Romantic Christ: Premier né d'entre les morts
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À propos de ce livre électronique
Ce tome met en scène, puisque nous sommes dans un roman, les moments les plus violents de la vie de Jésus, notamment son arrestation et sa mort.
Il se clôture par son relèvement ou résurrection, que l'auteur présente accompagnée de textes de l'ancien et du nouveau testaments évoquant la résurrection des morts.
Nicole Thérèse Roland
Nicole Thérèse Roland est docteur en philosophie. Sa thèse a été éditée en 2016 par les éditions du Cerf : La Question Théologico-politique - La sanctification du monde profane. De 2022 à 2023 , elle sort chez Book on Demand la vie de Jésus de Nazareth en trois tomes. "Le sentiments du Christ Jésus" est l'épilogue de ces ouvrages.
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Aperçu du livre
Romantic Christ - Nicole Thérèse Roland
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité,
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !
Charles Baudelaire.
Les Fleurs du Mal, Les Phares.
Table des matières
Le Premier né d’entre les morts
Chapitre 1
1 / I - A nous la confusion !
1 / I -7 - Ils marchent dans la vallée de l’ombre.
1 / II - Ils tiennent conseil contre moi.
1/ II-8 - Juste avant l’aube.
1/ III - Moi qui ai beaucoup souffert.
Chapitre 2
2 /I – Car, il vient le prince de ce monde.
2 / II - Ténèbres à la surface de la terre.
2/ II – 3 - Remets ton épée au fourreau.
2/ III - Si le monde a de la haine contre vous…
Chapitre 3
3/I – Parodie du pouvoir et du contre-pouvoir.
3/II – Il l’accuse jour et nuit…
3/II - 14 – Je suis le Dieu des Vivants.
3/III – Tu ne peux m’abandonner à la mort.
3/III – 2 - Dieu, viens à notre aide !
3/III - 9 – Le Passage.
ANASTASIS
MARANATHA !
Chapitre 1
A nous la confusion !
1 / I
1
Marcus posa un genou à terre, en équilibre entre des pierres et des troncs d’arbres abattus. Il surveillait depuis longtemps la caverne, où seul le reflet tremblant d’un feu de bois donnait une impression de vie. Ses occupants ne semblaient pas inquiets. Il n’y avait aucun veilleur. Ces juifs étaient sûrs d’eux, donc d’autant plus dangereux.
L’aube allait poindre avec retard ; une masse de nuages bas couvrait la ville et les alentours. Il faisait une confiance totale à Flavius ; le vieux centurion lancerait l’attaque au moment opportun. Une véritable machine de guerre allait fondre sur la bande de Barabbas.
Il pleuvait une pluie fine, constante : une odeur de terre mouillée lui chatouillait les narines, il huma avec bonheur quelques plantes aromatiques, la sauge peut être ? Il y avait aussi un poivrier qui sentait fort… Il se secoua, ces odeurs lui rappelant des nuits paisibles ne devaient pas le distraire. Il fronça les sourcils : les feuilles du figuier sauvage, au-dessus de lui, prenaient un malin plaisir à recueillir la pluie qui retombait en grosses gouttes sur sa tête.
Ensuite, la nuit devint plus grise, sans qu’on puisse parler encore d’aube. Il espéra que Flavius attendrait un peu, car il aurait du mal à repérer les meneurs, et certains passeraient à travers les filets. Barabbas en particulier. Flavius attendit et agit au bon moment. Il vit d’abord des hommes gris se déplacer vers l’entrée principale de la caverne comme des fantômes. Derrière eux, une seconde ligne se mit en place : l’endroit était cerné.
Ceux qui pénétrèrent dans la caverne le firent en silence : il fallait qu’ils tuent un maximum d’hommes endormis. Très vite des cris s’élevèrent, et les premiers à s’enfuir furent pris par la seconde ligne en faction. Il eut un rire de satisfaction, car il avait déniché, chez le vieil architecte du temple, rabbi Sthêvé, les plans des cavernes… d’anciens tombeaux soi-disant. Lui Marcus Hadrianus s’était fait passer pour un juif de Babylone, amateur de cartes !
Un cri lui fit faire un bond : - Vingt pas nord, deux hommes ! C’était Prochore.
Il hurla : - Equipe quatre derrière moi ! en courant déjà dans la direction indiquée.
Subitement, Ebal hurla à son tour : - Marcus, à l’est, quarante pas, trois hommes.
Il s’égosilla à nouveau : - Equipe 1 et 5, avec Ebal ! Puis, il accéléra, car il venait de repérer un sicaire… Il glissa dans la boue blanchâtre échappée des carrières, et se rattrapa de justesse. L’homme était à peine à quelques pas de lui, et il eut une impression subite de déjà-vu. Ensuite, il comprit : c’était le jeune garçon qu’il avait rencontré, lors l’attaque de l’Ossuaire…
Il piqua une de ses célèbres pointes de vitesse, rattrapa le jeune homme, et lui donna un grand coup dans le dos qui le fit rouler par terre.
Alex fit un vol plané, tenta d’agripper une branche, et se retrouva sur le dos : il regarda autour de lui avec effarement, en s’apercevant qu’il avait perdu son couteau. Soudain, il vit Marcus à peine essoufflé devant lui, arme en main. Il ouvrit de grands yeux en murmurant : -Jacob ? …
Mais, il hurla en voyant le soi-disant Jacob rouler en boule sur lui-même, pour se retrouver derrière lui, debout glaive en main. Et Démis qui venait d’arriver hurla : - Fuis, petit ! Marcus, qui avait évité le coup du grand sicaire de justesse, s’accroupit, tenant à deux mains son glaive court sur la nuque du petit en question, dont il voyait les cils trembler. Il se releva lentement et murmura à son tour dans la langue du pays : - Fous le camps, petit ! en le poussant violemment vers un fourré.
Le grand sicaire fut déstabilisé ; et Marcus, voyant que le jeune ne bougeait pas, lui donna un grand coup de pied qui le fit détaler comme un lapin.
Ensuite, Démis stupéfait l’entendit dire : - Juste à temps ! au moment où trois soldats lui tombèrent dessus. Sans même avoir eu le temps de réagir, il fut garrotté.
Marcus connaissait l’homme, il savait que c’était une bonne prise ; pour l’heure, seul Barabbas l’intéressait. Il repartit vers la caverne en criant à ses hommes : - Rejoignez l’équipe 2 ! Ne vous laissez pas surprendre ! Ces mecs sont retors !
Il émergea des fourrés dans la carrière, comme un beau diable : tout était déjà fini. Il se dit que finalement ces sicaires n’étaient rien que des brigands sans organisation structurée.
En entrant dans la caverne par une large entaille friable, il fut surpris : elle était plus grande qu’il ne le pensait. Il examina les couloirs qui partaient on ne sait où. Ebal déboula derrière lui :
- On en a eu cinq ! Barabbas n’est pas du nombre.
- Ah ! Me… !
Flavius, qui arrivait, lança aussi un juron, en disant : - On ne l’a même pas vu !
-Vous avez fait combien de prisonniers ?
-Plus d’une dizaine. Tu as pris un certain Démis. Il est connu dans le milieu.
-Le préfet veut des exemples, avant la Pâque. Ca tiendra tout le monde tranquille …En parlant, Marcus ressentit soudain quelque chose d’imprécis, d’indécelable, comme si quelqu’un les épiait. Par une mimique, il fit comprendre la situation à Ebal, qui se mit à fureter dans tous les coins. Il fit de même l’air de rien. Plus d’une heure plus tard, ils n’avaient rien trouvé.
Les troupes de Flavius se mirent en formation et repartirent vers l’Antonia sous une pluie battante.
Marcus et ses hommes, eux, rejoignirent la forteresse par petits groupes, et y entrèrent par les souterrains secrets afin de garder l’anonymat.
Au même moment dans la caverne, dans un renforcement au-dessus de l’entrée, la terre friable s’effondra ; un pied apparut hors d’un trou, une jambe ensuite. Tout s’affaissa, et Barabbas tomba lourdement à terre. Il resta un moment immobile, presque hagard ; puis, il se releva en se dirigeant, la tête vide, vers les couloirs secrets pour sortir de la caverne au sud de Bezetha.
2
Arrivé à l ’Antonia, Marcus fila chez Torqués : une partie de la nuit en planque, il avait faim.
Il poussa la porte de la cantine, et sa bonne humeur tourna court. Calpurnius et sa bande y étaient attablés. Ils cessèrent leur conversation pour émettre de vagues ricanements.
- On fête ta promotion, centurion. S’écria Calpurnius.
L’arrivée de Claude le fit taire. Il en fut heureux, car il n’aurait pas supporté ces railleries longtemps.
Claude s’assit, faisant fi des regards noirs, provenant de la table centrale.
Ils n’eurent pourtant pas l’occasion de discuter. Licinius entra précipitamment dans la cantine : - Un vieil homme demande Marcus Pompe.
Claude se mit à rire. Marcus posa son couteau, trempa ses doigts dans la soucoupe d’eau qui était sur la table : - C’est bien moi. Le visage du petit vieillard ridé lui était revenu à l’esprit.
Il se leva, salua d‘un geste Claude et ressentit en passant le poids du regard haineux de Calpurnius. Il haussa les épaules, en fait il s’en foutait.
Sorti dans la cour, il lui fallut descendre quelques escaliers, pour arriver à la place jouxtant la porte Baris. Il s’étonna en voyant, dans le vestibule de la porte, un vieillard à la barbe blanche : ce n’était pas celui qu’il avait rencontré porte de l’Orient.
- Tu veux me voir, vieillard ?
- Es-tu Marcus Pompe ? Abraham l’examina attentivement.
- En effet. En répondant, Marcus entraperçut Faber, goguenard, traversant la porte, clefs et outils en main. Il rajouta : - Tu n’es pas celui que j’ai rencontré.
Le visage du vieil homme se transforma sous le coup de l’émotion, ses lèvres tremblèrent un peu : -Il n’est plus.
- Comment ?
- Mon cher Josse est passé auprès du Seigneur, notre Dieu.
Marcus fut surpris par cette façon de parler. Il se secoua : - Que puis-je pour toi, rabbi ?
-Te souviens-tu de ce qu’il t’a dit. Il faut respecter la dernière volonté d’un mourant...
-Vieillard, je ne veux pas te bousculer, mais parle clairement.
-Il faut, Marcus, que tu abrèges ses souffrances.
- Les souffrances de qui, vieillard ?
-Tu le sauras.
Marcus acquiesça, il connaissait la mentalité orientale et ses méandres : - Je le ferai, promis.
-Oh, ce n’est pas tout. Abraham chercha dans son manteau et en sortir un papyrus enroulé dans un tissu brodé et cousu de pierreries : -Voilà, c’est pour ton fils.
- Mon fils ! Comment sais-tu que je vais avoir un fils ?
- Ce livre est pour lui, Marcus. Que le Très Haut te garde.... Et, se reprenant : - Marcus Pompe, il émane de toi une force peu commune. Mets-la à disposition du Seigneur.
Marcus salua le vieil homme, et fut surpris de le voir sursauter, en s’écriant : -Ah !
Il regarda dans la même direction, et vit émerger de la rue des parvis deux jeunes hommes, arrivant à grands pas. Il sourit entendant le vieillard s’esclaffer avec colère : - Timothée, est-ce comme cela que tu obéis à mes directives ?
-Maître Abraham, je voulais rester à tes côtés. expliqua le jeune homme sans perdre sa bonhomie
-Fais-moi reproche, maître. J’ai voulu accompagner Timothée, car j’ai un ami qui séjourne, ici… expliqua Timon, en montrant la forteresse.
Abraham crut devoir expliquer : -Officier, voici mon élève Timothée, et un nouveau venu dans ma synagogue, Timon.
-Flamboyant… répondit Marcus sans rire. Abraham ne comprit pas le sous-entendu. Il le salua et se dirigea vers l’escalier suivi de Timothée.
Timon, lui, se sentit mal à l’aise face à ce Marcus, mi-rieur, mi-martial. Il se redressa pour avoir meilleure allure et déclara :
- Je suis un ami de Lucius, le secrétaire particulier du préfet Pilate.
-Tu m’étonnes … Suis-moi.
Timon, gêné, le suivit sous le vestibule de la porte, puis osa :
- Pourquoi cela t’étonne ?
Marcus s’arrêta, les mains dans le dos : - parce que lui aussi est un flamboyant.
- Les officiers ont donc de l’humour ! Je suis Timon.
- Timon Argiles, je sais. Grand élégant, client de toutes les tavernes de Jérusalem, amis de jeunes agitateurs ! Maître Nicodème sait-il tout cela ? Il se mit à rire devant l’air sidéré de Timon, qui s’esclaffa : - Serais tu devin ?
3
Elzar vérifiait tout en détail. Les hommes d’entretien avaient fini de nettoyer la salle en pierre de taille :
-Là-bas ! Lança-t-il soudain en voyant plusieurs sacs oubliés dans un coin. Il se précipita vers le serviteur qui prenait les sacs et en ouvrit un : une odeur nauséabonde se répandit : - Ah ! Un requérant a oublié les restes d’un sacrifice !
Ne voulant pas alimenter les critiques contre les membres de la diaspora, nombreux lors de la Pâque, il engagea le serviteur à sortir tout ce fatras. En faisant un dernier tour de la salle, la situation des lévites lui revient à l’esprit : depuis que Daniel Barosian et oncle Abram étaient morts, plus personne ne défendait sérieusement la communauté. Les lévites semblaient voués à devenir les hommes à tout faire du Temple.
L’arrivée de Jérémie lui rendit le sourire : - Rabbi Joseph veut te voir.
- Jérémie, quel rabbi Joseph ? Sois précis.
- Le rabbi d’Arimathie, expliqua Jérémie, il attend dans la cour de la maison du Droit.
Elzar mit le bras autour des épaules de son frère : - Petit frère, tu vas faire le tour du bâtiment. Le sanhédrin se réunissant cet après-midi, il faut être sûr que tout soit en place. Il fit signe aux hommes de service et embrassa son frère sur la tête.
En sortant du sanhédrin, il fut interpellé, et se retourna, surpris. Adame le rejoignit essoufflé et dit sans transition : - Lévi a été assassiné.
-Quoi !
Le jeune lévite hocha la tête : - Impasse du Palais Vert.
-Assassiné dans la Haute Ville ! Par qui ?
-On n’en sait rien. Son corps a été découvert tard, par les serviteurs de la maison d’en face. Il vient d’être ramené en secret au Pinacle. Et plus bas encore : -Il y a réunion restreinte chez le grand sacrificateur. Vaudrait mieux que tu y sois.
-Tu as raison. Devance-moi. Je dois aller rencontrer un rabbi à la maison du droit...
-Ce n’est pas tout...
Elzar prit un air désespéré : -Explique, Adame, vite !
-Un des serviteurs, chargé d’avertir en urgence les sanhédrites de la tenue du conseil, dit que rabbi Ezech Benbrith est malade. Il refuse d’ouvrir sa porte ....
Elzar était sidéré ; son visage s’allongea en entendant le reste :
- et Rabbi Joël est mort. Voyant qu’il ne réagissait pas, Adame s’esclaffa : -As-tu compris ?
- Adame, rétorqua Elzar, inquiet, tu ne quittes pas la basilique royale. Si Hanne me demande, explique le problème qui se pose avec Ezech, en précisant que je m’en occupe.
Il partit vers le portique Nord, sans demander son reste ; répondant de loin, à Adame qui criait : -Et rabbi Joël ?
- Je m’en occupe, avec un soupçon d’exaspération dans la voix.
Lorsqu’il pénétra dans la cour de la maison du Droit, les pensées se bousculaient dans sa tête. Il repéra Joseph d’Arimathie dans son beau manteau vert bronze qui, les mains dans le dos, déambulait sous les portiques.
L’accueil du rabbi le rasséréna : - Merci, cher Elzar, d’avoir répondu à ma demande.
-Maître Joseph, c’est normal.
-Te rends-tu à Béthanie, ce soir ?
- Pendant les fêtes, je reste au Temple. Mais, je peux m’y rendre, en effet.
Joseph s’éloigna subrepticement d’un groupe de jeunes étudiants volubiles et expliqua plus bas : - Je ne puis me rendre à Béthanie comme je le souhaiterai. Le village est sous surveillance.
Elzar le savait. -J’ai pensé, continua Joseph, que tu pourrais laisser un message au Seigneur Jésus et à maître Lazare ?
- Béthanie a aussi ses passages secrets.
Joseph sourit dans sa barbe : - Merci, cher garçon. Après la séance du Sanhédrin, est-il possible de te voir sans te faire courir un danger ? Et, en hochant la tête : - Quel drame, n’est-ce pas, de devoir se méfier de tout ? Le Très Haut nous pardonnera-t-il d’avoir laissé s’installer la méfiance dans son Temple ?
Elzar fit un pauvre sourire, il souffrait de cette situation.
-Maître, donnons-nous rendez-vous devant la porte de l’Orient, après la séance. La foule me semble le meilleur lieu pour se cacher.
- Cela me convient d’autant que le message sera court.
La voix très reconnaissable de maître Nicodème attira leur attention ; il venait d’apparaître sous le portique central. A ses côtés, Maître Gamaliel marchait lentement entouré de Nathan, Adas et Simon Ophel. Elzar fit un signe de tête à Joseph, pour lui faire comprendre qu’il prenait congé ; ce dernier le salua :
- Que le Très haut te garde, cher garçon.
En sortant du calme ouaté de la maison du Droit, il reçut de plein fouet le bruit étourdissant qui régnait sur les parvis du temple ; il en cligna des yeux, se disant que le premier problème à régler était Ezech. Il sursauta brusquement et se retourna : -Avait-il rêvé ou venait-il d’apercevoir Judas l’Iscariote pénétrant chez Benlod ? Il resta immobile un instant sans savoir quoi faire, se disant qu’il pouvait peut-être demander au gardien de la porte. L’allure fruste et désagréable du personnage l’en dissuada. Puis, ce pouvait être n’importe qui ! Il se dirigea vers la porte double en espérant que personne ne l’aborde.
En débouchant sur le parvis de l’Arsenal, il respira : il avait l’impression d’étouffer dans le Temple. Il inspecta le ciel, le temps s’était levé : les nuages étaient plus hauts. Son attention se concentra, ensuite, sur les événements de la journée : -Lévi assassiné ! Et Ezech ! Pourquoi ne veut-il pas ouvrir sa porte ? Ces affaires étaient-elles liées ? Allez savoir.
Il arriva rapidement devant la demeure du sanhédrite, à proximité du temple, sur la colline de Sion. Devant une immense porte de bois noirci, il laissa retomber le marteau trois fois. La porte resta close. Il insista avec plus de vigueur.
Au bout d’un moment, un œilleton protégé par une grille s’entrouvrit sur un sourcil froncé : - Mon maître est malade ! Y veut voir personne !
Il répondit de sa voix la plus calme : - Dis à ton maître que le lévite Elzar est là !
Il vit le sourcil devenir perplexe et l’œilleton se fermer. Il attendit sans impatience, les bras croisés. Brusquement l’œilleton se rouvrit : -Y demande ce que tu veux ? dit l’œil noir.
Elzar hésita, une intuition l’engagea à ne pas parler du Sanhédrin : -Je suis venu concernant le décès de rabbi Joël.
L’œilleton se ferma aussitôt, il attendit encore. Puis, il soupira en entendant les loquets de la porte. Le serviteur le fit entrer sans desserrer les dents : il devait avoir des ordres.
La cour de la bâtisse était vétuste : le braiment triste d’un âne, qui devait s’ennuyer dans son étable, cassa le silence feutré qui y régnait. Passé le seuil de la demeure, il aperçut dans l’embrasure d’une porte une vieille femme qui pelait des légumes au-dessus d’une bassine ; elle ne lui jeta pas un regard. Il s’étonna, en suivant l’homme si peu aimable, de voir des meubles précieux, une petite table d’ivoire, des plats d’argents, des tapis magnifiques, qui semblaient noyés dans une obscurité poussiéreuse. Tout avait une odeur de tristesse et d’abandon. Il savait qu’Ezech vivait seul depuis le décès de son épouse.
Il n’attendit pas longtemps à son grand soulagement ; le serviteur l’introduisit dans la chambre d’Ezech. Il resta surpris. La pièce était grande et sombre, occupée uniquement par un grand lit bas aux montants de bois. Des tapis jonchaient le sol, une petite lampe à huile y était posée.
La surprise passée, il se dirigea vers Ezech qui avait soulevé la tête avec difficulté : -Maître, que t’arrive-t-il ? As-tu fait venir un médecin ?
Ezech lui tendit la main et l’encouragea à s’asseoir sur le bord du lit : - Une forte fièvre, cher Elzar, m’empêche de me lever. Je suis très choqué…
-J’ai appris pour rabbi Joël ! Il a rejoint ses ancêtres bien jeune...
Elzar se tut sidéré, Ezech pleurait : il avait toujours pensé que l’homme était sec et égoïste.
-As-tu besoin de mon aide, rabbi Ezech ? Puis-je faire quelque chose pour organiser l’enterrement de rabbi Joël ?
- La fraternité de Job, dont il faisait partie, s’occupe de tout. Le visage du sanhédrite se plissa sous l’effet du chagrin :
- Je l’ai trouvé, seul, mort dans son fauteuil.
-Seul ? et sa maisonnée ?
-Oh, Joël n’avait plus qu’une vieille servante. Quand la pauvre femme l’a vu mort, elle m’a cherché dans tout Jérusalem. Il se souleva comme sous l’effet d’une émotion profonde : - J’étais au Temple, je suivais le Seigneur de Nazareth. Cet insensé de Lévi l’apostrophait à son habitude ... Elzar se garda d’évoquer le meurtre de Lévi.
Ezech poursuivit : - Et le Seigneur m’a dit : Joël est auprès du Père. Oui, il me l’a dit ! Alors, je suis parti chez lui. La porte de la cour était ouverte… et il était mort, seul, dans son fauteuil. Ezech se laissa retomber sur le lit, cherchant la main d’Elzar : - Puis-je te poser une question ?
- Bien sûr, maître Ezech.
-Tu as la réputation d’être juste et intègre. Tu es de Béthanie. Elzar hocha la tête sans comprendre où il voulait en venir. Ezech se souleva : - Maître Lazare est-il vraiment ressuscité ?
Elzar hésita : Ezech était sanhédrite, membre de la commission sur les sectes, et proche des Barhannas… Puis il haussa les épaules : - Maître Ezech, tu étais présent. Tu as vu comme beaucoup Lazare sortir de sa tombe.
- Oui, et c’est moi qui l’ai raconté à Joël. Je pense que cet évènement extraordinaire a adouci sa mort. Mais souvent les hommes sont retors ! N’y a-t-il pas un subterfuge…
- Aucun, rabbi !
-Ah, je remercie le Très Haut de m’avoir fait vivre ce moment. Elzar, je veux te faire confiance !
- J’espère, Rabbi Ezech, en être digne.
-C’est le Très Haut qui t’envoie, et je suis heureux de t’avoir ouvert ma maison. Il tenta de se soulever sans y parvenir…
Un peu congestionné, il murmura : -Sous le lit, là ! en lui montrant le montant de bois : - C’est un tiroir.
Elzar surpris tira sur le montant de bois qui, en effet, s’ouvrit :
- Prends le coffre. Continua Ezech. Elzar s’exécuta, tira le coffre vers lui, et le rapprocha de la tête de lit.
- Ouvre-le. Elzar sentit dans le ton du sanhédrite, quelque chose qu’il n’arriva pas à définir. Il ne put retenir une réaction de stupéfaction en soulevant le lourd couvercle de fer : il était empli de pièces d’or et d’argent.
-Lis la lettre qui est dessus ! La voix d’Ezech était de plus en plus saccadée.
Elzar déroula le petit rouleau de papyrus et lut ce qui était écrit d’une belle écriture ; un frisson le parcourut. Il regarda Ezech, stupéfait ; ce dernier s’appuya sur son coude : - Joël lègue tout à la communauté du seigneur de Nazareth. Peux-tu porter ce coffre à Haniah Benehésir ? Joël était un grand ami de sa famille.
Le regard du pharisien s’embua. Elzar eut l’impression que l’homme n’avait plus envie de vivre. Il regarda le coffre, puis Ezech reprit, le regard fiévreux : - Je te prête mon âne. Je veux te dire, que je ne témoignerai pas contre le Nazaréen. Tu peux le répéter.
Elzar prit un linge, qui se trouvait à proximité, pour le rafraîchir : - Je ne le répèterai pas, rabbi.
4
Misha lui avait expliqué que Thalie se promenait sur le chemin qui bordait la route de Bethphagé. Il était parti la rejoindre, inquiet. Il soupira de soulagement en l’apercevant au loin sur un sentier bordé d’un mur de pierres, derrière lequel s’étendait une pente herbeuse piquée d’asphodèles blancs. Il attacha sa mule à un arbre bas, et la rejoignit sur le chemin réchauffé par le soleil à travers les nuages gris. Thalie se retourna vers lui : - Marcus ! Je cueille du romarin et du thym pour Mischa. Il l’embrassa, et ils avancèrent sur le chemin en discutant. Soudain, elle vit les sourcils de Marcus se froncer. Elle tendit l’oreille : quelque part derrière les bouquets d’arbres, on entendait des voix. Il comprit le premier, sauta par-dessus le mur longeant le chemin, et aperçut un groupe d’hommes avançant parmi les herbes hautes et les asphodèles. Il comprit immédiatement de qui il s’agissait, se disant qu’il ne passait pas inaperçu, Jésus de Nazareth, avec sa grande taille, ses cheveux longs et sa tunique blanche. Il se tourna vers Thalie. - Reste-là, ma mie, je reviens ! en pensant que c’était l’occasion de mémoriser le visage de ses disciples. Dès qu’il s’éloigna, Thalie cria : -C’est le Seigneur ! et elle entreprit de grimper sur le mur de pierres sèches. Il revint en courant et l’attrapa : - Ne monte pas là-dessus, enfin !
- Marcus, c’est le Seigneur !
-Tu le connais ?
-Tout le monde le connaît à Bethphagé et à Béthanie…
Marcus devint blême, et maudit Placide avec son - coin tranquille pour mettre les femmes en sécurité.
-Mon Marcus, reprit Thalie, le Seigneur est seul. Il n’y a personne autour de lui, c’est tellement rare ! Je veux l’écouter. Il paraît que tous ceux qui l’ont entendu sont bénis par le Dieu Très Haut.
Marcus fit un -Hum, dubitatif, et se tâta. Il ne voulait pas mettre sa femme en danger : - D’ailleurs étaient-ils dangereux, ceux-là ? Son indécision ne dura pas : -Tu m’attends.
Il jaugea la situation : le seigneur en question s’était assis sur une vieille roue de moulin, à une cinquantaine de pas du mur ; ses disciples l’entouraient.
Il l’attrapa par la main et la tira vers lui : - Uniquement, si tu m’écoutes. Elle hocha la tête.
Ils longèrent le mur sur 40 pas et Thalie fit la moue ; le mur devenait beaucoup plus haut.
Marcus sauta sur le mur d’un bond et s’y assit. Deux ou trois hommes tournèrent la tête vers lui : il fit un signe amical de la main, il n’en reconnut qu’un, Mathieu, l’ami de Prochore.
Puis, il jaugea le mur. Il était solide, épais, bien que des pierres fussent friables. En se retournant, il attrapa Thalie par la taille et la souleva : - Tu restes là. Les pierres sont tombées, c’est comme un petit siège.
Il comprit qu’elle ne l’écoutait plus ; ses yeux brillaient comme ceux d’un enfant émerveillé : -En plus, les femmes l’adorent ! Il jeta une pierre parterre dans un geste de fausse colère. A quelque distance de là, Jésus se retourna et leur sourit. Il fit un signe maladroit, Thalie, elle, tendit la main vers lui.
Jésus arracha un brin de blé sauvage et se mit à enseigner :
-Prenez garde que personne ne vous égare. Car beaucoup viendront en mon nom. Ils diront : c’est moi le Messie, le Christ. Ils égareront bien des gens. Vous allez entendre parler de guerres, et de rumeurs de guerres. Ne vous laissez pas effrayer. Il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. Il y aura en divers lieux des famines et des tremblements de terre. Or tout cela n’est que le commencement des douleurs de l’enfantement… Il arrêta son enseignement, comme si la création soudain lui murmurait quelque chose ; il se baissa, cueillit, à côté de sa sandale, un maigre pissenlit, et reprit : - En effet, comme l’éclair part de l’Orient et brille jusqu’en Occident, ainsi sera la venue du fils de l’homme.
Marcus lui était fou d’inquiétude depuis quelques semaines. ; il avait vu tellement de femmes mourir en couche. Cependant, il n’écoutait pas le maître de Nazareth d’une oreille distraite, au contraire ; même si cela lui paraissait bien compliqué, en tout cas différent de ce qu’on lui avait raconté... Et la suite de ce que le prophète expliquait l’interpella : - Cette bonne nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier ; toutes les nations auront là un témoignage.
Marcus bougonna : - Il ne savait que dire de cet homme…Il l’entendit citer Daniel, que lui ne connaissait pas ! Et, ces anges qui montent et qui descendent ... Cela lui plut ! Au fait, c’est quoi un ange ? Oui ! Moïse Benatar lui avait expliqué …
Il constata, ensuite, qu’il n’y avait autour de lui que des disciples proches. Peut-être leur disait-il des choses plus complexes qu’aux autres ? En tout cas, c’est ce qu’il pensa. Il sourit, à un moment donné, en voyant Mathieu Benlevi écrire sur des tablettes ce que son seigneur disait.
Peu à peu, son naturel reprit le dessus ; il les dévisagea : - Les deux frères Barjonas, il les avait repérés depuis longtemps. Le second meneur, Jacques Zébédée, n’était pas là. Et les deux jeunes gens qui semblaient ne faire qu’un : Jean Zébédée et…Matthias Benathiel, passé devant le sanhédrin... Ce devait être lui ! Et le gros potier, lui aussi était connu. Et Simon le Zélé ! Il pourrait avoir des informations sur Barabbas avec celui-là. Il avait beau chercher, il ne le voyait pas.
Alors, il serra Thalie contre lui avec tendresse : - Qu'elle était donc innocente ! Comprendrait-elle s’il lui disait, ce qu’il était en train de faire ... ? Ensuite, en levant les yeux vers le groupe d’hommes, il constata, stupéfait, que Jésus le regardait ; et comme tous ses disciples étaient très attentifs à ce que faisait leur maître, tous le regardaient aussi.
Il se sentit découvert. Thalie, qui avait gardé un iris bleu à la main, le lança à Jésus ; ce dernier se déplaça pour le ramasser. Ensuite, il resta immobile à regarder la campagne alentour ; il semblait inquiet.
C’est ce que pensa Marcus, en se disant qu’il allait ramener Thalie, et les suivre : -Pourquoi pas se mêler à eux quelque temps ? Il se pencha vers elle : - Je vais chercher la mule.
Il l’embrassa sur le front et sauta du mur, en se disant qu’elle était fatiguée. Sur le chemin bordé d’arbres, il avança vite, dérangea un mulot qui le traversait et arracha une touffe de fleurs blanches blotties entre deux pierres du mur. Sa mule était en vue, quand il s’arrêta brusquement en tendant l’oreille. Il venait d’entendre un roulement, une sorte de grondement : pourtant à cette heure, la campagne était déserte.
Une angoisse sourde le saisit, car il avait déjà connu ça : il vit l’animal se cabrer et hennir de peur, les oiseaux ne chantèrent plus : il en fut sûr alors, la terre tremblait ! Et ses pieds se mirent à trembler, le sentier, les arbres firent de même, comme secoués par la poigne d’un dieu courroucé.
En se retournant, il crut vivre le pire cauchemar de sa vie : le mur de pierres sèches, qui longeait le chemin, s’écroulait sur lui-même et dévalait la pente d’herbes hautes.
De loin, il ne vit plus Thalie, emportée par les pierres ! Il se mit à courir comme un fou en ayant l’impression d’être prisonnier d’un filet qui l’entravait et le tirait de droite et de gauche. La terre sous ses pieds l’empêchait de courir comme une danseuse soûle et lourde, qui s’accrochait à lui : jamais, il n’avait connu un tremblement de terre aussi fort ! Il se mit à crier : -Jupiter sauve Thalie, ne la laisse pas à Pluton ! En hurlant, ses yeux exorbités voyaient le mur s’écrouler aussi vite qu’il courait…Il ne s’arrêta pas en constatant, fou d’angoisse, que le mur où elle se tenait n’existait plus : il sauta par-dessus et roula sur la pente. Puis, la terre retrouva sa sérénité. En se relevant, il était près du groupe d’hommes attroupés. – Thalie ! Il poussa tout le monde à grands coups de coude : -Un homme avait la main posée sur son ventre ! Il saisit la main en question, mais ne la retira pas, y resta accroché comme à un radeau dans la tempête. Il hurla pourtant voyant le visage affolé de Thalie…
- Petite femme !
-Sois sans crainte. Les pierres l’ont amenée à moi aussi délicatement qu’un tapis de fleurs.
L’émotion passée, il regarda Jésus qui venait de parler ; ce dernier priait en son for intérieur pour leur enfant : - Père, encore inachevé, tu le vois ; sur ton livre, tous ses jours sont inscrits, recensés avant qu’un seul ne soit¹…Conduis-le sur le chemin d’éternité². Impressionné par son regard, Marcus lui dit merci sans savoir pourquoi, rajoutant : - Je vais la ramener à la ville.
Jésus se releva : -Ne fais pas cela. La terre ne tremblera plus ici. Et les hommes de cette ville ne sont que colère et fureur.
-Contre toi ?
-Contre eux-mêmes.
Agenouillé dans la campagne, près de Thalie, et de cet homme qu’il n’arrivait pas à cerner, il en oublia les méandres piteux de Jérusalem. Il se releva en demandant :
- Pourquoi t’appelle-t-on, Seigneur ?
- Parce que Je le Suis.
- Et que signifie te servir ? Ajouta-t-il en se glissant sous Thalie pour la relever. Il eut, quand même, un sursaut en voyant Pierre Barjonas lui saisirent les jambes ; il se reprit : le grand homme l’aidait à la transporter dans l’herbe, au pied de Jésus. - On n’a pas idée de monter sur un mur, quand on est grosse ! dit le Barjonas en question.
Il sourit au grand homme en se disant : -Drôle d’émeutier ! Nul doute, ce n’est pas la même trempe que Barabbas.
Les deux hommes se retournèrent vers Jésus, dont le regard semblait perdu dans les grains d’un épi de blé ; il les engagea à s’asseoir dans l’herbe : - Je vous retirerai d'entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays … Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; je vous purifierai de toutes vos souillures, de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau³… Soudain, Jésus se pencha vers Thalie en lui murmurant : -Il n’y a rien d’extérieur à l’homme qui puisse le rendre impur. C’est du cœur que sortent les mauvaises pensées et l’immoralité…
Marcus comprit ce qui se passait et serra Thalie contre lui :
- C’est ce grec qui te tourmente…Les yeux baissés, il murmura sans regarder Jésus : - Merci.
5
Simon le Zélé, essoufflé, avait traversé le Temple en courant et fait le tour de la forteresse Antonia deux ou trois fois. Maintenant, il stationnait au bas des escaliers de la place Baris, non loin de la taverne des Trois Porches, se disant que Prochore, l’ami de Mathieu, pouvait sortir par n’importe quelle porte de la forteresse.
Appuyé contre un mur gris, il comprit que la garde romaine, dans sa guérite de pierres, le surveillait. Il prit un air désinvolte et s’approcha de la fontaine qui faisait le coin de la place : c’était un bassin occupé en son centre par une sorte de citerne oblongue, d’où jaillissait un maigre filet d’eau. En se penchant sur le
