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Juste assez chiens!
Juste assez chiens!
Juste assez chiens!
Livre électronique204 pages2 heures

Juste assez chiens!

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À propos de ce livre électronique

Je n’ai jamais été un mordu de chiens. C’est un pur hasard si ces attachants quadrupèdes ont occupé tout cet espace dans mon existence. J’ai ouvert la porte une fois il y a 35 ans et je ne l’ai plus jamais refermée. Tout s’est dessiné au fur et à mesure, porté par le vent et les coups de langue.

Le premier toutou m’a suivi partout, et les autres ont emboîté la patte : au travail, en réunion, en déplacement, en avion, en canot… et même sur le canapé. Ils ont chacun construit leur niche autour de la mienne. Ils m’ont fait rebondir sur une multitude de tranches de vie à leur image : drôles et touchantes, frivoles et dramatiques, intègres et authentiques. Ils ont bâti, tissé et entretenu ce lien jour après jour. Ils en ont fait la priorité de leur vie. Tout est leur faute.
LangueFrançais
Date de sortie5 oct. 2023
ISBN9782898560194
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    Aperçu du livre

    Juste assez chiens! - Pierre Poitras

    Chapitre 1

    L’adoption

    — Maître, qu’attends-tu de moi ?

    — Que tu sois un bon chien.

    — Ça implique quoi ?

    — Eh bien, je ne sais pas trop. Que tu obéisses quand je te dis quoi faire, ne pas japper pour rien, être affectueux, ne pas sauter sur les gens.

    — C’est tout ?

    — Faire tes besoins où je te dis de les faire, et idéalement quand je te dis de les faire, ne pas mordiller les souliers, marcher à mes pieds lors de nos balades. Ne pas sauter sur le sofa quand tes pattes sont sales. Attendre patiemment mon retour quand je m’absente quelques heures, et même toute la journée.

    — Il y a autre chose que tu aimerais ?

    — Que tu m’acceptes comme je suis, que tu viennes sur-le-champ quand je t’appelle, que tu sois toujours joyeux. Que tu restes sage quand on a de la visite, et que tu sois brave et un bon chien de garde.

    — Rien d’autre ?

    — Je crois que ça fait le tour. Je te le dirai au fur et à mesure si je pense à autre chose.

    — Super, ça ! Et moi, Maître, à quoi dois-je m’attendre de toi ?

    — Oh, je n’avais pas pensé à ça en fait.

    — C’est pas grave, ça marche. J’embarque.

    — Attends, j’ai trouvé. Je te nourris, je m’occupe de toi, je te caresse et te loge. Qu’en dis-tu ?

    — Oh, c’est parfait, Maître ! Marché conclu, pour la vie, quoi qu’il arrive ! Merci. On commence quand ?

    Chapitre 2

    Le repêchage de la Savane

    La première fois que je suis allé chez Maurice Légaré, c’était lors d’une belle journée d’automne de 1985, presque un été indien, tellement ce radieux samedi contrastait avec les jours précédents. Il m’a accueilli à son domicile de Loretteville, une maison de campagne victorienne, comme en Nouvelle-Angleterre. Elle ressemblait à cet homme : stature imposante avec de la prestance et un côté paisible qui m’avait tout de suite mis à l’aise. Un bon grand-papa, voilà ! Ça résume parfaitement la bienveillante impression qu’il m’avait faite dès les premières secondes. Un splendide terrain de tennis en terre battue trônait à l’avant de sa demeure, devant un tronçon de rue tout aussi pittoresque que son domicile. Depuis, chaque fois que je passe dans le secteur, je m’oblige à faire un petit détour pour voir s’il n’y aurait pas quelques échanges musclés de balles jaunes.

    Jamais je n’ai vu de joueurs en action sur ce rectangle, bien que l’on m’ait murmuré que le fils Légaré avait atteint un niveau tennistique plus que respectable. J’aurais bien aimé y jouer moi-même, mais je n’ai jamais trouvé l’astuce pour aborder le sujet avec ce bon monsieur qui, sans le vouloir, venait de me faire prendre un grand tournant qui allait s’allonger sur au moins quatre boucles de vie.

    Il s’agissait de ma première visite chez un éleveur. Je n’étais pas là par hasard, mais plutôt grâce aux fruits d’un cheminement que je qualifierais d’assez sérieux, comparativement à quelques autres que j’avais déjà faits. Je repensais à mon parcours universitaire : mon approche était alors un peu nonchalante, bien en deçà de l’élémentaire maturité. Je voulais faire carrière en relations publiques, et le premier jour d’école, je m’étais retrouvé assis dans une classe du programme de relations industrielles. Fallait le faire ! J’avais tout simplement mal lu le dossier d’inscription, que j’avais rempli en cinq minutes. J’aurais tout aussi bien pu me retrouver sur la Lune en m’inscrivant au programme d’astronaute au lieu de celui d’astronomie. Finalement, j’avais peut-être besoin d’un chien-guide dans la vie…

    Après de vagues recherches à la bibliothèque de mon quartier (c’était l’un des seuls moyens de se documenter avant l’apparition de Google), le irish setter s’était imposé. Sportif, robe soyeuse, longiligne, il semblait convenir en tout point à l’idée que je me faisais du toutou qui ferait un bon match avec moi. Je n’avais envisagé que les grandes races dans ma présélection, un peu à cause de ma mère. Bien qu’elle n’ait jamais eu de chien de toute sa vie, elle m’avait un jour dit : « Si tu prends un chien, prends-en un vrai. » Elle était tranchante, maman. N’en déplaise aux propriétaires de petits chiens, pour une fois, même si je n’ai rien contre les formats mini, j’ai suivi la ligne maternelle. Sans trop penser, encore une fois.

    Dans la poursuite de mes recherches, je me suis buté contre une montagne d’avis dissuasifs à propos de mon futur setter. « C’est un chien de chasse », « Il est trop énergique », « C’est fou comme un balai », « Tu ne feras rien avec lui avant qu’il ait 4-5 ans », « C’est niaiseux ».

    J’ai donc approfondi mes recherches et fait enquête auprès de mon entourage. Par deux fois, « golden retriever » a été prononcé. « Golden » comment ? « C’est le meilleur toutou », « Il est intelligent », « Aucune malice », « Très affectueux ». À les écouter, c’est lui qui allait m’en montrer… Ils n’avaient pas tort.

    J’avais encore poussé davantage mes recherches en allant rendre visite à une réputée vétérinaire de l’avenue Maguire, à Québec, pour lui demander si elle pouvait me recommander un éleveur de golden retrievers digne de ce nom. Elle ne m’en a donné qu’un seul : l’Élevage des Savanes. Ça sonnait bien ! Comme la savane africaine, comme Le Roi Lion. Je pourrais appeler mon meilleur ami Simba.

    J’étais donc arrivé chez M. Légaré pour voir ses fameux goldens, du non moins fameux Élevage des Savanes. J’étais fébrile, tellement que je m’étais promis de ne pas en ramener un la journée même. Le bon monsieur parlait lentement. Il me guidait de sa voix douce en me présentant un peu sa lignée de champions. Il ponctuait son discours de questions anodines, qui ne l’étaient pas vraiment en fait, à propos de mon expérience avec les canidés.

    — Vous avez eu combien de chiens ?

    — Aucun.

    — Pourquoi vous voulez un chien ?

    — Euh, je ne sais pas trop, mais ça me tente beaucoup…

    — Vous en rêvez depuis longtemps ?

    — En fait, c’est assez récent comme envie.

    Plus je répondais à ses questions, plus je m’enlisais. Tellement que je me préparais à ce qu’il me sorte un lapin au lieu d’un chien et qu’il me baragouine quelque chose comme une liste de réservations s’allongeant sur trois ans pour me décourager.

    On est arrivés aux portes de ses enclos grillagés. J’ai aperçu une demi-douzaine de splendides reines et rois lions dressés en haie d’honneur, leurs queues battant la démesure, leurs pattes avant montées au plus haut du grillage qu’ils atteignaient. Quel accueil ! C’est trop, voyons ! C’est à ce moment précis que la magie a opéré. Quinze secondes, c’est le temps que ça leur a pris pour m’avoir… totalement. En toute innocence, avec toute leur authenticité spontanée, leur pouvoir d’envoûtement venait de faire une autre victime. Aussi sèchement que ça.

    Il m’a donc présenté le papa et la maman de mon futur meilleur ami : monsieur et madame Golden, en tout point semblables aux quatre autres soldats blonds du défilé de l’enclos des Savanes et tout aussi charmants. J’avais hâte de voir le petit orphelin à qui je venais offrir un foyer, ou du moins un coussin près du foyer. Au moment où je m’apprêtais à lui dire que je ne voulais pas partir avec lui ce jour-là, le commandant en chef, M. Légaré, m’a devancé en m’annonçant qu’il allait faire accoupler le papa et la maman pour avoir une portée au printemps suivant. Dans six mois.

    — Ah oui ?

    Je ne voulais pas avoir mon chiot le jour même, mais pas dans six mois non plus ! Il m’a néanmoins aidé à aller un peu plus loin dans le processus en me permettant de choisir le sexe de mon chiot. Il m’en a appris énormément sur l’adoption, le papi tennisman.

    — Alors, vous voulez un copain ou une copine ?

    Je lui ai dit spontanément que j’aimerais bien une fille. Ça doit être encore plus doux qu’un ti-gars, non ?

    — Pense pas, non.

    Il m’a révélé qu’un autre « client » avait déjà adopté la première fille à venir dans cette nichée printanière. J’aurais donc le deuxième choix. Wow, la deuxième fille. Et elle aurait quoi de moins que la première, et quoi de plus que la troisième de la portée ? À huit semaines, comment on fait pour faire un bon choix ? Qu’est-ce qui les distingue ?

    Ainsi, je me suis convaincu que je ne convolerais pas avec ma « blonde » ce jour-là… mais j’ai quand même laissé le gourou de la meute repartir avec les 200 $ d’acompte (plus de 550 $ en argent de 2023) à titre d’engagement de ma part envers la portée printanière 1986 de l’Élevage des Savanes. Tadam ! Eh bien, quand on veut un spécimen de ce que la nature produit de plus fidèle et amical, il est normal de s’investir, non ? Une seule fois auparavant, je m’étais engagé en signant un contrat : mon bail de location d’appartement. Le délai me laisserait le temps de me préparer, de me conditionner, de lire sur le sujet et de me renseigner à gauche et à droite auprès des propriétaires de chiens de mon entourage.

    Rétrospectivement, j’ai toujours eu un doute à propos du fait que M. Légaré m’avait volontairement fait macérer dans mon jus pour que mon engagement soit mûr au printemps, plutôt que me saisir à vif sur le moment avec un nouveau-né de l’été indien. Il avait vu juste, le vieux sage.

    Et si la Reine n’avait qu’une flopée de garçons et aucune fille ?

    — Eh ben, on attendra la portée suivante, jusqu’à ce que deux filles se pointent le bout du museau, qu’il m’a dit d’un ton placide.

    Alors je me suis croisé les doigts et j’ai serré la main tendue de papi Légaré en guise d’au revoir. Il me contacterait au lendemain de la naissance des élus pour que je puisse rendre visite aux petits Savanaux autour de leur quatrième semaine sur Terre.

    Je n’ai jamais par la suite eu l’occasion de demander à M. Légaré quelle opinion il avait eue de moi lors de nos premiers échanges, tellement j’avais eu l’impression d’envoyer la balle dans le filet ou hors limite à chaque occasion. On dirait que c’est un peu à partir de cet instant que j’ai pris mes distances avec le moment présent et commencé à réfléchir autrement.

    Chapitre 3

    Le collier jaune

    L’hiver a défilé tellement rapidement que je n’ai à peu près aucun souvenir de ce qui s’est passé entre ma visite à l’Élevage des Savanes en automne et l’appel de mon bon chef de meute au printemps. Sauf peut-être l’achat d’un livre sur l’éducation canine, que j’ai bien entendu lu en diagonale. Après tout, tout le monde a eu des chiens depuis que le monde est monde. Pourquoi moi, je manquerais mon coup ? On avait eu une chatte quand j’étais préado. Ça avait bien dû aider, non ?

    Bien franchement, ça avait mal fini, cette aventure féline. En effet, à l’aube de notre voyage en Gaspésie en roulotte, en 1969, ne sachant que faire avec le minou, ma mère s’était dit qu’un chat, ça pouvait bien rester dehors si quelqu’un venait le nourrir sur le perron tous les jours. Tâche qui avait été confiée à tante Audrey, qui habitait trois maisons plus loin. J’y avais pensé tous les jours de notre tour de la Gaspésie, reprochant à ma mère cet abandon mesquin.

    — C’est rien qu’un chat. C’est capable de se débrouiller dans la nature. En plus, c’est son patelin, son territoire.

    On n’aura jamais su si ça s’était passé avant ou après que l’homme eut foulé la Lune pour la première fois, le 21 juillet de cet été-là, mais à notre retour de cette quinzaine de jours de vacances en famille, on avait tous pu constater que le territoire avait passé sur le corps de notre pauvre chatte. Dans le bas de son dos, il y avait un renfoncement de l’axe, juste avant le début de sa queue. Comme si un pneu de vélo ou de moto était passé sur son corps. Tellement évident que nul n’aurait pu énoncer une autre hypothèse. Elle était toujours vivante et n’avait pas l’air de tant souffrir. Elle poursuivait sa routine féline sans que son renflement de colonne semble l’importuner. Ma mère l’avait néanmoins fait voir par le vétérinaire. Visite médicale dont le chat n’avait fait que l’aller. Ma mère nous a raconté, sans entrer dans les détails, que le verdict médical était sans appel et qu’il valait mieux abréger ses « souffrances ». J’ai toujours soupçonné maman de s’être servie de ce prétexte pour régler ce « petit problème ». Un petit pas en arrière pour l’humanité. L’effet Neil Armstrong n’avait pas duré longtemps. J’avais 12 ans, je n’étais pas de taille à faire émerger la vérité et à rendre justice, encore moins devant l’invincible Mom, celle qui me devinait avant que je réfléchisse.

    Beaucoup plus tard, alors que j’étais moi-même dans la lune, le téléphone a sonné.

    — M. Poitras, on a eu trois mâles et trois femelles il y a près d’un mois. Voulez-vous venir les voir et choisir la vôtre ?

    — Hein, déjà ?

    Je balbutiais comme un

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