Le sanctuaire oublié de Morgat
Par François Lange
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À propos de ce livre électronique
Il est cette fois mandaté pour retrouver une mystérieuse peinture de Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin, dont l’arrière-plan représenterait un paysage existant réellement… dans la presqu’île de Crozon. Quel secret recèle ce tableau si convoité sur lequel planent beaucoup de non-dits ?
À peine Gaël est-il arrivé à Morgat que deux assassinats énigmatiques sont perpétrés : les victimes sont retrouvées totalement vidées de leur sang, mais ne présentent aucune blessure. Les évènements vont se précipiter et prendre une tournure aussi dangereuse que fantastique.
Autour d’un cercle de pierres très ancien, les ombres du passé vont ressurgir et réveiller un Mal qui se trouvait en léthargie depuis des millénaires. L’épouvantable compte à rebours a déjà commencé…
À PROPOS DE L'AUTEUR
François Lange est né au Havre en 1958 d’un père normand et d’une mère bretonne. Militaire pendant sept ans, puis Officier de Police, il a exercé sa profession en Haute-Normandie et en Finistère. Désormais à la retraite, il consacre son temps à la sculpture sur pierre, la lecture, la course à pied, l’archéologie et l’écriture. Passionné par l’Histoire de France en général et celle de la Bretagne en particulier, il a créé le personnage de François Le Roy, un policier bigouden intuitif mais gardant les pieds bien calés sur la terre de ses ancêtres. Les aventures de cet inspecteur de police breton, plutôt atypique, se déroulent au XIXe siècle, dans le Finistère du Second Empire.
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Aperçu du livre
Le sanctuaire oublié de Morgat - François Lange
PROLOGUE
Lieu-dit Kerhuel, presqu’île de Crozon, samedi 10 avril 1886 en début d’après-midi
Le vent qui venait de l’océan avait repris de la vigueur en pénétrant dans les terres. L’abbé Fulcran Dorval releva frileusement le col de son vieux gilet de chasse en peau de mouton et rajusta la bretelle du sac en cuir qu’il portait en bandoulière. Il venait de franchir la lisière du bois de Lostmarc’h et les frondaisons précoces plaquaient des zones d’ombre sur le chemin mal empierré. Le prêtre esquissa un pas de côté afin que le bas de sa soutane ne s’accroche pas aux ronces du talus et, soudainement aveuglé par un rayon de soleil qui perçait les branches basses, mit sa main en visière pour repérer sa route. Le petit sentier qui menait aux ruines de la vieille métairie de Kerhuel était encore visible et, sitôt atteint le lit asséché de la rivière du Yeun, il fut définitivement à l’abri des rafales au parfum d’iode et de varech. La pointe de fer de son bâton de marche fit jaillir une étincelle en heurtant les pierres du ruisseau. Sec… la petite rivière était à sec depuis bien longtemps. Son cours avait été dévié, des années auparavant, afin de fournir un surcroît d’eau au moulin Bouis, équipé d’une toute nouvelle turbine hydraulique bien plus efficace et rentable que les grosses roues à aubes d’autrefois. Appuyé sur le pommeau de son penn-bazh¹, l’abbé Dorval laissa échapper un long soupir, envahi subitement par une vague de mélancolie. Souventes fois, lorsqu’il était jeune vicaire, il venait là pour piéger les truites afin d’améliorer son ordinaire et celui du vieil abbé Vigouroux, curé desservant la paroisse de Morgat dont il avait désormais la charge. Il ne manquait pas, à chaque fois, d’aller rendre visite à la famille Le Bruchec qui occupait la métairie et, par la même occasion, de boire avec eux une ou deux bolées de leur cidre… le meilleur de la région. Il n’y avait plus personne, dorénavant, et les arbres poussaient au milieu des murs aux pierres disjointes. Fulcran Dorval passa le gué à sec sur un petit pont fait de rondins de bois et aperçut, au loin, le sommet du menhir qui émergeait au milieu des pins noirs. Il était arrivé à destination.
Après avoir jeté un rapide coup d’œil alentour, afin de s’assurer qu’il n’avait pas été suivi, il repoussa son sac sur le bas de son dos et se glissa au milieu du chaos de rochers qui environnait le mégalithe. Une large dalle de grès noir recouverte de mousse gisait, à moitié enterrée dans le sol. Le prêtre se mit à genoux et, du bout des doigts, effleura les curieuses entailles qui avaient été gravées sur la tranche. C’était bien elle… « la Pierre du Trou ».
S’asseyant sur le sol, il s’arc-bouta contre la base du menhir et, poussant de toutes ses forces ses jambes en avant, parvint à faire glisser la lourde pierre plate sur l’herbe. Petit à petit, sous ses efforts répétés, l’ouverture d’une cavité souterraine apparut à la lumière du soleil d’avril. Lorsque l’orifice fut assez large, l’abbé Dorval s’agenouilla au bord et, au moyen d’un briquet à amadou, alluma la mèche de la grosse lampe-tempête qu’il avait sortie de sa besace. L’odeur d’humus et de pourriture végétale qui remontait des profondeurs se mêla à celle du pétrole chauffé et, à l’amorce du conduit souterrain, le faisceau de la lampe éclaira les premières marches d’un escalier de pierre s’enfonçant dans le sol.
L’entrée du « Temple rond »… Il venait, enfin, de la découvrir ; il était passé à proximité tant de fois, par le passé. Son cœur se mit à battre plus vite. Sans hésiter, il remonta le bas de sa soutane et, tenant sa lampe à bout de bras, entreprit de descendre prudemment la volée de marches. Une chaleur moite régnait dans l’escalier taillé à même la roche de grès et les parois de l’étroit couloir suintaient l’humidité. Enfant du pays, l’abbé Dorval savait qu’une source d’eau chaude jaillissait en un certain endroit de la campagne et cette brusque montée de la température lui indiqua que le cours de la rivière aux eaux chaudes devait sinuer à proximité du « Temple rond ».
Il était arrivé au bas de l’escalier et dut courber la tête pour continuer sa progression dans un étroit boyau dont les parois étaient garnies d’arêtes vives ; le travail des carriers avait vraisemblablement été réalisé à la hâte. Subitement, la lampe à pétrole éclaira la voûte d’une grotte naturelle aux dimensions gigantesques.
L’abbé Fulcran Dorval sursauta ; au loin, dans les profondeurs de la salle souterraine, un étrange halo de lumière verte faisait miroiter les rochers humides incrustés de fossiles de coquillages. L’endroit avait été recouvert par l’océan des millénaires auparavant. Il s’avança prudemment jusqu’à la source de lumière qui devenait plus intense au fur et à mesure qu’il s’approchait et, soudain, il découvrit d’où elle émanait. Le choc fut violent, et il dut s’appuyer sur la paroi rocheuse au moment où ses jambes se dérobaient sous lui. À quelques mètres de lui, allongé sur une large banquette de pierre taillée à même la roche, se trouvait un être incroyablement grand. La créature baignait dans un halo lumineux d’un vert émeraude irradiant et elle était revêtue d’une curieuse armure, faite d’un métal ductile qui épousait les formes de son corps. Le géant tenait une longue épée, ce qui lui donnait l’aspect des gisants de cathédrales, minéralisés dans l’éternité. Pourtant, sa taille dépassait les normes humaines. Fulcran Dorval, plus fasciné qu’épouvanté, calcula que l’être allongé devant lui devait mesurer plus de trois mètres. Il semblait dormir, et les traits de son visage, d’une grande beauté, exprimaient un sentiment de puissance et d’harmonie.
Un verset biblique de la Genèse lui vint immédiatement à l’esprit et, les mains jointes, il ne put s’empêcher de le réciter, à voix basse : « Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants. Ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité². »
Devant lui se tenait l’un de ces êtres divins évoqués dans les mythologies anciennes et les traditions séculaires… et à qui les hommes avaient donné le nom de « Nephilims ».
Le prêtre tomba, genoux à terre, et posant doucement son front sur la table de pierre où gisait le géant, récita le psaume d’action de grâce des moines cisterciens. De la roche semblaient émaner des vibrations qui lui transperçaient le corps, irradiant en lui une force bienfaisante et réparatrice.
Son oraison terminée, Fulcran Dorval se releva et ajusta la bretelle de la vieille besace en cuir sur son épaule. Il avait emporté quelques feuilles de papier ainsi qu’un crayon à la mine de plomb et avait largement le temps, avant que la réserve de pétrole de la lampe ne s’épuise, de réaliser un croquis du « chevalier géant ». Au moment précis où il mettait la main dans son sac, tout en laissant errer son regard sur le fond de la grotte, il fut soudain paralysé d’effroi. Là-bas, faisant corps avec le magma de rochers, une forme d’épouvante semblait l’observer. C’était quelque chose de gigantesque et de monstrueux à la fois, une abomination qui suintait le mal et la cruauté. La « chose » ne bougeait pas… elle semblait pétrifiée, mais, dans la profondeur de son regard, on pouvait déceler comme une dangereuse étincelle de vie.
Le prêtre récupéra sa lampe et, tremblant compulsivement, recula à petits pas afin de rejoindre le couloir d’accès qui lui permettrait de regagner la surface. Une fois parvenu à l’entrée du boyau, il se retourna d’un coup et se mit à courir frénétiquement, la gorge nouée et le cœur battant à tout rompre, arrachant sa soutane sur les arêtes vives de la paroi rocheuse dans sa course folle. Après avoir monté l’escalier de pierre et émergé à l’air libre, il regroupa ses dernières forces et repoussa, en criant de peur et de douleur, le lourd monolithe de grès noir sur l’entrée du souterrain. Il tenta de se relever, chancela… et perdit connaissance au milieu des pierres levées.
1 Bâton de marche à bout ferré.
2 Genèse, 6 : 1-4.
Chapitre 1
Rennes, le mardi 11 avril 2023 à 17 h 15
— 22 300 euros une fois… 22 300 euros deux fois… 22 300 euros trois fois, adjugé à la galerie des Arcades, représentée par monsieur François de La Rubaulieu.
Partiellement dissimulé derrière une massive armoire de style Louis XVI, Gaël Ambelain se retint pour ne pas hurler de joie. Le montant du tableau qui venait d’être adjugé, une œuvre académique de la fin du XIXe siècle, se révélait plus de vingt fois supérieur à la somme qu’il avait donnée pour l’acquérir. Il venait de faire une superbe « culbute » et, par la même occasion, de remplir son compte en banque qui commençait à virer au rouge.
Il sortit de sa cachette de fortune et, profitant du joyeux désordre qui succédait à la clôture de la vente aux enchères, se glissa dans la partie de la salle des ventes de Rennes interdite au public. Sur place, les deux commissaires-priseurs discutaient avec François de La Rubaulieu, l’heureux nouveau propriétaire du tableau « art pompier ». C’était l’un des galeristes les plus en vue de la région rennaise et, en qualité de spécialiste de l’art académique, il passait le plus clair de son temps à traquer et à acheter huiles, aquarelles, dessins, sanguines et estampes réalisées sous la Restauration et le Second Empire. Le collectionneur, visiblement de très bonne humeur, venait de déboucher une bouteille de champagne Moët et Chandon, cuvée Dom Pérignon 1985, et remplissait consciencieusement les quelques coupes installées sur un solide buffet breton. Lorsqu’il aperçut Gaël qui se dirigeait vers eux, le galeriste reposa la bouteille et, levant les bras en l’air, il s’avança vers lui en souriant.
— Mon cher Ambelain, quelle joie de vous voir ici ! Approchez-vous et venez donc trinquer à la superbe affaire que nous venons de réaliser.
Après avoir salué les deux commissaires-priseurs d’un hochement de tête, Gaël Ambelain s’empara de la coupe qu’on lui tendait et la leva en direction des trois hommes.
— À votre santé, messieurs ! Et merci de m’associer à ce cocktail, mon cher François. Du Moët et Chandon 1985, je m’en serais voulu de rater ça.
François de La Rubaulieu, la soixantaine élégante, cultivait la prestance des vieux tweeds. Toujours impeccablement vêtu de velours ou de laine d’Écosse, il ne parvenait pas à être démodé.
Les cheveux grisonnants, parfaitement coiffés, l’œil bleu et le teint hâlé des habitués des sports d’hiver, il choqua son verre contre celui de Gaël et se tourna vers les commissaires-priseurs.
— Messieurs… notre ami Ambelain vient, une fois encore, de réussir un exploit digne des meilleurs limiers. Sans lui, la toile que vous venez de m’adjuger serait demeurée indéfiniment dans le cabinet secret d’un collectionneur maniaque. Elle est superbe, n’est-ce pas ?
Tous les hommes, coupes en main, se rapprochèrent du tableau et l’admirèrent en silence. Gaël Ambelain s’abstint de tout commentaire ; la toile ne lui plaisait pas. Il s’agissait d’une peinture à l’huile, datant du milieu du Second Empire, qui reproduisait un combat de gladiateurs, croisant le fer sur le sable ensanglanté d’un cirque romain. Tous les standards du style dit « art pompier » étaient représentés, ce qui faisait de l’œuvre une composition lourde, sombre, qui le mettait presque mal à l’aise. Après tout… si elle faisait le bonheur de La Rubaulieu, c’était bien là le principal.
L’un des commissaires de l’exposition se rapprocha de lui. C’était un petit gros, d’environ cinquante ans, dont le teint couperosé et la lippe charnue laissaient deviner son peu d’appétence pour le régime vegan.
— Bellement joué, Ambelain ! Une pièce de plus à votre tableau de chasse. Vous m’étonnerez toujours, mon vieux ! Je sais que vous avez été policier durant quelques années, mais votre manière de dénicher de telles merveilles relève de l’exploit. Comment donc faites-vous pour arriver à de tels résultats ?
Gaël Ambelain termina sa coupe et la tendit à La Rubaulieu, qui la remplit généreusement. Des gouttelettes de condensation recouvraient la bouteille et la robe du vin de Champagne, d’un jaune ambré, donnait envie d’assécher son verre sans attendre. Gaël appréciait le bouquet du champagne et la finesse de ses bulles. Il avait cessé de fumer depuis presque trois mois et retrouvait, avec délices, le goût et les parfums d’autrefois ; c’était réellement une résurrection des papilles.
— Vous savez bien qu’un bon flic ne divulgue jamais ses sources. J’ai un excellent réseau d’informateurs, je suis mobile… et je paie cash !
Il s’amusait beaucoup, même s’il ne le montrait pas, et s’efforçait d’afficher un air mystérieux. Le tableau, il l’avait acheté aux héritiers d’un vieil homosexuel de Laval, obsédé par les gladiateurs et les lutteurs antiques aux corps musclés et transpirants. Trop heureux de s’en débarrasser, en même temps que de la bibliothèque de l’esthète remplie de livres équivoques aux gravures suggestives, ils lui avaient cédé la toile pour 600 euros. Le collègue gendarme qui lui avait donné l’information avait tapé dans le mille ; il lui offrirait un bon gueuleton pour le remercier. Le nettoyage du tableau lui avait coûté à peine 100 euros, son bénéfice était très confortable.
François de La Rubaulieu s’approcha de lui.
— J’espère que vous vous êtes octroyé une petite marge, mon cher Gaël ?
— Toute petite… trop petite ! Après avoir défalqué le montant de la restauration de la toile, déduit la rétribution de mon informateur ainsi que mes frais de route, cela me laisse tout juste de quoi repartir à la recherche d’un autre chef-d’œuvre.
Le galeriste hocha la tête, une lueur amusée dans les yeux. Manifestement, il n’en croyait pas un mot.
— Vous êtes sur un coup, en ce moment ?
Gaël Ambelain mourait d’envie de sortir sa cigarette électronique. Il avait cessé de fumer, mais vapotait à la place.
— Non… rien pour le moment ! Je compte partir me reposer quelques jours, chez un ami qui demeure dans l’Indre.
— Eh bien, mon cher Gaël, je vais donc vous souhaiter de bonnes vacances et vous abandonner. J’ai tout juste le temps de rapporter le tableau chez moi avant d’aller fermer la galerie. Finissez le champagne à ma santé, mes amis… et à bientôt pour de nouvelles aventures.
Les trois hommes attendirent que François de La Rubaulieu quitte sa salle des ventes pour achever le flacon de Moët et Chandon. L’autre commissaire-priseur, qui était resté silencieux jusque-là, s’approcha de Gaël.
C’était un grand échalas vêtu de noir, maigre et sec, qui faisait penser à un jésuite constipé. Il se nommait Germain Cazebon et Gaël le connaissait vaguement pour avoir assisté à plusieurs enchères où il tenait le maillet. Raide comme la Justice, il semblait considérer son office comme un sacerdoce et l’exerçait tel un inquisiteur médiéval.
— Monsieur Ambelain, puis-je vous demander un petit service ?
Les yeux noirs du commissaire Cazebon ressemblaient à ceux d’une araignée s’apprêtant à décortiquer une mouche.
— Mais, avec plaisir, mon cher Germain !
Cazebon, après avoir vérifié qu’il n’était pas observé par son confrère, extirpa une carte de visite de son portefeuille et la tendit à Gaël.
— Je viens de vous entendre dire que vous envisagiez de prendre quelques vacances dans l’Indre. Il serait sans doute intéressant que vous passiez voir la personne dont les coordonnées figurent sur cette carte, avant de partir. C’est un très vieux monsieur, un peu bizarre, mais très riche !
Gaël Ambelain détailla la carte, joliment calligraphiée.
Armand LOZAC’H
Docteur en archéologie – Épigraphiste – Sémiologue
Président honoraire de l’Institut d’archéologie et de paléographie de France
Hameau « Les Granges » – Saint-Barthélemy (49)
— Saint-Barthélemy… ça se trouve où, ce bled ?
— À une dizaine de kilomètres à l’est d’Angers ! C’est un charmant petit village, et la propriété de monsieur Lozac’h est superbe.
Gaël tournait et retournait le carton dans sa main. « Un vieux monsieur très riche », venait de lui dire Cazebon ; cela méritait, sans doute, le coup de différer ses vacances.
Il décida de se faire prier et tendit la carte de visite au commissaire-priseur.
— Je vous remercie de la proposition, mon cher Germain, mais je suis attendu pour l’anniversaire de mon ami. Quarante ans… ça doit se fêter dignement, non ?
Germain Cazebon ne reprit pas la carte et fixa Gaël de ses yeux de mygale.
— Armand Lozac’h approche des 92 ans, mon cher ! Il a passé la moitié de sa vie à rechercher un tableau très particulier et, tout récemment, il a été informé que la toile en question se trouverait au fin fond de la Bretagne. Nous sommes amis depuis très longtemps et il m’a sollicité afin de l’aider à mettre la
