La FOIS OU LES TORTUES M'ONT APPRIS A RESPIRER
Par Amélie Dubois
()
À propos de ce livre électronique
« Le temps arrange les choses », me disaient mes proches alors que ma vie s’écaillait à coups de petits morceaux par ci et de gros morceaux par là.
Perdue et incapable de mettre des mots sur mon état, j’ai pris la décision spontanée de partir un mois en retraite de yoga. On prétend que cette activité méditative contribue à l’équilibre du corps, à la paix d’esprit et à l’épiphanie tantrique via le nirvana des chakras…
C’était une évidence : j’avais besoin de tout ça. Je voulais tout ça. Or, comme je ne fais pas de yoga, ce ne fut pas du tout « ça ».
En réalité, participer à une retraite de yoga, c’est marmonner des sons bizarres dès le réveil et constater que notre flexibilité se compare à celle d’un pied-de-biche, pendant qu’un bouquet d’encens se consume tranquillos au centre d’une commune bigarrée digne d’une auberge de jeunesse défraîchie d’Europe de l’Est. On y rencontre des âmes-bouddha, on tient la posture du chien tête en bas en parlant aux vaches qui rient, on s’amourache d’un arbre tordu, puis, sans bruit, on épie les tortues.
L’important, en bout de ligne, reste d’arriver à respirer… par le nez !
Auteure à succès, Amélie Dubois use de sa plume authentique pour nous amener à rire et à réfléchir, le temps d’une parenthèse introspective en ouverture à l’autre. Dans ce quinzième roman, sa prose souffle sur notre cœur tel l’alizé et nous invite à revisiter les inévitables deuils de la vie, grands et petits.
Amélie Dubois
AMÉLIE DUBOIS grew up in Montreal but found her true home in Mauricie. She has illustrated children’s books such as Lapin perdue, Rien du tout! and Mingan les nuages. Her work has also appeared in magazines and on television. A critically acclaimed artist, she most recently illustrated Copine et copine, which was the French-language finalist for the 2020 Governor General’s Award.
En savoir plus sur Amélie Dubois
Ce qui se passe au Mexique reste au Mexique! Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5La fois où... j'ai dansé avec une cigogne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe gazon... toujours plus vert chez le voisin? Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Ce qui se passe au congrès reste au congrès! Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Ce qui se passe à Cuba reste à Cuba! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne virée à l'hôtel Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa FOIS où...J'AI CÉDÉ LE PASSAGE À UN ÉLÉPHANT Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCe qui se passe à Vegas reste à Vegas! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCe qui se passe au camping reste au camping Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa fois où... j'ai suivi les flèches jaunes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRien du tout! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOui, je le veux... et vite ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe gazon ... plus vert de l'autre côté de la clôture ? Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à La FOIS OU LES TORTUES M'ONT APPRIS A RESPIRER
Livres électroniques liés
Le Voyage Immobile Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAppels mystic: Manifestations Karmiques - Quand le Mystique devient manifeste Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVoyage en soi: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe voyage de Nambu: Tome 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa naissance de l'iceberg Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSurvivre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDescente vers les étoiles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAu fil du temps: Tout est possible, même l’impossible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNouveaux Horizons Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVoyage à Fémicoeur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÀ présent, je me souviens: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRevenir à soi: Un pèlerinage de l’humilité à la guérison Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJe suis qui je suis: Et c'est assez Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDans le miroir de tes yeux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNous sommes plus grand qu'un pépin de pomme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMoi, qui n'aime pas vous. Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationévidence(s): Petit journal intime d'un homme amoureux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe papillon s'envole: Itinéraire de résilience Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPardonne-moi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÊtre vivant honorer la mort: Être vivant et honorer la mort, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe palais des illusions Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'odyssée d'un être divin Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa fabuleuse rencontre de soi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'encre des maux Tome 3 Fin du moi, début du nous Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBienvenue au Grand Conseil Intergalactique: Le livre des gardiens et des gardiennes de la Connaissance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVivre une vie de gratitude: Votre voyage vers la grâce, la joie et la guérison Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne feuille de papier froissée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne étonnante rencontre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSi vivre est encore possible Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDe l'ombre en soi, à la Lumière de Soi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Fiction générale pour vous
Contes pour enfants, Édition bilingue Français & Anglais Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationProverbes et citations : il y en aura pour tout le monde ! Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Manikanetish Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5L'étranger Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Comte de Monte-Cristo Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Maupassant: Nouvelles et contes complètes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHistoires de sexe interracial: Histoires érotiques réservées aux adultes non-censurées français novelle èrotique Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Jeux de Mots par Définition: À la Source des Croisés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Odyssée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMes plaisirs entre femmes: Lesbiennes sensuelles Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Mille et une nuits - Tome premier Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEmile Zola: Oeuvres complètes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNouvelles érotiques: Confidences intimes: Histoires érotiques réservées aux adultes non-censurées français histoires de sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Procès Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDictionnaire des proverbes Ekañ: Roman Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Treize nouvelles vaudou Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Dragons !: Petite introduction à la draconologie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes impatientes de Djaïli Amadou Amal (Analyse de l'œuvre): Résumé complet et analyse détaillée de l'oeuvre Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La Littérature artistique. Manuel des sources de l'histoire de l'art moderne de Julius von Schlosser: Les Fiches de Lecture d'Universalis Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAnges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHumblement, ces mains qui vous soignent Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Contes et légendes suisses Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Carnets du sous-sol Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Gouverneurs de la rosée Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La perverse: histoire lesbienne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTout le bleu du ciel de Mélissa da Costa (Analyse de l'œuvre): Résumé complet et analyse détaillée de l'oeuvre Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMasi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes pour enfants, bilingue Français & Allemand Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur La FOIS OU LES TORTUES M'ONT APPRIS A RESPIRER
0 notation0 avis
Aperçu du livre
La FOIS OU LES TORTUES M'ONT APPRIS A RESPIRER - Amélie Dubois
De la même auteure
chez Les Éditeurs réunis
Mali et la tortue toute nue, 2020
Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas !, 2019
Le gazon… plus vert de l’autre côté de la clôture ?, 2018
La fois où… j’ai suivi les flèches jaunes, 2016
Ce qui se passe à Cuba reste à Cuba !, 2015
Le gazon… toujours plus vert chez le voisin ?, 2014
Ce qui se passe au congrès reste au congrès !, 2013
Ce qui se passe au Mexique reste au Mexique !, 2012
Oui, je le veux… et vite !, 2012
Chick Lit
1. La consœurie qui boit le champagne, 2011
2. Une consœur à la mer !, 2011
3. 104, avenue de la Consœurie, 2011
4. Vie de couple à saveur d’Orient, 2012
5. Soleil, nuages et autres cadeaux du ciel, 2013
6. S’aimer à l’européenne, 2014
FB_Amelie_Dubois.jpgInstagram_Amelie_Dubois.jpgSite_web_Amelie_Dubois.jpgEn l’honneur de mon arbre croche, spécialiste-en-réconfort,
d’Élisabeth, mentore-marabout, et de toutes ces âmes-bouddha
croisées à bord d’un tapis, voici le roman que j’ai écrit tout en
continuant d’apprendre à respirer...
Il paraît que les grands et petits deuils font partie de la vie. Que le temps passe et arrange les choses. Qu’après un moment nous redevenons nous-même et que notre existence reprend son cours, et surtout son sens, comme avant. Que l’être, la situation ou la chose qui nous manque reste présent en nous, mais que la tristesse s’estompe. Le brouillard qui a recouvert notre vie se disperse et le soleil se repointe le bout du nez. Le vide ressenti, telle une brèche engloutissant tout, referme ses parois. Il paraît que nous pouvons même en arriver à comprendre pourquoi nous avons dû traverser cette épreuve, puis y trouver un certain sens. La vie serait un éternel cycle de recommencement durant lequel des périodes sombres et des éclipses lumineuses s’alterneraient… Il paraît.
Mais quelle est la marche à suivre pour atteindre ce niveau de compréhension ? Combien de temps dure le tourment d’une âme qui s’est déchirée ? Faut-il privilégier une manière particulière pour bien remplir ce vide, à défaut de compenser et mal le remplir ? Existe-t-il une façon d’y arriver plus rapidement lorsque la douleur est si vive qu’on ne respire plus ?
Prologue
— Travailles-tu icitte ? Es-tu docteure ?
— Euh… non. Je suis juste bénévole. Est-ce que je peux vous aider ? que je réponds à l’homme en me flattant intérieurement l’égo face à cette élogieuse supposition.
Moi… médecin.
Les bajoues molles de chaque côté du visage de l’individu s’abaissent telles deux bedaines de grenouilles bien portées sur la sauterelle. Elles remuent ensuite d’incertitude. Des doigts, je soulève le cordon rouge criard que je porte au cou et où les lettres du mot « bénévole » se succèdent en boucle sur toute la longueur. Au bout se balance une affichette avec mon prénom sous un autre « BÉNÉVOLE » rouge, en majuscules cette fois. Cet identifiant de ma fonction immédiate est visible dans un rayon de trois millions de kilomètres. Je suis persuadée que la sonde Juno de la NASA sait exactement où Mali Allison se trouve en ce moment même. « Tour de contrôle, nous l’avons repérée à 45° 69’ de latitude nord et 73° 63’ de longitude ouest. C’était facile, elle portait au cou sa carte de l’hôpital Pierre-Le Gardeur. 10-4. »
Soudain honteux devant l’évidence des indices reposant sous ses yeux, l’homme retire effrontément ses paroles :
— Pfft ! T’as pas l’air d’une docteure pantoute, plus j’y pense ! (gros rire gras)
« Pantoute », faudrait pas exagérer non plus. Si j’avais voulu ne pas avoir de vie pendant dix ans tout en m’endettant de cent mille dollars, j’aurais très bien pu avoir l’air d’une médecin aujourd’hui. Pfft ! toi-même.
Il ajoute :
— Bénévole ? T’es pas trop jeune pour faire ça ?
Par crainte qu’il déclare que je n’ai finalement qu’une tête à faire de la glace au pôle Nord, j’enchaîne :
— De quelle façon je peux vous aider, mon cher monsieur ?
— Est-ce que je suis à l’affaire, là, euh… l’imagerie musicale ?
— Imagerie médicale. On fait pas beaucoup de musique ici, en général. On pourrait toujours se forcer pour un refrain de La ziguezon si vous venez à minuit tapant le soir du jour de l’An, mais c’est pas garanti.
— Torrieux, non ! Je sais pas pourquoi j’ai dit ça. C’est toujours ben pas la Soirée canadienne, icitte, han ! Pis t'as vraiment pas l’air d’une musicienne non plus ! (gras de rire, prise 2)
Est-ce vraiment si cher, un billet d’avion pour le pôle Nord ?
— Je viens pour mon… euh… pour mon… t’sais « mon »… ? puis il me fait un signe en tournant son index vers le haut pour mimer l’insertion de quelque chose quelque part.
Hon. Je comprends trop bien de quel examen médical on parle ici. Je le fixe un instant, l’air compatissant plus qu’il ne le faut. À ce qu’il paraît, un examen de la prostate, c’est très loin du chatouillement jouissif de la Symphonie inachevée de Schubert un soir de neige à gros flocons, devant un feu de bois.
Comme la salle d’attente déborde de partout et que je suis debout en plein centre, tout le monde m’épie pour se distraire. Démunie devant ce pauvre homme planté là comme un cactus, j’analyse à la vitesse de l’éclair les formalités et obligations de mon engagement en tant que bénévole à l’hôpital Pierre-Le Gardeur de Terrebonne. Voyons voir ; je viens ici une demi-journée par semaine, je donne de mon temps sans être payée, je ne reçois pas de pots-de-vin du genre tout-inclus dans les Antilles françaises, je n’ai pas de passe-droits dans le système de santé, pas plus que je n’ai de médecin de famille encore, et ce, malgré que mon nom soit sur la liste d’attente de la clientèle itinérante depuis l’époque des pharaons. Toutânkhamon vient juste d’être appelé, j’ai entendu dire. Gardons espoir. L’établissement me paie le lunch du midi, mais les patates pilées proviennent toujours (et à jamais) d’un mélange en poudre, même après la supposée réforme de Barrette. Il y a comme unique avantage social le souper de Noël thématique. Cette année, c’était « Cannelloni & Joe Dassin » (j’étais prise, c’est-tu plate…). Mes collègues, dont la moyenne d’âge est de soixante-quatorze ans, sont adorables. Vraiment. C’est l’âge où on rit fort et à outrance de ses propres jokes en levant le menton vers son public pour l’inciter fortement à faire de même en disant : « Han ? Han ? » J’adore ça.
Cela dit, le bénévolat, on fait ça pour soi à la base. Pour se sentir bien, se sentir utile, donner un sens à sa vie, donner au suivant aussi, mais est-ce que tout ça justifie le fait de devoir crier « PROSTATE ! » dans une salle d’attente vert-pomme-blême devant des dizaines de personnes ennuyées qui me guettent en plissant le nez ?
Non.
C’est du jargon médical avancé, ça, « prostate ». Se prononcer à ce sujet nécessite au minimum deux séminaires au Fairmont Le Château Montebello avec les plus grands prostatologues¹. de par le monde. Je ne suis pas qualifiée pour m’en mêler ; on n’est jamais à l’abri d’une poursuite judiciaire pour erreur médicale.
Je souris en diagonale.
— OK. Vous… euh… vous venez pour votreee…
Je reproduis en toute discrétion le même signe d’insertion de doigt quelque part qu’il a fait précédemment.
Le langage des singes est universel, ce n’est pas moi qui le dis.
— Ouin, c’est ça…
Il tire un peu sur le col de sa chemise. Il a chaud. Et moi donc.
Or, comme je suis dans le département des scans et des IRM, je ne suis pas certaine que cet examen se fasse ici.
— Je vais aller vérifier quelque chose, attendez-moi un instant.
— OK, merci. Je vais rester deboutte, j’ai mal en s’il vous plaît depuis une semaine…
Il souffre, en plus ? De la prostate ? En dedans ? Derrière ? Comment ça marche ? Quand j’étais enfant, je croyais que c’était un nom de pierre précieuse. Calcite, jade, prostate… Ça fonctionne bien, non ? J’ai la gorge sèche comme une truite sur l’asphalte. Je ne suis pas bien en dedans, moi non plus.
Je m’approche de la secrétaire médicale assise derrière le comptoir, qui procède à l’admission d’une patiente.
— Excuse-moi, Josée, puis je baisse le ton comme si nous étions sous écoute électronique. Est-ce que c’est ici les… tests de… de prostate ?
— Les quoi ? lance-t-elle en ondulant l’arête du nez.
Je mets une main sur le côté de ma bouche pour susurrer de nouveau, les dents bien serrées :
— Les tests de prostate (lire ici « les tèches de prochtate »).
La femme – payée par l’État pour son travail, donc franchement plus à l’aise (et qualifiée) que moi avec ce langage médical onéreux – lui spécifie d’une voix forte :
— Non, monsieur, les examens de la PROSTATE, c’est au deuxième étage, en médecine d’un jour.
Tout en blêmissant, le propriétaire de ladite prostate contorsionne un visage d’horreur :
— QUOI ? QUELLE PROSTATE ?
Je juge bon de préciser :
— La vôtre. J’ai toujours pas reçu la mienne par la poste…
— J’ai pas d’examen de la prostate aujourd’hui ! Qu’est-ce que vous voulez faire avec ma prostate ?
Comme l’homme s’adressait directement à moi, les patients tout autour semblent attendre ma réponse avec avidité. Qu’est-ce qu’ils espèrent tous ? Que je leur refile une recette de salade tiède de mesclun, fraises, pacanes caramélisées et prostate grillée ? (Ça pourrait aussi être un bon nom de légumineuses ; lentilles, flageolets, prostates…)
— Moi, je veux rien faire du tout avec rien, puis je lève les mains pour m’exclure de toute relation interpersonnelle que ce soit avec sa glande.
Le monde entier va mal, pas question de me mettre une prostate à dos aujourd’hui. Josée me fixe avec grand étonnement pendant que les épieurs suivent la scène d’un intérêt toujours aussi soutenu. Le mot « prostate » crié à tue-tête jumelé à l’air terrifié de l’homme ont suffi à susciter une curiosité morbide chez à peu près tout le monde sur l’étage. Le type serre les fesses en reculant de deux pas vers le mur, semblant disposé à se défendre bec et cul.
Je tente de rectifier la situation :
— C’est vous, monsieur, qui m’avez dit que…
Je refais le fameux signe du doigt en l’air ayant ponctué notre conversation depuis le début.
— Je suis ici pour mon infiltration dans la colonne vertébrale !
Il reproduit le geste à nouveau.
Aaah. OK.
J’avoue que notre signe secret peut aussi convenir pour illustrer l’insertion d’une aiguille quelque part. Un doigt, une aiguille. Un derrière, un dos. Ça se ressemble beaucoup en langage de mimes.
— Pas vrai que vous allez me faire un test dans le péteux aujourd’hui, je vous en passe un papier !
— Non, non, non, inquiétez-vous pas, c’est déjà réglé. Prenez un numéro, on va vous enregistrer.
Me toisant de côté, toujours le dos au mur, il longe lentement la cloison pour atteindre une chaise. Compte tenu de la quasi-tragédie médicale qu’il vient d’éviter de près, il est accueilli avec compassion par son voisin de siège.
— Ils veulent tout le temps nous mettre des affaires où on veut pas !
J’ignore cette déclaration-choc remplie de sous-entendus discutables et je me concentre sur la secrétaire derrière le comptoir qui m’envoie un autre patient.
— Juste à suivre notre bénévole, monsieur Bigras, elle va vous amener à la salle d’attente A. Pour votre examen, vous devez seulement enlever votre pantalon, en gardant vos sous-vêtements, et mettre la jaquette.
L’homme âgé avance vers moi en compagnie d’une femme plus jeune.
— Va avec elle, papa, je vais aller refaire ta carte d’hôpital, ils en ont besoin. Je te rejoins après.
Sa fille s’approche de moi pour me dire en secret :
— Il faut jeter un œil sur lui, il est un peu perdu ces temps-ci…
— OK. Venez avec moi, monsieur Bigras.
Je dirige l’homme vers la cabine pour qu’il se change et je lui répète les consignes. Il me sourit, tout dentier exposé. Je referme le rideau.
Dans l’attente, je juge que j’ai le temps de retourner au poste d’accueil pour conduire une autre personne dans la bonne zone. Même en mode bénévolat, je conserve un certain souci de performance. J’accompagne une femme enceinte et son jeune garçon à la salle d’attente des échographies. Sur le chemin du retour, je jette un œil vers M. Bigras, qui sort de la salle d’habillage.
— Oupelay ! C’est pas… euh… non.
Confus, le vieillard a enlevé ses vêtements, mais au lieu d’enfiler sa jaquette par les manches, il s’en est fait une jupe hawaïenne. Un paréo pour danser le hula-hoop sous le ciel étoilé d’Honolulu. Étant donné le gros nœud attaché lâchement sur le devant, l’ensemble des gens de la salle d’attente voisine ainsi que moi-même avons une vue partielle de son appareil reproducteur pendouillant. C’est qu’il a aussi loupé la consigne disant de garder ses sous-vêtements.
Seigneur. Au secours.
— Maman ! Je vois son zoui-zoui ! crie un garçon, debout entre les jambes de sa mère.
À la hâte, je pousse M. Hula Bigras vers l’intérieur de la cabine.
— Vous vous êtes bricolé une belle petite jupe, vous, là !
Mes réflexes pédagogiques d’ancienne enseignante prenant le dessus, j’agrippe une autre jaquette dans le distributeur à ma gauche.
— Regardez-moi faire, monsieur Bigras. On met un bras ici, l’autre bras là, et on l’attache sur le côté, hop ! Voilà !
— Aaah…, fait l’homme, captivé par mon cours « Jaquette d’hôpital 101 ».
Un jeune radiologiste qui passe par là s’arrête net, surpris de constater que la bénévole en service est à présent en jaquette tout près des salles d’attente devant un patient en paréo, le moineau à l’air. Je lui lance un regard ultra sérieux du genre : « Je suis en pleine formation de jaquette. Ne pas déranger. » Les sourcils ondulés et le jugement en berne, il reprend sa route.
Une fois mon tutoriel méthodologique terminé, je referme le rideau, plus ou moins confiante en l’avenir. Je retourne au comptoir d’admission pour escorter un autre patient. En chemin, je croise la fille de M. Hula-hoop, que je mets au parfum des difficultés d’habillage de son père et de son potentiel intérêt pour des cours de danse sociale.
Je rejoins ensuite une femme âgée qui m’attend à bord de sa marchette.
— Excusez-moi, madame, je suis très occupée aujourd’hui !
— Je suis veuve, retraitée, ménopausée, ligaturée, dégriffée, facque j’ai tout mon temps.
Je ris de bon cœur.
Josée m’explique que la dame doit se rendre à la salle d’attente A, puis enlever son chandail et son soutien-gorge pour son examen. Je pars en balade avec la patiente qui trottine à mes côtés en laissant traîner ses godasses à grosses semelles.
Une fois à la cabine, je lui touche le bras.
— Vous vous souvenez des consignes ? Vous enlevez votre chemisier, votre débardeur et votre soutien-gorge.
— Non, je garde mon soutien-gorge, je l’enlève quand je suis rendue dans la salle.
Là, je suis embêtée. Les médecins demandent que tous les patients soient fin prêts en arrivant dans la salle d’examen, question de ne pas prendre de retard.
— Ah oui ? que je dis, n’ayant pas le moins du monde envie de la gronder.
Elle me prend le poignet pour m’approcher d’elle afin de me confier en toute discrétion :
— Si je dégrafe ça icitte, ma belle grande fille, mes deux petits oiseaux vont tomber drette à terre, pouf !
Je ris.
— C’est deux petites mésanges à tête basse !
Je m’esclaffe désormais à rouge-gorge déployé.
Ravie de ma réaction, elle me dit :
— Vous savez c’est quoi, une journée réussie ? C’est quand on arrive à faire rire quelqu’un.
— Votre journée est réussie, madame.
— La vie va tellement vite que les gens respirent pus ; rire les force à respirer, pour une fois !
1 Le Petit Dubois illustré : nouvelle spécialité prometteuse en médecine. Avoir de longs doigts aux ongles courts est un atout.
Dans l’avion, scène 1
Je fixe l’horizon. Le ciel azur semble vouloir nous retenir captifs en douceur. Des rayons percent tous les hublots à ma gauche pour s’étendre un peu partout sous forme de prismes incandescents. Tout en bas, le sol se décline sûrement en diverses teintes d’olive à jaune paille. À moins qu’on survole l’eau et que de longues vaguelettes blanches se dessinent sur la toile de l’océan tels des traits d’acrylique laissés par la pointe du plus fin pinceau. Pour tout dire, je n’en ai aucune foutue idée. Je ne vois rien d’autre que des rectangles de lumière au contour arrondi se déplaçant sur des dossiers de sièges et des têtes aux réalités capillaires diverses. Une connexion Internet capricieuse m’a empêchée de faire mon enregistrement hier matin et je suis arrivée limite-crise-de-nerfs à l’aéroport. Je suis donc assise dans le banc du milieu de la rangée du milieu. La prison du centre, en souricière entre une femme qui souffle exagérément par la bouche depuis le départ en jouant toutes les trois minutes avec le truc de ventilation du plafond et un homme qui lit son journal en ouvrant les pages sur moi comme s’il voulait m’abrier avec. Généreux. Je n’ai jamais vu d’aussi longs coudes.
Bref.
Ce milieu-du-milieu est l’équivalent de la séquestration pour une fille qui tuerait le pilote pour avoir un hublot. J’ai essayé de soudoyer l’agent de bord, de l’affecti-manipuler²., de lui faire miroiter des pots-de-vin incroyables, je lui ai même offert de servir l’eau à sa place durant tout le vol, et ce, même en pleines turbulences. Hélas, il n’y avait rien à faire.
J’ai un karma à chier de ce temps-là.
tortue2.jpgComme nous arrivons bientôt à destination, j’analyse ce que je porte : un jean pâle sept huitièmes et un t-shirt rayé gris foncé et blanc. C’est peut-être trop simple ?
Je vous entends à présent jubiler (ou dire à votre conjoint qui comprendra rien) : « Ah mon Dieu ! Mali, le personnage dans mon roman, doit sûrement aller rejoindre Manu-Manu à Londres, l’amour de sa vie rencontré entre deux flèches jaunes sur Compostelle³. ! Que c’est romantique ! Je me peux pus ! »
Non.
Je suis désolée de vous décevoir, mais il faut qu’on se parle dans le blanc des dents.
Ça urge.
Le Petit Dubois illustré, section « Concept et théorie » :
La théorie du rebound : épisode amoureux utilitaire, voire nécessaire, amenant soit l’un ou les deux individus impliqués à vivre une idylle – souvent très passionnée, donc de type « Je touche plus à terre » – dans le but de guérir quelque chose, de masquer un mal-être affectif ou de remplir un vide. Les sentiments s’avèrent réels et bien ressentis, mais au final le temps fait réaliser à une ou aux deux parties que le succès de la relation à long terme est impossible et que sa poursuite est compromise.
(Précision hors définition supplémentaire : surtout lorsque les deux personnes impliquées habitent à huit heures d’avion l’une de l’autre et que l’Italien concerné a un caractère de marde.)
Tut ! Tut ! Tut ! On ne rechigne pas. Ça existe, c’est un fait scientifiquement justifiable (je suis même à peu près certaine que le Pharmachien a déjà enregistré une capsule à ce sujet). Ce n’est pas mal ou mauvais, sauf si l’un des deux joueurs n’est pas au courant de la chorégraphie. Sinon c’est correct, mais à la condition de le faire une seule fois (ou deux max). Ça ne doit pas devenir un véritable mode de vie, on s’entend. Il n’y a pas de règlement législatif disant que chaque relation amoureuse doit être envisagée pour toute la vie, sans quoi elle n’a pas sa raison d’être. J’ai aimé Manuel de tout mon cœur, mais l’affection pour autrui ne justifie pas à lui seul la possibilité de former un couple et de vivre ensemble.
Bref.
Je ne suis jamais allée à Londres. Mais j’ai failli, par contre. Écoutez ça.
À mon retour d’Espagne, nous avons continué de discuter sur les médias sociaux pendant un temps. Nous avions convenu que j’irais en Europe, mais comme le billet pour Londres était très cher et qu’un de mes romans sortait en Belgique, ce pays paraissait le meilleur terrain de jeux pour un rendez-vous. J’étais prête, billet en main et tout, mais… croyez-le ou non, mon vol, prévu pour le lendemain des attentats de Bruxelles, a été annulé. Nous étions très déçus sur le coup, car je ne pouvais pas partir le mois suivant, ni l’autre d’après. Au fur et à mesure que les pages du calendrier s’envolaient, on se parlait de moins en moins. Manuel a finalement rencontré une fille. Une jeune chanteuse. Il est, à ce jour, encore en couple avec elle. Il m’a écrit un long message pour me dire que c’était grâce à notre rencontre qu’il avait pu rouvrir son cœur après le décès tragique de son amour de jeunesse. C’est beau, non ? En quelque sorte, je suis honorée d’avoir contribué à cette étape de sa vie.
Il a aussi apporté à ma vie affective un souffle nouveau ; je ne suis pas retournée avec Bobby, cet homme errant dans ma vie tel un fantôme à transparence variable depuis plus de sept ans. Je ne l’ai même jamais revu. Quand je suis rentrée de voyage, je lui ai envoyé un beau courriel précisant sans ambiguïté que je ne reviendrais pas. Jamais. Il a continué à jouer la carte du déni en me disant : « Beau message ! Merci ! Bon ! Quand est-ce qu’on soupe ? »
Plus jamais Bobby.
Il a insisté. J’ai refusé. Il a réinsisté. J’ai re-refusé, et ainsi de suite pendant des semaines. Des mois. Il a ensuite réclamé qu’on se voie pour faire le point et me montrer qu’il avait donc-bien-donc « changé ». J’ai arrêté de lui répondre. En toute honnêteté, j’avais peur. J’étais effrayée à l’idée de le revoir, de flancher sans trop comprendre pourquoi et de m’engluer une fois de plus dans cette relation malsaine. Juste d’y penser, j’étouffais. Pas parce que je l’aimais encore, mais bien parce que je crois que certaines personnes peuvent exercer un pouvoir étrange sur d’autres. Une petite voix intérieure me disait de ne plus jamais le voir. Une petite voix découverte grâce aux flèches jaunes guidant les pèlerins sur le chemin de Compostelle et que j’avais désormais décidé d’écouter. La voix du respect de moi-même. Cette intuition qui me priait d’aspirer à un futur amour simple, vrai et rose bonbon bord en bord.
Me revoilà donc sur le marché des carottes-célibat-stars à la chair plus ou moins fraîche et, désormais, c’est vraiment le cas de le dire étant donné que je suis ratatinée et que je ne mange plus de viande. Petit legs de Manuel qui m’a inspirée par ses valeurs concernant le bien-être animal et les impacts environnementaux de l’industrie agroalimentaire de masse. Rassurez-vous, je ne fais pas la propagande du tempeh pour tous le soir de Noël ni la promotion de l’élevage du tofu dans son milieu familial biologique ; je ne suis pas une végé gossante. Je peux même faire cuire votre steak Tomahawk si vous venez manger chez moi. Jusqu’à maintenant, ça se passe super bien, c’est même facile. Mon entourage a très bien accepté ma transition, en plus.
Quoi demander de plus ?
2 Affecti-manipulation : à ne pas faire, mais surtout à détecter chez l’autre. Ça commence souvent par une torsion faciale accompagnée d’un ton mielleux. Le Petit Dubois illustré, p. 35, section « Ne lui faites pas confiance ».
3 La fois où… j’ai suivi les flèches jaunes. Ben oui, il y a eu une autre aventure avant celle-ci.
La fois où j’ai anéanti la consœurie
Comme les cinq membres en règle de la consœurie étaient réunies chez Sacha, j’avais attendu le moment propice pour leur annoncer la grande nouvelle, c’est-à-dire après trois bouteilles de vin lors d’un souper de congrès. Le repas étant de la fondue au fromage, je n’avais donc pas eu besoin de camoufler mes nouvelles habitudes alimentaires.
— Bon, que je commence de façon officielle.
— Bon, quoi ? demande aussitôt Geneviève, ultra suspicieuse.
— Je vais vous le dire, là, attends.
Sacha décide de poursuivre à ma place :
— Tu vas revoir Manu, c’est ça ? Yééé !
— Eille, lâchez-moi avec lui. C’est terminé. Il est en couple.
Comme je sais d’emblée que ça ne glissera pas comme du beurre dans le poil, je me suis préparée. Je cours dans l’entrée chercher un sac opaque abandonné sur un crochet à mon arrivée. Dedans, il y a quatre petits paquets.
— Des cadeaux ?
Je leur en remets chacune un, puis je me rassois en agrippant mon verre de blanc en guise de bouée de sauvetage. Excitées comme des puces, les filles déballent le papier de soie. Leurs visages changent instantanément.
— Une vache ? fait Coriande en levant à la hauteur de ses yeux une figurine de plastique.
— Un cochon ? s’étonne Geneviève qui découvre la sienne.
— Une poule ? dit Sacha, la déception bien accrochée à l’âme.
— Moi, une chèvre ? cherche à comprendre Claudie. Ah non ! Pas une affaire d’initiation de votre consœurie de fuckées dans tête ?
Claudie est notre recrue depuis peu. Elle reste encore méfiante.
Je souris, ravie de la confusion animalière que j’ai semée.
— Pas de ferme urbaine pour moi, ark, zéro intérêt, s’oppose Geneviève.
— Tu veux explorer la bestialité récréative pour ton prochain roman ?
Je les regarde avec ravissement avant de dire :
— Maintenant, j’aime ces animaux de tout mon cœur et je ne les mange plus ! Jamais.
Silence. Lourd silence.
— Calvaire ! Tu niaises ? Pas toi aussi ? rage Sacha. Bon, tu me tapes déjà sur les nerfs !
— C’est une joke, c’est ça ? tente Geneviève, l’air aussi contrarié que Sacha. Tu veux juste diminuer ta consommation de viande, comme un peu tout le monde ?
— Tu me feras pas manger de tempeh dégueulasse, certain, ça goûte le cul ! lance Coriande.
— J’ai déjà plus du tout le goût d’être en ta compagnie, m’annonce Claudie.
— Je suis contente que vous preniez bien ça, les filles ! que je m’exclame, une main sur le cœur.
— C’est nous autres qui allons endurer les soupers de congrès super compliqués à planifier…
— Les restaurants durs à choisir…
— Les « Ark, y a du sang dans ton assiette, meurtrière d’animaux, on devrait te faire la même chose pour voir si t’aimerais ça ».
— Ou encore les « Savais-tu que les crevettes de Matane tombent amoureuses ? ».
En panique, elles parlent toutes en même temps.
— Ça me touche vraiment de sentir que vous me soutenez, sans jugement, que j’ajoute.
— Pis t’es célibataire, en passant, chose bine. Les carottes, la chasse, le big buck, t’en fais quoi ?
— T’anéantis la structure même du langage de la consœurie, se désole Sacha en se resservant du vin jusqu’à ras bord pour noyer son désarroi.
— C’est quoi ? Dorénavant, tu vas chasser le pois chiche avec de l’huile d’olive extra-vierge ?
— Tu vas tenter d’attirer le tofu avec du kale ?
— C’est n’importe quoi, j’en reviens pas ! Tu vas te ramasser avec un grand sec tout blanc, pas d’énergie pis asthmatique qui va collectionner les feuilles d’arbres dans une vieille BD en guise de sport, détaille Coriande, qui me souhaite évidemment le meilleur pour l’avenir.
Sacha la seconde :
— Tu vas te retrouver en couple avec un gars qui fabrique son linge avec des retailles de poches de jute pis qui utilise de la cire d’abeille pour lisser ses tresses de barbe qui puent !
— Fuck, tu viens de scraper ton existence, la nôtre, celle de la consœurie pis dix ans de notre histoire !
Dans un désespoir palpable, Coriande tente de sauver les derniers meubles du naufrage :
— Dis que tu veux encore chasser le big buck au moins ? Tu le manges pas, tu veux juste coucher avec. Mais si tu lui proposes une salade de quinoa en guise de souper de première date, il va te sacrer là, sans jamais te rappeler, pis ce sera ben bon pour toi ! Faut que tu fasses semblant de manger de la viande durant les premiers soupers, quitte à la recracher dans ta main pour la mettre entre tes cuisses en dessous de la table. Si tu finis tes jours seule, comme un vieux creton végé qui paraît gluant-dégueulasse pis que personne achète à l’épicerie, ben criss… viens pas chialer après !
— Vous me souhaitez juste du bonheur et de la réussite dans mon projet… j’apprécie tellement. Vous soufflez dans mes ailes, les filles, que je dis en feignant d’avoir une larme à l’œil, la main droite toujours sur le cœur.
Dans l’avion, scène 2
Mes meilleures amies, ça. On vit une relation vraie dans l’égalité, l’amour et le respect des autres et de leurs choix.
Bruit de criquet.
Cette réaction n’était pas de leur faute : elles sont âgées et rigides. Elles se sont faites à l’idée depuis, mais je dois gérer « mes affaires de bouffe » sans les faire suer ou changer leurs plans. Ce n’est même pas compliqué. Je ne suis pas trop stricte non plus et je n’en fais pas une maladie. Disons que j’expérimente quelque chose de nouveau. Tout comme le bénévolat, ça me fait me sentir bien, et avec l’année que je viens de passer, « me sentir bien » est au centre de mes priorités. Vous vous demandez peut-être ce que Coriande faisait au Québec alors qu’elle vit en France avec son amoureux depuis trois ans ? Grosse année pour elle aussi. Je vous raconte l’histoire, mais avant, mettez-vous quelque chose entre les dents pour mordre.
C’est indispensable.
La fois où le bruit d’un cœur brisé a traversé l’océan Atlantique
Je m’étire comme un chat dans ma chaise d’ordinateur. Comme nous sommes en fin de course, tout près de l’impression du roman,
