À corps parfait
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À propos de ce livre électronique
Au fil des haïkus rédigés par la jeune fille, se tisse l’histoire improbable d’un garçon de 16 ans en difficulté scolaire et d’une brillante élève en mal d’identité. Surpasseront-ils leurs différences ?
Deux voix. Deux personnages. À chacun sa vision du monde.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Vinciane Moeschler écrit entourée de chats tigrés qui viennent se lover sur son bureau. Elle a publié son premier roman à 20 ans, avant de devenir journaliste. Son ouvrage Trois incendies publié chez Stock a remporté le prestigieux prix Victor-Rossel en 2019. Avec À corps parfait, son premier titre au Muscadier, elle signe un texte pour adolescents où se mêlent humour et humanité.
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Aperçu du livre
À corps parfait - Vinciane Moeschler
Automne
Le vent souffle
au sommet de la colline,
je plie le parasol
Hoshino
Septembre
Audrey
Mon père m’a félicitée.
Ma mère n’a rien dit.
Ou alors, elle a juste dit, ma mère : « Oui, oui, c’est bien… Et ta chambre, elle est rangée, ta chambre ? »
Je trouve, personnellement, qu’un 16 sur 20 en maths, c’est déplorable !
Moi, les maths, c’est pas mon truc.
J’aime pas.
Les maths.
Tous ces chiffres qui s’additionnent, se multiplient, se divisent, se contorsionnent en racine carrée, se cherchent des inconnues, une, deux, parfois trois, se déclinent en algèbre, interpellent Pythagore, et qu’en plus, tout doit être dans le bon ordre, sinon cela n’a aucun sens… quel casse-tête, je vous jure !
Je déteste.
Les maths.
Je n’ai jamais caché à personne que ma matière préférée, c’est le français.
Enfin, écrire surtout.
Écrire, c’est avoir envie d’une autre vie.
Les lettres sont mes alliées, l’imagination au pouvoir est mon slogan.
Je joue entre les lignes, je manipule le sens des phrases, je caresse chaque mot avec délicatesse, je murmure en comptant les syllabes : cinq-sept-cinq. Dix-sept au total.
Je confectionne des histoires pour tuer le temps qui lasse. Le temps avec trop d’espace. Colmater l’ennui, l’ennui par des mots.
L’autre jour, j’ai fait lire à Manon l’une de ces petites choses légères, frivoles et spontanées dont j’ai le secret.
— Comment ça s’appelle déjà ? Des monokus ? m’a-t-elle demandé.
— Mais non, des haïkus. C’est japonais.
— Ah ! japonais… Stylé !
Manon est ma meilleure amie depuis toujours. Si je dis depuis toujours, c’est parce que ça remonte à quinze ans, cette affaire-là. Dans une maternité privée du 7e arrondissement, nos mères ont partagé la même chambre et les mêmes angoisses de l’accouchement. La même baignoire aussi. À seulement quatre heures d’intervalle, elles nous ont expédiées pleines de courage dans l’eau chaude et ouatée, lors de nos naissances aquatiques.
Manon est née la première.
C’est donc elle la plus vieille.
Mais niveau taille, je l’ai vite dépassée.
Sous ses aspects de coolitude, cette petite rousse aux taches disséminées comme des poignées de grains de sucre brun sur l’arête du nez, est très exigeante. Je l’adore, je l’admire. Je sais, j’ai de la chance d’avoir une amie comme elle ! En plus d’être belle, elle est intelligente. Pas le genre de nana à coller des photos de chanteurs ringards sur les murs de sa chambre. Elle préfère écouter un concerto pour piano en ut majeur de Mozart ou traduire en français la chanson Kaya de Bob Marley. Ses vacances, elle les passe dans un camp bouddhiste au nord du Népal. Ses parents paient, parce qu’ils sont écolos et croient en la réincarnation. La philosophie asiatique, ils sont pour. À Noël, au lieu de lui offrir un chèque-cadeau de chez Esprit comme ont fait les miens, ils lui ont acheté, en seconde main pour ne pas participer au génocide des forêts tropicales, un petit bouquin de citations du Dalaï-Lama1. Depuis, elle est devenue championne pour nous citer, avec une désinvolture monstrueuse, une phrase à chaque situation tordue que la vie est heureuse de nous balancer : « Quoi qu’il arrive, ne perds jamais espoir ! Développe ton cœur. »
Pour reprendre notre conversation, après ma présentation très précise des haïkus, Manon surenchérit :
« Toi, tu seras é-cri-vain plus tard ! On en a plein le cul de la norme : les petites avocates, les petits comptables, les petites vendeuses du Franprix avec leurs vernis écaillés qui ont des vies à la con. À la con… Toi, tu écris pour mettre de la beauté là où ça pue. Parce que, parfois, la vie, le dehors, le dedans aussi, eh bien, ça pue ! Oui, ça pue. »
Elle a poursuivi avec une emphase que je ne lui connaissais pas :
« Je vois déjà ton nom en capitales en haut du bouquin. Un best-seller avec une couverture sobre, un titre un peu osé, une photo de star. Tu me le dédicaceras, ton livre, hein ? À Manon… pour la vie
! »
D’abord, ça m’a touchée, profondément touchée. Et puis, j’ai pensé qu’une photo de star, ce n’était pas exactement mon genre.
¤
Je m’appelle Audrey Lescault, j’ai quinze ans.
Une lycéenne comme les autres !
— Parce que les pavés acariâtres qui pèsent des tonnes dans nos sacs et qu’on nous fait lire en classe, c’est pas ma came ! a rajouté Manon. C’est vrai quoi, ils racontent tous à peu près le même baratin, des mélodrames bien lourds en costumes d’époque.
Elle n’a pas tort. Moi, je prône la délicatesse : phrases ciselées et bien balancées, brèves comme des étoiles filantes dans un ciel d’été. La subtilité d’un accord parfait.
— Ces pavés, comme tu dis, tu les avais bien aimés, pourtant ! Rappelle-toi : Harry Potter, La passe-miroir, Hunger Games, Phobos…
Elle a haussé les épaules, bredouillé un petit « oui » en acquiesçant de la tête.
Tout le monde peut se tromper.
¤
Aujourd’hui, je propose à maman d’aller dans un grand magasin. M’installer au creux des fauteuils en cuir rouge du rayon librairie fait partie de mes petits plaisirs égoïstes que, malheureusement, aucune de mes copines ne partage. Calée confortablement, les jambes recroquevillées contre mon ventre, je me laisse happer par le livre que j’ai minutieusement choisi dans les rayonnages. S’il me plaît, je file à la caisse l’acheter ; sinon, je l’abandonne telle une vieille relique. Un orphelin de plus, un auteur que je ne lirai pas.
— Après on pourrait aller se boire un thé tibétain, hein, dis maman, qu’est-ce que t’en penses ? Du lapsang souchong, celui que Manon nous a fait découvrir l’autre jour ?
Je trouve maman très distante. Elle se force pour ne pas faire la moue.
Nous sommes dans sa chambre. Dehors, il pleut. Des minuscules gouttes s’écrasent contre les vitres, le temps idéal pour faire du shopping.
— Justement, et Manon ? elle me demande.
— Quoi, Manon ?
— Pourquoi tu n’y vas pas avec elle, entre copines… Tu sais, moi, j’ai un tas de trucs à faire avant mon départ, et les grands magasins un samedi, pff…
— Mais c’est avec toi que je veux y aller, maman ! Et puis, j’ai des cahiers à acheter pour la rentrée.
Jusque-là, je pouvais encore, non pas comprendre son attitude, mais la tolérer.
Sauf qu’immédiatement après, et sans même m’écouter, elle ajoute :
— Emmène Tom, cela l’occupera, plutôt que d’être toujours scotché à sa console !
Humiliation suprême : elle voudrait que je me traîne dans un magasin, considéré comme plutôt chic, avec mon frère. Mon frère ? Un nain de jardin même pas prépubère, qui a continuellement les doigts fourrés dans son grand nez épaté et qui, à part la planète mangas, ne connaît que dalle à la vie.
Finalement, maman me file un billet de 50 euros et me demande si son pantalon ne grossit pas trop ses hanches.
Je réponds que non, évidemment.
Elle me dit « je t’aime », passe un gloss rose sur ses lèvres.
Et se tire.
Dans le miroir, je me trouve moche.
Moche, grosse, boudinée.
Mal aimée.
Anton
Audrey Lescault est la plus jolie fille de la classe.
Elle est parfaite : des yeux aussi bleus que les siamois de ma tante tìa Carmen, une taille fine et élancée, des jambes à n’en plus finir.
Le jour de la rentrée, lorsqu’elle a poussé la porte du lycée, en jean moulant et t-shirt fuchsia, un frisson étrange m’a parcouru l’échine. C’était fulgurant et doux. J’ai ressenti ce sentiment délicieux que procurent les premières fois. Accompagnée de Manon, qui était déjà dans notre classe l’année dernière, elle a fait la bise un peu gênée à plusieurs filles et garçons qu’elle ne semblait pas connaître car elle répétait « moi, c’est Audrey ». Il faut vous dire qu’elle est une primo arrivante. Enfin, primo arrivante dans notre bahut je veux dire, car elle est on ne plus française, contrairement à moi qui suis métissé de partout.
Lorsque Manon me l’a présentée, elle a juste dit « salut ».
La cloche venait de sonner et il fallait partir en cours.
Je n’ai plus pensé à elle jusqu’à cette rencontre. La rencontre avec un grain de beauté.
Si, si, un grain de beauté, je vous assure.
Que je vous raconte.
¤
Il fait encore chaud, affreusement chaud.
Les mecs ont retroussé leurs manches, déboutonné leurs chemises. Ça pue la transpiration, si bien que Mlle Legalle, la prof de sciences nat’ – celle au gilet parsemé de pellicules – demande qu’on aère la salle qui sent le fauve en cage.
« Ma parole, on se croirait au cirque Bouglione, ici ! » peste-t-elle.
Les filles s’éventent avec leurs fiches d’anatomie. Comme on étudie le fonctionnement de l’appareil digestif, toutes ces images de colon, de foie et de vésicule biliaire qui flottent au vent apportent un petit côté comique à la situation. Même Legalle s’en amuse, et pourtant c’est loin d’être une rigolote.
C’est alors qu’Audrey relève ses cheveux blonds avec une pince en écaille, dégageant ainsi son cou qu’elle a fin et droit comme celui d’une danseuse.
J’observe à la base de sa nuque, un grain de beauté, délicat, discret, de la taille d’un M&M’s.
On peut dire qu’à partir de ce geste inattendu, de ce grain de beauté-là, je suis devenu comme hypnotisé par cette fille. Avec une envie irrépressible de caresser cette peau si pâle.
Voilà comment Audrey Lescault est entrée dans ma vie.
Je dois reconnaître qu’elle est juste un
