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La gamine au pull-marine
La gamine au pull-marine
La gamine au pull-marine
Livre électronique439 pages5 heures

La gamine au pull-marine

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À propos de ce livre électronique

Charlotte aura quinze ans dans dix jours. Elle va devoir d’ici là batailler contre sa mère pour satisfaire la dernière sordide volonté de son père. Elle va devoir aussi lutter contre les intempéries de l’automne et s’arranger de deux tantes que tout semble opposer, mais qui partagent un sens de la famille qui leur est personnel.
Charlotte va rencontrer des silhouettes fantomatiques qui sont des traces nauséabondes du passé peu glorieux de son père, et un jeune homme au destin pas si éloigné qu’il y paraît du sien.
Le soir du 20 novembre 2004, tout bascule pour une famille qui semble être honorable, unie, calme et discrète, mais qui s’avère être liée de près à une terrible Organisation. Cette dernière n’hésite pas à sacrifier des enfants pour combler la soif de sang et de sexe extrême de quelques notables.
Bernard, le père de famille exemplaire, décide ce soir-là qu’après sa mort, il continuera à sa manière de vivre « tout proche de sa fille ». Peu importe si cela revient à la faire tenir debout sur un fil étroit : seuls les déséquilibrés chutent.
LangueFrançais
Date de sortie7 mai 2018
ISBN9782312058573
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    Aperçu du livre

    La gamine au pull-marine - Eric Baisson

    cover.jpg

    La gamine

    au pull-marine

    Éric Baisson

    La gamine

    au pull-marine

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-05857-3

    Un enfant orphelin de père continue parfois de marcher

     sur la plage en laissant quatre traces de pas derrière lui.

    La mort du père

    Le gazon qui entoure la maison des Dela est humide en cette nuit du 20 novembre 2004 : la pluie glacée, bien de saison, fait miroiter toutes les rues et tous les trottoirs de La Rochelle. Le front de Bernard est brûlant de fièvre. Sa sueur humidifie les draps de son lit déjà souillés de son urine et de ses excréments. Bernard est sidéen. Le sida l’affaiblit terriblement. Ce soir, seuls ses yeux bleus bougent de droite à gauche et de bas en haut, comme s’ils cherchaient une échappatoire. Il est en compagnie de Justine, sa sœur cadette. Celle-ci forme, avec quelques membres de la belle-famille de Bernard et sa femme, un demi-cercle autour du lit funèbre. Personne ne pleure ni ne souhaite la mort du malade. Tous savent que celui qui est en train de vivre ses derniers instants est un sale type. Surtout sa femme, Magali. Elle a souffert plus que quiconque et plus que son mari depuis le jour où celui-ci a contracté la maladie. Sa maladie à elle, c’est lui  !

    Bernard n’a jamais été un modèle de fidélité, si ce n’est à sa cruelle devise : morceau avalé n’a plus de goût ! Il trompait régulièrement sa conjointe avec des prostituées, des femmes faciles (après une nuit de beuverie), ainsi qu’avec sa propre sœur… Celles qui sont le plus à plaindre sont ces malheureuses qui étaient plus dotées d’un fœtus que d’un cerveau. Elles sont souvent tombées enceintes et leur amant ne répondait plus de rien quand il avait distribué la semence espérée. Bernard traîne sa maladie depuis près de quinze ans, du moins c’est ce qu’il a toujours affirmé. Il l’aurait contractée lors du voyage de noces qui avait suivi son union avec Magali, en mai 1989. Durant ce séjour en Thaïlande, Bernard s’était goinfré, selon ses propres termes, de viande fraîche, c’est-à-dire d’adolescentes miséreuses de là-bas. Il avait délaissé sa femme enceinte de quelques mois dans leur chambre d’hôtel et s’était éperdument moqué de savoir si elle profitait de la culture et du soleil de ce pays.

    Bernard et Magali sont parents d’une fille prénommée Charlotte. Elle porte ce prénom, car son père était allé la déclarer à la mairie de La Rochelle en écoutant à tue-tête, dans sa voiture, une cassette audio du groupe anglais Iron Maiden, où figurait, entre autres, le titre : « Charlotte the Harlot ». Magali aurait préféré Cathéine, une Catherine, sans en avoir l’air… La bande qui tournait ce jour-là dans l’autoradio en avait décidé tout autrement…

    Charlotte est née le 30 novembre 1989 et va fêter ses quinze ans dans dix jours. Par miracle, elle a évité la contamination. Tout comme sa mère que Bernard ne touche guère plus depuis la venue au monde de leur enfant. Magali ignorait tout de la maladie, comme son mari du reste. Comme des milliards de personnes à l’époque. Après l’accouchement, Bernard avait plus rendu visite à sa fille qu’à sa femme. Il avait offert des peluches à son enfant. Sa femme avait dû se contenter de ses remarques déplacées sur sa mine, ou sur son physique mis à mal par la grossesse. Un jour, lors d’un de ses passages, Bernard avait pris son enfant dans ses bras et avait profité d’un moment d’inattention de Magali pour poser le bout de ses doigts sur la bouche du bébé, puis sur de tout autres lèvres…

    Chaque degré de fièvre symbolise, sous forme d’échelons, le mal que Bernard a fait aux femmes en général et à la sienne en particulier. C’est dire s’il dévale un escalier infini ! Allongé sur son lit, Bernard semble dans l’impossibilité de faire maintenant le moindre tort à qui que ce soit. Surtout pas au virus qui le ronge. C’est mal connaître Bernard. C’est avant tout sous-estimer l’amour que lui porte sa fille unique, du moins officiellement, la seule qu’il a reconnue. Bernard va assurer son immortalité par le biais de celle-ci.

    Un soir où Charlotte avait six ans.

    – C’est maintenant que tu rentres ?

    – Ta gueule, sale pute !

    – Ta fille ne dort pas : elle te réclame !

    – C’est bon, j’y vais.

    Bernard avait rejoint son enfant dans sa chambre et l’avait endormi en moins d’un quart d’heure. Charlotte posait déjà à l’époque sur son père les yeux de l’amour. « Faire l’amour » avec lui n’a jamais été un problème pour elle. Bien au contraire, l’ennui va venir du fait qu’il ne pourra bientôt plus la « combler de bonheurs »…

    Bernard sait qu’il va mourir cette nuit. Depuis quelques jours, l’excitation de sa fille lui rappelle que son anniversaire est tout proche. Il est conscient que sa progéniture a devant elle quelques décennies d’existence. C’est plus de temps dont il a besoin pour détruire celle de sa femme. Lors d’un ultime tête-à-tête avec sa fille, il va lui transmettre quelque chose de plus virulent que le virus qui le ronge : ses dernières volontés !

    De son lit, Bernard parle avec sa femme. Ils semblent étrangers l’un à l’autre. Une photo trône au-dessus du lit paternel, jadis parental, qui laisse imaginer un bonheur et un amour passés. Elle était si brune et lui si brun ! Tant de poussières tombées depuis sur ces deux chevelures…

    – On s’est aimés tous les deux, hein ! Ta fille, tu la voulais ! dit Magali.

    – Parle pour toi ! réplique sèchement Bernard. Oui, ma fille, je la voulais, moi !

    – Je la voulais aussi !

    – Pas autant que moi ! Et pas pour la même raison ! Moi, je la souhaitais pour qu’elle te remplace le moment venu.

    – Salaud ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Nos familles sont là, elles t’écoutent !

    – Moi qui étais persuadé qu’elles préféraient ne rien voir et ne rien entendre…

    – Tu ne l’auras pas ! Pas elle ! Pas ma fille !

    – MA fille !

    – Oui, TA fille ! La mienne aussi ! Notre fille, putain !

    À cet instant, ce n’est guère l’envie de frapper son mari qui manque à Magali, mais le courage d’être aussi lâche que lui.

    Quelque peu gênée aux entournures – pas facile d’accepter d’entendre tout ce que l’on n’a jamais voulu savoir –, toute la parenté préfère quitter la chambre. Elle laisse Magali entre les griffes d’un animal qui est blessé et affaibli, mais pas encore mort. Elle attend maintenant patiemment dans le couloir sans manquer de continuer d’écouter la conversation du couple qui se déchire. Parmi ces familiers se trouvent les frères et sœurs de Magali, quelques cousines et vieilles tantes de Bernard, et la sœur cadette de celui-ci. Charlotte sort de sa chambre et retrouve tout ce beau monde. Elle est à la fois heureuse que tant de personnes de la famille soient réunies (c’était si rare !) et soucieuse de la mine triste de chacune d’entre elles. Elle devine, dans tous ces regards qui fuient toute sa joie de vivre, la mort prochaine de son père. Elle le sait malade « depuis toujours », mais elle ne peut pas admettre qu’il ressemble en quoi que ce soit à qui que ce soit. Il ne peut pas la quitter comme d’autres pères ont quitté certains de ses camarades de classe. Charlotte désire voir une dernière fois son père et sa mère dans la même chambre. Un tableau qu’elle n’a guère connu : une véritable croûte dans son cœur d’enfant. Justine va prendre les devants et s’adresser à elle.

    Justine a trente-huit ans. De taille moyenne et mince. Elle est habillée avec goût d’une jupe portefeuille noire et d’un haut avec un col Claudine mauve qui camoufle des épaules osseuses. Ses cheveux sont d’un brun de désespoir. Chaussée d’escarpins, elle domine sa nièce de toute sa hauteur et de son passé nébuleux auprès de son frère aîné. Elle a découvert la sexualité avec lui. La sensualité n’a jamais été au programme. En revanche, aucune perversion ni déviation sexuelle n’a plus guère de secrets pour elle : ondinisme, scatologie, zoophilie, inceste et même pédophilie avec entre autres l’un de ses cousins, âgé à l’époque d’à peine huit ans. Ce dernier a d’ailleurs été porté disparu et n’a jamais été retrouvé. C’était un jour où il était sous la garde de Bernard, qui n’aurait relâché son attention que quelques minutes… Justine est célibataire et consacre sa vie à faire pleurer les hommes qu’elle charme d’abord pour mieux les jeter après. Elle s’estime heureuse d’être vivante et en bonne santé. Elle s’adresse à sa nièce d’une voix douce :

    – Ça va, Charlotte ?

    – Non !

    – Qu’est-ce qui ne va pas ? Dis-moi !

    – Je veux voir mon papa et ma maman !

    – Ils sont en train de discuter tous les deux, tu sais. Je vais voir si tu peux les rejoindre.

    – D’accord.

    Justine frappe trois petits coups secs à la porte.

    – Oui, entrez ! dit Magali.

    – C’est moi…

    – Justine ! Entre ! dit Bernard.

    Justine s’exécute et s’adresse à son frère.

    – Dis ça à ta fille. Elle veut vous voir…

    – Nous voir ? demande Magali. Tu aurais pu nous dire : à votre fille.

    – Oui, excuse-moi, Magali.

    – Ne t’excuse pas devant cette moins que rien ! s’insurge Bernard.

    – Bernard, je pense que…

    – Depuis quand te permets-tu de penser, toi ?

    – Laisse tomber, Justine, intervient Magali.

    – Dis-nous pourquoi tu t’es permis de troubler ce charmant tête-à-tête, lance Bernard, pour le moins ironique.

    – Charlotte n’est pas bien. L’ambiance dans le couloir n’est pas idéale pour une jeune fille de son âge.

    – Entièrement d’accord avec toi.

    – Elle voudrait te… vous voir !

    – Je me doute qu’elle a envie de me voir.

    – Ça ne risque pas d’arriver maintenant ! s’exclame Magali, en furie.

    – Tu comptes sérieusement interdire à ta fille de voir son père ?

    – Je n’ai plus que ma fille !

    – Ta fille ? Sois plus claire !

    – Oui, ma fille ! Tu ne lui feras pas de mal !

    Marin-pêcheur de métier, Bernard a connu des vagues de plus de six mètres de hauteur. Maintenant qu’il est entre quatre murs et sous un plafond, Bernard se moque des vagues à l’âme et des « avis de tempête » de sa femme.

    – Je sens que je vais verser une petite larme, ironise-t-il.

    – Je n’en espère pas tant !

    – Et si je faisais entrer Charlotte ? hasarde Justine pour calmer la situation.

    – Bonne idée ! se réjouit Bernard.

    – Attends, Justine. Deux secondes, s’il te plaît.

    – Comme tu veux, Magali.

    – Ben, vas-y. Obéis-lui !

    – C’est que…

    – Que tu viens de te rabaisser devant ce que l’on fait de plus bas !

    – Je te demande pardon, Bernard. Pardonne-moi !

    – Viens me rejoindre dans mon lit. Pour le pardon, on verra après.

    – Et si l’on faisait entrer Charlotte ? propose à son tour Magali.

    – Bonne idée ! Ce lit est si grand et si désespérément vide !

    – C’est ça, rêve !

    – Allez, faites la paix ! dit Justine. C’est le moment ou jamais, non ?

    – « Jamais » me va bien ! dit Magali.

    Bernard se perd dans un fou rire aussi monstrueux qu’écœurant. Il finit par avaler de travers sa salive acide, ce qui l’empêche d’habiller plus longtemps la pièce et celles qui s’y trouvent de sa moquerie.

    – Bon, dit-il, passons aux choses sérieuses, maintenant.

    Bernard sourit à sa femme, mais ses yeux tiennent un tout autre discours. Justine joue les fantômes.

    – Justine, fais entrer ma fille, s’il te plaît, dit Bernard à sa sœur.

    – Non ! s’interpose Magali.

    – Ma sœur nous a dit que notre fille voulait nous voir, non ?

    – C’est ce qu’elle m’a dit, oui, répond Justine.

    – Très bien. Déshabille-toi, Magali. Quant à toi, Justine, commence à te dévêtir aussi et fais entrer ma fille.

    – Finalement, lance Magali, la première chose que je devrais te reprocher – que ma fille me pardonne pour ce moment d’égoïsme –, c’est de n’avoir jamais su me faire rire.

    – Ou voulu ?

    – Ou voulu !

    – Je fais entrer Charlotte ? s’impatiente Justine.

    – Tu es toujours habillée, toi ?

    Justine tourne les talons et va chercher Charlotte qui trépigne dans le couloir et griffe la porte de ses ongles. Quand elle ouvre à sa nièce, l’adolescente surgit dans la chambre sans crier gare : un véritable orage d’été en cette nuit d’automne.

    – Papa !

    – Ma petite et belle fille !

    – Mon papa !

    – Ce qui va te sauver, ma fille, c’est que tu as tout hérité de ton père.

    – Pas tout ! se félicite Magali. Tu as choisi ta vie, bien ! Mais tu as aussi disposé de la mienne, de celle de ta sœur et de celle des femmes qui ont eu le malheur de croiser ta route. Tu n’agiras en rien sur l’avenir de ma fille, et c’est bien comme ça !

    – Tu crois ?

    – J’en suis certaine !

    – Avant de te laisser l’emprise totale sur ta fille, je te demande de me rendre un service.

    – Si c’est une dernière volonté, cela peut se faire.

    – Oui, c’est cela.

    – Je t’écoute.

    – Laisse-nous, ta fille et moi, une dernière fois en tête-à-tête.

    – Pas question !

    – Seulement cinq à dix minutes.

    – C’est une invitation à faire table rase du passé ?

    – Oui !

    – En me demandant cela, c’est comme si tu nous interdisais tout avenir.

    Bernard s’efforce d’avaler le « oui » qui lui vient à la bouche.

    – Puisque je te dis que je n’ai plus la force ni l’envie de rien.

    – Et puisque je te dis que je n’ai plus la force ni l’envie de te croire.

    – Et si je restais aussi pour les surveiller ? propose Justine.

    – J’ai envie de te faire confiance, ça fait peur ! Excuse-moi, Justine, mais…

    – Ne t’excuse pas, Magali. Personne ne me fait confiance…

    – Parce que tu crois que je croule sous les bonnes intentions, moi ?

    – Non, justement. Je pensais que cela pourrait nous rapprocher.

    – Cela aurait dû le faire.

    – Je sens que je vais encore y aller de ma petite larme, moi, assure Bernard.

    – Je te laisse avec ta fille, à la seule condition que Justine reste aussi avec vous.

    – Cela n’a plus rien à voir avec un tête-à-tête.

    – À prendre ou à laisser !

    – Je prends, je prends !

    Charlotte ne participe pas à la discussion. Son père lui a appris à se taire et à ne prendre la parole que quand elle y est invitée. Charlotte, Tristan étant curieusement son second prénom, va sur ses quinze ans. Elle est de petite taille pour son âge (un mètre cinquante-cinq), fine, et elle n’a pas de poitrine. Ses cheveux coupés court sont noirs comme ses yeux : des puits sans fond pour les explorateurs à venir ! Les cœurs et les oursons sur sa chemise de nuit dénotent un style enfantin, preuve évidente d’une grande difficulté à entrer dans le monde de l’adolescence, voire d’un désir réel d’y renoncer. Charlotte se contente d’être la fille de son père.

    – Je vais pouvoir parler avec mon papa ?

    – Tu en as envie ? demande Magali à sa fille.

    – Elle en a besoin ! s’exclame Bernard.

    – Ce n’est pas à toi que je le demandais !

    – Elle te donnera ma réponse, cela revient au même.

    – Je te laisse seul dix minutes avec Charlotte.

    – Merci. Dieu te le rendra !

    – Qu’Il commence déjà par me rendre ma fille ! Je te laisse seul avec elle, mais avec aussi sa tante Justine, hein ?

    – Ça, Dieu, Il va moins aimer.

    – Je m’en moque !

    – Laisse-moi avec Charlotte.

    – Et avec Justine !

    – C’est ça !

    – Je te laisse un moment avec ton papa.

    – D’accord, maman !

    – Si tu as besoin de quelque chose, tu m’appelles.

    – On ne va pas y passer la nuit !

    – Profite de celle-ci.

    – Ne t’inquiète pas pour cela.

    – Justine, je te confie ma fille, ta nièce !

    – Ne te fais pas de soucis. Tu peux être tranquille.

    Magali a quarante-deux ans. Elle est plus grande que Justine. Elle affiche un corps fatigué par une quinzaine d’années de luttes incessantes avec son mari. Certains matins, au réveil, elle se demande si elle est la mère ou la grand-mère de Charlotte. Nombre de choses imprimées dans sa chair et son sang finissent néanmoins par répondre à ses interrogations et l’aident à supporter la journée qui se profile. Sa fille a hérité de ses yeux et de ses cheveux noirs. Sa poitrine maternelle est pudiquement mise en valeur par cette robe noire à l’encolure bateau et ce sautoir dont quelques perles plongent entre ses deux seins. Ce qui saute aux yeux quand on regarde Magali, c’est son visage. Tout y est de petite taille : sa bouche, son nez, ses sourcils, son front… Tout cela fait ressortir son regard qui laisse deviner des souffrances passées.

    Pendant le départ de sa conjointe, Bernard invite sa fille à se rapprocher de lui. Sans doute avec déjà l’idée de commencer à l’éloigner de sa mère.

    – Tu comptes passer notre tête-à-tête à mille pieds de moi, Charlotte ?

    – Hein ?

    – Viens, ma chérie, grimpe sur le lit de papa.

    – Tout doux, hein ! Tu restes sur la couette, précise Magali.

    – Je ne vais pas lui demander de me rejoindre dessous, de partager ma…

    – Tu m’excuseras de ne pas changer tes draps et ta couette. Je pense que cela n’en vaut plus la peine.

    – Sans doute, non.

    – Justine. Je te…

    – … confie ma fille, je sais. Ma nièce, je sais cela aussi.

    Magali sort de la chambre et laisse, comme il le souhaitait, son mari pratiquement en la seule compagnie de sa fille. Elle s’adresse à toute la famille qui, depuis le début, regarde toute la scène par l’entrebâillement de la porte.

    – Laissons-les entre eux un instant, allons dans le salon.

    Les parentés suivent Magali sans rechigner. De toute façon, comme Magali a tiré la porte de la chambre derrière elle, elles n’ont plus rien à observer ni à entendre. Charlotte est entre les mains de son père, à moins que ce ne soit entre ses griffes.

     Mon amour de fille !

    – Mon papa chéri !

    Justine arrive à se faire oublier de ce drôle de couple. Elle demeure assise dans un coin de la chambre hors de leur champ de vision et se contente pour l’instant d’observer la scène. Toujours allongée sur la couette à côté de son papa, Charlotte pose sa tête sur son épaule.

    – Je ne veux pas que mon papa meure !

    Bernard serre sa fille dans ses bras avec le peu de force physique qui lui reste et essaye de la réconforter.

    – Calme-toi, voyons, calme-toi, ma chérie.

    Justine est touchée de voir Charlotte consolée par son père. Son visage penche doucement sur la gauche et ses mains viennent se poser sur ses cuisses. Comme sa nièce, elle boit les paroles de Bernard.

    – Ma chérie, ma pauvre chérie. Ta juvénile splendeur va me manquer !

    Tout en prononçant cette phrase, Bernard ôte la couette et déchire, couture après couture, la chemise de nuit que porte sa fille. Celle-ci se retrouve entièrement nue, assise sur les cuisses salies de son père. Son corps est séparé de celui de Bernard par le pantalon de pyjama et le slip qu’il porte encore.

    – Pourquoi me déshabilles-tu, papa ?

    – Parce que tu es jolie. Les habits, c’est pour ta mère !

    – C’est vrai, je suis jolie ?

    – Je te baiserais bien !

    – Qu’est-ce que ça veut dire ?

    – Tu le sais, depuis le temps ! Ça veut dire crier. Tu as envie de baiser ?

    – Oui !

    – Crie, ma fille !

    Charlotte se met à pousser des cris qui lui semblent « de baise » et prend à peine le temps de respirer. Elle sautille sur les cuisses de son père et continue sa marche vers le « plaisir ». Bernard s’en félicite.

    – Vas-y, ma fille ! C’est bon, hein ?

    – Oui, papa !

    Le haut des cuisses et les fesses de Charlotte se colorent des excréments et de l’urine de son père. Celui-ci n’est pas du genre à accepter de porter une couche. Cela ne gêne en rien la gamine et excite Bernard.

    – Continue, ma fille, jusqu’à l’orgasme !

    Charlotte s’arrête de « baiser ».

    – Jusqu’à l’orgasme ? Qu’est-ce que c’est, l’orgasme ?

    – L’orgasme, c’est quand tu auras tellement crié que tu auras besoin de « miel » pour te refaire la voix.

    – Ah !

    – Tu ne baises plus !

    – Non !

    – Pourquoi donc ?

    – J’ai envie d’un peu de miel.

    Justine redresse la tête avant de la pencher de l’autre côté, comme pour mieux chercher à cerner ce qui va suivre. Elle le devine vite, sans avoir eu à replonger loin dans ses souvenirs de jeune fille. Elle demeure assise, sage, telle une écolière redoublante qui se laisserait partir dans ses pensées dans un coin de la classe, car elle connaît déjà la leçon par cœur. Ce n’est pas que Bernard soit avare de « bon miel », mais il veut pour l’instant discuter avec sa fille.

    – Chérie, tu veux faire plaisir à ton papa ?

    – Tu veux encore baiser ?

    – Non ! J’ai un petit service à te demander.

    – Un service ?

    – Oui. Vois-tu, ton papa va partir pour toujours… Avant de partir, j’aimerais te demander de me rendre un dernier petit service.

    – Je ferai tout ce que mon papa voudra !

    – Tu sais, c’est un service spécial.

    – Je veux faire plaisir à mon papa !

    Les yeux dans les yeux et les mains dans les mains, Bernard soumet sa dernière volonté à sa fille.

    – J’aimerais…

    – Oui !

    – Laisse-moi finir ! Tu vois l’armoire derrière toi ?

    – Oui, je la vois ! répond Charlotte, sans s’être donné la peine de se retourner.

    – Bien ! Tu veux aller ouvrir sa porte ?

    – Je veux te faire plaisir !

    – Alors, va !

    Charlotte est triste de quitter le corps chaud de son père. Soucieuse de lui faire plaisir, elle s’éloigne néanmoins, mouvement par mouvement, pour se diriger vers ledit meuble et en ouvrir la large et lourde porte.

    – Voilà, c’est fait !

    – Bien !

    – Tu es content ?

    – Oui, je suis content, ma chérie.

    – Ah !

    – Tu vois le tee-shirt marin sur le dessus de la pile ?

    – Euh…

    – Le tee-shirt blanc avec les bandes bleues et les manches longues.

    – Celui-ci ? demande Charlotte en montrant l’un d’eux du doigt.

    – Oui. Prends-le et mets-le sur toi.

    Du haut de ses presque quinze ans, Charlotte est trop petite pour atteindre le tee-shirt en question tout en haut de l’armoire. Aussi s’empare-t-elle d’une chaise remisée dans un coin de la chambre et la traîne-t-elle sur quelques mètres. Debout sur la chaise, toujours entièrement nue, elle attrape le tee-shirt en faisant maladroitement tomber deux autres vêtements par la même occasion.

    – Qu’est-ce que tu fais ? hurle Bernard.

    – Je ramasse les tee-shirts que j’ai…

    – Ça, c’est le travail de ta mère !

    Charlotte comprend où son père veut en venir et lâche aussitôt le chandail qu’elle tenait. Sans attendre que l’ordre soit réitéré, elle enfile le tee-shirt que Bernard avait choisi pour elle.

    – Voilà, j’ai mis le tee-shirt sur moi. Oh, il est trop grand pour moi !

    Charlotte est effectivement à son aise dans le vêtement de son père. Ses deux petites mains ne voient guère le bout des manches et font d’elle un pantin désarticulé. Le souhait de Bernard n’est-il pas de pouvoir continuer à manipuler sa fille du haut de son autorité paternelle ? Quant au bas du tee-shirt, il camoufle largement le bassin de l’adolescente.

    – Il ne te va pas mal ! Tu sais, tu vas grandir. Ce tee-shirt t’ira bientôt à merveille !

    – Quand devrai-je le porter ?

    – Tout le temps.

    – Tout le temps !

    – Oui. Je veux que tu le portes pour aller à l’école, au cinéma, pour prendre ton bain, pour dormir… Tout le temps !

    – Et ça, ça te fera plaisir ?

    – Oui, grand plaisir !

    – Avec quoi veux-tu que je le porte ?

    – Tu n’as rien compris !

    Charlotte digère mal cette réflexion. Elle ne comprend pas en outre pourquoi son père, qui est généralement si doux et si calme avec elle, hausse ainsi la voix.

    – Ton papa désire que tu ne portes que ce tee-shirt !

    – Et maman, elle est d’accord ?

    – Idiote ! Allez, tu ranges ce beau tee-shirt marin et l’on n’en parle plus.

    – Mais…

    – Laisse-moi tranquille !

    – Je ne te fais pas plaisir ?

    Justine porte un regard accusateur non pas sur son frère, mais sur sa nièce.

    – Dis donc, Charlotte, depuis quand tu n’écoutes plus ton papa ?

    – Je l’écoute !

    – Avec ton père, toute écoute est inutile sans dévouement total et sans une soumission absolue.

    – Écoute donc ta tante, Charlotte, elle sait de quoi elle parle.

    – Je ferai ce que mon papa me dira de faire.

    – Je veux que tu portes ce tee-shirt.

    – Même pour aller à l’école ?

    – Surtout pour aller à l’école !

    – Ah…

    – Peu importe ce que l’on te dira ou ce que l’on te fera. Si tu veux me faire plaisir, tu ne dois porter que ce tee-shirt sur toi.

    Magali en a assez d’attendre dans le salon. Elle prend congé de toute la parentèle et entre dans la chambre où elle surprend Charlotte dans le vêtement de son père.

    – Qu’est-ce que vous faites ?

    – Rien, dit Bernard qui camoufle sous la couette la chemise de nuit devenue bout de chiffon.

    – Ils plaisantent entre eux, assure Justine, en réponse au regard interrogateur que lui lance Magali.

    – Que fais-tu dans ce tee-shirt ? Tu es ridicule !

    – Je fais plaisir à mon papa !

    – Quoi !

    – C’est un petit jeu entre ma fille et moi. Rien de méchant. J’ai le droit de jouer avec elle, non ?

    – Ça dépend des jeux ! Je me méfie de toi !

    – Vraiment ?

    – Oui, vraiment !

    – Que tu te méfies de lui, intervient Justine, je peux le comprendre. Mais de moi ?

    – C’est vrai que tu es là aussi, toi. Excuse-moi, Justine, je t’avais oubliée.

    – Ce n’est pas grave.

    – Les dix minutes sont passées ? s’inquiète Bernard.

    – Je n’en sais rien, je n’ai pas chronométré.

    – Dans ce cas, sors d’ici et cette fois, chronomètre !

    – Justine, à mon retour, je veux ma fille dans sa chemise de nuit et ses chaussons.

    – Tu l’auras, ta fille ! s’impatiente Bernard.

    – Avec sa chemise de nuit et ses chaussons !

    – Ne t’inquiète pas, conclut Justine, dans ses petits souliers.

    Magali finit par les laisser entre eux. Curieux trio et non moins étrange discussion entre le père et sa fille.

    – Le tee-shirt, c’est un premier souvenir de ton papa.

    – Merci, papa !

    – Maintenant, j’ai autre chose à te donner.

    – Encore un cadeau ?

    – Eh oui, ma fille ! Je t’aime, moi. Donc, des cadeaux, encore des cadeaux !

    – Moi aussi, je t’aime, papa.

    – Tu veux bien venir sur mes genoux comme tout à l’heure ?

    – Oh, oui !

    Bernard n’a pas besoin de supplier sa fille. Charlotte se jette sur le lit et vient coller son corps juvénile et léger sur celui de son père. À en juger par son état en général et par son sexe en érection en particulier, Bernard ne reste pas indifférent à cette arrivée charnelle sur lui. Il veut porter le coup fatal. Il prend d’une de ses deux grandes mains celles de sa fille. Après avoir baissé son pantalon de pyjama au niveau de ses cuisses pour se retrouver en slip, il les pose sur son phallus. Charlotte est condamnée à perpétuité. Justine, gardienne insignifiante, demeure à l’arrêt à défaut de la secourir.

    – Tu as le gros zizi, papa !

    – C’est parce que je suis bien avec toi.

    – C’est vrai ?

    – Oui. Jamais je n’en ai eu un comme ça quand j’étais avec ta mère.

    – J’aime m’amuser avec toi.

    – On continue ?

    – Oui !

    – Caresse-moi comme je te l’ai appris.

    Charlotte commence à caresser son père par-dessus son slip. Justine s’extasie devant la scène. L’adolescente est à l’aise et n’a plus besoin des ordres ni des conseils de son père. En passant de temps à autre par la zone ombilicale, elle fait d’abord avec sa main droite des allers-retours entre son sexe et son buste. Elle laisse glisser son corps pour aller s’asseoir sur les tibias de son père, baisse son slip au niveau des cuisses et se penche en avant pour mettre son phallus dans sa petite bouche. Ses caresses buccales ne dépassent pas la plupart du temps le gland, mais cela convient à Bernard. Justine se lève, non pas pour les séparer, mais pour se rapprocher d’eux afin de mieux profiter

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