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Entéchènes: Celle qui ne saurait disparaitre
Entéchènes: Celle qui ne saurait disparaitre
Entéchènes: Celle qui ne saurait disparaitre
Livre électronique301 pages4 heures

Entéchènes: Celle qui ne saurait disparaitre

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À propos de ce livre électronique

Emily, une esthéticienne dans la trentaine, décide d’accepter l’invitation de sa meilleure amie Emma pour un voyage en Égypte. Cependant, ce périple tant attendu ne se déroule pas exactement comme prévu. Tout au long de leur exploration des merveilles de l’ère des pharaons, Emily se retrouve confrontée à un étrange trouble. Quelle est la cause de ce malaise inexplicable qui s’insinue dans son voyage ? Saura-t-elle s’en débarrasser ?

À PROPOS DE L'AUTEUR


Pour Gil Cracco, lire est un moyen d’évasion mais aussi d’acquisition du savoir. Ce livre tire sa source de sa passion pour l’Égypte ancienne et de son expérience de vie avec les Anglais.
LangueFrançais
Date de sortie1 mars 2024
ISBN9791042201142
Entéchènes: Celle qui ne saurait disparaitre

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    Aperçu du livre

    Entéchènes - Gil Cracco

    Gil Cracco

    Entéchènes

    Celle qui ne saurait disparaitre

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Gil Cracco

    ISBN : 979-10-422-0114-2

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À John Bamford qui me manque tant,

    À Francis Brandy (VC) pour son amitié

    Les personnages et évènements de mon histoire sont purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou évènements semblables ne saurait qu’être fortuite.

    Les mots avec un « * » sont à la fin du livre.

    Vivants ! Vous êtes des fantômes ; c’est nous qui sommes les vivants.

    Les contemplations, Victor Hugo

    Le souvenir est la présence invisible.

    Victor Hugo

    Je t’ai promis de ne jamais t’abandonner, alors même si je venais à mourir, je continuerais éternellement à veiller sur toi.

    Ivalker

    Les larmes qui coulent à l’intérieur sont les plus difficiles à sécher.

    Proverbe

    La mort est l’élargissement de l’infini.

    Victor Hugo

    Le mois de mai est sûrement le mois le plus beau à Wendover, un village paroissial logé au pied des Chilterns Hills qui forment un écrin de verdure en arc de l’ouest vers l’est puis vers le sud à une heure de route de Londres, dans le Buckinghamshire, Sud-Est de l’Angleterre.

    Les clochettes des bluebells tapissent les sous-bois comme si le ciel avait déposé au hasard des petits morceaux de sa robe bleu azur. C’est un village d’à peine plus de sept mille âmes cerné par des bois et des champs dont le calme et la qualité de vie séduisent chaque visiteur. La faune et la flore sont la fierté des villageois et quiconque porterait préjudice à cette nature protégée depuis vingt ans par l’association la « WNPA » serait victime de la vindicte des villageois.

    « Wendover Nature Protection Association », dont la présidente Elaine Jones et les habitants veillent jalousement avec leurs centaines de paires d’yeux invisibles sur les huit cents mètres du canal que se partagent des canards, les poules d’eau et les cygnes. Beaucoup de bois ont disparu en 1916 pour les besoins des constructions d’une population grandissante. Aussi, les bois restants de Wendover Woods font l’objet d’une attention particulièrement sévère de la part des autorités locales. Au sud du village proche de l’étang s’élève Saint Mary Church, élevée au XIIe siècle, qui est le site originel du développement de Wendover. Presque tous les bâtiments du centre-ville datent du XVIIe siècle. Mais la fierté des villageois fut à son comble lorsqu’en 2018 leur village imprégné d’Histoire fut ajouté dans la courte liste des endroits où il fait bon vivre.

    La ville la plus proche est Aylesbury, plus ouvrière et dont l’expansion lente, mais sûre, fait grincer les dents des habitants du village Wendover qui rechignent à voir de nouvelles constructions et tient à son mode de vie rural comme à la prunelle de leurs yeux. Wendover dont le nom issu d’un dialecte néobrittonique celte signifiant « eaux blanches » est un village qui ronronne au cœur d’une tranquillité champêtre.

    À l’entrée du village, vous serez accueillis par le Parish Council… aussi nommé « Clock Tower », bâtiment de briques rouges dont le clocher flanqué d’une horloge berce, saison après saison, la vie villageoise en toute tranquillité. On y trouve des informations aussi diverses que l’enregistrement des naissances et des décès, l’Art et la Culture, les déchetteries, les écoles, les bus et bien d’autres encore. La vie dans ce village se déroule lentement au rythme des saisons et de quelques inondations l’été.

    Passé cet édifice bâti en 1842 et après le virage s’ouvre à vous la rue principale « High Street ». La place du marché offre divers commerces aux façades de bois colorés.

    Sur le côté gauche de la place, un hôtel dont la façade de bois noir attend sereinement que le temps passe. Il est séparé d’un Charity shop par une allée s’ouvrant sur une arrière-cour sombre sans réelle utilité sauf pour l’attente hebdomadaire des poubelles. Puis succèdent une banque, un antiquaire et un restaurant turc. Du côté droit de la rue, parmi quelques habitations qui rivalisent en âge s’alignent une pharmacie, une épicerie, un magasin d’optique suivi par un pub « Les trois Cerfs » lui-même attenant à un petit salon de beauté aux murs blancs, surmonté de son enseigne en lettres dorées « Zen et Belle » offre une promesse de bien être aux femmes du village.

    La porte du salon de beauté s’ouvre sur un intérieur clair et lumineux, délicatement décoré de rose et blanc dont l’accueil, à droite, se limite à un comptoir de bois clair sur lequel éclatent les couleurs d’un magnifique bouquet de fleurs. Puis sur la gauche deux chaises et un présentoir garni de produits qui rappellent aux femmes les effets du temps qui passe et propose une liste de soins.

    Un doux parfum de chèvrefeuille se dispute l’espace avec ceux des produits de beauté. Le soleil fait une percée à travers les rideaux blancs retenus par un nœud de satin bleu ciel. Tout dispose au bien-être, principalement féminin.

    Le téléphone sonne et surgit du fond d’un petit couloir, Emily Brown, la propriétaire, une trentenaire, de taille moyenne, les cheveux clairs qui retombent sur ses épaules, les yeux verts, des lèvres charnues et roses qui s’ouvrent sur des dents parfaites. Tout en elle indique l’assurance d’une jeune femme qui a réussi à force d’entêtement et de travail. Son chemisier de dentelle jaune très clair révèle une poitrine menue et son pantalon très près de son corps laisse l’imagination vagabonder sur les courbes de ses jambes et de ses fesses.

    Emily est fière de son affaire et de sa vie… la veille son comptable l’avait informée que son chiffre d’affaires était supérieur à ses attentes. Fille unique, ses parents lui avaient laissé en héritage une jolie maison de style victorien et un petit pactole financier qui lui permit d’ouvrir sa propre affaire.

    — Allo ! Hello Emma… oui pas de problème… disons dans trois quarts d’heure !

    Emily pose le combiné. « C’est inhabituel qu’Emma appelle sur cette ligne… allons bon… encore un problème ! » songe-t-elle. Emily, coutumière des humeurs de son amie, ne s’attarde pas sur cette pensée et rejoint sa cliente qui l’attend dans une petite salle au fond du couloir.

    Emma et Emily se connaissent depuis le collège. Emma, comme Emily, brune, petite de taille, aux formes avantageuses, un visage rond avec de grands yeux bleus. Son petit nez retroussé trahit son caractère extraverti et enjoué contrairement à Emily plus discrète et moins démonstrative. C’est en partie ces différences de personnalité qui ont fait que Emma et Emily soient devenues très vite amies, l’une complétant l’autre. Une amitié faite de complicité, de rires et des larmes depuis leur adolescence, depuis leurs quatorze ans. Une amitié qui s’est renforcée année après année comme le ferait un chêne avec le temps. Plus l’écorce du sentiment amical croit et plus la fermeté de l’arbre s’en trouve solide et inattaquable face aux intempéries de la vie.

    Sa dernière cliente partie Emily enclenche l’alarme du salon puis ferme les deux verrous de la porte, saisit son sac et sort par la porte de derrière qui s’ouvre sur un parking privé dont la fin de l’aménagement a ravi les habitants après 8 mois de travaux.

    Au volant de son Audi blanche, la fenêtre ouverte Emily savoure et respire l’air de ce printemps tant attendu qui avait suivi un hiver rigoureux et froid. Elle s’engage dans la rue principale puis, après deux cents mètres, tourne à droite sur Dobbings Lane et après quelques minutes engage le véhicule dans Iris Close, une impasse privée qui mène à quatre maisons presque identiques faites de briques rouges. La dernière maison est celle d’Emily. Une maison victorienne que ses parents avaient entretue avec l’amour légué d’une génération à l’autre par la grand-mère Brown.

    Une maison aimée qui se transmettait au travers du temps comme un havre de paix pétri des souvenirs qui ont façonné l’esprit de la famille d’Emily… travail, honnêteté et sens des réalités. Ses parents qui lui ont fait promettre de la transmettre à son tour à leurs futurs petits enfants comme un bijou précieux.

    La première des maisons sur la gauche, un pavillon de quatre pièces précédé par petit jardin à l’avant appartient au couple Harrison, un couple de jeunes parents d’un petit John âgé de deux ans. La maison suivante similaire est celle de Marion Barlow, une veuve de cinquante ans à forte corpulence et cheveux bruns aux reflets acajou, toujours au fait des potins et de la vie de chacun dans le village. La dernière maison à droite de celle d’Emily, semblable à la précédente, est occupée par une femme discrète qui a emménagé tout juste un an et dont Emily ne sait rien, même pas son nom ; sauf qu’elle promène son Jack Russel Dotty deux fois par jour à des heures précises le long du chemin qui mène au canal… du moins c’est ce que pense Emily.

    En passant dans son allée, Emily salue Georges qui s’active sur la haie de droite. Un septuagénaire aux cheveux blancs bouclés qui lui accordent encore un peu de jeunesse et qui aime à plaisanter sur sa bedaine d’amateur de bières et de pubs. Son regard bienveillant et ses outils tranchants font rire les enfants qui font référence à lui sous le pseudonyme de « l’Alien » en raison de la salopette vert pomme qu’il porte une grande partie de l’année. Coiffeur à la retraite, Georges ne rechigne jamais à faire quelques travaux de jardin à la demande des propriétaires du lotissement aussi se fait-il une joie de manier, non plus les ciseaux, mais les tondeuses et élagueuses dont les « clics clics » apportent à Emily le calme rassurant des choses bien faites. Le souci presque maladif de la tonte de Georges lui permet d’arrondir les fins de mois de sa maigre retraite. Georges qui avait coupé des cheveux pendant une quarantaine d’années se fait une réelle joie de couper tout ce qui dépasse des haies ou des pelouses.

    Emily gare son Audi devant sa maison au bout de l’allée. Une maison à deux étages, dont les deux fenêtres blanches en baie extérieure s’avancent, séparées par une porte de bois peinte en rouge verni. Le clapet de cuivre fait un « clac » familier, quelquefois attendu ou redouté à chaque passage du facteur qui jette le courrier à l’intérieur. La porte est flanquée de part et d’autre de deux colonnes blanches surmontées d’un porche de bois blanc. La pelouse devant la maison qui fait l’objet constant des attentions de Georges s’étale comme un tapis de bienvenue.

    Emily monte les trois marches, privilège des maisons victoriennes et ouvre la porte. Elle pose son sac et ses clés sur la console de bois blanc de l’entrée. Un couloir doté de quatre portes dont une s’ouvre sur la droite sur le salon, une vaste pièce aux murs couleur magnolia dont l’unicité est brisée par des tableaux aux couleurs vives. La porte de gauche est une pièce qu’Emily réserve pour déposer quelques futilités. Au fond du couloir sur la gauche, la cuisine, pièce favorite d’Emily, cuisine moderne en glossy blanc et plan de travail qui fait office de table pour ses repas. Emily a beaucoup investi pour le confort moderne qu’une femme pourrait désirer. La porte-fenêtre à la française donne accès à un jardin de massifs confiés aux soins de Georges et amoureusement entretenus. Des feuillus et des rosiers à fleurs tardives donnent le sentiment d’une nature maîtrisée. Au milieu un frêne magnifique dispense de la fraîcheur durant tout l’été. Sur la droite du couloir une salle renfermant une bibliothèque séparée d’une pièce qui referme machine à laver, séchoir à linge et étagères. L’escalier de bois blanc mène au premier étage. Emily aime le blanc qui lui donne le sentiment de lumière et d’apaisement.

    Après avoir glissé ses pieds dans des pantoufles roses, Emily passe la porte de la cuisine et comme tous les vendredis soir selon son habitude sort du réfrigérateur une bouteille de Chardonnay blanc. Elle remplit un verre dont elle savoure à l’avance la fraîcheur sans avoir le temps d’y tremper ses lèvres, elle est interrompue par la sonnette de la porte d’entrée.

    Emily ouvre la porte. Surgit Emma qui pénètre à l’intérieur en trombe sans saluer son amie et dont la robe de voile bleu foncé se soulève dans sa hâte. « Diable », pense Emily en faisant la moue « quelle mouche l’a piquée » ?

    Emily rejoint son amie assise sur le divan de cuir blanc du salon, la tête baissée, les doigts croisés puis décroisés nerveusement la seconde suivante comme dans un rituel religieux. Emma pose les yeux sur la table basse vitrée, laisse aller son regard fébrile sur les deux plantes de chaque côté de la porte-fenêtre sans les voir puis avec un soupir lève les yeux brillants de larmes contenues vers le lustre de cristal émergeant d’une rosace de stuc sculpté. Son regard s’arrête sur Emily sans vraiment la voir, comme si Emily était un écran entre son agitation intérieure et le reste du monde.

    — Qu’est-ce qu’il se passe ? demande Emily.

    Emma baisse la tête et dans un sanglot et s’écrie :

    — J’ai largué Darren hier au soir !

    — Mais pourquoi ? demande Emily, surprise qui entre temps s’est rapprochée de son amie et s’est assise près d’elle.

    — Il m’a trompée avec une fille qui travaille avec lui, une nouvelle employée.

    Entre deux sanglots Emma poursuit :

    — J’ai lu un SMS sur son portable d’une certaine Libby qui lui donnait rendez-vous demain à 10 h pour prendre un café avec lui. Je lui ai flanqué le message sous le nez et il n’a pas nié, il m’a dit qu’il la voyait depuis 15 jours ! Me faire ça… à moi !

    Et les pleurs d’Emma redoublent en bruits et soubresauts.

    Entre deux sanglots, Emma dit :

    — Merde… merde… merde… j’avais prévu de fêter son anniversaire en Égypte, j’ai acheté les billets et réservé l’hôtel… pour ce con ! je n’ai pas envie de perdre ce voyage… il m’a coûté une fortune ! Et à l’évocation de ce projet, Emma se remet à pleurer.

    Connaissant l’importance de Darren dans la vie de son amie, émue, Emily retient une boule de contrariété qu’elle ravale et réfléchit à la façon d’aider Emma. Parce que quand Emma va mal… elle va aussi mal. Entre elles deux, c’est une amitié inconditionnelle qui s’unit à leur amour du Chardonnay blanc toujours témoin privilégié de leurs problèmes et joies.

    Emily se lève et se dirige vers la cheminée de bois sculpté et prend une boîte de Kleenex posé entre deux lampes de porcelaine bleue. Après un regard qui s’attarde quelques secondes sur les photos de ses parents et grands-parents dans deux cadres d’argent, une émotion envahit Emily… ses parents avaient toujours été présents à chaque coup dur et leur absence bouscule encore son cœur comme une foreuse fouille la terre. Le temps n’a pas effacé la douleur… seulement atténuée. Emily a toujours conservé en elle ce legs parental de l’entraide… d’aider ceux que l’on aime, quoi qu’il en coûte. Elle tend la boîte de Kleenex à Emma et propose de boire un verre de blanc bien frais.

    — Oui… j’en ai bien besoin… merci ! répond Emma entre deux coulées qui sinuent sur son menton en une moiteur de laquelle il serait difficile de démêler la morve de ses larmes. Emma se mouche bruyamment.

    Emily revient avec deux verres remplis à bord de Chardonnay blanc, tend un verre à Emma et s’assoit sur le divan et enlace l’épaule de sa meilleure amie. Et lève son verre :

    — Allez… à l’amitié ! Ce Darren ne te mérite pas… tu es trop bien pour lui… ce n’était pas difficile à prévoir… il a trop de femmes autour de lui. C’est un vagabond du cœur. Je t’invite au restaurant thaï, il ne faut pas rester le ventre vide quand on est triste. Tu me raconteras tout ! décide Emily d’un ton maternel pour apaiser la tristesse de sa meilleure amie.

    Dépitée, Emma dresse la tête bien en face d’Emily, regarde son amie et lui demande :

    — Dis… tu viendrais avec moi en Égypte ? … tout a été payé et je n’ai vraiment pas envie de perdre mon argent à cause de cet enfoiré ? J’ai rêvé de ce voyage depuis des années… allez dis… oui !

    Après une minute de réflexion, Emily se dit qu’elle n’avait pas pris de vacances depuis le décès d’Alexandre et qu’elle pouvait très bien laisser le salon pour une semaine et se réjouit d’accepter l’invitation.

    — Oui, je pense que c’est possible ! répond-elle avec tendresse. L’atmosphère qui avait été plombée par la peine d’Emma s’éclaircit pour faire place à la simple complicité de toujours entre deux jeunes femmes qui se connaissent bien.

    — Oh, c’est fantastique de t’avoir avec moi, oh ! C’est chouette… des vacances avec toi… oui oui ! Je n’osais pas te le demander à cause de ton commerce. Emma ne peut s’empêcher de sauter au cou de son amie en trépignant comme une petite fille devant une vitrine de Noël. Emily retrouve son amie comme elle l’a toujours connue… enjouée et gaie.

    — Je dois d’abord faire un tour dans ta salle de bains, je dois être affreuse, mon rimmel a coulé ! s’enjoue Emma.

    Dix minutes plus tard, Emily et une Emma requinquée se dirigent avec l’Audi vers le restaurant thaï.

    Vu de l’extérieure, rien n’indique que l’établissement aux murs peints en vert clair dominés par une large vitrine est un restaurant thaïlandais. Il faut lever les yeux sur l’enseigne de lettres dorées sur fond rouge et lire « Le Bouddha d’or » qui laisserait supposer plus un magasin ou une librairie ésotérique. La pièce du restaurant est lumineuse du soleil de cette fin d’après-midi. Les boiseries ciselées des murs et des chaises beiges complètent les tons ocre des nappes soyeuses des tables. Sur une estrade au fond de la salle trône un bouddha recouvert d’or qui reste zen au milieu de la fumée des bâtonnets d’encens qui l’enveloppent d’une aura mystérieuse.

    Emily et Emma sont accueillies par un « hello » de Madee, la fille de Khamnan, qui signifie « chef de village », l’heureux propriétaire installé à Wendover depuis 7 ans et dont l’affaire prospère régulièrement chaque année.

    Bien que la soirée commence à peine, elles se décident pour une table un peu en retrait par besoin de discrétion. Seules deux tables plus loin sont occupées, mais les deux amies savent qu’elles disposent d’une heure avant l’affluence des clients. Madee, une jeune fille toute juste sortie de l’adolescence, petite et menue avec ses longs cheveux noirs noués en queue de cheval qui luisent sous la lumière, apporte la carte. Emily souriante commande une bouteille de Chardonnay blanc. Pour l’avoir tragiquement expérimenté quelques années plus tôt, Emily sait que le vin ouvre les portes de la consolation et c’est ce dont sa meilleure amie a besoin ce soir.

    — Allez, raconte-moi ce voyage ! demande Emily souhaitant éloigner son amie de son chagrin et ne désirant pas évoquer Darren… du moins pas dans l’immédiat. Les yeux d’Emma brillent à l’évocation de ce futur voyage.

    — C’est du 12 au 17 juin, l’avion décolle de Luton à 9 h 30 et atterrit à Louxor à 16 h 30. J’ai réservé au Hilton, désolée, mais ce sera une chambre pour deux, mais je peux demander deux lits jumeaux, si tu le souhaites. Nous prendrons les billets pour les visites sur place, un guide avec un supplément. Il y a le temple de Louxor, la vallée des rois et des reines avec la tombe de Toutankhamon, le musée, les colosses de Memnon… pour commencer ! commente Emma enjouée comme si elle y était déjà !

    — Wouah… cela m’a l’air d’être un super trip ! s’exclame Emily. Emma continue avec enthousiasme.

    — Il faudra des vêtements d’été, genre bermuda, tee-shirts car il fera au moins 40 degrés.

    — J’ai les soldes d’été de l’an dernier ! répond Emily qui repasse rapidement sa garde de robe d’été dans son esprit.

    — Ton passeport est valide ? demande Emma.

    — Oui, encore pour trois ans, réplique Emily en fronçant les yeux pour mieux visualiser la date d’expiration de son passeport.

    La soirée se poursuit avec le délicieux repas entrecoupé de commentaires d’Emma qui ne peut s’empêcher de parler de Darren et refoule un sanglot.

    — Je l’aime, mais lui… je ne sais pas. Quand on aime, on ne trompe pas… hein ?

    — Oui, je suis d’accord avec toi. L’amour revêt différents visages et la façon d’aimer diffère selon les individus. Mais non, on ne trompe pas quand on aime vraiment. Mais ce n’est pas lui qui va te pourrir la vie. Allez… levons un verre à l’Égypte et ses merveilles.

    Le geste d’Emily dépose un baume frais sur son cœur triste.

    « Les pleurs, ce sera pour quand je serai seule », se dit Emma. Aux pharaons !

    Les tables se remplissent lentement et Emily suggère de partir car les deux amies ont un peu perdu la notion du temps. Emily doit prodiguer des soins à une clientèle qui l’attend le lendemain et la nuit est déjà là. Une fois l’addition payée, Emily s’aperçoit de la démarche sinueuse d’Emma et se dit que son amie a un peu forcé sur le vin et qu’il n’est pas question qu’elle prenne sa voiture aussi décide-telle de ramener Emma directement chez elle.

    C’est à la sortie de Wendover que vit Emma, dans Wood road, une petite route à la sortie de la nationale B4009, jouxtant le complexe militaire de la Royal Air Force. Une maison mitoyenne de briques rouges d’un étage, fenêtres en PVC blanc et petit jardinet à l’avant dont le remboursement de l’emprunt pas encore terminé pèse sur le budget d’Emma.

    Emma descend de la voiture et remercie son amie pour la soirée qui la bien apaisée et d’une démarche mal assurée arrive à sa porte et l’ouvre. Elle se tourne et salue son amie et lui envoie un bisou en soufflant sur le creux de sa main. Emily engage la marche arrière et après quelques minutes de conduite dans la nuit, c’est avec soulagement qu’elle arrête le moteur de l’Audi. Emily n’a jamais aimé la conduite de nuit, redoutant d’écraser un animal, sa nature sensible ne pourrait jamais le lui pardonner.

    Fatiguée par toutes ces émotions, Emily monte les marches, pensive car les déboires amoureux d’Emma réveillent ce qu’elle gardait relégué et verrouillé au plus profond d’elle-même et dont elle redoutait le réveil… la mort d’Alexandre son grand et unique amour. Ce soir, comme certains soirs, elle ressent une lourdeur qui exacerbe sa solitude. Contre son gré des images s’entrechoquent et affluent dans son esprit. Alexandre tué dans un accident de la route alors qu’il n’avait que trente ans et des rêves plein la tête. La douleur de sa perte… son absence… ce vide indéfinissable qui avait suivi et qui revient encore à certains moments de sa vie, qui lui semble traîner comme une remorque alourdie derrière une vieille voiture essoufflée. Le déchirement du deuil déboule dans son cœur comme une gifle. Une déferlante sans retenue de tous les instants passés ensemble. Revivre encore et encore tous les bonheurs qu’elle voulait garder vivants afin de les graver dans sa mémoire… ne rien oublier comme les derniers mots de l’être aimé comme un ultime dialogue différé dans le temps. Les petites banalités de la vie avaient pris une importance énorme… les petits riens étaient devenus précieux… parce ce que ces instants ne reviendront plus jamais. Les petits gestes mécaniques de l’habitude, les mots insignifiants d’Alexandre auquel elle ne prêtait pas toujours attention… ce qu’il avait aimé ou détesté… tout revêtait une importance insoupçonnée désormais comme si chaque souvenir était compté et ajouté à chaque grain de sable du temps qui se laisse couler inexorablement dans la première ampoule de verre et sera anéanti une fois dans la seconde ampoule

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