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Jésus de Nazareth: La Coupe de la Colère de Dieu
Jésus de Nazareth: La Coupe de la Colère de Dieu
Jésus de Nazareth: La Coupe de la Colère de Dieu
Livre électronique539 pages7 heures

Jésus de Nazareth: La Coupe de la Colère de Dieu

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À propos de ce livre électronique

Vous connaissez Jésus de Nazareth ? Alors vous aimerez lire sa vie romancée, dans le respect du cadre évangélique.

Vous suivrez Jésus de Galilée à Jérusalem, lieu de tous les débats et toutes les polémiques.

Les foulent immenses qui le suivent, effraient les prêtres, les anciens et les pharisiens qui voient le Temple investit et leur suprêmatie mise en cause.

Entre les émeutes des sicaires, les manipulations des puissants, et l'obsession sécuritaire de Rome, la situation se dégrade à l'approche des fêtes.

Une multitude d'informations historiques, politiques et religieuses de l'époque sont insérées au fil des pages de cet ouvrage, aux personnages historiques ou fictifs attachants.
LangueFrançais
Date de sortie20 mars 2023
ISBN9782322526383
Jésus de Nazareth: La Coupe de la Colère de Dieu
Auteur

Nicole Thérèse Roland

Après une conversion aussi soudaine qu'imprévue en 1993, Nicole Thérèse ROLAND entreprend des recherches sur la vie de Jésus de Nazareth pour mieux le connaitre. Cela représente trente années de travail, accompagnées de recherches, facilitées par ses diplômes universitaires, deux années d'étude de l'hébreu et de nombreux déplacements en Israël. Ce labeur trouve son aboutissement dans une thèse. Ensuite dans l'écriture d'un roman sorti en trois tomes en 2022 et 2023 sous le titre Jésus de Nazareth. Nicole Thérèse Roland est titulaire d'une Maîtrise de Lettres Classiques, et d'un Doctorat canonique de Philosophie.

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    Aperçu du livre

    Jésus de Nazareth - Nicole Thérèse Roland

    Sommaire

    La Coupe de la Colère de Dieu

    Partie III - Et l’Ange versa la Coupe sur la Terre.

    Chapitres

    1 - Meurtres sur le mont des Oliviers et crise politique.

    2 - Dans le monde, séparé du monde.

    3 / 4 - Mort de Jean le Baptiste à Machéronte.

    5 - En Galilée, Jésus marche sur les eaux.

    6 - Election au sénat de Tibériade.

    7 - Guérison chez Matthieu – virulence des pharisiens.

    8 - La nouvelle stratégie de Pilate.

    9 - Séjour à Rome.

    10 - Jésus séjourne dans la région haute-Antipas à Tyr.

    11 - Vade retro ! Transfiguration.

    12 – Jérusalem. Traitrise et manipulation.

    13 - Polémiques sur les parvis du Temple.

    14 - Vision eschatologique et recherche de compromis.

    15 - Jamais un homme n’a parlé de la sorte.

    16 - Filature à Jérusalem - La mort comme tourment.

    17 - Que celui qui n’a pas péché

    18 - Parvis des femmes - fête des lumières.

    19 - Barrabas attaque le temple.

    Partie IV : Maintenant, Dieu abandonne votre Temple entre vos mains.

    Chapitres

    1 - Jésus à Magdala - Des foules et des anges.

    2 - Jérusalem : Meurtre d’un romain - Emeute à Siloé.

    2 -Séance sécrète du sanhédrin - Témoignage d’un aveugle.

    4 - Poursuite dans Jérusalem - L’amour, soudain.

    5 -Disputes entre disciples - La montagne des lépreux.

    6 – Prison de l’Antonia - Dieu dit, l’homme décide.

    7 - Jésus à Jéricho - Les dons de Dieu.

    8 - Séjour en Pérée.

    9 -Relèvement de Lazare.

    10 - Crucifixion au Golgotha.

    11 - Commission au Temple - Cet homme fait des signes.

    12 - Départ pour les montagnes d’Ephraïm.

    13 - Jésus à Béthanie - l’Heure est venue.

    14 - Du parfum pour mon ensevelissement.

    15 - Attaque de l’Ossuaire, colline de l’Ophel.

    16 - Trahison de Judas - Panique chez les Barhannas.

    17 - Méditations de Jésus devant Jérusalem.

    18 - L’entrée de Jésus à Jérusalem.

    19 - Tempête sur les remparts de Jérusalem

    20 - Poursuite sur les parvis du temple - Attaque surprise.

    21- Pilate dépassé.

    22 - L’Impuissance des pharisiens libéraux.

    23 - Si David appelle le Christ, Seigneur…

    24 - Folie, Barbarie et innocence.

    25 - Une maladie mystérieuse m’emporte.

    Partie III

    Et l’Ange versa la Coupe sur la Terre¹.


    ¹Apocalypse, 16,2.

    Chapitre 1

    1

    Quartier de Bethso Jérusalem.

    Le Zélé sortit, l’angoisse au cœur, du palais de Jacob Benjudas. Il avait rendez-vous avec Barrabas au tombeau du prophète, à l'heure du coq. Pourquoi, il ne savait pas ; il s’en doutait cependant. La nuit était sombre, et lorsqu’il entrevit la torche vacillante d'un groupe d'hommes, il s'élança derrière eux en longeant le mur du rempart de David. La pluie étant toujours forte, il se réfugia sur le seuil d’une porte, car l'eau coulait en cascade dans la rue. Puis, il descendit vers la vallée Tyrophéon, jusqu’aux vieilles piscines, traversant la ville comme un fantôme. L'aube pointait à peine : les bâtiments semblaient perdus dans un brouillard mouillé. Il se réchauffa en montant la rue à degrés menant à la porte de la Fontaine ; arrivé sur la place qui y donnait accès, il resta silencieux sous le grand arbre. Il vérifia que la garde était assoupie dans son poste au-dessus de la porte. Rassuré, il s'engagea dans les escaliers et, à vive allure, il descendit les marches de pierres apercevant les tombes du cimetière de Josaphat, pâles et mornes sous l'aube anthracite. Au-dessus, un brouillard épais flottait, cachant les pentes du mont des Oliviers. Il entendit le Cédron, gonflé par les pluies, qui roulait ses eaux sombres et bruyantes vers la Géhenne.

    Après un chemin escarpé entre les tombes qui blanchissaient en même temps que l'aube, il vit de loin le dôme du tombeau du prophète. Il n'eut pas à aller jusque-là, un sifflement le mit sur la défensive ; il sursauta en voyant apparaître deux, trois, puis quatre hommes ; il reconnut enfin la tignasse noire de Barabbas. -Zélé, dit ce dernier en parlant bas, je savais que tu viendrais.

    -Où allons-nous ? Il n’y eut pas de réponse. Après avoir traversé la vallée, le groupe s'engagea sur les pentes du mont des oliviers. Simon chercha des yeux Demis sans le trouver…Il fut pris de panique. Lorsque qu’ils furent à couvert, à mi-pente du mont voilé de brume, il fit ce qu’il n’aurait jamais imaginé : il se cacha derrière un arbre et resta terrifié dans l’obscurité. Barrabas et ses hommes ne s’en aperçurent pas : ils disparurent comme des ombres dans le brouillard.

    2

    Meurtre sur le mont des Oliviers.

    Abram Ben Onias prit un air gaillard en remontant sa besace à l’épaule, avant de dire : - Jérémie, un lévite ne doit jamais être en retard. Le vieillard et le jeune homme pressèrent donc le pas. Ils avaient quitté Béthanie à l’aube et cheminaient sur le chemin lévitique², pour se rendre au Temple. Ils arrivaient au sommet du mont des Oliviers. Abram s’arrêta pour admirer la ville. Elle n’était qu’une masse noire sur un fond bleu-nuit ; le sommet de la tour du pinacle semblait avoir été englouti par les cieux. Il leva haut sa torche, mais n’éclaira que quelques arbres aux branches tourmentées. La vallée du Cédron, recouverte d'un voile blanchâtre, semblait avoir sombré dans les limbes de la nuit qui s’achevait. Ce jeu d’ombres avait quelque chose d’inquiétant ; Abram soupira. Avoir quitté Béthanie avec son neveu, qui allait servir le Temple pour la 1ère fois, l’avait rendu nostalgique : cela faisait presque 60 ans qu'il était lévite : -Tu vois, petit, les lueurs, là-bas ? Sa voix douce rendit plus humain ce paysage fantomatique : - Ce sont les commerçants de Bezetha qui installent le marché. Il y a 50 ans, ce quartier n'existait pas.

    Bezetha n'existait pas ! Et la piscine aux cinq portiques non plus ?

    - Ah, la piscine, oui ! Il n'y avait pas les colonnades ; c'était une simple piscine déjà réputée. Toutes les habitations étaient à l'intérieur des remparts. Il était périlleux d’en sortir.

    - Mon oncle, c'est mieux maintenant, alors ?

    Le vieil Abram éclaira le visage rond de son petit neveu. Ce dernier, lavé et coiffé de frais, la tunique neuve, le couffin sur l'épaule était prêt pour le grand jour. Il passa sa main dans sa barbe blanche :

    A l'époque, moi, j'avais une vraie barbe à ton âge.

    Le jeune garçon devint cramoisi. A vingt-cinq ans, malgré tous ses efforts, il n'avait qu'une barbe clairsemée.

    Le vieillard se mit à rire : - Nous perdons du temps et ce bougon de Daniel Barosian va nous rattraper.

    Jérémie reprit son couffin en jetant un œil sur le toit d’or du temple qui, malgré tous ses efforts, avait du mal à émerger de l’aube. En le suivant sur le chemin de terre, il eut soudain conscience de l’âge de son oncle : -Alors, le vieil Hérode, tu l'as connu ?

    -Comment le vieil Hérode ? Quand je l'ai connu, il n'était pas vieux. Il avait fière allure, toujours vêtu de cuir, de cuivre, les plus beaux tissus ! Toujours à cheval ! Il était…Abram avançait d'un bon pas en évitant les trous d'eaux que le déluge de la nuit avait multipliés. Il reprit : - Il était sec, mais le muscle très marqué. La peau très brune. C’était un guerrier, et il avait bien l'air d'un guerrier.

    -C'est drôle ! J'ai vu son fils, le roi Antipas, lors de la fête des Tabernacles, il est petit et...

    -Oh, cher neveu, le roi Antipas est le portrait de sa mère, la reine Mathalcée ; une petite femme, jolie, fine, le teint pâle, les yeux noirs. Ah non, il ne tient rien de son père.

    - Alors, être lévite permet de rencontrer tous ces gens ! C'est ....

    - Jeune présomptueux ! dit le vieillard en tentant de prendre un air sévère : - Sache que les plus jeunes sont affectés aux corvées ! Les deux premières : aidez chaque matin le responsable à ouvrir la porte Nicanor ...

    - Mon oncle, ce sera un grand honneur !

    - Oui, tu verras au bout de quelques mois, le poids de la porte dans les bras ! Et le soir, il faut laver le sang des bêtes. Le jeune homme fronça le nez, et Abram poursuivit : -Ah, ce n'est plus ce que c'était… Mon père me racontait des choses ! …Le vieil homme s’interrompit : - Un arbre tombé sur la route ? Ils s'approchèrent du grand arbre : - Un olivier ! Quelle tristesse !

    - Il est énorme. Comment a-t-il pu tomber ?

    -L'orage, certainement. Ne traînons pas, petit.

    Ils contournèrent l'olivier, et Abram leva sa torche vers l’arbre en rajoutant : - Pressons, pressons ! Il venait de s’apercevoir que le tronc de l'olivier avait été taillé à la hache. Cela l’inquiéta tant que ses mains se mirent à trembler, et il poussa son neveu, avec une certaine brusquerie.

    -Tu disais quoi, oncle, tout à l'heure !

    - Avance, petit ! Je voulais te raconter l’anecdote de l'aigle d'or qu'Hérode avait fait accrocher au-dessus de la porte du Temple…

    -Sur la porte Nicanor ?

    - Pense-tu, sur la porte même du sanctuaire ! Un scandale ! Des étudiants sont venus de nuit le décrocher ! Une histoire ...Tout en discutant, ils s'engagèrent dans un renforcement qui passait sous le jardin de Gethsémani.

    - N'as-tu rien entendu ? Le jeune homme regarda les sentiers qui coupaient à travers le mont des oliviers. Les sous-bois déserts, les rochers détrempés, les chemins boueux, plus bas les tombes taciturnes, semblaient figés dans le silence menaçant de certaines nuits qui s’étirent. L’œil aux aguets, Abram poussa à nouveau Jérémie qui avait tendance à rester derrière lui : - Cela doit être un lapin. Il fait bien sombre dans la vallée…

    Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une ombre, sortie de nulle part, se planta devant lui. Il entrevit la lame d'un couteau argent, à la lueur de sa propre torche, arriver vers lui dans une fulgurance : hébété, il la suivit des yeux en murmurant : - Seigneur garde Jérémie... et s'écroula, frappé au cœur.

    Jérémie terrifié se mit à hurler en s'agrippant désespérément aux cheveux de l'homme qui s’était matérialisé. Soudain, il sentit une douleur vive dans le dos, tomba à genoux, et resta un moment paralysé par la peur et la douleur, fixant une poignée de cheveux noirs dans sa main crispée. Ensuite, il n’y eut autour de lui plus aucun bruit ; la torche de son oncle n’éclairait plus que la boue du chemin. Les tueurs, eux, semblaient s’être dilués dans cet ailleurs sombre dont ils avaient émergé. Le jeune homme rampa jusqu’à son oncle, qui ne bougeait plus. Il le secoua, tenta de le soulever pour lui porter secours, mais la douleur et la peur le tétanisèrent ; il s’écroula.

    Ensuite, comme dans un cauchemar, presque au sommet du mont, il aperçut un feu follet qui courait en hurlant sur le chemin. Il eut l’impression que les arbres de la forêt obscure se penchaient vers lui en ricanant, que les buissons hurlaient en même temps que cette lumière folle courant sur le chemin sombre : -On venait l'exécuter ! Une ombre du shéol venait l’assassiner …Cependant, le feu follet passa son chemin sans s’arrêter. Il crut même reconnaître quelqu’un.… Oui, c’était un homme torche en main qui criait les bras levés vers le ciel comme les branches des arbres, des mots incohérents : - Tué le vieux Barosian… Baruch ! à la garde !

    Jérémie releva la tête pour chercher de l’aide…. L’homme déjà loin était redevenu un feu follet qui donnait vie aux buissons, aux rochers, aux tombes devant lesquelles il passait comme un fantôme. Il disparut au détour du chemin. Lui cligna des yeux en voyant, dans la vallée maintenant blanchâtre, la porte de l’Orient disparaître et les remparts du Temple se fondre dans une couleur indéterminée ; en s'évanouissant, il sentit l'odeur forte de la terre mouillée.

    3

    Parvis des étrangers

    Adame courait à en perdre haleine. Ses pieds nus sur les parvis détrempés étaient glacés. Devant la porte du Sanhédrin, il aborda la garde en faction : - La commission est-elle finie ?

    - Les membres discutent dans le vestibule. Adame allait pénétrer dans le bâtiment, quand un garde lui demanda le mot de passe des lévites…Il se pencha à l'oreille de l'homme en murmurant : - Boaz… et entra.

    Il aperçut Elzar discutant dans le vestibule aux mosaïques géométriques ; et l’angoisse au ventre, il passa derrière les colonnes pour ne pas se faire remarquer. Finalement, il se retrouva derrière son ami qui, parchemins à la main, écoutait le vieil Adas : - C’est bien une année embolismique ! Les agneaux seront juste prêts pour la Pâque, ils sont trop jeunes actuellement, n'est-ce pas ?

    Elzar l’ayant aperçu quitta subrepticement le petit groupe et l'interrogea du regard. Appuyé contre une colonne, le jeune homme n’arriva pas à sortir un mot, tant il était atterré.

    - Qu'y-a-t-il ? S’écria Elzar, une angoisse sourde au cœur. Il prit son compagnon par les épaules et le secoua.

    Des lévites…Adame était tremblant.

    Les docteurs de la loi se retournèrent : - Qu'y-a-t-il ? Nicodème s'approcha d’eux ; Adame dit précipitamment : - Rabbi, quatre lévites ont été assassinés ! Et, se tournant vers son ami : -Sur la route de Béthanie par des émeutiers !

    Elzar devint blanc : -Qui a été assassiné ? Sa voix se cassa.

    - Daniel Barosian, Baruch, ton oncle Abram et … Jérémie !

    A ces mots, Elzar vit les colonnes autour de lui chavirer et le marbre du sol se soulever.

    - Il s’évanouit ! Cria un quidam et Adame rattrapa son ami de justesse.

    - Des meurtres ! s’écria Nicodème.

    -Oui, sur le mont des Oliviers, je ne sais rien d'autre. Les corps ont été transportés au pinacle.

    Elzar revenant à lui regarda Adame et Nicomède sans comprendre, et se souvint : - Où est-il ? Je veux le voir.

    Nicodème, bouleversé par la nouvelle, prit les choses en main :

    - Allons-y !

    Accompagnés par les membres de la commission des calendriers, ils traversèrent d'un pas pressé le parvis sous une pluie fine qui se remettait à tomber. La tour du Pinacle se trouvait à l’extrême Sud-Est du parvis ; des gardes étaient déjà attroupés devant l'entrée : Nicomède monta prestement sur le perron, mais il fut arrêté dans son élan : - Personne ne peut pénétrer. dit un garde, bardé dans son uniforme bleu-noir.

    -Je suis Maître Nicodème, membre du grand Sanhédrin, et voici deux lévites en fonction...

    - Ordre du commandant, personne ne peut entrer. Répéta le garde dont le regard devint plus fixe.

    - Enfin, nous sommes les officiants du calendrier, membres du sanhédrin. Rabbi Ezéchiel s’étrangla de colère.

    -Qu'y-a-t-il ? Saddoc venait d’apparaître sous la porte voûtée de la tour. Sa présence calma tout le monde ; il avait une puissance physique que ses tenues plus militaires que sacerdotales accentuaient. Voyant Nicodème, il prit un air plus amène : - Maître Nicodème, je m'étonne de ta présence.

    Ezéchiel, qui ne voulait pas être de reste, l'interrompit : - Je préside la commission des calendriers...

    - Grand service rendu à Israël. Répondit le commandant, sur un ton si sérieux que Nicodème se demanda s'il n’ironisait pas.

    … nous venons d'apprendre que des meurtres ont eu lieu... continua Ezéchiel qui fut interrompu.

    Une bien malheureuse affaire, en effet. Saddoc, tout en répondant posément, n'en jeta pas moins un regard noir à Adame, qui avait dévoilé l’affaire. Il fut surpris, cependant, de voir le visage hagard d'Elzar. Il expliqua la situation : -Une bande de malfaiteurs a, en effet, dépouillé quatre de nos lévites. Venez voir, je vous en prie.

    Après une brève hésitation – Nicodème pensa que tant de politesse de la part du commandant était surprenant - le petit groupe pénétra dans la tour.

    - Par-là. Indiqua-t-il, sur un ton soudain plus péremptoire, à Nephtali qui se trompait de côté. Adame se dit que le vieux notable avait bien fait d'obtempérer, car la tour du Pinacle était un entrepôt d'armes. Seul, l'entourage direct d'Hanne était au courant.

    -Voici, nos méritants serviteurs du Temple. Saddoc, avec un air de pitié qui lui seyait mal, montra trois cadavres recouverts d'un linceul.

    Ils ne sont que trois ! S’esclaffa Elzar.

    La réaction de Saddoc fut brutale : - Que t’arrive-t-il, lévite ? Il ne t'est pas permis de parler en ma présence ...

    - Commandant, Nicodème intervint, Elzar dont les qualités sont appréciées par toute la communauté, a appris que son frère est parmi les victimes.

    Après un autre coup d’œil à Adame, Saddoc hocha la tête.

    -Il est jeune... dit Elzar.

    Lentement le commandant souleva les linceuls.

    -Ah, Daniel Barosian ! Nicodème accusa le coup. Il connaissait le vieux lévite depuis 40 ans.

    - Oncle Abram ! Elzar avait tout juste murmuré, puis il rajouta : - le vieux Baruch. Il se mit à pleurer.

    Nicodème, s'énervant, demanda : - Où est donc le jeune lévite ? -Chez le médecin du Temple. Dans quel état, je ne sais pas.

    -J'y vais. Elzar se précipita hors du Pinacle, suivi d'Adame.

    -Lévite Adame ! Adame s'arrêta net en entendant l'ordre de Saddoc. Nicodème s’interposa : - Un peu de charité, l'inquiétude ronge ces jeunes gens. D'un regard, Saddoc laissa partir Adame.

    -Commandant, rajouta le sanhédrite, nos lévites sont respectés, il est étonnant qu'ils soient dépouillés au pied des remparts. En plein désert sur la route de Jéricho, je comprendrais, mais …

    - Que puis-je te dire, Nicodème. Vous m'excuserez, je dois prendre les mesures qui s'imposent. Saddoc tourna les talons, demanda à ses gardes de raccompagner les notables qu'il salua d'un geste du menton, en se dirigeant vers le portique royal.

    Les salutations faites, Nicodème quitta les notables et pressa le pas. Il venait de se souvenir que Simon Ophel l'attendait. Il traversa en sens inverse le parvis où les pèlerins commençaient à affluer, longea le mur sud du sanctuaire, et en tournant le coin, l’aperçut : -Cher Ophel, je t'ai fait attendre.

    -Ah, Nicodème, je m'inquiétais. Personne n'a pu me dire ce qui se passe…

    - Je sais, ami. Nous avons à parler. Descendons en ville.

    - Passons par la place de la haute assemblée. Ils se dirigèrent vers la forteresse Antonia ; la porte menant à la place de la haute assemblée se trouvait à proximité. En pénétrant dans les escaliers souterrains, Nicodème expliqua : - Trois lévites ont été assassinés. Il est fondamental que l’affaire se sache.

    Ophel s’esclaffa -Des meurtres ?

    En longeant les énormes soubassements du temple, Nicodème eut un sanglot : - Oui, des meurtres. Saddoc raconte qu'ils ont été dépouillés par des brigands...Accélérant sa marche dans la ruelle en pente, qui donnait sur la place aux pierres grises, il haussa le ton :

    Le jeune Adame a lâché le mot. Ce sont les émeutiers !

    - Des émeutiers si près de la ville ! S’écria Ophel.

    - Et qui s’attaquent à des lévites à l’heure où ils rejoignent le Temple… Sur la place, Nicodème s’arrêta, remonta un peu le col de son manteau en rajoutant : -L’affaire est très grave. C’est un coup monté de toutes pièces !

    - Seigneur Dieu ! Les rumeurs que colporte Booz Bendite, seraient donc réelles !

    Nicodème fronça les sourcils ; le nom de Booz Bendite lui étant désagréable à l’oreille : - Que raconte-t-il ?

    Un prêtre aurait été jeté du pont Neuf, cette nuit. On l'a retrouvé sur le Xyste, la tête fracassée. La nouvelle est en train de se répandre !

    Nicodème était atterré : - Guerre fratricide, Ophel. Cela nous fait peur, n’est-ce pas ?

    - Ma famille a tellement souffert.

    - Viens, ami ! Nicodème passa sa main sous son bras : -Ce sont peut-être quelques sicaires. En tout cas, mieux vaut que la nouvelle se répande, car Saddoc va cacher l’affaire. Je l'évoquerai demain au Sanhédrin. Descendons informer rabbi Gamaliel.

    Se tenant par le bras, les deux hommes empruntèrent la rue aux larges degrés qui menait dans la basse ville : - Ophel, le cher Daniel Barosian fait partie des victimes.

    Les deux hommes eurent un sanglot et ne cachèrent pas leurs pleurs en pénétrant dans la vallée du Tyrophéon.

    3

    Séance du sanhédrin, le lendemain matin.

    Hanne et Saddoc se tenaient à l'écart des prêtres, qui attendaient devant la porte du Saint.

    -Jamais, je n'aurais imaginé une telle audace ! répétait Hanne adossé à un mur de céramique éclatante.

    Saddoc s'assied : - Qu'allons-nous faire ?

    -Radicalisons notre position. Hanne s'assied aussi, l’air pensif.

    Saddoc se pencha vers lui : - Le Sanhédrin va me demander un rapport d’enquête.

    -Tu impliques les sicaires et un certain nombre d'intégristes religieux. Cela nous permettra, à moyen terme, d'éliminer ceux qui nous gênent... Hanne eut ce mauvais sourire que ces proches connaissaient.

    -Quand tu dis sicaires et intégristes, je traduis par Barabbas et Jacob Benjudas...

    Hanne l'interrompit : - Fais ce que tu veux de ceux-là. Mais la position de Caïphe en faveur des libéraux nous affaiblit...

    - L’histoire de l’aqueduc, tu ne la digères pas… Saddoc lâcha un juron. L’arrivée du Séguan les fit sursauter. Ce dernier leva le menton bien haut, la main sur le pommeau de sa canne - mimant une cérémonie officielle – et dit : -Le grand Joseph Caïphe se fait annoncer. Voyant la mine sombre de ses cousins : - Tout le temple sait que nous sommes en froid avec lui. Eh bien, je vais vous expliquer pourquoi, il a fait cela …

    - Qohèleth, je n’ai pas envie de plaisanter.

    - Hanne, je ne plaisante pas. Caïphe fait cela parce que c’est bien ! Il récita lentement : - Il y avait un sentier, et ce sentier était une voie sacrée³ et là, était le Bien …

    Saddoc grogna : - Après Qohèleth, tu te lances dans Isaïe !

    - Quelle connaissance ! Je pensais que seule Sparte t’inspirait…

    - Arrêtez tous les deux !

    Les trois cousins se turent, mais leurs regards dans la demi-obscurité parlaient pour eux.

    Peu après, Caïphe arriva entouré de plusieurs grands sacrificateurs, plus luxueusement vêtus les uns que les autres.

    Hanne haussa les épaules en le voyant dans son manteau blanc aux parements argent ; il le portait systématiquement lors des séances du Sanhédrin ; c'était une manie parmi d'autres de son comportement paradoxal. Il lui dit, sans aucun salut : -Pouvons-nous commencer ? Il vit la lèvre supérieure de son beau-fils trembler ce qui lui procura une satisfaction.

    - Mon père, tous les membres du Sanhédrin sont présents.

    Dans un geste rapide, le Séguan se mit devant la porte : - Je vais annoncer la délégation.

    Caïphe bredouilla quelques mots qui ne voulurent point sortir, et, après une sorte de hoquet : - Seul un lévite peut annoncer …

    Caïphe, je veux t’annoncer avec élégance, le temple et son cérémonial me semblent manquer de faste. Lévite, ouvre la porte ! Le lévite ébahi par la gestuelle du Séguan, ouvrit les deux battants de la porte en cèdre qui donnait accès à la salle de pierres de taille, du sanhédrin. Un brouhaha confus se fit entendre, puis le silence, quand le Séguan s’avança, prit la pose, le bras tendu, la main posée sur le pommeau doré de sa canne. Puis, il clama avec cette voix parfaitement travaillée qu’on lui connaissait : -Le très noble grand sacrificateur Joseph Caïphe suivi des saints prêtres. Puis, avec un éclat ironique dans le regard, il rajouta : -Ma famille !

    Saddoc grommela quelque chose en passant. Hanne, lui, pénétra dans la salle le regard rivé sur le pavé mosaïque, tout en jetant un coup d’œil circulaire : il ne manquait personne, les libéraux étaient regroupés autour de Nicodème ; Zacharie et plusieurs représentants d'Antipas murmuraient déjà à mots couverts ; Levi Benmothi qui avait remplacé un sanhédrite décédé récemment, et ce Joseph d'Arimathie qui, paraît-il, fréquentait Pilate alors que lui-même n'avait jamais réussi à avoir un entretien ! La présence d’Alexandre Benlod, dans le public, ne lui échappa pas non plus. L’homme était puissant, il fallait s’en préoccuper sérieusement.

    Hanne fut sorti de son tour d'horizon par la voix de son beau-fils qui fit un geste au lévite faisant office de greffier.

    Aggée, la main tremblante, lut l'ordre du jour. Il se rassit, soulagé d'avoir rempli sa mission, craignant de commettre une erreur en présence de Levi Benmothi.

    -Bien. Dit Caïphe en se levant à nouveau. Hanne croisa le regard ironique du Séguan et ne put s’empêcher de sourire. - Bien… répéta Caïphe pour lancer enfin son discours d’ouverture : - Nobles sanhédrites, nous devons traiter deux problèmes particulièrement délicats. Cette Terre nous a été longtemps promise, elle nous est aujourd’hui confiée, il est de notre devoir de la faire fructifier.

    Hanne tiqua. Ces quelques mots ne sortaient pas de l’esprit de Caïphe, mais de celui de son fils Jonathas

    -Je mets en discussion un premier point, continuait Caïphe, l'aide que le Temple apportera à la construction de l’aqueduc. Je ne rappellerai pas les faits, puisque nous avons déjà travaillé le problème en commission. Que les présidents s'expriment...

    - Caïphe ! s’écria Nathan d'Hébron : - Trois lévites ont été assassinés, deux prêtres également, les bruits les plus fous courent dans la ville…Il faut qu’on nous informe !

    - J'approuve ! renchérit Nicodème qui était cramoisi tant cette affaire le bouleversait. Il se leva : -Je demande un instant de prière pour notre cher Daniel Barosian et les autres malheureuses victimes !

    La foule compacte qui faisait face aux sanhédrites applaudit à tout rompre : -Toutes les familles de Béthanie sont en deuil ! Cria un quidam. Le balcon du premier étage, bondé, se mit à trembler sous l'effet des pieds qui battaient le plancher.

    Saddoc se pencha vers Aggée : ce dernier fit résonner plusieurs fois le gong et déclara sur le ton le plus officiel : - La séance sera levée si le calme n’est pas rétabli.

    La salle retrouva le silence. Gamaliel, en retard, s’installait, le vieil homme semblait accablé.

    Hanne lui fixait la main de son beau-fils, crispée sur l'accoudoir de son fauteuil ; il passa derrière lui et murmura à son oreille. Caïphe hocha la tête, et s’adressant à Gamaliel : - Nous comprenons l’indignation de cette assemblée ! Nous sommes nous-mêmes horrifiés. Cependant, cher Gamaliel, en tant que Président d'honneur du Sanhédrin, tu sais que l'ordre du jour est voté. Si nous le changeons, nous devons lever cette assemblée et voter de nouveau, ce qui reculera d'autant nos décisions.

    Rabbi Gamaliel se leva avec difficulté, son dos le faisait souffrir :

    - Notre grand prêtre a raison. Le règlement le veut ainsi, et notre position au sommet des responsabilités nous ordonne de respecter les us. Si nous ne sommes pas capables de respecter l'ordre établi, qui le sera ? Nous prierons ensemble pour nos chers disparus, en fin de séance.

    En se rasseyant Gamaliel jeta un coup d’œil à Nicodème, et vit avec soulagement que son ami comprenait sa position.

    -Bien …osa dire encore Caïphe, après un soupir : - Le premier président de commission peut s'exprimer.

    Joseph d'Arimathie se leva et le silence se fit plus attentif : - Chers collègues, Israël est le peuple élu, le peuple des villes, des campagnes, des prêtres, des lévites ; et ce peuple est animé d’une foi joyeuse et active pour les œuvres du Seigneur ! Maître Gamaliel vient de le rappeler, nous sommes les représentants de ce peuple ! Quelle responsabilité devant le Très Haut.

    Hanne regardait le sanhédrite fixement ; l’homme le contrariait fortement sans qu'il sût réellement pourquoi.

    - Déjà, continuait Joseph, nous avons rappelé au Temple qu'une part de la dîme prélevée devait revenir aux plus pauvres d’Israël.

    Une rumeur se fit entendre dans les rangs des prêtres ; une invective fusa : - Profiteurs !

    Leviah, le vieux commerçant bien connu à Bezetha, pointa sa canne vers les prêtres, du haut du balcon.

    - Silence ! lança le greffier.

    Assieds-toi ! Simon Ophel avait rassis de force Leviah sur son siège ; le vieillard tremblait.

    Joseph d'Arimathie poursuivit : - L'eau est un problème important, et il faut qu'elle soit équitablement répartie toutes les périodes de l'année. C'est pourquoi notre groupe qui se compose des maîtres suivants ... Joseph déroula un parchemin, il ne voulait oublier personne : -Gamaliel, Nicodème, Nathan, Phénées, Adas, Eléazar, Lazare, Matthias et 29 autres maîtres, scribes ou anciens membres de notre assemblée soutiennent la position du Grand Prêtre Caïphe : le temple doit financer cet équipement !

    - Scandale ! Booz et un groupe de pharisiens traditionalistes s'étaient levés. Simon Ophel voyant cela, se mit à crier à son tour : - Assez de privilèges, assez d'or enterré on ne sait où !

    -Je suis d'accord ... hurla Leviah en faisant tourbillonner sa canne.

    La confusion la plus totale s'en suivit : dans l’assemblée, Adas et Nephtali, qui étaient les plus grands amis du monde, s'invectivèrent ; Ezéchiel criait pour se faire entendre de Gamaliel et de Nicodème sans y parvenir ; Nathan lui-même perdit son sang-froid face à l'agressivité d'un jeune scribe. Quant à Joseph, il était désolé.

    4

    Caïphe, déstabilisé par ce brouhaha, croisa le regard de son beau-père et un tremblement intérieur le secoua. Pourtant, l’idée d’avoir le soutien de rabbi Gamaliel et du Préfet Pilate lui donnait l’impression enfin d’exister ; c'était la première fois de sa vie. Un coup de gond retentit et les gardes bleu-nuit du temple prirent position derrière le public et sur les côtés de la salle : cette vision martiale jeta un froid et le silence revint instantanément.

    Hanne se leva : - D'aucuns oublient que nous sommes dans l'enceinte sacrée du temple. Ils oublient que nul ne peut présumer de la position du grand prêtre qui doit avoir entendu toutes les parties avant de prendre sa décision.

    Caïphe approuva de la tête, c'était la tradition. Il arrangea les plis de son manteau, comme soulagé de donner la parole à quelqu’un d’autre : - Que le second président de la commission s'exprime.

    Le scribe Levi se leva, sa première intervention, en tant que sanhédrite, était attendue : - Cinq morts parmi ceux qui ont voué leur vie au sacerdoce, comme les prêtres ici présents, qui ne vivent que pour le service du Très Haut. Rendons hommage ce jour à Daniel Barosian, Abram Ben Onias, Baruch de Béthanie et aux prêtres Nathiel et Laüs tous deux morts dans les rues de notre ville. Levi se tut et Samuel Benbaruch grand sacrificateur en fonction descendit au centre de l’assemblée, où il psalmodia dans le silence le plus profond, un chant funèbre.

    Hanne, les yeux fixés sur le pavé mosaïque, espérait que Levi retourne la situation. Ce dernier reprit : - Nous nous trompons. Nous pensons délibérer sur un aqueduc, en fait nous délibérons sur des meurtres.

    Où veux-tu en venir Levi ! Sois clair ! Hurla Nathan furieux.

    -Nathan… Hanne interpella le pharisien avec une amabilité inhabituelle : - Nous n'avons pas interrompu le premier rapporteur. Gamaliel prit la main de Nathan et quand il se fut rassis, murmura : -N'employons pas les mêmes méthodes. Nicodème qui avait entendu acquiesça.

    Levi continua sa démonstration : - Pourquoi ces meurtres ? Parce que la mesure est dépassée. Notre grand sacrificateur Hanne a toujours eu la finesse et l'à propos de concilier notre collaboration avec Rome, et le goût, disons-le, parfois excessif de notre peuple pour la liberté, le respect des prescriptions et des traditions léguées par nos pères. Hanne Benseth l’a fait pour le Bien et la survie d’Israël. Tous nos efforts doivent tendre vers la glorification du Très Haut et le respect de sa sainte Demeure. Et que faisons-nous ! Nous galvaudons l'or dédié au temple dans des affaires humaines ! Une ovation suivit les paroles de Levi qui s'éteignit d'elle-même lorsqu’il fit un geste de la main : - Le peuple ne nous fait plus confiance ! Il pense qu'une partie du Sanhédrin trafique pour que l'or du Temple soit partagé avec Rome.

    Levi, tes propos sont une insulte ! Comment oses-tu dire que nous trafiquons ? Nicodème était écarlate : - tu nous accuses de forfaitures...

    - Je souhaite m'exprimer en tant que président honoraire du sanhédrin, et dans le calme ! Lança Gamaliel sans se faire entendre. Nathan hurla, alors : - Rabbi Gamaliel veut parler !

    Les invectives et les discussions qui allaient bon train cessèrent. Gamaliel se leva : - Caïphe, Hanne, nobles membres, un argument doit démontrer le bien-fondé d’une position, il ne doit pas le voiler par des insultes. Je demande des excuses officielles. Le vieil homme se rassit.

    Levi acquiesça sur un signe de tête : - L'émotion m'a égaré. Mais ses meurtres ont eu lieu ce matin, alors que toute la ville sait que la décision concernant le corban est prise aujourd'hui. Comment ne pas faire le rapprochement ? Notre assemblée se trouve dans l'obligation de rassurer le peuple. Après un grand geste de manche dirigé vers Hanne, qui souriait des larmes oratoires de Levi : - Rome est trop attaché à la sécurité pour ne pas se rapprocher de nos vues. D'autant que le prétoire romain a été assailli trois jours durant par des manifestants. Voilà la raison de mon emportement ! Pensez-vous que les princes des prêtres et les scribes soient les seuls à avoir cette position ? Non. Le sanhédrite Zacharie dont vous connaissez les positions parfois dures envers le Temple ...Zacharie salua d'un geste l'orateur.

    Nicodème se pencha vers Nathan en murmurant : - Voilà le pauvre Antipas trahi …

    -Entre Zacharie et les manigances d'Agrippa, son retour de Babylonie va se faire sous de mauvais auspices. Rajouta Nathan.

    Levi s’était assis et un silence gêné régna dans l'assemblée. Nicodème se leva à regret ; sa colère contenue l'oppressait à tel point qu’il avait du mal à respirer. Il parla lentement pour ne pas exploser. - Le jeune lévite, qui a été blessé, a donné une description exacte de son agresseur, le meurtrier de son oncle Abram Ben Onias ! Il monta d'un ton. - Notre droit donne une place privilégiée au témoignage visuel. Ce jeune lévite témoignera et reconnaîtra son agresseur ! Je puis déjà vous dire son nom : Barabbas !

    Un brouhaha mêlé d'interjections emplit la salle. Nicodème leva la main pour calmer les esprits, ; Nathan, que la colère égarait, hurla :

    - Qui peut confondre Barabbas avec un aqueduc !

    Booz postillonnait des insultes que le bruit noyait. Nicodème regarda d'un air désabusé son ami Joseph, qui avait triste mine. Puis, le gond retentit et Aggée lança un nouvel avertissement. Nicodème en profita pour reprendre : - Qu'importe à ce sicaire, l’or du corban ! Il ne travaille que pour ses intérêts propres. D’après certains témoignages officieux, Barabbas serait payé pour semer la terreur… Il faudra bien en informer un jour le préfet Pilate, s'il ne le sait déjà ! Sur ce, il se rassit, épuisé.

    Murmures et rumeurs emplirent le grand dôme d’une sorte de fulmination, qui cessa dès qu'Hanne se leva pour intervenir :

    Saddoc, le commandant du Temple, tiendra compte de tes arguments, maître Nicodème. Mais ne nous lançons pas dans la chasse au complot. Arrêtons Barabbas soit, en gardant à l’esprit qu’il n'est qu'un malfaiteur. Le peuple nous considère comme les gardiens du Temple. Gardons cette place fermement, autrement il se retournera vers des hommes de la trempe de ce sicaire. Hanne s'assied, persuadé au fond de lui-même, que Caïphe allait prendre position en faveur de ses arguments, étant donné qu’aucune majorité ne se dégageait.

    Caïphe rajusta son châle, et dit de la voix la plus ferme possible, comme si les controverses n’avaient pas eu lieu : -Je soutiens la position de rabbi Gamaliel. Il est de notre devoir de doter Jérusalem d'une nouvelle adduction d'eau. Nous allons voter au secret par boules. Ce fut bref et laconique.

    Hanne n'eut aucune réaction apparente. Pendant que le greffier rappelait les modalités du vote à boule, Saddoc se pencha vers lui :

    Les indécis vont suivre Caïphe.

    Je sais, répondit-il, sachant qu’il venait de perdre une partie. A la lecture des résultats, Gamaliel ayant réuni sur son nom plus de la moitié des suffrages, il quitta la salle, suivi de Saddoc.

    Caïphe ! le vieux Nephtali s’était levé : - Ne devions pas écouter le rapport du commandant Saddoc sur ces meurtres infâmes.

    Caïphe qui n'avait rien prévu resta sans voix ; ce fut Gamaliel qui vint à son secours : - Nous allons nous informer sur ce drame épouvantable. Je vous en rendrai compte.

    5

    - Et la commission sur les sectes ? s’esclaffa Zacharie qui piaffait dans son coin. Levi ravi de l'occasion se leva : - Je vous propose le rapport de rabbi Joël Benachaze qui a enquêté sur le nazaréen.

    - Que vient faire Jésus de Nazareth, ici ! Lança Nicodème, hors de lui.

    - Notre enquête prouve que c'est un séditieux. Joël va vous rapporter les propos ...

    - C'est un saint homme qui soigne les pauvres, dont vous parlez tant. Je l'ai vu ! S’esclaffa Nathan : - Phénées et Adas étaient, là !

    Zacharie se leva dans un mouvement de manteau : - Caïphe, il faut laisser parler le rapporteur de la commission !

    -Tu as la parole rabbi Joël. Dit Caïphe.

    Le pharisien à la voix molle se leva : - Voici une liste des paroles de Jésus le nazôréen recueillies avec témoins : - Je suis la lumière du monde… Qui n'est pas pour moi est contre moi …

    -Plus fort, on n'entend rien ! cria quelqu'un au balcon.

    Rabbi Ezéchiel se pencha vers Gamaliel : -Je dois aller recevoir notre invité, Philon. La conférence commence d'ici une heure.

    Gamaliel hocha la tête, puis tendit l’oreille vers ce Joël dont la voix s’entendait à peine : - Le nazaréen a dit aussi : - Il y avait beaucoup de veuves au pays d’Israël, et pourtant ce ne fut à aucune d'entre elles qu'Elie fut envoyé, mais à Sidon ….

    Le regard gris de Gamaliel se perdit sous le dôme comme pour mieux saisir l’inspiration : - C'est bien vrai ! Elie, le prophète Elie …Il perdit le fil du discours de Joël : - Il fomenta une émeute au sein même de la synagogue de sa ville natale comme il l'a fait sur les parvis du temple. Il pardonne les péchés en son propre nom et se nomme fils de l’homme !

    Des - oh ! ponctuèrent le monologue à peine audible : -Les démons le connaissent, ils l'appellent par son nom. Il ne le nie pas, d’ailleurs !


    ²Deux mille coudées = Mille mètres : Distance pouvant être parcourue lors de sabbat. Josué 3, 4. Nombres 35,5. Actes 1,12.

    ³ D’après Isaïe 35,8.

    Chapitre 2

    1

    Palais asmonéen

    Avant de pénétrer dans la grande bâtisse asmonéenne, Simon Ophel s'assied un peu essoufflé sur les bornes qui en délimitaient l’accès sud ; il marmonna : -Quatre heures de séance au Sanhédrin ! C’est trop ! Puis, il sursauta : - Mon ami Simon de Cyrène ! Que fais-tu à Jérusalem ?

    Du commerce ! Cyré, comme l’appelait Ophel, faisait commerce d'huile et de laine de la - Colchide jusqu’aux colonnes d’Hercule ! C’était un grand homme fin, au visage hâlé, et portant un turban. Après s’être embrassés, ils pénétrèrent sous les voûtes en pierres massives du bâtiment. En suivant la foule sous les arcades, Cyré dodelina de la tête en expliquant : - Je viens d’acheter une terre, et je m’installe avec mes fils.

    Ophel s’esclaffa : -Toi qui cours le monde, propriétaire terrien ! Puis surpris : -Que de monde ! Philon est connu dans la diaspora, c'est l’un de nos grands.

    - Il y a beaucoup de jeunes. Ajouta Cyré.

    Ophel émit un grognement en suivant du regard un beau jeune homme aux cheveux clairs, qui portait un ample manteau beige ; à ses côtés un garçon aux cheveux presque blancs, et un second plus âgé d'une élégance outrancière. Il se dit que Jérusalem avait bien changé en 40 ans.

    - Oh cette salle est immense ! Les deux hommes venaient de pénétrer dans une vaste salle où les auditeurs étaient nombreux. Au fond sur une estrade assez haute, une desserte avec divers objets autour de laquelle quatre hommes se démenaient pour déposer une construction de bois.

    2

    Térence, émerveillé, murmura : - Que construisent-ils ?

    Une maquette. Répondit Etienne.

    Timon s’interposa, pour leur présenter un jeune homme : - Daniel Bendosa.

    Dan, avec un grand sourire, serra la main de Térence et prit celle d’Étienne avec déférence, il vouait une grande admiration au jeune helléniste qu’il connaissait de réputation.

    Il dit, intimidé : - Je suis élève de maître Gamaliel.

    -Ah, oui…s’exclama Térence ...avec l'intégriste.

    Dan resta stupéfait. Jamais il n’aurait pensé que Saül pouvait être qualifié d’intégriste : - Oh, Saül n'est pas cela...

    Timon détendit l’atmosphère : - Ah, les amis de nos amis…Et haussant soudain le ton : - Regardez, c'est Philon !

    En effet, Philon quasi diaphane, dans sa tunique blanche, montait sur l'estrade, précédé par Ezéchiel Barzarone.

    Tibère Alexandre ! s’exclama Timon, montrant du doigt un jeune homme brun aux cheveux très courts, qui s'assied à la droite de l'estrade : - C’est le neveu de Philon ! Il ne salue personne.

    - Regardez ! S’esclaffa de nouveau Timon : - La vieille garde !

    Qui ? Demandèrent de concert Térence et Dan.

    Nicolas de Damas et le prince Aristobule ! Ça m’étonnait qu’il n’y ait pas un représentant d’Antipas.

    -Chers salamitains, notables, chers maîtres… rabbi Ezéchiel se lançait dans un de ses exercices préférés, le discours. Il étonna son monde, car pour une fois il fut court : -Nous avons invité Philon. Philon est venu, maître merci. Dans un geste emphatique Ezéchiel alla s'asseoir à côté de Tibère Alexandre, Nicolas de Damas et le prince Aristobule. Philon se leva, les mains jointes, parcourut la tribune d'un air pensif, puis s’esclaffa : - Eh bien non ! Le Temple de Jérusalem ne figure pas parmi les 7 merveilles du monde !

    Il y eut des - Oh ! d'étonnement parmi l'auditoire, et un sourire fatigué sur le visage de Tibère Alexandre qui connaissait trop les effets oratoires de son oncle.

    -Pourtant, il est beau ! Et c'est de la Beauté dont je veux vous parler. Le grand Platon disait qu’après l'étape de l'amour qui ouvre à la beauté sensible, après l'ambition bien comprise qui doit aboutir à la beauté morale, il reste à aborder les étapes de la réflexion où se découvre la beauté du Vrai, celle des valeurs idéales. Ah ! Auditeurs ! Philon les bras ouverts vers le public était sur l’extrême bord de l'estrade : -L'homme face aux valeurs idéales, n'est-ce pas l'homme face à Dieu ? Puis, reprenant son parcours sur l'estrade :

    -Alors, pourquoi parler aujourd’hui des merveilles du monde ? Après un court instant d’arrêt, et l’air dubitatif : - et bien parce qu'on me l’a demandé ! Le public se mit à rire, sachant que le sujet de la conférence avait fait l’objet d’une polémique acerbe : le sanhédrin n’ayant pas souhaité que certains sujets philosophiques

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