant de la bossa-nova de sa voix rauque. Sous terre, dans un demi-sommeil, nous adorions l’entendre, Walter et son chant nuptial.
Mary, elle, avait toujours à ses trousses les dizaines d’admirateurs et d’admiratrices dont Walter aurait rêvé. Mais toutes ces langues pendantes sur son cul lui renvoyaient sans cesse son charme à la gueule, comme si elle n’était constituée que de particules à baiser. Belle comme un tyrannosaure, elle en a déboîté des mâchoires, cassé des dents, explosé des arcades sourcilières… À la troisième personne suicidée d’amour pour elle, Mary décida que c’en était assez et qu’elle serait plus heureuse loin des humains, parmi les vaches, avec son frère Walter qui jusqu’ici était le seul à la regarder dans les yeux et pas dans les seins.
Un hiver, Mary est venue frapper à sa porte. « On pourrait faire ça ensemble, les vaches et tout ça. » Depuis lors, inséparables, c’est simple et évident, du frère à la sœur, de la sœur au frère, ça circule. Ils n’ont pas besoin de parler pour s’expliquer. Ils soignent, ils nourrissent, ils traient, ils conduisent le tracteur. Et puis, surtout, magie des magies, ce qu’ils préfèrent faire ensemble, ce sont les naissances. Il y a les belles mises-bas, qui les rendent surpuissants et heureux, et puis les moins belles aussi, qui les font transpirer et serrer les dents. Enfin, il y a les très vilaines : quand un veau meurt dans le ventre et qu’on ne parvient pas à l’extraire, ils y vont douloureusement à deux pour le découper in utero en essayant de ne pas blesser la mère. Il faut de la force, il faut du talent, pour accueillir la vie et la mort avec une puissance équivalente. Comme son frère, Mary parle peu, mais chante beaucoup : d’inoubliables berceuses punk, du yodle, du skat, du slam, des cris, un peu de tout ça à la fois. Je vous jure avoir vu les vers de terre vibrer au son de sa voix.
Nous vivons là, tous les quatre, tranquilles. De beaucoup de lait, d’amour, de soleil et de pluie, de petits bonheurs et puis voilà. Mais Walter et Mary, au-dessus, ignorent notre présence à nous, en dessous.
*
* *
Et puis, un jour… La terre se met à trembler.
Il ne s’agit pas d’un cataclysme, non, juste un effet vibromasseur qu’on n’avait jamais ressenti, en trente-cinq mille ans. Et qui annonce que quelque chose de nouveau arrive. Ce n’est pas un char à bœufs, pas une calèche, pas un train à
