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Chroniques de Dreamworld: Tome 3: Rêveur
Chroniques de Dreamworld: Tome 3: Rêveur
Chroniques de Dreamworld: Tome 3: Rêveur
Livre électronique367 pages5 heures

Chroniques de Dreamworld: Tome 3: Rêveur

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À propos de ce livre électronique

Depuis qu'ils ont été séparés aux portes d'Aury, Logan n'a plus qu'un seul objectif: aider Farah à retourner dans son monde avant qu'il ne soit trop tard. La nouvelle alliance du traitre Anthérite et de Rasgar le Baoban Sith menace plus que jamais Dreamworld et en particulier la ville des Âmes Perdues, la dernière passerelle encore sûre entre le monde des rêves et le monde des Lucides. Alors qu'il n'est qu'un simple Rêveur, Logan va tenter de rallier les autres meutes de loups-garous à sa cause pour former le dernier rempart de la ville contre des ennemis de plus en plus dangereux. Mais sera t'il assez rapide... et convaincant?

Pendant ce temps dans le désert rouge, Farah est aux prises avec un mal étrange qui la ronge de l'intérieur. De retour dans son monde avec un curieux tatouage sur le bras, Flore ne pourra pas lui venir en aide avant d'avoir trouvé le moyen de basculer de nouveau à Dreamworld. Mais est-ce seulement possible?
LangueFrançais
Date de sortie30 janv. 2024
ISBN9782322530502
Chroniques de Dreamworld: Tome 3: Rêveur
Auteur

Cassandra Patte

Originaire de la région parisienne, Cassandra Patte signe avec les Chroniques de Dreamworld la publication de son premier roman fantastique. Initialement éditée en deux tomes grâce à un financement participatif sur internet en 2018, la saga est rééditée par la suite en quatre tomes dont le premier sortira dès début 2023.

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    Aperçu du livre

    Chroniques de Dreamworld - Cassandra Patte

    TABLE DES CHAPITRES

    Résumé du Tome 2 – Passeurs

    Récapitulatif des personnages

    Prologue

    Chapitre I – Le tatouage

    Chapitre 2 – La harde

    Chapitre 3 – La bataille du marais de Fromort

    Chapitre 4 – Rattrapés par la réalité

    Chapitre 5 – Le dernier son de cor

    Chapitre 6 – Le secret des voyages inter-mondes

    Chapitre 7 – La caravane flat

    Chapitre 8 – Les goliaths

    Chapitre 9 – Le rôdeur

    Chapitre 10 – Un prix à payer

    Chapitre 11 – Leçons de pilotage

    Chapitre 12 – Un garçon comme les autres

    Chapitre 13 – La soif de pouvoir

    Chapitre 14 – Plan d’attaque

    Chapitre 15 – L’enfant des sables

    Chapitre 16 – Querelles de famille

    Chapitre 17 – La chose

    Chapitre 18 – Madame Delicare

    Chapitre 19 – La mort dans les yeux

    Chapitre 20 – Une mission sans danger

    Chapitre 21 – Un cimetière dans la fournaise

    Chapitre 22 – Port-Songe

    Chapitre 23 – Dans les vapeurs de Kôs

    Chapitre 24 – Le retour du frère

    Chapitre 25 – Des comptes à régler

    Chapitre 26 – La forêt brumeuse

    Chapitre 27 – Dans la peau du loup

    Chapitre 28 – Une longue histoire

    Chapitre 29 – Des doutes plein la tête

    Chapitre 30 – Kreinis Tel Faris

    Chapitre 31 – La véritable menace

    Remerciements

    Présentation de l’auteur

    Résumé du Tome 2

    PASSEURS

    Après avoir tenté de conclure une alliance avec les auriens, Farah et ses compagnons loupsgarous tombent dans un piège et se font capturer par les bicéphales. Ils sont emmenés comme prisonniers dans la ville d'Aury, dirigée par la terrible Véritas, une humaine qui a réussi à se libérer du lien qu'elle entretenait avec son Passeur et qui a une dent contre Scaro Darkanshield. Dans la cité fortifiée, elle torture Farah et fait boire à Scaro une potion qui lui fait perdre la mémoire afin de s'en servir comme champion dans son arène. Mais c'est sans compter sur la meute Darkanshield qui, menée par Logan, réussit à s'infiltrer dans la cité et à libérer Scaro et ses compagnons loups garous.

    De son côté, Farah retrouve miraculeusement Flore et les deux femmes tentent de s'enfuir d'Aury en empruntant les égouts de la ville. Elles se heurtent alors aux dangereuses sirènes Morans et se font de nouveau capturer par les centaures qui les ramènent dans le désert. Le plan Pénélope tourne court lorsque des centaures reconnaissent Gareth Darkanshield au cours d'une visite sur le chantier des esclaves et cela provoque une véritable révolte pendant laquelle Gareth et de nombreux amis de Farah et Flore perdent la vie. Malgré leurs efforts, la divinatrice qui sommeillait au cœur de l'île finit par succomber elle aussi. En bas dans le désert, Anthérite trahit Kaléan, le seigneur centaure, avec l'aide de son complice Rasgar, le Baoban Sith, et prend sa place.

    Heureusement, Croco, la kami qui maitrise l'élément Terre, réussit à transformer toute l'île flottante en Golem géant et sauve les esclaves qui parviennent à s'enfuir. Dans le monde réel, Scaro dit à Logan que la seule manière à présent de sauver Farah est de protéger la ville des Âmes Perdues de la menace centaure. En effet, elle sera la seule porte de sortie aux Lucides et au Rêveur lorsqu'ils voudront retourner dans leur monde. Pour cela, Logan va devoir rallier tous les loups-garous de Dreamworld sous une même bannière...

    RECAPITULATIF DES

    PERSONNAGES

    Humains

    FLORE SWORD – meilleure amie de Farah, ancienne lucide de Gareth

    FARAH SHIELD – meilleure amie de Flore, lucide de Scaro Darkanshield

    LOGAN BERTLEY – rêveur, lucide de Colibri, Alpha de la meute Darkanshield

    LÉA SWORD – sœur de Flore

    VERITAS – dirigeante du peuple Aurien

    KARL – meilleur ami d'enfance de Logan

    Faunes

    ZABULON TARABISCOTÉ – ami de Farah

    MADAME TARABISCOTÉ – mère de Zabulon

    YAËL – époux de Kreinis Tel Faris

    Kamis

    COLIBRI – passeur de Logan, cavalière tremlin de la Garde de la ville des Âmes Perdues

    CROCO – kami manipulant la terre et la pierre pour faire des golems

    Loups garous

    DARKANSHIELD (spécialistes de la guerre, blason représentant une main hybride sur fond noir)

    SCARO DARKANSHIELD – fils du légendaire Artos Darkanshield et héritier de la meute Darkanshield

    GARETH DARKANSHIELD – petit frère de Scaro, ancien Passeur de Flore

    SHIVA – lieutenante

    CITÉRON – ancien conseiller et ancien maître d'armes de Scaro, Gareth et Shiva

    VIZRA – membre du conseil décisionnel de la meute, lanceuse de couteaux

    JAROD – membre du conseil décisionnel de la meute, épéiste

    CRONOS – membre du conseil décisionnel de la meute, médecin

    EPSILON – membre du conseil décisionnel de la meute

    TIA – membre du conseil décisionnel de la meute

    ORION – chef des patrouilleurs

    RAVENWING (spécialistes de l'agriculture, blason représentant un nid de corbeau jaune paille sur fond bleu ciel)

    REGULUS RAVENWING – Alpha

    BORÉALE, PROWEL, TURNIS – enfants de Regulus

    KIRAT – compagnon de Boréale

    CAVERNEUX (spécialistes de l'élevage, blason représentant un grand œil ouvert avec une pupille blanche)

    DUBHE – Alpha et chef des Libérateurs

    ARCTURUS – membre des Libérateurs

    TRANDELL (spécialistes des combats à distance, blason représentant un oiseau noir sur fond rouge)

    JUNE – amie de Madame Tarabiscote et anciennement esclave des centaures

    CYRALD (spécialistes des combats à l'épée, blason représentant un espadon vert sur fond bleu ciel)

    Centaures

    ANTHÉRITE HORONDULL – frère du défunt Kaléan Horondull et héritier de Mars l'étalon rouge

    TROTTEUR ET CRIN-TOUF – amis de Flore

    Rats

    TRESH – marchand du désert

    Elfes

    JEREMY-LUKE – ami de Flore, Kern et Farah

    OMARAËL – seigneur des Elfes, père de Mawve et Jeremy

    MAWVE – frère de Jeremy

    LOHRA – sœur d'Omaraël

    Nains

    KERN – ami de Flore, Farah et Jeremy

    DRONALD – ancien esclave de l'île flottante

    Autres personnages

    KREINIS Tel Faris – nymphe du souvenir, maire de la ville des Âmes Perdues

    GIZMO – vieille divinatrice vivant sous la ville des Âmes Perdues, ami de la famille Tarabiscoté

    GORAN – hybride complet de hiboux, conseiller et comptable de Kreinis

    COMMANDANT KAZ-NAVET – chef de la Garde

    PROLOGUE

    Son frère ne l'avait pas reconnu. Pourtant, ils avaient le même père. Le même sang coulait dans leurs veines. Celui d'un conquérant, d'un étalon avide de pouvoir et de possession. Un demi-homme ayant mis son intelligence au service de ses noirs desseins. Tout ça pour contrebalancer l'équilibre trop confortable dans lequel d'autres races avaient parqué la sienne. Un demi-étalon dont les sabots avaient pourfendu plus de crânes qu'il n'était possible d'en compter.

    Son frère ne l'avait pas reconnu. Quand cette brute de général Gastro l'avait conduit jusqu'à ses quartiers pour les présenter, c'est à peine si le grand Kaléan avait levé la tête pour l'examiner ; et lorsqu'il l'avait fait, il n'avait lu que du mépris dans son regard. Kaléan le Grand. Kaléan le légendaire fils de l'Etalon rouge. Sauf qu’il n’était pas le fils unique.

    Anthérite s’était souvent demandé après la mort de son frère s'il l’avait trahi justement parce qu’il ne l'avait pas reconnu. Après tout, peu de gens connaissaient la vérité sur leur famille. Juste lui en fait, puisque sa misérable mère avait succombé à la colique des sables, une maladie rare et impitoyable. Elle n’avait pas été très belle, c'est peut-être d’elle qu'il avait hérité son physique. En comparaison, Kaléan avait tout reçu de leur père Mars : la robustesse, la hauteur de garrot, le visage dur comme taillé grossièrement dans la roche. La peau noire du père aussi, qui faisait ressortir ses biceps saillants au soleil et qui contrastait avec sa peau pâle à lui, sans intérêt. Il n’aurait pas été étonnant que Kaléan ne le reconnaisse pas s'il n’y avait eu leurs yeux. Parfaitement identiques. Des yeux perçants, qui viraient presque sur le jaune comme ceux des serpents.

    Anthérite avait passé toute son enfance et une grande partie de son adolescence dans l’ombre de son frère sans le savoir. Mais quand sa mère était tombée malade, elle lui avait tout raconté. Comment le grand Mars avait fêté la veille de la Grande Guerre en assouvissant son plaisir de la chair. Comment elle, simple domestique de l’Etalon rouge, s’était retrouvé pleine contre sa volonté. Anthérite avait d’abord haï son père biologique.

    Pour cela, puis il avait fait comme tout le monde : il l'avait admiré pour tout le reste. Il s'était souvent disputé avec sa mère pendant les derniers jours de sa vie, lui reprochant de ne pas lui avoir révélé la vérité plus tôt sur ses origines et allant même jusqu'à lui faire endosser la faute de sa grossesse, arguant qu'elle avait dû aguicher son employeur et qu'elle n'avait eu que ce qu'elle méritait. C'était lui, Anthérite, la véritable victime dans cette histoire. Lui qui avait dû vivre ensuite en regardant son frère grandir de loin. Lui qui avait envié chaque jour l'attention qu'il avait reçue de leur père. Lui, enfin, que son propre frère n'avait pas reconnu.

    Son plan pour se rapprocher de Kaléan à la mort de Mars avait été sans faille. Il s'était engagé dans l'armée rouge comme tacticien et, en dépit de ses capacités physiques médiocres, avait réussi à gagner des échelons grâce à un esprit aiguisé et capable d'imaginer rapidement plusieurs alternatives pour résoudre un problème. Lorsque la place de second du général s'était libérée, il s'était débrouillé pour que ses officiers supérieurs le recommandent pour le poste et avait obtenu gain de cause. Ce n'est qu'ensuite qu'il avait douté : qu'allait-il dire à son frère biologique? Il était évident pour lui qu'à eux deux, la révolution sur Dreamworld et le soulèvement contre la ville des Âmes Perdues n'aurait été qu'une question de jours, mais il ne voulait pas que son frère pense qu'il était revenu pour lui prendre le pouvoir. Il avait tellement attendu ce moment, tellement espéré. Tant d'espoirs et de plans avaient été échafaudés sur l'issue de cet instant où leurs regards se croiseraient.

    Mais son frère ne l'avait pas reconnu.

    Anthérite en avait retiré une colère noire. Il s'était mis à haïr son frère comme jamais il n'avait haï personne, même pas sa mère. À partir de cet instant, il s'était juré de faire mieux que lui. D'ouvrir les yeux à ceux qui l'admiraient tant et de le poignarder en plein cœur alors qu'on le pensait invincible. Il avait rapidement trouvé le point faible de son frère alors que ce dernier réduisait toujours plus de créatures en esclavage pour qu'une divinatrice le lui révèle. À la longue, c'est lui et non Anthérite qui avait provoqué sa perte. Car à trop jouer avec les flammes, on finit par prendre feu.

    Dans la dangereuse course de Kaléan pour arriver à ses fins, c'est Rasgar qui avait été ce feu. Anthérite avait tout de suite compris son intérêt à s'allier en cachette avec lui pour lui révéler ses plans. Il ne fallait pas contrarier le Baoban Sith qui respirait plus que la violence et la soif de meurtre. Il était le mal incarné. Il empestait la magie noire. Pire encore, la créature que Kaléan avait simplement prise pour un faune plus grand et plus intelligent était capable de perpétuer les caractéristiques de sa terrible race à de simples faunes, plus vite que l’imagination n'aurait pu le laisser supposer. Si son frère avait visité de temps en temps Rasgar dans son antre souterrain au lieu de se laisser intimider par lui à la surface, nul doute qu'il se serait effrayé de voir à quelle vitesse son armée proliférait, se nourrissant d'une magie puissante qui filait sous la terre comme un torrent insaisissable pour les autres créatures. Anthérite avait déjà vu Rasgar et les siens l'aspirer littéralement lors de rituels obscurs, ce qui provoquait des changements dans leurs corps, les rendant plus forts et plus monstrueux encore. Si le centaure n'avait pas été aveuglé par la haine et le désir d'imposer sa puissance au reste de Dreamworld, il se serait sans doute méfié de ces créatures du mal qui grandissaient dans l'ombre comme une nécrose se déploie sur un corps malade. Il aurait pu avoir le bon sens de se rallier aux autres races pour éradiquer l'engeance de Rasgar ne serait-ce que pour assurer la survie de son peuple. Mais il ne l'avait pas fait et il était trop tard à présent. Le mal se répandait trop vite et la soif de pouvoir prenait des proportions démesurées dans ses yeux.

    Tout cela était la faute de son frère. Il ne l'avait pas reconnu.

    Chapitre I

    LE TATOUAGE

    Lorsque Flore entrouvrit les paupières, son père dormait en lui tenant la main. Assis sur une chaise tirée contre son lit et la tête posée sur ses draps, son dos se soulevait à un rythme régulier et apaisant qui la dissuada de bouger tout de suite. Elle mit du temps à s’habituer à la luminosité de la chambre d'hôpital car le soleil matinal qui se levait en face de la fenêtre projetait ses rayons orangés sur les murs blancs et se réfléchissait sur la moindre surface métallique. La jeune femme sentit son corps engourdi retrouver peu à peu ses sens et se surprit, après deux longues minutes d'observation passive, à savourer l'air qu'elle respirait. À travers la porte close de sa chambre, les va-et-vient et les conversations du personnel médical lui parvinrent pardessus les ronflements légers de son père et le bip régulier mais agaçant des moniteurs qui l'entouraient.

    Flore promena son regard dans la pièce d'un blanc stérile et son attention fut attirée par le petit bureau sur lequel traînaient des feuilles blanches et cartonnées ainsi qu'un pot à crayons dont la moitié était éparpillée en dehors. Le matériel à dessin de sa sœur avait chassé sans ménagement le vase fleuri qui reposait désormais à même le sol, les fleurs fanées côtoyant bien malgré elles leurs cousines fraîches.

    Depuis combien de temps était-elle ici ?

    Le contact chaud du tube vermeil qui lui courrait le long du bras gauche lui fit involontairement bouger les doigts tandis qu'une grimace se peignait sur son visage, mélange équilibré d'étonnement et de crainte.

    — Nom de... Flore tu es réveillée ?! grogna la voix pâteuse paternelle.

    Flore eut des difficultés à lâcher du regard l'aiguille plongée dans le creux de son bras et, lorsqu'elle y parvint, ce fut pour découvrir un soulagement sans pareil dans les yeux de son père. Si elle n'avait pas été sa fille, elle aurait pu jurer qu'il venait de se convaincre que Dieu existait.

    — Je n'ai pas cru ta mère quand elle me l'a dit hier mais c'est vrai, tu es enfin de retour parmi nous !

    La jeune femme n'eut pas le temps de réagir qu'il la prenait déjà dans ses bras dans une accolade bourrue que seul lui pouvait donner.

    — Papa mais qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna Flore.

    Normalement son père habitait près de Strasbourg et ne remontait qu'en de très rares occasions en région parisienne, pour ne pas dire jamais. Comme ses parents étaient divorcés et que Flore vivait avec sa mère et sa sœur, c'était toujours elle qui faisait le voyage pour aller lui rendre visite pendant les vacances. Sa présence à ses côtés achevait de la déboussoler. Il n'eut pas le temps de lui offrir une réponse que la porte s'ouvrit sur sa mère et sa sœur accompagnées d'une infirmière.

    — J'ai apporté du café... commença sa mère.

    Le gobelet fumant lui échappa des mains lorsqu'elle découvrit Flore parfaitement réveillée assise sur son lit. Son contenu se répandit sur le sol en une mare brune détonnant avec l'unicité immaculée de la chambre.

    — Je vois que mademoiselle est réveillée, constata l'infirmière en gratifiant Flore d'un ravissant sourire alors que Monsieur Sword se levait d'un bond pour accompagner son ex-femme tremblante jusqu'à la chaise. Je vais prévenir le médecin.

    — Je vais chercher de quoi nettoyer, lâcha Léa que toutes ces émotions mettaient mal à l'aise, comme sa grande sœur.

    En voyant sa mère ainsi, des larmes de joie perlant au coin des yeux, une boule de soulagement prit Flore à la gorge sans qu'elle ne puisse en expliquer l'origine. Que leur arrivait-il tous à se réjouir de son réveil? Avait-elle dormi si longtemps ? Pourtant, à part ce tube qui pompait son sang à son bras gauche et qu'elle trouvait extrêmement désagréable, elle ne semblait pas porter de blessures particulièrement graves. Elle avait peut-être un peu mal à la tête et une barre au ventre qui lui interdisait de se relever trop brusquement, mais elle n'avait pas l'impression d'avoir subi une opération. Si c'était le cas, elle n'en gardait aucun souvenir.

    Léa revint avec un seau et une serpillière pour éponger le sol. Lorsqu'elle repartit, l'infirmière et un médecin d'un certain âge pénétrèrent à leur tour dans la pièce, rompant momentanément la joie des retrouvailles pour introduire une note de gravité médicale.

    — Bonjour mademoiselle Sword, salua le médecin en prenant les lunettes qui pendaient à son cou pour en nettoyer les verres avec la manche de sa blouse. Comment vous sentez-vous ?

    — Parfaitement bien merci. À part cette aiguille dans mon bras qui me gêne un peu. Ce serait vraiment gentil si vous pouviez me la retirer.

    Madame Sword prit la main de sa fille et la serra très fort.

    — Impossible, j'en ai bien peur. C'est la machine à laquelle cette aiguille est reliée qui vous tient en vie pour le moment...

    — Comment ça ? Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

    Le docteur replaça ses lunettes sur le bout de son nez et l'infirmière se détourna pour vérifier les paramètres de ladite machine, gênée.

    — Ainsi vous n'avez aucun souvenir de votre accident... constata le médecin d'un air peiné.

    — Mon accident?

    — Tu as eu un accident de voiture Flore, expliqua son père d'un ton grave par-dessus le sanglot étouffé de sa mère. Tu ne te souviens vraiment de rien ?

    — Non je...

    Flore tombait des nues. Elle se rendit compte qu'elle était tout bonnement incapable de dater son dernier souvenir. Elle se rappelait s'être préparée pour se rendre à une soirée mais elle s'y était rendue sans problème car elle se souvenait avoir conduit et s'être garée dans un parking. Elle revoyait un de ses amis lui proposer un cocktail à base de rhum et d'ananas, à moins qu'il n'ait s'agit de noix de coco, sa seule certitude étant d'avoir décliné l'offre car elle devait conduire pour rentrer chez elle.

    Chez elle.

    Là était tout le problème, elle n'avait plus aucun souvenir du trajet du retour. L'avait-on droguée? Était-elle rentrée avec quelqu'un d'autre ? La jeune femme n'eut pas le loisir d'approfondir ses questionnements car le médecin enchaînait déjà.

    — Laissez, dit-il à son père. Ce genre d'amnésie posttraumatique est fréquente, et plus particulièrement dans le cas des victimes d'accidents de la route pour lesquelles l'oubli de faits ou de personnes constitue une manière inconsciente de se protéger de la tristesse ou de la douleur. Votre fille aura bien le temps de recouvrer la mémoire et après de tels évènements, mieux vaudrait pour elle que cela soit progressif, Je crains que lui révéler tout d'un seul coup ne soit source d'un choc trop violent pour que son organisme fragile ne puisse l'encaisser correctement...

    Le docteur se tourna vers une Flore désemparée.

    — Il me faut à présent vous parler de votre état de santé et ce que j'ai à vous annoncer peut être difficile à digérer, aussi, vous m'en voyez navré par avance. Tout d'abord, je tiens à vous assurer que la médecine d'aujourd'hui a fait de véritables progrès dans ce domaine et que certaines opportunités qui vous sont offertes à présent étaient tout bonnement inenvisageables il y a quelques années. Ce qui m'amène à dire que vous avez tout de même de la chance dans votre malheur, si je puis tourner cela de la sorte.

    — Docteur, venons-en au fait s'il vous plaît, lâcha Flore, à cran.

    — Soit. Pendant votre accident, le choc provoqué par la tension brutale de votre ceinture de sécurité vous a définitivement privé de l'usage de votre rein droit que nous avons dû vous enlever. Votre rein gauche reste néanmoins fonctionnel même si de nombreuses altérations post-traumatiques laissent à penser qu'il ne le sera pas pour longtemps. Malheureusement, nous n'avons pu mesurer la gravité de ces altérations que très tard car l'état d'hypothermie dans lequel les secouristes vous ont trouvée a contribué à ralentir le fonctionnement de votre rein et donc, à masquer le problème. Néanmoins, nous vous avons finalement inscrite sur la liste d'attente des demandeurs d'organes avec quelques heures de retard en espérant que votre rein gauche tienne jusque-là.

    — Qu'il... tienne jusque-là ? murmura Flore.

    — Vivre avec un seul rein n'est pas une mince affaire, mademoiselle Sword. j'aimerais vous dire que, comme tous les organes doubles, un seul vous permettrait de continuer à vivre une vie normale bien qu'exemptée de sports violents, mais cela n'est valable que si le rein qui vous reste est parfaitement fonctionnel et c'est loin d'être votre cas. À vrai dire, le fait qu'il continue de filtrer votre sang en gardant, laborieusement certes, 20 % de ses capacités, tient là d'un prodige médical. Vous êtes résistante mademoiselle Sword, bien plus forte et combattante que la majorité des patients qu'il m'ait été donné de rencontrer.

    Le médecin dut hausser la voix pour couvrir le sanglot de la mère de Flore qui se prit le visage entre les mains.

    — C'est pourquoi je ne puis vous indiquer avec précision le temps qu'il vous reste. Je ne peux que vous aider au mieux à patienter.

    Flore serra les lèvres et hocha faiblement la tête. Elle eut soudain l'impression que le monde entier s'abattait sans raison sur ses frêles épaules.

    ***

    Flore sortit de l'hôpital en fin d'après-midi. À force d'insistance, les médecins consentirent à ce qu'elle se soigne seule chez elle avec le matériel adapté pour filtrer son sang deux fois par semaine, après avoir suivi une formation préalable et avec l'obligation de faire le point auprès d'un médecin spécialisé tous les samedis. La jeune femme se vit également prescrire des visites quotidiennes chez une psychiatre de l'hôpital pour aider sa mémoire morcelée à rassembler les pièces du puzzle et l'accompagner dans la reprise de sa vie quotidienne.

    Flore commença tout d'abord à râler lorsqu'on lui imposa cette dernière condition. Il était hors de question qu'elle parle de sa vie privée avec une parfaite inconnue qui hocherait doucement la tête au moindre de ses dires avec un sourire stupide sur le visage ! Cependant, lorsque son père vint la chercher pour la ramener chez sa mère, elle fut bien obligée de constater que quelque chose n'allait pas.

    Flore l'attendit pendant quelques minutes dans le hall d'entrée de l'hôpital, assise en face de l'accueil en écoutant d'un air distrait l'agitation qui régnait autour d'elle.

    — Vous êtes de la famille ?

    — Oui je l'ai déjà dit à votre collègue hier, s'impatientait un beau brun à la réception. Mon nom est Logan Bertley, je suis son cousin.

    — Ah oui, le docteur Nakard a laissé une note à votre sujet... bien, vous pouvez y aller, c'est la chambre...

    — Je connais merci, la coupa le jeune homme juste avant de disparaître dans le couloir latéral.

    Flore sursauta en entendant les portes de l'entrée coulisser et fut soulagée de voir son père. Elle avait hâte de quitter ces lieux hors du temps dans lesquels elle se sentait mal à l'aise et elle se promit d'aller voir Farah dès qu'elle irait mieux pour qu'elle l'aide à se changer les idées. Cependant, lorsqu'elle arriva devant la voiture, l'ampleur de son traumatisme la frappa soudain : elle était incapable de monter dans le véhicule. À la vue de la Citroën paternelle, les battements de son cœur s'accélérèrent et ses mains devinrent moites.

    C'est idiot, Flore ! se sermonna-t-elle intérieurement. Ce n'est qu'une voiture et ce n'est pas toi qui vas conduire !

    Mais impossible d'ouvrir la portière tant ses doigts tremblaient forts. Pâle comme un linge, Flore se sentit soudain au bord du malaise. Finalement, son père laissa la voiture dans le parking et ils durent marcher quinze minutes pour rejoindre la station de tramway la plus proche.

    Ce soir-là, pour la première fois en quinze ans, la famille Sword réunie au complet dîna à la même table. Bien malgré elle au centre de l'attention, Flore se sentait mal à l'aise. Elle aurait voulu retrouver la mémoire ne serait-ce que pour comprendre la lueur grave dans le regard de ses parents et l'attitude fuyante de sa sœur. Plus elle les observait, et plus elle avait l'impression qu'un détail essentiel de la nuit de l'accident lui échappait et lui était caché par ses proches. Ne supportant plus cette tension permanente et la faim l'ayant quittée, la jeune femme finit par prendre congé et se retira dans sa chambre, fatiguée.

    Les heures s'égrenèrent avec lenteur sans qu'elle ne s'extirpe de son état de déprime, allongée sur son lit et les yeux rivés sur le plafond. Elle essaya plusieurs fois de sonder son propre corps pour voir si vivre avec un seul rein était sensiblement différent mais elle ne ressentait rien de nouveau à part le tiraillement de la cicatrice postopératoire, minuscule, sur son flanc. Étonnamment, son état médical l'inquiétait moins que sa perte de mémoire. Cette amnésie la rendait folle, littéralement. Elle avait besoin de savoir ce que tout le monde lui cachait et, seule dans le silence de sa chambre, son imagination élabora les pires théories.

    L'hypothèse la plus horrible qu'elle put imaginer la remplit d'effroi : c'était celle d'être responsable de la mort de quelqu'un. Cette idée la tarauda pendant de longues minutes, et même le « bonne nuit ma chérie » rassurant de sa mère à travers la porte ne suffit pas à l'apaiser. À entendre les allées et venues dans le couloir, son père dormirait dans le salon et ne repartirait qu'au matin.

    La deuxième idée qui lui vint à l'esprit fut qu'elle avait fait une connerie. Une grosse connerie. Quelque chose de complètement inconscient qui ne lui ressemblait pas. Quoi qu'elle ait fait en tout cas, cela ne pouvait qu'être lié à cette fameuse soirée dont elle ne gardait que des souvenirs diffus. Qui sait, peut-être avait-elle appris une mauvaise nouvelle ce soir-là qui l’avait poussée à prendre le risque de conduire dans la neige.

    La neige.

    Sans savoir pourquoi, c'est le seul élément dont elle se souvenait avec certitude. Cette couche blanche qui recouvrait tout sans distinction et déposait des plaques glissantes sur la route. Le froid, saisissant, qu'elle sentait encore pénétrer jusqu'à ses os comme si elle était restée nue sous les flocons pendant des heures ou qu'elle avait plongé dedans...

    La porte grinça doucement sur ses gonds et sa sœur Léa vint la rejoindre, leur chat sur les talons. L'appartement était enfin silencieux et dehors, la nuit était tombée. Miaulant avec insistance, Figaro bondit sur la couette pour venir se blottir contre le flanc de sa maîtresse retrouvée.

    — Salut gros pépère, murmura-t-elle en le caressant d'un air distrait.

    — Ça va ? s'enquit Léa en s'asseyant de l'autre côté du lit.

    Flore haussa les épaules. On ne pouvait pas dire qu'elle allait mal mais il aurait été faux de dire qu'elle allait bien. En réalité, sans ses souvenirs, elle se sentait comme une poupée russe vide.

    — Comment réagissent les parents ? demanda-t-elle d'un ton las.

    — Comme d'habitude. Passé le soulagement de te voir saine et sauve ils se sont mis à se disputer pour des détails...

    — Comme ?

    — Comme l'origine de ton tatouage par exemple, éluda Léa en soupirant. Papa pense que cela n'a aucun rapport avec ton accident et maman, au contraire, est persuadée que tu l'as fait en cachette à cette soirée. Elle voudrait savoir où et pourquoi tu as été le faire et surtout si cela a un rapport de près ou de loin avec ton accident.

    — Quel tatouage? s'exclama Flore en se redressant d'un seul coup.

    Figaro cracha de frustration en se réceptionnant en catastrophe sur la moquette mais sa maîtresse n'y prêta pas attention. Un tatouage ! Voilà encore quelque chose dont elle ne gardait pas le moindre souvenir !

    — Tu

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