Nous Serons des Monstres: Maratse, #3
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À propos de ce livre électronique
Un environnement extrême exige des méthodes extrêmes si le lieutenant retraité de la police groenlandaise David Maratse veut attraper un tueur sadique.
Au moment où le corps d'un adolescent disparu est découvert, les vêtements raidis par le gel et ensanglantés de la capitaine Petra Jensen sont retrouvés près d'un trou dans la banquise. La police locale suppose qu'elle est morte, comme le confirme la lettre d'adieu écrite de sa main.
L'enquête est close et les vêtements de Petra sont enterrés dans un petit cercueil dans l'une des sept tombes creusées avant l'hiver dans le cimetière au-dessus d'Inussuk, un petit village arctique sur la côte ouest du Groenland.
Pour David Maratse, l'enterrement n'est qu'une formalité, un mauvais moment à passer, ne serait-ce que pour convaincre la presse, la classe politique et la police de la mort de Petra, l'un des membres les plus compétents de la police groenlandaise.
Alors que la chasse au tueur de l'adolescent reprend, Maratse harnache ses chiens et prend la poudre d'escampette en profitant de la nuit hivernale pour se lancer à la recherche de Petra, loin des regards indiscrets de la presse et des contraintes de la loi.
Au cœur de l'hiver groenlandais sans soleil et tortueux, sur plus de 600 kilomètres de banquise au nord du cercle polaire, Nous Serons des Monstres est le troisième et le plus noir des trois épisodes de la série Crimes au Groenland qui met en scène le lieutenant de police retraité David Maratse.
Si vous aimez la série Islande Noire de Ragnar Jónasson et les polars d'Yrsa Sigurðardóttir avec ses héros Freyja et Huldar, vous apprécierez ces thrillers qui se déroulent dans le paysage arctique le plus captivant au monde.
Plongez-vous dès aujourd'hui dans la lecture de Nous Serons des Monstres pour découvrir le côté le plus noir du Groenland !
Christoffer Petersen
Christoffer Petersen lives in southern Denmark. He grew up on Jack London stories and devoured any book to do with the Arctic and dog sledging. In 2006 he encouraged his Danish wife to move to Greenland and spent seven years learning about the one of the most exciting countries and cultures in the world. While in Greenland, Chris started writing crime stories and thrillers set in Greenland and the Arctic. He graduated from Falmouth University with a Master of Arts in Professional Writing in 2015, shortly after moving back to Denmark. Chris makes a living writing about Greenland.
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Aperçu du livre
Nous Serons des Monstres - Christoffer Petersen
Christoffer Petersen
Nous Serons des Monstres
~ 3e volet de la série Crimes au Groenland ~
(traduit de l’anglais par Françoise Chardonnier)
Titre original :
We Shall Be Monsters
Note au lecteur
Dans Nous Serons des Monstres, qui fait suite à Sept Tombes, Un Hiver et à Meurtres sur la Banquise, le lieutenant de police retraité David Maratse confirme une fois de plus qu’il est un fin limier. Si tous les fils de l’intrigue finissent par se dénouer, certains thèmes soulevés ici sont repris dans le livre suivant. Bien que chaque volet de cette série aborde une énigme séparée, les personnages continuent d’évoluer et j’ai la ferme intention de les explorer un par un. Compte tenu des liens qui existent entre les diverses histoires, le lecteur appréciera pleinement Nous Serons des Monstres s’il a déjà lu un des livres précédents, voire les deux.
Comme d’habitude, je tiens Maratse pour responsable des dérapages exposés ici.
Les habitants du Groenland parlent le groenlandais, dont quatre dialectes au moins, ainsi que le danois et l’anglais. Le groenlandais de l’ouest et le danois sont les langues de travail dans maints aspects de la vie quotidienne. Nous Serons des Monstres est écrit en anglais et parsemé de mots groenlandais et danois comme :
Groenlandais de l’est / Groenlandais de l’ouest / Français
iiji / aap / oui
eeqqi / naamik / non
qujanaq / qujanaq / merci
imaqa / peut-être
Il est vrai que nous serons des monstres séparés du monde entier ; mais nous n’en serons que plus attachés l’un à l’autre.
Mary Wollstonecraft Shelley (1816-1822)
Frankenstein ou le Prométhée moderne (roman traduit de l’anglais par Jules Saladin en 1821)
Nous Serons des Monstres
Ataasinngorneq
LUNDI
1
La banquise était hérissée de crêtes et de nodules, semblables à des callosités ancrées dans la surface rigide de la mer obscure. Ces réseaux cristallins de communication primitive, bulles d’information, créaient des motifs à lire et déchiffrer ; une provocation de fils fracturés de glace qui serpentaient dans le fjord d’Uummannaq cerné par des montagnes, coupé du monde par les tempêtes, lointain et inhospitalier pour certains, salvateur pour d’autres.
Les roues du taxi cahotèrent sur la glace avant de se loger dans une autre ligne de communication, tandis que la route verglacée sinuait entre le village d’Uummannaq et le hameau de Saattut au nord et à l’est. Les pneus geignaient à chaque bosse, vibraient à travers le châssis fatigué et dans les sièges. Le chauffeur et le chef de la police fumaient côte à côte ; des vapeurs grises ténues s’échappaient des bouts incandescents pour s’écheveler par la fente noire inexorable dans le haut de la vitre. Le lieutenant de police retraité David Maratse était assis à l’arrière, yeux fermés, presque invisible, à l’exception de ses doigts qui pianotaient sur sa cuisse au rythme des bosses sur la glace. La lune éclairait le fjord jusqu’aux bords tranchants du granit et aux cimes des montagnes, où des poches de ténèbres attendaient de se déverser sur la glace dans le sillage de nuées et après le passage de l’astre nocturne. Par comparaison, les phares du taxi projetaient une lumière blafarde. Dès que le chef pointa son doigt, le chauffeur fit sortir son taxi des sillons et dériva vers la pointe de l’immense île de Salliaruseq. Ici, le courant déchiquetait la glace et le chauffeur ralentit pour se garer à côté de la Toyota bleu foncé de la police. Le lieutenant Aqqa Danielsen agita la main en descendant sur la glace.
Simonsen, le chef de la police d’Uummannaq, regarda par-dessus son épaule. « C’est là », annonça-t-il.
Maratse ouvrit les yeux, regarda par-dessus l’épaule du chef, à travers le pare-brise craquelé, une forme étalée sur la glace, plate et inerte, nue et pâle sous la lune. La peau sur le dos du corps étincelait.
« Ce n’est pas Petra », décréta-t-il.
« Non, ce n’est pas elle. »
« Vous avez dit que vous l’aviez trouvée. »
« Exact, mais c’est le premier arrêt. »
Simonsen descendit de la voiture et envoya d’une chiquenaude son mégot sur la glace. Maratse le suivit, les doigts toujours appuyés sur ses cuisses. Le vent léger qui fit frissonner Simonsen n’eut aucune prise sur Maratse. Il salua le lieutenant Danielsen d’un bref signe de tête et se dirigea vers le corps sur la glace.
« C’est moi qui l’ai trouvé », déclara le chauffeur du taxi en se plantant à côté de Maratse.
« Qui est-ce ? »
« Salik Erngsen », répondit Simonsen. « Dix-sept ans. Il est le fils d’Anton. »
« Anton ? », demanda Maratse en s’accroupissant à côté du corps de Salik.
« Il dirige l’usine de poisson. »
« Je veux voir Petra. » Maratse se leva.
« S’il vous plaît », dit Simonsen, « je vous demande juste une minute. Dites-moi ce que vous voyez. »
Maratse frotta ses doigts rugueux sur le tissu raide de sa veste de police, qu’il tapota deux fois avant de fourrer ses mains dans ses poches et de regarder Salik. Les yeux du garçon étaient grands ouverts, grêlés de taches de givre. Du sang avait gelé dans ses narines, au coin de sa bouche et dans une entaille profonde sur l’avant-bras gauche. Il se pencha au-dessus du corps et découvrit une autre estafilade sur le bras droit, rouge foncé, gelée. Il fronça les sourcils lorsque le chauffeur de taxi passa devant le faisceau des phares, puis examina la peau brillante sur le dos du garçon. Il contourna le corps au moment où Simonsen faisait signe à Danielsen et au chauffeur de taxi de se ranger sur le côté, en dehors du champ lumineux. Le scintillement entre les traces de sang gelé sur le dos de Salik n’était pas celui de la glace, mais de crochets ; des hameçons à ardillons utilisés sur les palangres, appâtés et posés en zigzag sur les fonds marins pour attraper des flétans. Maratse compta jusqu’à trente avant de se pencher et d’appuyer le bout de son doigt sur l’extrémité d’un des hameçons. Il suivit un fil de coton mince, raidi par le gel, de l’extrémité de l’hameçon jusqu’au sang sur le dos de Salik. Chaque hameçon avait un fil de couleur différente, bleu ici, vert là, rose, rouge, orange et violet ailleurs.
« Les couleurs de l’arc-en-ciel », commenta Simonsen. « Vous avez vu les poignets ? Les marques bleues ? »
« Il a été ligoté ? »
« On le dirait. »
Maratse examina les chevilles de Salik et découvrit d’autres marques bleues, une abrasion de la peau. Il se redressa et regarda Simonsen qui allumait une cigarette.
« Maintenant que j’ai vu, conduisez-moi à Petra », dit Maratse.
« Mais qu’est-ce que vous en pensez ? »
« Je suis retraité. »
« Donnez-moi votre avis », insista Simonsen. « Je vous offre d’enterrer la hache de guerre, bon sang de bois ! »
« Vous essayez juste de gagner du temps. » Maratse se dirigea vers la voiture de police et pointa Danielsen du doigt. « Où est-elle ? »
« Maratse », hurla Simonsen. « J’ai un macchabée sur la glace avec des hameçons plantés dans le dos. Je veux votre avis. »
« Pourquoi ? »
« Parce que », dit-il en baissant d’un ton, « parce que vous avez déjà été torturé. »
« Il ne s’agit pas de torture », rétorqua Maratse, « mais d’une punition. » Il pointa son doigt sur Danielsen. « Conduisez-moi à Petra. »
Danielsen regarda Simonsen, attendit l’assentiment de son chef, puis se dirigea vers la voiture de police. Maratse prit place sur le siège du côté passager et regarda droit devant lui, au-delà du dos étincelant de Salik, pris dans les phares de la Toyota lorsque Danielsen le contourna. Le lieutenant fit cahoter le véhicule pour emprunter les sillons parallèles de la route de Saattut qui longeait la pointe de l’île, dont la partie est se trouvait dans l’ombre et où la glace était noire et le courant plus fort. Danielsen s’arrêta au bout de cinq cents mètres.
« Il va falloir continuer à pied à partir d’ici », dit-il en ouvrant sa portière.
L’air était plus dense, plus froid et plus mordant. Maratse avait les jambes raides lorsqu’il se mit à marcher sur la glace, son corps était lourd et récalcitrant. Il vit un trou sombre dans la glace vers lequel Danielsen le conduisit. Le trou était rectangulaire et des morceaux de bois tenaient les parois intérieures. Un pieu en bois avec un enrouleur de ligne de pêche était pris dans la glace d’un côté. La ligne était tendue et Maratse savait qu’il y avait un morceau de tôle avec des pierres attachées en dessous, dans le fond du fjord. Il imagina le métal en train de dériver avec le courant, tirer la ligne tout droit alors que celle-ci sombrait en déployant les hameçons à flétans. Il secoua la tête pour évacuer cette image, se libérer des hameçons et regarda dans la direction indiquée par Danielsen.
« Ce sont ses vêtements », dit ce dernier.
Maratse contourna le trou et ramassa les couches raides de vêtements de la capitaine Petra Jensen sur la glace. Il reconnut la combinaison de ski couleur mangue, laissa ses doigts courir sur les taches de sang foncé qui souillaient la bavette isolante. Danielsen tira sur le collet d’une des bottes de Petra, libéra d’un coup de pied le talon de la glace avant de prendre la paire de bottes dans ses bras. Tous les vêtements de Petra se trouvaient là, ses sous-vêtements y compris. Maratse ferma les yeux, sentit la glace perler autour de ses cils, les raidir et les agglutiner alors qu’une larme roulait sur sa joue. Il se rappela l’odeur des cheveux de Petra, la chaleur de sa peau brune crémeuse, ses doigts fins et son sourire. Danielsen emporta les vêtements à la voiture de police et les rangea dans un casier de pêche en plastique qui se trouvait dans le coffre.
« On a pris des photos », dit-il alors que Maratse lui tendait la combinaison. « De tout. Simonsen m’a ordonné de ramasser ses vêtements dès que vous l’aurez vu, le trou de pêche, je veux dire. »
Maratse tira sur les poils vaporeux de sa barbe courte ; il n’allait pas pleurer, car cela signifierait qu’il acceptait, qu’il baissait les bras. Il retourna au trou, s’accroupit d’un côté et examina de plus près l’enrouleur en bois. Il y avait deux poulies. Il se redressa et saisit celles-ci des deux mains. L’enrouleur se mit à grincer et à cogner en tournant par à-coups lorsqu’il enroula la ligne de pêche, la remonta à la surface du fjord d’Uummannaq.
« On a déjà fait tout ça », l’informa Danielsen. « Mais comme il n’y avait rien, on a autorisé le pêcheur à reposer sa ligne. »
Maratse l’ignora. L’enrouleur cogna et le métal hurla dans les équerres lorsqu’il tourna la manivelle. Le casier posé à côté du trou était couvert de sang de poisson. Danielsen balança un coup de pied dedans pour le dégager de la glace et le traîna vers Maratse. Il tira une paire de gants épais de sa poche et ouvrit l’outil multifonction qui se trouvait dans sa ceinture. Danielsen attrapa le premier poisson remonté par Maratse, décrocha l’hameçon de sa lèvre avec les pinces à l’extrémité de l’outil et jeta le flétan dans le casier. À chaque poisson remonté, Maratse ralentit jusqu’à ce que le casier soit plein. Danielsen avait empilé davantage de poissons d’un côté du casier. Le flétan s’affaissa sur la glace en suffoquant lorsque l’oxygène gela dans ses poumons. La plaque métallique cogna contre le longeron en bois gelé à l’intérieur du trou. Maratse la saisit de ses mains nues, agrippa la ligne avec les pierres en dessous d’elle et la tira sur la glace. Il secoua ses mains pour les débarrasser de l’eau de mer et les fourra dans les poches de sa veste. Danielsen ferma l’outil et le glissa dans le gousset de sa ceinture.
« Il y a autre chose », dit-il en tirant un morceau de papier de sa poche.
Maratse reconnut l’écriture, mais les mots lui parurent étrangers, sans signification.
« Vous avez trouvé ça ici ? »
« C’est une copie », répondit Danielsen. « L’original se trouvait dans un sac en plastique cloué sur le côté de l’enrouleur. C’est son écriture, non ? »
« Iiji. »
« Et vous savez ce que c’est ? »
Maratse secoua la tête.
« Une lettre d’adieu. »
Maratse plia le morceau de papier et le glissa dans sa veste.
« C’est une pièce à conviction. »
« J’appelle ça une copie », contesta Maratse en se tournant vers la pointe de Salliaruseq. Les phares du taxi étaient à peine visibles au loin.
« Pour nous, il s’agit d’un suicide », répondit Danielsen. « Rien ne dit que les deux événements sont liés ; la mort du garçon et ce… »
« Simonsen partage cet avis. »
« Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? »
« Pourquoi m’a-t-il montré le garçon avant que vous m’ameniez ici ? »
« Je ne sais pas. »
« Vous m’avez appelé, Aqqa. Vous m’avez dit qu’elle avait été enlevée. »
« C’est ce que nous pensions. »
« Alors, il ne s’agit pas d’un suicide. »
« Mais la lettre », dit Danielsen avec un geste en direction de la poche de Maratse. « C’est l’écriture de la capitaine. »
« Hum. »
« Je vais appeler le pêcheur », ajouta Danielsen. « C’est la deuxième fois qu’il doit récupérer sa prise. »
Ignorant Danielsen, Maratse retourna au trou de pêche. Il imagina le pêcheur en train de creuser le trou avec l’épaisse lame métallique de son tuk, brisant la glace et l’éparpillant sur toute la surface. Une bouteille en plastique d’eau de Javel coupée en deux était vissée sur un long morceau de bois qui pendait de la barre transversale en dessous du moulinet de pêche. Maratse l’utilisa pour écoper la glace du trou, tout en scrutant la mer obscure en dessous. Il avait déjà eu affaire à des suicides, mais il était rare de trouver une lettre, et personne, autant qu’il s’en souvienne, n’avait mis fin à ses jours en se laissant glisser dans la mer. Des cachets avalés en quantité astronomique et des balles dans la tête, oui. Des pendaisons et des sauts dans le vide aussi, mais jamais des plongeons dans un trou de pêche. Les noyades étaient en général plus accidentelles qu’intentionnelles. La plupart des Groenlandais ne savaient pas nager ou s’en abstenaient, du moins ceux qu’il connaissait. Il n’avait jamais posé la question à Petra, mais qu’elle sache nager ou non, une chose était sûre : personne ne se baignait dans la mer en hiver.
« Il s’agit d’autre chose », dit-il. Son souffle forma de la brume dans sa barbe vaporeuse.
Il regarda par-dessus son épaule et pensa à Salik. Il lança son écope de fortune sur la glace, leva les yeux au moment où Danielsen dérapait dans sa direction.
« Simonsen veut qu’on rentre », dit-il. « Si vous êtes prêt. »
« Iiji. »
« Désolé, Maratse. J’appréciais Petra, comme nous tous. »
Maratse hocha la tête et marcha à côté de Danielsen jusqu’à la voiture.
« Elle n’a pas de famille », ajouta Danielsen. « Vous étiez le plus proche d’elle. Que voulez-vous faire ? »
« Vous dites qu’elle est morte ? »
« Aap. »
« Dans ce cas, on va l’enterrer », répondit Maratse. « Enterrer ses vêtements. À Inussuk. »
Pingasunngorneq
MERCREDI
2
La lumière douce brillait à travers l’étoile de Noël à la fenêtre, colorant de rouge les joues de Nivi Winther. La Première ministre glissa son portable dans le tiroir du haut de son bureau alors qu’un autre message de condoléances s’affichait à l’écran. Un troisième bip échappa au tiroir que Nivi ferma, lorsque Bibi, son assistante, entra dans le bureau.
« Pas de panique, Bibi. Je les lirai plus tard. » Nivi désigna la table. « Posez le café là-bas. »
« Il attend dans la salle de réunion », annonça Bibi.
« Dites-lui d’entrer. »
Nivi remplit deux tasses de café, ajouta de la crème à la sienne lorsque Malik Uutaaq frappa à la porte et entra.
« Bonjour Nivi », dit-il en posant son manteau sur le dossier de la chaise.
« Vous ne voulez pas le suspendre ? » Elle désigna le portemanteau derrière la porte.
Il haussa les épaules, tapota le dossier de la chaise et attendit.
« Je veux éviter tout embarras entre nous, Malik. S’il vous plaît, asseyez-vous. » Elle capta son regard au son d’un bip étouffé qui émanait du tiroir. « Ça n’arrête pas depuis ce matin. Des amis, la famille et des collègues qui pensent que je n’aurais pas dû venir travailler aujourd’hui. »
« C’est en effet très tôt », confirma Malik. « Après ce qui s’est passé. »
« Daniel est mort. Tinka aussi », répondit Nivi avec un léger hochement de tête. « Je ne peux pas les faire revenir. »
« Désolé. »
« Pas de problème », dit-elle en s’asseyant. « Vous la connaissiez ; elle
