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Livre électronique325 pages3 heures

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À propos de ce livre électronique

Guadeloupe.


Ville de Sainte-Anne.


Un étudiant est retrouvé mort sur la plage, le corps entièrement momifié.


Tout autour du cadavre, d’étranges empreintes laissent penser que le tueur était pourvu d’un sabot de bouc.


Appelés sur les lieux, les inspecteurs Nicolas Rousseau et Marie Kancel se lancent dans une enquête dont les premiers éléments semblent révéler le côté surnaturel.


Très vite, les meurtres s’enchaînent, avec pour seules victimes des hommes jeunes dont le corps sera méticuleusement momifié.


Après GECKO, cette seconde enquête des Gwada Cops nous immerge à nouveau dans les croyances populaires antillaises.

LangueFrançais
ÉditeurJohn Renmann
Date de sortie1 juil. 2019
ISBN9782955167243
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    Aperçu du livre

    Zaïgo - John Renmann

    DIABLE…

    Sainte-Anne, plage de Bois-Jolan. 23h23.

    La dernière année d’études du jeune François Bonfils fut particulièrement éprouvante. Il se demande encore par quel miracle il a réussi à obtenir sa licence. Des créatures infernales ayant l’aspect de chiens monstrueux ont longtemps hanté ses rêves. Accumulant les nuits blanches, incapable de se concentrer sur ses études, il a fini par se résigner en annonçant à ses parents qu’il allait probablement devoir doubler son année.

    Si sa mère a su se montrer compréhensive, tant il est vrai que son fils fut l’un des témoins majeurs des évènements ayant marqué l’île, son père lui a reproché son manque de courage et de pugnacité.

    « Man fou a i ! »¹, lui a répondu son ami Jimmy, certes quelque peu éméché, lorsque François lui a rapporté l’anecdote.

    « De toute façon, tu l’as eue, ta licence, non ? Alors, passe à autre chose ! »

    Les étudiants de la faculté de Fouillole ont investi l’une des plus belles plages de la commune de Sainte-Anne, y improvisant une soirée marquant la fin des examens. Peu leur importent leurs résultats, titulaires de diplômes comme futurs redoublants se sont retrouvés pour prendre part aux festivités et marquer le coup de la fin d’une année scolaire particulièrement difficile.

    François observe son ami se déhancher au rythme du raggamuffin.

    Jimmy ne peut s’empêcher d’aguicher les jeunes filles, pour la plupart faussement outrées. Certaines d’entre elles, amusées, gloussent en le singeant, à son plus grand bonheur !

    « Il est pas beau, ce putain de temps² ? lance-t-il à François, allez, viens profiter un peu ! »

    François fait la grimace.

    — Merci, mais je crois que je vais lever le pied sur ma conso d’alcool. Ces derniers temps, ça ne m’a pas beaucoup porté bonheur, tu le sais.

    — Qui te parle d’alcool ? Regarde-moi ces beautés, timal³ ! Allons leur proposer de danser sur le prochain zouk !

    — Désolé, Jimmy, mais je n’ai vraiment pas le cœur à ça, pas ce soir.

    — Eh bien, reste dans ton coin ! Moi, je n’ai pas l’intention de dormir seul ce soir, si tu vois ce que je veux dire !

    François observe de loin le petit manège de son ami.

    Jimmy accoste assez maladroitement une très jolie fille, son état d’ébriété n’aidant guère. Alors que la partie semble mal engagée, la demoiselle semble, finalement, ne pas refuser ses avances.

    Veinard, pense François.

    Quelques secondes à peine après un zouk particulièrement lascif, les deux tourtereaux partent s’isoler dans un coin reculé de la plage, à l’abri des regards.

    « Eh ben, mon cochon ! J’espère que tu te chausseras, au moins ! » lance, à voix haute, François à son compère, avant de rougir en croisant le regard amusé d’une jeune femme assise sur le sable.

    Jimmy est aux anges, il plonge son regard dans les yeux verts de sa conquête. Une fille d’une beauté à couper le souffle. Jackpot, Jimmy ! Jackpot ! Non non ce n’est pas possible, tu dois rêver ! Oui, c’est ça, une telle beauté, ça n’existe que dans les rêves !

    La déesse aux yeux émeraude lui caresse la joue en souriant timidement, il frémit.

    Mon Dieu, si c’est un rêve, ne fais pas sonner le réveil, fais que les volets de ma chambre soient bien fermés, et surtout, tue ce satané coq !

    « Comment t’appelles-tu ? » lui demande-t-il.

    Pas de réponse, mais la main douce lui caresse le visage de plus belle, ce n’est pas pour lui déplaire.

    « Muette ? Tu préfères le langage des signes ? Tu as raison, on s’en fout, après tout, on sait très bien ce que l’on veut, toi et moi ! »

    La demoiselle est vêtue d’un paréo blanc interminable qui lui masque entièrement les jambes. Le tissu immaculé caresse la surface du sable comme le ferait la traîne d’une robe de mariée. Jimmy y voit un signe. Il se montre plus entreprenant en approchant ses lèvres du visage de la belle.

    C’est là que tout se joue, mon vieux… ça passe ou ça casse.

    Au grand étonnement de Jimmy, la demoiselle n’attend pas que sa bouche rencontre la sienne. Elle s’avance et embrasse goulûment le jeune homme, tout heureux que tout aille aussi vite.

    Le soleil s’est couché il y a belle lurette, mais il fait encore très chaud. Sans doute combinée aux effets de l’alcool qu’il a ingurgité, cette chaleur fait tourner la tête du fêtard.

    Allons, mon vieux Jimmy, ce n’est pas le moment de perdre tous tes moyens ! Faut pas te reposer sur tes lauriers ! Faut assurer, maintenant !

    « Wouhaou ! Tu me fais tourner la tête, Doudou ! Tu embrasses comme personne ! »

    Pour toute réponse, la beauté sourit et embrasse une seconde fois l’autoproclamé Don Juan des Caraïbes.

    Second moment d’extase, plus intense celui-là. L’étudiant en est presque groggy, des feux follets se déplacent devant ses yeux qu’ils frottent énergiquement.

    Le sol se dérobe légèrement sous ses pieds.

    Tu nous fais quoi là, mon vieux ? Pas le moment de tourner de l’œil, hein ! Pense à la tronche de François quand il saura que tu es sorti avec la plus belle femme des Antilles ! Pense même à celle des autres couillons qui te prennent pour un loser !

    Troisième baiser, plus profond, plus long celui-là. Jimmy a le souffle coupé.

    Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Un goût métallique, tenace, lui donne un haut-le-cœur. Il hoquette, puis s’excuse maladroitement.

    « Excuse-moi, je crois que j’ai bu le ti-punch de trop… »

    Il inspire un grand coup en levant les yeux au ciel. Les étoiles se meuvent en une étrange farandole. Il pose le regard sur la jeune femme, toujours tout sourire, elle ne semble pas être inquiétée par l’état de Jimmy. Il se dit que c’est préférable, ce serait dommage que l’histoire s’arrête là.

    Il s’approche pour l’embrasser une quatrième fois, quand il sent de la bave couler le long de son menton.

    Merde.

    Il s’excuse encore une fois avant de se détourner en essuyant maladroitement son visage du revers de la main.

    Il frémit. Ses doigts sont recouverts de sang.

    Qu’est-ce que…

    Une violente crampe d’estomac le plie en deux, il semble que l’alcool qu’il a ingurgité soit à la recherche de l’air libre.

    Jimmy a l’impression de se trouver au centre d’un tourniquet lancé à pleine vitesse. De violents maux de tête le plaquent au sol. C’est comme si son crâne abritait une version miniature de la Soufrière en pleine activité.

    Il vomit un liquide épais et noir, très vite absorbé par le sable.

    En temps normal, il aurait honte de lui, honte de la situation. Mais l’humiliation d’avoir perdu la face en présence d’une fille n’est rien en comparaison de la panique qui le gagne lorsqu’il comprend avoir régurgité du sang, du sang en très grosse quantité.

    Le visage collé contre le sable poisseux, haletant, il tente de se relever en poussant sur ses bras, comme s’il allait effectuer une série de pompes.

    Il se veut rassurant :

    « Ça…ça va aller, Doudou, je ne sais pas ce qui m’arrive, peut-être le bokit⁴ que j’ai mangé tout à l’heure… il… il devait être avarié… »

    Pas de réponse, mais le jeune homme entend le tissu du paréo glisser jusqu’à lui.

    Les pieds de la déesse des îles apparaissent à hauteur de son visage, soulevant des grains de sable qui lui brouillent la vue.

    Il cligne des yeux, puis pose maladroitement une main sur la jambe de sa conquête, imprimant les marques sanglantes de ses doigts sur l’étoffe blanche.

    « Désolé… je vais nettoyer tout ça. »

    Ayant perdu toute lucidité, il prend appui sur le tibia de la jeune femme afin de se relever. Le tissu du paréo se déchire, révélant le mollet de la demoiselle.

    Jimmy a une moue dubitative. La beauté se néglige, il n’a jamais vu de jambe aussi poilue, si ce n’est chez sa vieille tante Berthe, une réfractaire à l’épilation.

    Mais une chose le hérisse, la fille possède-t-elle une prothèse ? Sa cheville est aussi fine qu’une branche d’acacia. Où est son pied ? Probablement enfoui dans le sable, pense-t-il.

    Le jeune homme parvient avec force difficulté à rouler sur le dos. Il frissonne, ayant la désagréable impression d’avoir le dos aspergé d’eau glacée.

    « Je vais bien, donne-moi juste quelques secondes, tout tourne… »

    Toujours pas de réponse. Jimmy s’agace et lève les yeux vers sa conquête. Peu importe s’il rate son coup ce soir, il est prêt à l’invectiver.

    Il est pétrifié d’effroi.

    La beauté n’en est plus une.

    Ses cheveux, encore bouclés et brillants il y a quelques secondes, sont devenus gris et ternes. Ses yeux verts sont injectés de sang, et de profondes rides parcourent son visage. Elle a un sourire mauvais, révélant des canines hypertrophiées recouvertes d’un épais tartre jaunâtre.

    L’étudiant se met à hurler.

    Son cri, couvert par le bruit des vagues, s’arrête net au moment où la créature lui pose un pied velu sur le torse. Un pied ? Non, la jambe du monstre s’achève en un sabot noir qui piétine la poitrine de sa victime avec violence.

    L’instinct de survie décuple les forces de Jimmy, et il repousse une première fois son assaillant avant de se relever énergiquement.

    Il se met à courir dans la nuit profonde, toussant, crachant du sang, hoquetant.

    Sa tête tourne. Ses jambes faiblissent. Il se dit qu’il devrait retourner à la fête, là où il y a du monde, là où il pourra trouver de l’aide. Cependant, il court à l’opposé des festivités, et n’a pas l’intention de rebrousser chemin, il n’a pas envie de croiser à nouveau le démon.

    Il se signe, puis se met à prier tous les saints qu’il connaît.

    Le sang s’échappe abondamment de sa bouche, il faiblit. Les larmes lui brouillent la vue, et c’est au moment de les essuyer qu’il se rend compte que c’est du sang.

    Jimmy se retourne sans stopper sa course, personne.

    Il regarde alors face à lui et percute de plein fouet le monstre qui en profite pour le mordre juste en dessous de l’oreille. La douleur est sourde. Le jeune homme tombe en arrière en portant une main à son cou, nul son ne s’échappe de sa gorge. Le démon aux yeux verts l’observe.

    Une belle proie, pense-t-il, jeune et vigoureuse ! je vais me régaler !

    Le monstre passe une langue noire sur ses lèvres craquelées. Mais il a sous-estimé le garçon. Jimmy se relève en jetant du sable à la figure de son agresseur avant de détaler avec toute l’énergie du désespoir.

    Mais sa course est vaine. Ses forces l’ont abandonné. La douleur irradiant son cou est insupportable. La morsure a creusé un trou dans les chairs et le jeune homme lutte pour ne pas tourner de l’œil.

    Mais ses paupières sont de plus en plus lourdes, et c’est finalement les yeux fermés qu’il progresse sur la plage, complètement perdu. L’instabilité du sol sablonneux l’épuise davantage, son rythme cardiaque s’accélère et il est pris de violentes nausées.

    La soudaine fraîcheur agressant ses orteils, suivie du clapotis de l’eau, lui annonce qu’il court vers le large, il comprend avec effroi qu’il s’enfonce progressivement dans la mer, et risque la noyade.

    Il cesse sa course, puis tente de repartir dans la direction opposée, lorsqu’il entend quelque chose se déplacer tout près de lui, l’éclaboussant de sable et d’eau salée.

    La chose lui plante des ongles acérés dans les côtes, il crie. Vivement soulevé de terre, il se débat comme une proie piégée par un prédateur.

    Une morsure au niveau du flanc le plonge dans une torpeur fatale.

    Il sent avec horreur les lèvres rêches du monstre se plaquer contre les siennes.

    Une langue gluante s’enfonce dans sa bouche, lui bloquant la respiration. Jimmy a un haut-le-cœur lorsque ses pastilles gustatives perçoivent le goût corrosif de l’ammoniaque.

    Il se sent étrangement léger, apaisé, il ouvre une dernière fois ses yeux morts, puis les ferme… à jamais.

    Ignorant totalement la pièce macabre qui se joue non loin de là, François profite tant qu’il peut de la soirée.

    Il se déhanche sur un bon vieux raggamuffin des familles. Il chante faux, dans un patois jamaïquain complètement approximatif, mais s’en fiche. Shaka Demus et Pliers ne lui en voudront pas de massacrer leur tube Murder she wrote.

    C’est en zigzaguant qu’il rejoint quelques minutes plus tard son pote Jimmy, complètement avachi dans le sable.

    « Alors, timal ? Ou byen pwofité ?⁵ Elle n’était vraiment pas mal ! Quel est son nom, petit cachottier ? »

    Un long souffle s’échappe de la bouche du tombeur de ces dames.

    Son dernier…

    Le corps de Jimmy est complètement momifié. Quelque peu grassouillet, de son vivant, il est désormais squelettique, ses os faisant saillie sous sa peau flétrie. Ses yeux ne sont plus que deux trous béants, un crabe s’échappe de sa bouche d’où pend une langue noire et sèche.

    Le temps suspend son vol.

    François songe à un canular, se dit que ce n’est pas possible, qu’une caméra est forcément dissimulée quelque part.

    Il se dit que Jimmy va se lever, que la contagion de son rire ô combien communicatif va encore se vérifier.

    Il croit que son ami va venir se vanter de la qualité de son maquillage dont le réalisme est poussé à l’extrême.

    Mais, bien entendu, rien de tout cela ne se produit.

    Le temps reprend son vol.

    François se met à hurler, à s’égosiller comme jamais.

    La peur lui fait l’effet d’un liquide glacé qui aurait remplacé le sang coulant dans ses veines.

    Il tremble, recule lentement, complètement sonné.

    Ses talons heurtent la vieille souche d’un cocotier, il bascule en arrière et chute brutalement sur le dos. Relevant le buste en prenant appui sur ses coudes, il guette le macchabée, s’attendant à ce qu’il bascule sur le ventre pour ramper jusqu’à lui. Il imagine les doigts osseux venir lui agripper les chevilles.

    Cette vision d’horreur le fait mouliner des jambes, soulevant du sable qu’il ingère bien malgré lui. Il tousse, crie de plus en plus fort.

    Les larmes brouillent sa vue, ne lui permettant pas de distinguer les traces de sabots qui s’éloignent du corps de la jeune victime…

    2. SARCOPHAGE ET CRUSTACÉS

    Sainte-Anne, plage de Bois-Jolan. 00h47.

    « Ce type a le corps encore plus sec que mon compte en banque en fin de mois ! »

    Jacques Grillon passe une main tremblante dans sa chevelure grisonnante, tandis qu’il inspecte avec minutie le cadavre du jeune Jimmy Coco. De mémoire de médecin légiste, il n’avait encore jamais vu ça.

    « Bon sang, le gosse avait à peine 19 ans. Mango mi ka rété an pié, mango vèt ka tonbé…⁶ »

    Comme à l’accoutumée, un périmètre de sécurité a été déployé tout autour du corps de celui qui était, il y a encore quelques heures, un brillant étudiant.

    Une série de rideaux déployés par la police criminelle occulte la scène de crime. Le but est bien entendu de tenir à distance les badauds, notamment ceux qui, les premiers, brandiront leurs smartphones et s’empresseront de prendre de nombreux clichés qu’ils partageront ensuite sur le Web, à la recherche du plus gros buzz. Il est devenu de plus en plus difficile pour les forces de l’ordre de lutter contre le voyeurisme de la société et l’effet néfaste des réseaux sociaux.

    « Non, ce n’est pas ça, se reprend Jacques, ce corps n’est pas, à proprement parler, déshydraté, il est plutôt… momifié. »

    Le sable crisse à quelques pas de lui.

    « Le fait que tu te sois toi-même déplacé sur les lieux du crime prouve qu’il y a du beau à voir. »

    La voix grave lui est familière.

    Un sourire se dessine sur le visage du médecin légiste tandis que la large silhouette de l’inspecteur Nicolas Rousseau émerge de la pénombre.

    Les lunettes rondes posées sur un nez épaté, le cheveu ras, le flic le plus craint de la PJ de Pointe-à-Pitre s’avance d’un pas sûr, quasi militaire.

    « La beauté est toute relative », ajoute une voix féminine juste derrière lui, celle de l’inspectrice Marie Kancel.

    De taille moyenne, athlétique, les traits fins. Ses yeux clairs sont les premières choses qui troublent le quidam. Ses longs cheveux ondulés en font une magnifique métisse. Mais c’est avant tout une redoutable tireuse d’élite doublée d’une enquêtrice hors pair.

    « Nico et Marie ! Je ne m’attendais pas à vous voir si tôt ! »

    — Mes nuits ont toujours été très courtes, tu le sais, répond Rousseau.

    — Quant à moi, enchaîne Marie, je voulais voir de mes propres yeux la momie de Sainte-Anne.

    — La momie de Sainte-Anne ? interroge Grillon

    — Oui, une trouvaille des journalistes de France-Antilles, jamais à court d’imagination lorsqu’il s’agit de faire les gros titres. Les rotatives tournent déjà à plein régime. Ils ont même lancé la rumeur selon laquelle elle serait placée dans un sarcophage et exposée au public. Attends-toi à ce que le mot « momie » soit sur toutes les lèvres guadeloupéennes dans les jours à venir.

    Comme à son habitude, Rousseau enfile ses gants en latex avant de s’accroupir à côté du cadavre pour procéder à une brève inspection, au grand dam du médecin légiste.

    Le corps offre une apparence assez singulière. Outre sa peau à l’aspect de parchemin, ce qui frappe le plus les enquêteurs c’est l’expression de terreur qui cingle son visage émacié.

    Sa bouche édentée demeure pétrifiée dans un appel à l’aide resté sans réponse.

    Ses yeux exorbités implorent un ciel qui n’a rien eu de clément.

    « Il a été littéralement vidé de son sang, annonce Grillon, mais pour le moment, je suis incapable de déterminer la cause de sa mort. Nulle trace d’incision, aucun traumatisme, pas une seule plaie. Une analyse plus poussée au labo devrait m’en révéler davantage. »

    L’inspecteur acquiesce, tout en inspectant les alentours du corps.

    « Qui l’a découvert ? » demande Marie.

    — Un de ses camarades, il était en état de choc, nous avons dû le placer sous tranquillisants.

    — Rien d’étonnant. D’autres témoins ?

    — Certains parmi les fêtards l’ont vu partir avec une jeune femme décrite comme, passez-moi l’expression, « hyper canon », pour les plus polis. Nous avons retenu la plupart d’entre eux afin que vous puissiez les interroger, mais la pression des familles est telle que je ne sais pas si nous pourrons le faire bien longtemps, et puis…

    — Nous les retiendrons le temps qu’il faudra, coupe Rousseau. Je veux que tous les participants à cette petite fête soient interrogés.

    — Bien entendu…, soupire Grillon

    Marie braque sa lampe-torche à proximité du cadavre. Le faisceau dévoile toute une série d’empreintes étranges, partant du corps momifié pour aller se fondre dans la nuit.

    « Avais-tu remarqué ces traces ? » demande-t-elle au médecin légiste.

    — Oui. Ce sont des

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