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Clara: Ne meurs qu’une fois !
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Clara: Ne meurs qu’une fois !
Livre électronique411 pages3 heures

Clara: Ne meurs qu’une fois !

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À propos de ce livre électronique

Une prophétie funeste peut-elle lier le destin d’une enfant à celui d’un complot contre l’ordre mondial ? Ésotérisme mortifère et chevaliers blancs s’affrontent dans une épopée sans merci pour que la prémonition ne s’accomplisse pas. Un héros va surgir, implacable justicier à la poursuite du cerveau de la conspiration. Tour à tour, les dominos de la conjuration vont tomber, mais à quel prix et pour quel résultat ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Du HLM de son enfance stéphanoise à son aventure professionnelle de globe-trotter, Gérard Peycelon a dévoré la vie. Son goût pour l’action et sa passion du voyage et des rencontres ont stimulé une imagination universelle et féconde. Sa plume y puise un souffle épique, romanesque et puissant, intimement corrélé à l’âpreté de notre époque.








LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie4 juil. 2024
ISBN9791042216580
Clara: Ne meurs qu’une fois !

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    Aperçu du livre

    Clara - Gérard Peycelon

    Du même auteur

    L’estrade, Le Lys Bleu Éditions, septembre 2022.

    À Marie-Pierre, ma chance

    Clara

    « Ne meurs qu’une fois ! »

    Une image contenant noir, Photographie monochrome, monochrome, noir et blanc Description générée automatiquement

    Rien n’est réel sauf le hasard.

    Paul Auster, City of glass

    Préambule

    Le 11 septembre 2001, alors que les Twin Towers s’effondraient, naissait aux États-Unis une organisation ultra réactionnaire.

    Son nom ? « The cercle ». Son mantra ? Enrayer la chronique du chaos annoncé d’un occident malade et perverti et établir un ordre nouveau.

    Le Big One, cerveau de la conspiration, disposait de l’atout majeur d’un groupe d’hyper médiums, les cléromanciens. Gouverner c’est prévoir. Les colossaux bénéfices générés sur les marchés financiers par leurs anticipations des crises offraient au complot des moyens illimités.

    BO étendait et ramifiait ainsi son réseau telle une pieuvre mafieuse. Tout a un prix et l’argent corrompt tout.

    Bien que d’apparence minuscule, un ultime obstacle se dressait encore sur sa route. Clara.

    Entre chasseur et proie, inégale, tragique et sans merci, une course contre le temps était engagée. L’avenir était-il une page blanche ou, déjà, était-il écrit ?

    Le premier dimanche du printemps 2006, ma vie a basculé. L’être aimé, m’avait été enlevé et avec elle, la promesse de l’enfant qu’elle portait. Maintes fois, j’ai pensé les rejoindre.

    Un rêve insensé me hantait et me retenait encore. J’étreignais Clara dans mes bras, petite fille qui m’avait été prise, et la voyais grandir, aimer, enfanter et réenchanter ma vie.

    Cela me rendait fou. Rien ne pouvait repousser ce fantasme dont j’avais alors entrepris de me libérer par l’écriture.

    Clara s’épanouissait sous ma plume dans une aventure espagnole aussi romanesque que troublante avec un torero, fils de famille et activiste sulfureux d’un ambitieux mouvement nationaliste.

    Seul un don du ciel pouvait me sauver de cet abîme fictif où je glissais. Lorsqu’il se produisit, j’ignorais que le miracle avait un prix.

    3 ans plus tard, Clara me fut en effet accordée comme une deuxième chance. Elle allait m’aspirer dans l’univers ésotérique et violent d’une conjuration internationale.

    Les cléromanciens ne se trompaient jamais. Cette naissance accomplissait une prophétie dont Clara était l’alpha et l’oméga¹ fatal au rêve de domination planétaire d’un mégalomane fortuné et puissant. Cela en faisait la victime désignée de la conspiration.

    L’obstacle devait être effacé. La mort était la sentence dont une poignée d’indépendantistes bretons seraient l’instrument.

    Dès lors, tous les moyens ne suffiraient pas pour la sauver de cette malédiction et rompre la prophétie, à l’exception peut-être, de mon entêtement et de la froide détermination d’un agent spécial des renseignements.

    La guerre serait impitoyable contre un ennemi tentaculaire et sans scrupule.

    Prise en otage dans l’affrontement du bien et du mal, l’innocence s’en remet à ses chevaliers blancs.

    De l’ami dévoué à une extra-lucide névrosée et coopérative, du détective séducteur et rusé à un agent spécial implacable, un bouclier protecteur s’était forgé.

    De la Bretagne à Paris, de Genève à Florence et de Montréal à Miami, une course effrénée s’engageait alors pour démasquer les instigateurs de cette cabale planétaire et conjurer le sort.

    Les héros peuplent notre imaginaire jusqu’à l’instant où ils nous apparaissent, le plus souvent, là où on ne les attend plus. Armés du glaive justicier, ils se manifestent lorsque le destin s’acharne.

    Qu’importe le nom qu’on leur donne, hasard, chance ou espoir, ils sont du bon côté de la force. You’ll never walk alone.²

    Le rêve n’est jamais qu’une déformation de la réalité.

    1re partie

    Trois petits soldats

    Une image contenant texte, symbole Description générée automatiquement

    Le temps d’un soupir

    Ploemeur, Morbihan,

    11 h 30, dimanche 26 mars 2006

    En ce premier dimanche de printemps, le marché de Ploemeur battait son plein, grouillant d’une foule bigarrée, mélange de familles en vadrouille et de commerçants hâbleurs au timbre haut perché.

    Solange avait présumé de ses forces. Elle s’engagea avec lassitude sur le passage pour piétons de la place Falquerho.

    Soudain, face à elle, de l’autre côté de la rue, une bousculade précipita à terre deux femmes, entravées par le trottoir sur lequel elles tentaient à reculons de se mettre à l’abri.

    Quel était ce danger et pourquoi subitement les événements qui suivirent lui semblèrent, image par image, se dérouler au ralenti ?

    Quelques minutes plus tôt, dans une file compacte agglutinée devant le camion réfrigéré de Titouan Kervarec, poissonnier patenté du marché dominical, Solange s’était sentie fléchir.

    Piétiner n’est pas marcher et l’attente était interminable. 2 heures de flânerie entre les étales avaient eu raison de son entrain initial. Les jambes lourdes et une succession de petits coups de pied du bébé qu’elle portait lui rappelaient qu’elle n’était pas seule à s’agacer.

    Laissez passer, laissez passer ! Le bébé s’impatiente !

    Du haut de son estrade, Titouan donna de la voix désignant Solange dont la grossesse avancée ne prêtait pas à confusion.

    4 filets de merlus et 500 grammes de belles crevettes roses comme la dernière fois ?Échalotes et citrons ! avait-il ajouté sans attendre de réponse.

    Trop lasse pour modifier sa commande habituelle, rentrer devenait urgent. À bientôt 40 ans, la promesse d’une naissance relevait du miracle.

    Les clients s’étaient écartés avec bienveillance. Elle se confondit en remerciements. À cet instant, son corps demandait grâce. C’est en vain que je lui avais déconseillé de prolonger le rituel de ses emplettes dominicales où je me proposais de la remplacer.

    Promis, Adrien, c’est la dernière fois, il fait un temps splendide, ça me fera du bien ! m’avait-elle répondu, énième procrastination sur la délicate question de limiter une liberté de déplacement à laquelle elle restait obstinément attachée.

    Elle s’apprêtait à traverser la rue après avoir quitté l’étale du poissonnier quand ce dernier envoya un signal sur son téléphone portable.

    La temporisation du feu vert pour piétons que Solange venait d’actionner était de 10 secondes, une éternité…

    Les hurlements des deux femmes à terre se propagèrent à la foule.

    Les regards apeurés de tant de visages crispés, déformés par les cris, fixaient une scène surréaliste.

    Solange s’était arrêtée au milieu du passage pour piéton, paralysée par ce début de panique dont elle ignorait encore l’origine.

    Au signal reçu, la Citroën C4 grise avait démarré en trombe devant l’église Saint-Pierre et aimantait toutes les attentions.

    La reconnaissance nocturne effectuée le mardi précédent lui laissait 10 secondes à fond, soit le temps nécessaire pour contourner la place jusqu’à la hauteur du passage.

    Le crissement des pneus à chaque changement de rapport déchirait l’espace. L’accélération du missile était continue dans le vrombissement des vitesses inférieures poussées à l’extrême.

    Les témoins décriront un jeune conducteur, crispé à son volant, regard halluciné, kamikaze fondant sur sa cible.

    Parmi les spectateurs terrifiés du drame qui se jouait, un homme, chétif et de petite taille, apparut soudainement quelques pas devant elle.

    Il était vêtu d’une longue tunique noire. Son visage disproportionné, lisse, irréel, occultait le reste d’un corps sans importance.

    De grands yeux exorbités la fixaient. Mains en étau sur les oreilles, une bouche sans lèvres formait un cercle d’où s’échappait la douleur d’un cri qu’elle seule semblait entendre.

    Solange entrevoyait-elle furtivement le reflet de sa propre terreur ?

    Réalité ou hallucination, sa vie défila en un éclair.

    J’étais près d’elle, nous marchions soleil couchant sur les chemins des hautes chaumes de notre Forez natal.

    Une enfant gambadait dans la bruyère. Elle lui tendait les bras, la couvait des yeux lui rappelant sur un ton léger « Clara, ne t’éloigne pas ! ».

    Le passage protégé s’était vidé à l’exception de Solange, interdite, tétanisée par l’imminence du choc.

    Kénavo

    La Citroën roulait à tombeau ouvert sur la voie rapide en direction de Quimper. Ronan pleurait à chaudes larmes, entre excitation et désespoir.

    Le choc avait provoqué une paralysie de ses processus mentaux.

    Submergé par un tsunami d’adrénaline, il conduisait dans un état second.

    Cette femme au ventre rond avait un regard empli de compassion à l’instant fatal. Assailli de remords, le gamin se remémorait en boucle la transe inconsciente qui l’avait conduit à l’irréparable.

    Alors convaincu de la légitimité de son acte supposé anti-Gallo,³ il en avait 1 mois plus tôt accepté la mission. L’émancipation de son statut de bleu au sein de son groupe d’autonomistes bretons lui semblait à ce prix.

    Affichage clandestin, caillassage de gendarmeries et vidéos cagoulées lui laissaient ce parfum romanesque de révolte avec lequel flirte la jeunesse universelle. Désormais, il avait déclaré la guerre à la société et commençait à se demander pourquoi…

    Peu après la sortie Quimperlé, Ronan s’engagea sur une petite route conduisant à une décharge à ciel ouvert.

    Des nuées de mouettes rieuses tournoyaient en déchirant l’espace de leur « kreeay » strident, si caractéristique.

    Ronan s’immobilisa et ralluma le joint de cannabis entamé sur la place du marché. Cou et trapèzes intimement noués provoquaient une raideur paralysante.

    Le cannabinoïde l’apaisait. L’inhalation du THC estompait ses angoisses. Il se détendit sur l’appui-tête et ferma les yeux.

    Le gosse, un peu paumé des quartiers HLM de Lanester, s’était réfugié dans l’addiction à la beuh et les compagnies trop faciles. Sans but, il était de ces suiveurs fragiles que l’on entraîne et manipule. Aujourd’hui, il avait rompu ses chaînes.

    Quelques minutes plus tard, la Honda 750 Four de ses 2 comparses venait se ranger à hauteur de la Citroën.

    Alors que le pilote restait assis, moteur au ralenti, son passager descendit, ouvrit la portière et s’installa à la place du mort, ou supposée telle.

    Alors petit, t’as pas l’air en forme.

    Ça va aller !

    T’es sûr que c’est terminé ?

    Comment survivre à un choc pareil ?

    Personne ne t’a suivi ?

    J’ai foncé sans m’arrêter, mais la voiture a certainement été identifiée.

    OK. On va cramer tout ça.

    Des paroles aux actes, il n’y a qu’un pas…

    La mini matraque dissimulée dans la manche de la combinaison du motard s’abattit à la base de la nuque de Ronan.

    Stupéfaits, les yeux grands ouverts du gamin fixaient son exécuteur.

    Sans un mot, la tête s’effondra sur le volant, déclenchant le klaxon de la Citroën. L’écrasement des vertèbres cervicales avait provoqué une mort instantanée.

    Kénavo Ronan ! Les ordres sont les ordres.

    3 bouteilles de vodka jetées sur les sièges arrière et un bidon d’essence plus tard, la C4 partait en fumée.

    La moto était déjà loin que l’on entendait encore la plainte lancinante de l’avertisseur sonore de Ronan, corne de brume d’une âme en perdition.

    DGSI

    Larmor Plage

    Vendredi 7 avril 2006, 21 h

    Maître Pennaneac’h, jeune avocat du barreau de Quimper, spécialisé dans les délits routiers, m’avait été conseillé par Patrick, mon médecin et meilleur ami.

    Après avoir pris connaissance du rapport de police, il s’était montré dubitatif face aux circonstances troublantes de l’accident.

    Les témoignages laissaient penser à un acte délibéré. L’absence de toute tentative d’évitement et de traces de freinage corroborait cette version.

    J’avais été invité à me rendre au commissariat de Lorient pour répondre aux premières questions des enquêteurs concernant Solange, ses relations, ses habitudes, jusqu’à ses opinions…

    La Citroën avait été retrouvée en feu sur un parking proche de Quimperlé, le corps de son conducteur, ou ce qu’il en restait, encore attaché à sa ceinture.

    Les premiers éléments d’enquête s’orientaient vers une bouffée délirante sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, suivie d’un suicide par immolation.

    J’en étais là, en état de sidération, lorsque je reçus la visite d’un personnage singulier. Depuis l’accident, j’étais prostré et n’attendais personne.

    L’homme qui sonnait à la porte me présenta à travers le judas un badge d’officier de la Direction générale de la Sécurité intérieure.

    Il était tard et j’étais peu disposé à ouvrir à un inconnu, fût-il de la DGSI.

    Les lettres anonymes de menace, reçues l’année précédente, m’incitaient à redoubler de prudence.

    Le temps était exécrable. Un mélange de bruine et d’embruns venait battre le perron ou patientait l’officier, impassible, col relevé et capuchon d’imperméable vissé sur la tête. Imperturbable, l’inconnu alluma une cigarette.

    Cela pouvait durer longtemps, car je n’avais pas l’intention d’ouvrir.

    Le pied de grue du mystérieux visiteur dura un bon quart d’heure avant qu’un véhicule de gendarmerie n’arrive tous feux éteints, moteur au ralenti et stoppe à hauteur de l’escalier d’entrée.

    Nouveau coup de sonnette. À travers le judas, je reconnus le brigadier le Floch pour l’avoir sollicité à diverses reprises dans mes activités professionnelles.

    Il s’approcha encore de la porte pour me présenter ses condoléances puis m’invita à laisser entrer mon visiteur.

    Il était sa caution. Mission accomplie.

    Je n’allais cependant pas laisser s’installer dans mon salon un officier des renseignements sans un motif minimum et l’interpellais à travers la porte.

    Que voulez-vous à une heure pareille ?

    Toujours collé à mon œilleton, je le regardais patienter et tirer sur sa cigarette.

    Exposé aux embruns que les bourrasques de mer vaporisaient à l’unisson d’une bruine pénétrante, il ne trahissait aucun empressement.

    Après avoir, d’un signe, invité le Floch à remonter dans sa voiture, l’enquêteur s’exécuta.

    Le capitaine Matthis Keller était venu spécialement de Paris. Il collectait de l’information sur des groupuscules d’activistes bretonnants auxquels appartenait Ronan Pleven, le conducteur fou, carbonisé et très vite identifié.

    Je déverrouillais la porte et le laissais pénétrer dans le vestibule. L’homme était trempé, mais je ne m’excusais pas.

    Une fois libéré de son imperméable que je suspendais à une patère. Stature martiale, la quarantaine, cheveux courts et regard bleu topaze, l’officier me tendit la main.

    Cette poignée franche me rassura suivi d’un élégant « Merci de me recevoir » fort immérité.

    Je tentais de rattraper le coup avec un cognac Jean Martell servi dans sa carafe de cristal de Sèvres des grandes occasions.

    Installé au salon, ses premières questions portèrent sur les jours ayant précédé l’accident et mon ressenti lors de mes contacts avec la famille de Ronan.

    Je m’étais en effet rendu aux obsèques du jeune homme de 23 ans, après avoir accepté la présence de ses parents lors de la bénédiction donnée à ND de Larmor avant que Solange ne quitte la Bretagne pour notre caveau familial Forézien.

    Notre couple, nos activités, notre mode de vie, nos amis, nos ennuis, nos projets intéressaient aussi mon interlocuteur jusqu’à ce qu’il en vienne à mon parcours professionnel.

    Vous présidez la Fédération Française des Banques en Bretagne.

    Quel rapport ?

    Vous n’avez pas une bonne image dans le milieu de la pêche.

    Si vous voulez parler de notre retrait l’année dernière des opérations de cautions à la criée⁴, j’assume les décisions de ma direction générale.

    Ça a fait couler beaucoup d’encre, assorti de quelques menaces.

    On ne peut rien vous cacher.

    Après la tragédie de Ploemeur, je m’étais posé la question d’un acte d’intimidation qui aurait mal tourné. Mais cela me paraissait tellement disproportionné.

    Votre épouse portait votre enfant.

    Ce n’était pas une question. Il me dévisageait d’un regard bleu, sans émotion, professionnel. Je commençais à m’agacer et rompis le silence qui s’installait.

    Nous pourrions peut-être en rester là.

    Était-ce sa 1re grossesse ?

    Mais enfin, je ne vois pas où vous voulez en venir.

    Répondez-moi s’il vous plaît.

    Ensuite, j’aurai fini de vous importuner.

    La conversation avait duré près d’une heure. Je n’en attendais rien et n’avais rien appris. Je m’enfermais alors dans un mutisme têtu. Keller ne trahissait aucune impatience. Son regard transparent posé sur moi me mettait mal à l’aise. J’aspirai à rester seul. Il fallait en finir.

    Solange allait avoir 40 ans.

    Cette 1re grossesse nous ne l’espérions plus.

    Je suis profondément désolé, Monsieur Lorentz.

    Je vous présente mes sincères condoléances.

    En parfait gentleman, l’officier s’était levé, s’inclinant pour prendre congé face au deuil. L’échange était terminé. Une carte de visite changeait de mains sur quelques mots équivoques.

    N’hésitez pas à vous en servir. Tous les détails comptent.

    L’ultime question posée par Keller sur la grossesse de Solange ne cessait de me tourmenter et d’alimenter les fantasmes les plus farfelus.

    Un enfant à naître pouvait-il détenir une part de vérité dans une énigme dont je tentais désespérément de me détacher ?

    Sur le pas de la porte, l’agent de renseignements se retourna.

    Félicitations pour votre cognac. Un assemblage parfait. C’est unique !

    Il disparut en un instant dans la nuit sombre, remontant la rue du port copieusement arrosée d’embruns arrachés aux paquets de mer qui submergeaient la digue de l’anse de Thoulars.

    La tempête s’était levée pour de bon. Derrière la baie vitrée saturée d’eau de la véranda, je me resservais un dé de ce nectar subtil sur fond de notes orientales et boisées. Les effluves de bergamote, d’écorces d’orange, de baies noires et de cassis, emportaient mes pensées sur l’océan démonté.

    La vie est-elle une tragédie ?

    Quelle malédiction avait détruit mon couple ?

    Pourquoi les renseignements intérieurs enquêtaient-ils ?

    J’attendrais 2 ans et demi pour l’apprendre à mes dépens et entendre à nouveau parler du capitaine Keller.

    Ken tuchantig

    Larmor Plage

    Jeudi 20 avril 2006, 20 h

    Le téléphone sonne alors que je m’apprête à ingurgiter ma ration quotidienne d’informations au journal télévisé.

    Le ton aigu de la voix de maître Pennaneac’h trahit une excitation inhabituelle.

    Je suis désolé de vous déranger à cette heure, mais je dispose d’une information qui ne peut pas attendre.

    C’est si important ? Il me semble pourtant que tout a été dit.

    Pas tout à fait. J’ai revu l’officier de police judiciaire qui a dressé le procès-verbal de l’accident.

    Je me souviens de cet homme qui m’avait accompagné aux urgences de l’hôpital Bodélio à Lorient où était déposé le corps de Solange.

    J’avais répondu par un « oui » laconique à sa demande d’identification puis il s’était retiré, mais son visage restait attaché à cet instant.

    Pardonnez-moi, j’imagine combien c’est difficile… mais la PJ enquête sur un groupe d’autonomistes bretons dont ils ont une preuve d’affiliation de Ronan Pleven via une association caritative Ken tuchantig⁵.

    Pardon… ?

    Ce groupe est considéré comme dangereux et l’association n’était qu’une couverture.

    Pléven était un gosse !

    L’association a été perquisitionnée et dissoute pour activités séditieuses. Les documents saisis mentionnent clairement la présence active de Ronan.

    Je suis pris d’une toux sèche, signal irrépressible des mauvais moments, immédiatement interprété comme tel par mon interlocuteur.

    Pardonnez-moi, je me suis précipité. Je vous rappelle demain.

    Non, mais quel rapport avec l’accident ?

    Ce groupe est dirigé par un mystique, Erwan Barzic dit le druide.

    L’officier de police m’a parlé d’une secte séparatiste très hiérarchisée où Ronan appartenait à l’échelon inférieur des exécutants.

    Je n’y comprends rien !

    Moi non plus ! Le policier m’a simplement dit que votre nom et votre position à la tête d’une banque étiquetée Gallo apparaissaient dans les documents saisis.

    Un an plus tôt, la malheureuse affaire de dénonciation des cautions à la criée avait alimenté les colonnes de Ouest France après que

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