Déjà connu pour son goût du réalisme magique, Salman Rushdie emprunte aux grandes épopées sanskrites dans son quinzième roman, Il est présenté comme l’adaptation d’une geste écrite par Pampa Kampana, morte à 247 ans après avoir fondé l’empire de Bisnaga, dans le sud de l’Inde. Jeune orpheline au XIVe siècle, elle est chargée par une déesse de faire littéralement pousser une cité et ses habitants à partir d’un sac de graines, puis de chuchoter des souvenirs personnels aux milliers d’êtres ainsi sortis de terre pour achever de leur donner la vie. En tant qu’épouse, conseillère ou adversaire des souverains successifs de Bisnaga, Pampa Kampana s’emploiera à promouvoir l’égalité des sexes et à déculpabiliser le peuple vis-à-vis des choses de l’amour, assumant elle-même une vie sentimentale tumultueuse. Sous son influence, Bisnaga connaîtra une succession d’âges d’or et de temps troublés; dès que prospérité et tolérance sembleront régner dans la cité, des frictions ou des rapprochements périlleux s’opéreront entre les pouvoirs temporel et religieux. Des guerres éclateront par machiavélisme destructeur… ou bien par simple habitude. La création démiurgique de Pampa Kampana ne résistera pas aux travers de ses gouvernants et de leurs administrés. Si Rushdie est pessimiste quant au devenir des utopies, son talent de conteur fait primer l’évolution de personnages attachants sur le propos purement politique. Reste que l’on goûte l’ironie du romancier lorsqu’il s’agit de brocarder le colonialisme ou desd’aujourd’hui.
Salman Rushdie La Cité de la victoire
Aug 24, 2023
8 minutes
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