Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Ligne de destinées
Ligne de destinées
Ligne de destinées
Livre électronique240 pages3 heures

Ligne de destinées

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

La prochaine fois que vous irez dans votre café du coin préféré et que vous aurez de l'argent liquide dans votre portefeuille pour payer votre latté, choisissez le billet de banque le plus vieux (si vous avez la chance d'en avoir plusieurs)  et demandez-vous, juste un instant, entre quelles mains il a déjà pu passer, dans le fond de quelles poches il s'est déjà retrouvé. Puis, remettez-le à votre charmante barista. Demandez-vous qui le possédera à l'avenir… juste un instant, avant de prendre votre monnaie et de l'emprisonner dans votre portefeuille.
Notre histoire commence avec un homme obscènement riche, poussé par de très hautes ambitions…

Publié en anglais sous le titre Fate Line

The next time you go to your favourite local coffee shop and have cash in your wallet to pay for your latte, choose the oldest banknote (if you're lucky enough to have several) — it could be a $20 bill, or maybe even a $100 bill —  and ask yourself, just for a moment, in which hands it has passed, in the bottom of which pockets it has been. Then, give it to your charming barista. Ask yourself who will own it in the future... just for a moment, before you take your change and put it away in your wallet.
Our story begins with an obscenely rich man, driven by very high ambitions...

LangueFrançais
Date de sortie31 juil. 2023
ISBN9781777650742
Ligne de destinées

Lié à Ligne de destinées

Livres électroniques liés

Nouvelles pour vous

Voir plus

Articles associés

Avis sur Ligne de destinées

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Ligne de destinées - Sandra Gauthier

    Tous droits réservés.

    Copyright © 2023 Sandra Gauthier

    Ce roman est une œuvre de fiction. Toute ressemblance entre les personnages et des personnes existantes ou ayant réellement existé serait purement fortuite. Toutefois, plusieurs oeuvres d’art bien réelles sont utilisées, mais dans un contexte entièrement fictif. Une liste complète des oeuvres et de leurs auteurs se trouve à la fin du livre.

    La distribution de ce livre sans autorisation est un vol de la propriété intellectuelle de l’auteure. Si vous souhaitez obtenir la permission d’utiliser du matériel du livre, veuillez contacter l’auteure à l’adresse courriel suivante :

    contact@sandragauthier.com

    ISBN : 978-1-7776507-3-5 Version brochée

    ISBN: 978-1-7776507-5-9 Version reliée

    ISBN : 978-1-7776507-4-2 – Version électronique

    Couverture et images intérieures : Sandra Gauthier

    Photo de l’auteure : Erwyn Loewen

    Éditions SADIV Press

    La ligne de départ

    Le cœur de la métropole bat son plein en ce lundi matin de novembre. Les édifices qui s’étirent pour chatouiller le ciel obstruent la vue du soleil, du moins lorsque l’astre daigne se montrer le bout du nez, comme c’est le cas aujourd’hui, et surtout en ce mois des morts pendant lequel l’humeur de dame Nature est aussi changeante que si elle était atteinte d’un cas extrême de troubles bipolaires. L’ombre des géants de béton assombrit les rues qui, à l’heure de pointe, se font rouler dessus par suffisamment de véhicules pour créer des bouchons de circulation. Les trottoirs, eux, coincés entre les édifices et les rues, sont foulés par des milliers de pieds qui marchent pour la plupart d’un pas décidé, puisqu’il faut bien avoir un but précis pour décider de son plein gré d’affronter les sautes d’humeur de notre grande dame. Un lundi matin. À l’heure de pointe. Les trottoirs fourmillent donc d’individus anonymes qui marchent dans un sens ou dans l’autre, regardant droit devant eux, précisément dans l’espace vide entre les fantômes en chair et en os qu’ils rencontrent. Chacun évite accrochages ou collisions par des bifurcations discrètes mais efficaces qui créent une illusion d’organisation ; un chaos gardé dans un semblant d’ordre par les trois couleurs alternantes des feux de circulation. Aux coins des rues, la masse des piétons s’arrête pour obéir à la paume rouge qui interdit de traverser, et se remet en marche à l’instant précis où le petit bonhomme blanc apparaît enfin. Le flot lent de la circulation, pour sa part, s’immobilise au feu rouge et vrombit jusqu’à ce qu’il ait le feu vert pour avancer à nouveau. Automobiliste ou piéton, chacun fixe son regard sur le signal qui l’intéresse personnellement avec une intensité qui, dans le meilleur des mondes, devrait avoir une influence sur son changement. Cet accord silencieux entre piétons et automobilistes évite les tragédies, du moins la plupart du temps. Souvent, des sirènes d’urgence retentissent dans le bourdonnement de cette activité urbaine. Le subconscient de ceux qui ont laissé des êtres chers à la maison se demande furtivement si leur fille a bien regardé des deux côtés de la rue avant de traverser, si leur vieux père n’est pas tombé dans les escaliers, s’ils ont bien fermé le rond de la cuisinière après avoir fait cuire le gruau des enfants, si leur mari malade du cœur n’a pas encore oublié de prendre une de ses pilules, s’ils n’ont pas oublié de fermer la porte à clé avant de partir. Mais ces pensées furtives traversent rarement la barrière de leur conscience, parce que si on laisse son esprit aller à imaginer tout ce qui pourrait arriver quand on vit dans la cohue d’une ville, on deviendrait complètement fou ! De toute façon, on n’a pas le temps ; on a des rendez-vous et des obligations qui nécessitent qu’on tienne le temps qui passe à l’œil. Les pensées tragiques provoquées par les sirènes s’évaporent lorsque leur cri s’estompe au loin. On espère secrètement que les tragédies perturberont la vie des autres. On poursuit son chemin. Chaussures, moteurs et même le redoutable chant des sirènes d’urgence, tout concourt à composer la symphonie urbaine.

    Hautes ambitions

    Albert Montfort, de la banquette arrière de sa berline noire, regardait par sa vitre teintée les piétons qui grouillaient sur le trottoir, tels des coquerelles géantes qui osaient contribuer à ralentir sa progression vers sa propre destination. Il fixait le manteau rouge feu d’une femme blonde étonnamment grande qui détonnait dans la masse aux tons neutres. Il ne la regardait pas comme on peut admirer la beauté d’une femme, mais plutôt comme un collectionneur d’œuvres d’art qui tente d’évaluer la valeur d’une nature morte et dont l’œil est attiré par une marque de couleur que le peintre a stratégiquement placée. Lorsque la femme tourna le coin de la rue et disparut de son champ de vision, son manteau rouge feu et elle s’éclipsèrent de la mémoire d’Albert aussi vite qu’une toile qui ne valait pas l’investissement. Il n’avait pas vraiment pensé à elle de toute façon. Il avait simplement recherché une distraction des yeux. Il était préoccupé de contenir du mieux qu’il pouvait l’excitation infantile qui l’animait et qui lui donnait l’impression que son ample panse était remplie d’une nuée de papillons virevoltants. Il ne pouvait tout de même pas laisser trahir une émotion qui lui donnerait l’air d’être un gamin pauvre à qui on a donné un gâteau riche. Pourtant, quiconque aurait bien connu Albert aurait su que le double clin d’œil rapide qui animait sa paupière droite n’apparaissait sur son visage d’ordinaire impassible que lorsqu’une émotion forte touchait son être. Albert lui-même était complètement inconscient de ce tic nerveux. Il allait sans dire qu’à la seconde où il en aurait pris conscience, il aurait tout fait pour éradiquer le traître tic, au prix même de sa paupière droite, s’il s’en était avéré nécessaire. Albert clignait triplement de l’œil aujourd’hui. C’était une journée importante, une journée glorieuse, une journée historique, qui allait marquer le commencement du reste de sa vie ; la journée symbolique de son ascension à travers toutes les classes sociales et dont il était maintenant à la tête grâce à son ambition sans bornes. Il avait gravi tous les échelons de la société par les seuls mérites de son propre labeur acharné plus vite que…

    Le chauffeur baissa alors la vitre qui le séparait de son patron.

    « Monsieur Montfort, est-ce que je vous laisse ici ? »

    Albert, contrarié de s’être fait interrompre avant d’avoir pu trouver la figure de style parfaite pour sa comparaison, répondit d’un ton qu’on devinait plus contrarié qu’à son habitude :

    « Ici ? Mais tu ne vois pas que tous ces passants me bloquent l’accès à l’entrée du chantier ? »

    « Il n’y a pas d’autre endroit pour y entrer, monsieur Montfort. Attendez, je vais vous aider. »

    Le chauffeur avait pris la décision de mettre la voiture sur PARK à l’endroit même où elle était arrêtée et de signaler l’urgence de sa situation précaire en appuyant sur le bouton qui faisait clignoter à intervalles réguliers toutes les lumières rouges entourant le véhicule. Il alla ouvrir la portière de son patron et lui tendit la main pour l’aider à s’extraire de la banquette arrière tout en ignorant tant bien que mal les klaxons aux tonalités variées des voitures auxquelles la berline bloquait le passage, puisqu’il ne pouvait pas se permettre le luxe de perdre son emploi. L’égoïsme était parfois de rigueur, surtout lorsqu’on était responsable de nourrir cinq bouches.

    Le chauffeur alla ensuite s’infiltrer dans le flot des piétons et força la création d’un chemin temporaire qui donna le loisir à Albert de se rendre tranquillement à la porte de bois sur laquelle un panneau de signalisation interdisait expressément l’entrée au public. Selon les illustrations du panneau, toute tête autorisée à entrer était avertie du danger qui se trouvait au-delà du seuil par un triangle jaune inversé rempli d’un point d’exclamation noir et devait, par conséquent, être coiffée d’un casque rigide de sécurité.

    « Raymond, j’ai une fringale, va m’acheter mon sandwich préféré et reviens me chercher dans une heure précisément. Je devrais avoir terminé mon inspection du chantier. »

    « Au Café du Coin, monsieur Montfort ? »

    « Bien sûr, au Café du Coin. C’est là qu’on vend les meilleurs sandwichs en ville, Raymond. »

    « Bien sûr, monsieur Montfort. » Raymond releva la casquette de son uniforme de chauffeur en signe d’approbation et tira sur la porte du chantier pour laisser le passage à son employeur.

    Deux hommes attendaient Albert de l’autre côté. Celui qui n’avait pas un long rouleau de papier en main lui tendit aussitôt un casque de sécurité blanc identique à celui qui était posé sur leurs têtes, si ce n’était du fait qu’il était visiblement flambant neuf. Albert regarda le casque et le posa avec soin sur sa tête, ce qui eut pour effet d’altérer bizarrement la courbe lissée de son toupet blond-châtain sur son front, étant donné la quantité industrielle de laque forte qu’on semblait avoir utilisée pour le maintenir en place.

    « Bonjour, monsieur Montfort. Bienvenue ! Nous sommes honorés de votre visite… impromptue. »

    C’était le contremaître qui avait parlé.

    « Nous ne nous attendions pas à vous voir aujourd’hui, je dois vous avertir… »

    Albert interrompit l’architecte. Il n’avait pas envie de parler, et encore moins d’écouter. Il était là pour se donner le loisir de se prélasser dans ses rêvasseries.

    « Non. Non ! Ne dites rien ! Amenez-moi au sommet de la Tour Montfort. Amenez-moi à mon futur bureau », ordonna-t-il.

    Les deux hommes se turent donc et le précédèrent jusqu’à l’ascenseur qui les mènerait au dernier étage du squelette de son gratte-ciel. Quiconque victime de vertige, même minime, se serait senti mal à l’aise de se voir quitter la fermeté de la terre et monter vers le ciel dans une cage qui laissait librement passer le vent à travers le grillage. Si une telle cage d’ascenseur avait été munie de haut-parleurs, la musique instrumentale monotone qu’on pourrait s’attendre à ce qu’ils crachent aurait été assourdie par la cacophonie urbaine pour être bien vite remplacée par la symphonie harmonique de la construction dont la mesure était battue par un martèlement régulier, martèlement qui faisait état de musique aux oreilles d’Albert. Albert, planté entre les deux hommes, se dandinait, et clignait de la paupière droite, alors qu’il regardait le monde rapetisser tranquillement à ses pieds. Il concentrait son regard sur sa longue berline noire qui s’était refondue dans la circulation. Elle s’arrêta à un feu rouge et, lorsque le feu passa enfin au vert, sa grande voiture était de la taille des « p’tites autos » Matchbox avec lesquelles les enfants s’amusent en faisant des bruits de vrombissements. Les piétons, pour leur part, passèrent lentement de la taille de coquerelles à celle de fourmis.

    Albert sourit, prit une longue inspiration, sortit son téléphone intelligent de la poche de son manteau et appela le premier nom sur sa liste de contacts.

    « Adèle, annule tous mes rendez-vous de la journée », cria-t-il dans l’appareil et sans attendre de réponse – sachant pertinemment que son ordre serait exécuté subito presto sans rouspéter – il avait raccroché et remis son téléphone dans sa poche.

    La montée au sommet lui avait semblé interminable, mais lorsqu’il y arriva enfin, sa jubilation était à son apogée.

    L’architecte ouvrit la porte et Albert sortit sur la plateforme de béton déserte qui allait un jour abriter son bureau penthouse, du haut duquel il pourrait continuer son ascension économique et sociale. Son ascension dépasserait le royaume des Cieux. Albert Montfort et son ambition n’avaient pas de limites.

    Le petit groupe s’avança vers le centre de la plateforme et avant même que l’architecte ait eu le temps d’enlever l’élastique qui retenait son rouleau de papier, Albert avait lancé à ses employés un regard qui les invitait fortement à aller jouer ailleurs.

    Les deux hommes s’exécutèrent sans un mot jusqu’à ce qu’ils se soient assez éloignés de leur patron pour lancer un « espèce de trou du cul pompeux » sans avoir peur de se faire entendre du trou du cul en question.

    Albert les regarda lui tourner le dos pour s’éloigner et s’empressa aussitôt de retirer la soie de son caleçon dont le prix exorbitant ne l’empêchait néanmoins pas d’aller se loger dans la craque de ses fesses aussitôt qu’il faisait plus de trois pas.

    Le ciel bleu était un arrière-plan parfait au vide pris en sandwich entre le béton sous ses pieds et celui au-dessus de sa tête. Le gris lisse constituait le canevas parfait pour l’érection du décor de son bureau, du plancher au plafond, par la seule fertilité de son imagination. L’espace vide devant ses yeux s’emplit donc jusqu’à ce que le chef-d’œuvre créé par son esprit extraordinaire devienne aussi vivide que s’il avait été réel, ni plus ni moins. Une fois chaque détail du tableau mis en place et bien ancré, il fit un pas en avant pour se planter les deux pieds dans son fantasme, et se laissa aller sans vergogne aucune à vivre l’extase procurée par la scène dont il était bien entendu lui-même le héros.

    Tout l’ameublement de la pièce était plus grand que nature. Le sofa de cuir brun sur lequel Albert alla s’asseoir devait lui avoir coûté la peau des fesses, ou plutôt coûté la peau à une douzaine de veaux pour le recouvrir. Albert prit la télécommande qui se trouvait sur la table cocktail devant lui et en poussa les innombrables boutons sans attendre de voir à quoi ils pouvaient bien servir, ce qui donna pendant un instant l’impression qu’il se trouvait dans une discothèque et non dans un bureau où se brasseraient des affaires des plus sérieuses. Puis, le mur qui lui faisait face et qui était recouvert d’étagères de livres sans titres à reliure luxueuse se sépara en deux pour laisser apparaître un appareil de télévision géant qui s’alluma automatiquement.

    L’image montrait le haut du corps d’une femme sans âge parfaitement coiffée et maquillée.

    Et maintenant, le bulletin météo :

    Nous sommes le lundi 15 novembre, et c’est une journée absolument magnifique, le soleil brille et il fait étonnamment chaud pour ce temps de l’année. Il y a du vent, certes, mais seulement en très haute altitude, ce qui ne préoccupera donc en aucune façon le commun des mortels. Demain mardi, la température va tomber en chute libre en soirée mais, ne vous en faites pas, chers téléspectateurs, puisque dès mercredi midi, cette chute ne sera plus qu’un mauvais souvenir : il fera beau soleil jusqu’à vendredi en fin de journée. Malheureusement, nous conclurons notre semaine de travail avec un violent orage pointé de bourrasques sifflantes ; tant qu’à y être, aussi bien vous informer que la première journée de votre prochaine semaine de labeur se conclura d’une façon similaire, avec une pluie torrentielle, voire diluvienne, qui dévalera le ciel à la verticale.

    L’image de la femme se figea alors pour donner le temps à Albert de savourer le moment.

    Albert sourit donc. C’était effectivement une journée absolument magnifique. Il pouvait voir par le mur entièrement vitré qui le protégerait des intempéries qu’à peine quelques cumulus touffus d’un blanc pur traversaient son champ de vision de gauche à droite. Un moineau qui osa lui obstruer le paysage vint se cogner le bec contre le verre de sa tour d’ivoire et tomba aussitôt hors de sa vue dans la direction mandatée par la loi de la gravité. Albert reporta donc son attention sur la télévision. La femme se dégela aussitôt et se remit à parler :

    Et maintenant, le grand titre aujourd’hui :

    Le duc de Bellevue, dans ses constants efforts philanthropiques, a fait un don d’un montant non divulgué, mais qu’on suppose astronomique, à la Soupe populaire de la rue Saint-Bernard où –

    Agacé, Albert fronça le nez et changea vite la chaîne. L’imagination d’Albert lui proposa la même présentatrice de nouvelles.

    Et maintenant, LE SEUL vrai grand titre aujourd’hui:

    La structure de la Tour Montfort est enfin complétée…

    Albert monta le volume pour achever d’assourdir le bourdonnement de la construction et

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1