Maudit temps des fêtes
Par Cynthia Maréchal
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À propos de ce livre électronique
Tandis que leur fille Elodie et son nouvel amoureux contribuent aux préparatifs, leur fils Sébastien reste rivé à ses jeux vidéo. Du moins, jusqu'à ce que ses grands-parents l'impliquent dans un commerce exotique. Quant au frère rangé de Pierre, Serge, il voit ses vies amoureuse et professionnelle s'entremêler malgré lui. C'est aussi le cas de Martine, l'amie un peu snob de Johanne, qui se trouve attirée par un homme avec lequel elle n'a visiblement rien en commun.
Par-dessus le marché, alors que la radio proclame sur tous les tempos la venue du père Noël, un mystérieux membre de la famille surgit de nulle part. Décidément, en ce temps des fêtes fébrile à souhait, il y aura du monde à la messe !
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Aperçu du livre
Maudit temps des fêtes - Cynthia Maréchal
1
En cette matinée du 1er novembre, Johanne Bérubé marchait d’un pas allègre sur la rue Masson en direction de la pharmacie Jean Coutu. Malgré le début de ce mois annonçant l’hiver, le temps était doux et ensoleillé. Les vitrines étaient encore décorées aux couleurs d’Halloween. Johanne croisa quelques piétons qui la saluèrent d’un hochement de tête. Tous la reconnaissaient à sa démarche dynamique et à son physique attrayant. Petite, bien proportionnée, chevelure auburn, yeux verts un brin malicieux, Johanne, tout juste cinquante ans, était une figure connue dans ce quartier familial et sympathique. Elle y tenait une boutique de produits naturels près de la 7e Avenue depuis bon nombre d’années.
D’ailleurs, elle se félicitait d’avoir proposé à sa fille Élodie de travailler avec elle dans son commerce, qu’elle avait judicieusement nommé Naturex. Johanne était une mère de famille heureuse de sa vie. Elle avait deux beaux enfants : Élodie, vingt et un ans, et Sébastien, dix-neuf ans. Elle vivait avec leur père, son mari qu’elle adorait et qui le lui rendait bien. Elle avait rencontré Pierre Morin près de vingt-cinq ans plus tôt. Ce dernier travaillait à l’époque à la SAQ de la rue Masson. Johanne s’y rendait tous les quinze jours à peu près pour acheter la bouteille de scotch de son père qui, déjà, en ce temps-là, sortait très peu de la maison. Chaque fois que Johanne se présentait à la SAQ, le beau Pierre accourait pour servir cette jolie cliente au sourire si lumineux. Un jour, il lui avait déclaré qu’il la trouvait un peu jeune pour consommer du scotch si régulièrement...
Vingt-cinq ans plus tard, Pierre travaillait toujours à la SAQ, mais désormais comme directeur dans une autre succursale, à Laval. Son travail le satisfaisait pleinement, et l’aller-retour quotidien ne le fatiguait pas. Il empruntait la rue Papineau jusqu’au pont Papineau et parvenait sans encombre au Centre Duvernay. Au grand bonheur du couple, leurs deux enfants étaient toujours à la maison. Il y avait amplement d’espace dans le triplex de la 4e Avenue pour loger tout ce beau monde. La famille résidait au rez-de-chaussée, la mère de Johanne et son compagnon occupaient le premier étage. Quant au deuxième, il était habité depuis de nombreuses années par Raymond, un vieux solitaire. On n’avait jamais augmenté son loyer par générosité et parce qu’il était un bon locataire bien tranquille. Le couple Bérubé-Morin avait racheté l’immeuble à la mère de Johanne après le décès de son mari, une vingtaine d’années plus tôt. Ce dernier avait succombé au cancer du poumon. Chacun pensait, tout comme les médecins, que la cigarette était en grande partie responsable de sa maladie, car l’homme avait fumé plus d’un paquet par jour depuis sa jeunesse.
Johanne se réjouissait que sa fille l’assiste à la boutique. Les cours d’Élodie à l’université, bien répartis, lui permettaient de travailler le lundi et le mardi matin jusqu’à quatorze heures, ainsi que le jeudi et le vendredi soir. Elle mettait également la main à la pâte la fin de semaine. Petit magasin de produits ciblés et triés sur le volet, Naturex n’était pas toujours bondé. Cette situation idéale permettait à Élodie d’avancer dans ses lectures et travaux scolaires lorsque la boutique se vidait de ses clients. Par ailleurs, Élodie possédait une excellente faculté de concentration ; elle pouvait étudier même en écoutant de la musique. L’histoire de l’art la passionnant depuis l’enfance, elle avait choisi ce programme pour ses études de premier cycle.
En arrivant près de la pharmacie Jean Coutu, Johanne s’étonna : avait-elle eu une illusion auditive en percevant une mélodie allègre du temps des fêtes ? Elle s’immobilisa sur le trottoir pour écouter plus attentivement. En effet, la chanson Le petit renne au nez rouge était diffusée dans la douceur de cette matinée d’automne depuis le haut-parleur fixé au-dessus de la porte d’entrée du commerce où l’on trouve même un ami. Johanne leva les yeux au ciel en se rendant compte que Noël s’annonçait déjà. Bouche bée, elle observa un employé affairé à installer des décorations scintillantes évoquant de petits sapins enneigés dans la vitrine du commerce.
— Ah ben maudit ! Je ne peux pas le croire ! s’exclama-t-elle.
— Bien oui, madame, renchérit une voix rauque. C’est comme ça chaque année après Halloween ! Une petite monnaie, m’dame ?
Johanne aperçut, assis contre le mur près de l’entrée de la pharmacie, un mendiant qui tendait dans sa direction un vieux gobelet à café vide. Reconnaissant l’homme, elle sourit. C’était Gérald le clochard qui, depuis longtemps, revenait régulièrement quêter à cet endroit. Quelques années plus tôt, pour mériter son petit pécule, il ouvrait la porte du Jean Coutu aux clients. Mais à cause du progrès technologique, maintenant la porte était automatisée. Gérald restait désormais assis en tailleur, brandissant son verre de carton. Johanne déposa une pièce d’un dollar dans le gobelet et entra dans la pharmacie.
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Pierre Morin savourait à petites gorgées le café latté qu’il avait acheté chez Tim Hortons, comme presque chaque matin avant d’arriver au travail. Il était assis à son bureau dans l’arrière-boutique de la SAQ du Centre Duvernay à Laval. En sa qualité de directeur de succursale, il prenait soin tous les jours, avant d’entreprendre sa journée, de mettre de l’ordre dans la paperasse qui jonchait sa table de travail. Il profitait également de cet instant de détente, café chaud à la main, pour réfléchir à sa situation actuelle. Il était fier de lui-même, de sa réussite professionnelle. Même s’il avait abandonné à mi-parcours ses études au cégep, il avait su tirer son épingle du jeu.
Quand il avait annoncé à son père sa décision d’interrompre son année scolaire pour prendre une année sabbatique, ce dernier l’avait vivement sermonné : les études étaient fondamentales pour arriver à quelque chose dans la vie, laisser tomber l’école était un signe de paresse et surtout cela hypothéquait l’avenir. Me Roger Morin, réputé avocat en droit civil de la région des Laurentides, connaissait mieux que tout autre le profit que l’on pouvait tirer d’un diplôme universitaire. Il avait menacé de couper les vivres à son fils, lui reprochant d’abuser de la situation. Pierre avait de la chance, car son père payait sa part de loyer du quatre et demie qu’il partageait avec son meilleur ami, Alain Lebel. L’avocat était resté furieux longtemps. Son fils, l’aîné de surcroît, l’avait grandement déçu. Huguette, la mère aimante de Pierre, avait intercédé en la faveur de son garçon auprès de son mari pour calmer le jeu. Mais la décision de Pierre était irrévocable ; il estimait que le cégep ne menait à rien et, de plus, il voulait vivre le rêve qu’il partageait avec son ami Alain. En effet, les deux compères voulaient partir à l’aventure au Mexique pendant quelques mois. Pierre avait même précisé à son père qu’il en profiterait pour se cultiver en étudiant l’histoire des Aztèques. Il avait ajouté que les voyages formaient la jeunesse et que s’il revenait avec l’envie d’étudier, il retournerait au cégep, tout simplement.
Les deux amis avaient passé l’automne 1985 et l’hiver 1986 au Mexique, à Tulum, vivant dans des cabanes de bambou, dormant dans des hamacs et se nourrissant de produits locaux. Avec le recul, Pierre ne doutait pas une seconde que ce voyage, une des meilleures décisions de sa vie, lui ait donné les plus beaux moments de sa jeunesse. Avant d’affronter sa vie d’adulte, il avait eu besoin de la plage, du soleil et de l’absence totale de contraintes.
À son retour, Roger l’avait boudé de façon ostentatoire pendant un certain temps. Mais lorsqu’il avait constaté que son fils cherchait du travail, il s’était radouci. Pierre n’avait pas tardé à décrocher un emploi à la SAQ de la rue Masson à Montréal. Dès lors, il avait gagné correctement sa vie et, quelques années plus tard, avait décidé de vivre en couple avec la pétillante Johanne Bérubé. À partir de ce moment, Roger Morin et sa femme Huguette avaient été très fiers de leur fils. Le couple avait poussé la générosité et la bienveillance jusqu’à offrir à Pierre l’argent qu’ils avaient épargné pour ses études supérieures, lorsqu’il leur avait annoncé qu’il avait l’intention de se marier avec Johanne et de fonder une famille. Néanmoins, Roger avait toujours regretté que son aîné n’ait pas suivi ses traces sur le plan professionnel.
Confortablement assis derrière sa table de travail, Pierre pensa qu’il était heureux, et ce, depuis longtemps. Il était content de ses accomplissements. Il occupait un poste de directeur de succursale dans une SAQ très fréquentée, et profitait de bons avantages sociaux. De plus, et cela augmentait son sentiment de satisfaction, il lui restait moins de dix ans à faire avant de prendre une retraite bien méritée. Il sourit à cette idée. Qu’il ait vieilli et pris de l’embonpoint, surtout dans la région de l’abdomen, lui importait peu. Par contre, sa calvitie prononcée l’agaçait de plus en plus. Heureusement, grâce à son air jovial et à son visage peu ridé, il n’accusait pas ses cinquante-deux ans bien sonnés. Puis, il songea à ce qui lui procurait le plus de fierté dans l’existence, soit sa famille : Johanne, sa femme, et leurs enfants, Élodie et Sébastien Bérubé-Morin. C’était pour eux qu’il travaillait chaque jour avec enthousiasme et bonne volonté.
Pierre termina son café et classa quelques papiers avant d’aller accueillir les employés dans la salle d’exposition.
2
Élodie Bérubé-Morin sifflotait en époussetant distraitement les étagères de la boutique de sa mère. Ses pensées du moment étaient réservées à l’élu de son cœur. Eh oui ! Depuis peu, un jeune homme faisait battre le cœur d’Élodie. Même si cette relation était toute récente, la jeune rousse élancée (qui avait hérité des yeux verts de sa mère) était éperdument amoureuse. Elle flottait sur un nuage.
Elle avait rencontré Romain Pradel par hasard. Le printemps dernier, alors qu’elle achevait sa fin de session en arts au cégep du Vieux Montréal, son futur amoureux et elle s’étaient rentrés dedans au détour d’une allée très passante du métro Berri-UQAM. Élodie était pressée, craignant avec raison d’arriver en retard à son examen de philosophie. Ce matin-là, elle s’était levée trente minutes plus tard que d’habitude. De son côté, Romain, sac de sport à la main, se hâtait pour aller attraper son autobus à la station routière, car il devait se rendre à Ottawa. Le choc de la collision des deux jeunes avait projeté au sol le cartable d’Élodie. Les feuilles qu’il contenait s’étaient rapidement éparpillées à cause des courants d’air. Romain s’était senti en partie responsable de l’incident ; lunatique, il avait pour habitude de ne pas trop regarder où il allait. Par conséquent, il s’était précipité pour récupérer les papiers épars en se confondant en excuses auprès d’Élodie, très jolie et sympathique. Cette dernière, le choc passé, avait eu un fou rire en voyant ce grand jeune homme au corps athlétique se démener maladroitement pour attraper les feuilles.
— Je suis désolé, mademoiselle, avait-il dit poliment.
Puis, se relevant à demi, il lui avait remis son cartable ouvert sur des documents pêle-mêle.
— Vous n’avez pas à vous excuser, c’est ma faute. J’étais distraite, car j’ai un examen dans quelques minutes ! s’était justifiée Élodie avec un semblant de sourire aux lèvres.
— Je suis Romain Pradel, avait déclaré spontanément le jeune homme à l’allure sportive.
Élodie avait apprécié le côté franc et chaleureux de son interlocuteur.
— Élodie Bérubé-Morin, avait-elle annoncé en saisissant la main tendue.
C’est donc dans des circonstances pour le moins burlesques qu’ils avaient fait connaissance. Un choc entre deux inconnus dans le métro… comme dans les films. Du moins, Élodie aimait à le penser. Elle avait un penchant romantique, dont elle ne se cachait pas.
Ce matin-là, en sortant de la salle d’examen, Élodie avait consulté sa page Facebook sur son téléphone. Elle avait reçu une nouvelle demande d’amitié. Celle-ci provenait de Romain Pradel, qui posait fièrement en tenue de joueur de soccer, un ballon sous le pied.
Élodie songeait une fois de plus aux délicieux débuts de sa relation lorsque son téléphone, posé sur le comptoir, émit le petit son sec annonçant l’arrivée d’un texto. Cela la fit revenir sur terre. Peut-être que Romain avait senti qu’elle pensait à lui et lui envoyait un petit mot d’amour ? Elle était très excitée à l’idée de son retour le soir même. En effet, il vivait dans la capitale une bonne partie de l’année, car il était gardien de but pour une équipe de soccer. Elle se précipita sur son cellulaire pour constater, dépitée, que le texto provenait de sa mère.
Johanne : N’oublie pas de préparer la commande de Mme Séguin.
Élodie : Non, maman.
Johanne : La liste est à côté de la caisse. La cliente va passer prendre la commande vers midi.
Élodie : OK, maman.
Johanne : Bisous, ma chérie.
Élodie : xx.
Heureusement que sa mère le lui avait rappelé, car Élodie avait complètement oublié cette commande. La jeune femme rangea son plumeau et entreprit de préparer l’ordonnance de Mme Séguin qui, ce jour-là, en plus de ses antioxydants habituels, avait aussi demandé deux savonnettes à la lavande fabriquées artisanalement à Tadoussac, un nouveau fournisseur de la boutique.
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Sébastien Bérubé-Morin était assis devant son ordinateur dans sa chambre de la résidence familiale, située dans la 4e Avenue à Rosemont. Cependant, malgré son air concentré, il n’était pas en train de travailler sur un devoir scolaire, comme il l’aurait dû. Il était absorbé par sa partie de Call of Duty, un jeu de guerre de nouvelle génération ultra-réaliste. Sébastien jouait en ligne avec des amis virtuels qui formaient avec lui un bataillon qui combattait des envahisseurs ennemis. La partie était intense, des gouttes de sueur se formaient sur le front de Sébastien. Il n’osait pas s’éponger de peur de lâcher sa manette et de compromettre sa mission de sauvetage. De temps à autre, il jetait un regard à la dérobée à l’heure affichée au coin de l’écran. Le temps pressait, car il devait se rendre à un cours d’informatique au cégep Maisonneuve dans moins d’une heure. Cela le stressait, mais pas assez pour qu’il abandonne son activité. Sébastien savait que même s’il ressentait une légère culpabilité, il jouerait aussi longtemps que possible car ce jeu le passionnait.
Il sursauta lorsque la sonnette de la maison retentit, mais il continua néanmoins à jouer. Le timbre résonna de nouveau, ce qui l’agaça. Déçu et contrarié, il fut obligé d’aviser ses acolytes par le microphone :
— OK, les gars, je dois y aller. Je vais réintégrer le bataillon en soirée, dit-il avant de quitter son siège pivotant.
— OK, Seb, répondirent quelques voix à l’unisson dans un bruit grinçant.
Sébastien se dirigea vers la porte d’entrée. Intrigué, il se demandait qui pouvait bien le déranger au beau milieu de la matinée, alors que tout le monde travaillait. Derrière la vitre teintée de la porte, il reconnut la silhouette de sa grand-mère Denise, qui habitait à l’étage du dessus. Il ouvrit, se résignant à recevoir quelques bisous et recommandations de sa mamie adorée. Il aimait bien son odeur de pomme, mais moins son insistance.
— Bonjour, Sébastien. Comment ça va ?
Denise n’attendit pas sa réponse pour le prendre dans ses bras et lui faire un câlin, en tâchant de prolonger celui-ci le plus longtemps possible.
— Tu n’as pas d’école ce matin ? reprit-elle en fronçant légèrement les sourcils.
Sébastien marmonna :
— Oui, mamie. Je pars dans quinze minutes.
Elle le retint doucement par le bras.
— Qu’est-ce que tu as, mon grand ? Tu as le visage rouge et en sueur ! Essuie tes lunettes, elles sont pleines de buée… Je suppose que tu faisais tes devoirs ? Comment arrives-tu à y voir clair de cette façon ?
Sébastien s’épongea la figure du revers de la manche de sa robe de chambre. Ensuite, il essuya ses lunettes de la même façon. Denise gloussa de le voir faire, puis elle enchaîna :
— Je suis contente que tu sois là. Tu pourras faire le message à ta mère. Gaston et moi, nous allons passer une semaine en Floride. Gaston nous a trouvé des billets de dernière minute pour Miami. Nous séjournerons dans un condo et nous visiterons le parc des Everglades.
— Super, mamie ! s’écria Sébastien avec sincérité. Mais pourquoi les Everglades ? Vous ne seriez pas mieux à la plage ?
Denise haussa les épaules et sourit.
— Eh bien… pour chasser les papillons ! Tu sais que Gaston aime attraper des insectes rares et des papillons pour sa collection. On ne le surnomme pas « Papillon » pour rien !
Sébastien approuva de la tête.
— Je te souhaite un beau voyage, mamie.
— Merci, mon grand. Mais n’oublie pas d’avertir ta mère, car il faudra nourrir Grisou tous les jours sans faute. Et il aura aussi besoin de caresses pour ne pas qu’il soit en manque d’affection. Il est si câlin ce chat !
Denise rit un peu et continua :
— À la semaine prochaine, Sébastien. Sois sage et… lâche un peu ton ordinateur. Il n’y a pas que ça dans la vie !
Sébastien esquissa un sourire contrit.
— OK, mamie. Bon voyage !
Après une dernière bise, Denise s’en alla d’un pas enthousiaste. Elle gravit rapidement l’escalier jusque chez elle. En observant cette dame, jamais on n’aurait pu deviner qu’elle avait soixante-douze ans. Elle paraissait facilement une bonne douzaine d’années de moins, non seulement à cause de ses cheveux teints en noir, mais surtout grâce à la vitalité et à la joie de vivre qui l’animaient. Sébastien pensa qu’il avait une super grand-maman et qu’il l’aimait profondément.
Puis, il se rendit compte que, cette fois, il serait vraiment en retard pour aller au cégep. Il s’habilla en moins de deux et sortit en trombe de chez lui, le cœur content.
3
Romain Pradel était dans un taxi. La voiture filait en direction de la résidence de ses parents. Le jeune homme était heureux de revenir à Saint-Léonard, de se poser pendant un moment dans le giron familial, au moins jusqu’en avril prochain. Par ailleurs, s’il était chanceux et qu’il récoltait le fruit de ses efforts, il n’aurait pas besoin de retourner à Ottawa en qualité de gardien de but de l’équipe de soccer Fury FC d’Ottawa, le club-école de l’Impact de Montréal. Si les choses allaient comme il l’espérait, il serait rappelé par le grand club et commencerait la saison à Montréal pour l’Impact. Romain chérissait ce rêve depuis que cette équipe faisait partie de la MLS (Major League Soccer), la ligue de soccer nord-américaine. Par conséquent, si son souhait se réalisait, il ne vivrait plus loin de sa famille pendant de longs mois, ni d’Élodie, sa blonde.
Sa famille se composait de son père, Henry Pradel, de sa mère, Marcelline Pradel, et de son grand frère Antoine qu’il idolâtrait depuis l’époque où ce dernier était un joueur vedette de la ligue de soccer Intercité, alors que les deux étaient adolescents. Cependant, un drame avait changé cette existence apparemment toute tracée d’avance : Antoine s’était gravement blessé au genou lors d’un entraînement. Cet accident bête avait mis fin à son rêve. Maintenant, Romain désirait ardemment signer un contrat pour l’Impact, autant pour lui que pour son frère et ses parents, eux qui l’avaient toujours encouragé à poursuivre sa quête. Une autre raison majeure, son facteur de motivation le plus puissant, avait incité Romain à redoubler d’ardeur dans les entraînements et les matchs de son club d’Ottawa : son amour pour Élodie. Il bénissait le hasard qui les avait fait entrer en collision dans les couloirs bondés du métro Berri-UQAM.
Le taxi s’immobilisa devant la résidence des Pradel. Romain paya le chauffeur de la compagnie Diamond, un Haïtien originaire de cette île, comme ses propres parents. Il remercia chaleureusement l’homme en lui adressant quelques mots en créole pour lui faire plaisir. Celui-ci, de l’âge de son père, lui avait appris qu’il était né dans un petit village situé dans le nord d’Haïti. Romain prit son gros pochon de voyage usé par les ans et gravit quatre à quatre l’escalier qui menait à la porte d’entrée de la maison. Il n’eut pas besoin de tourner la poignée, car la porte s’ouvrit aussitôt. Sa mère et son père, sourire aux lèvres, l’accueillirent à bras ouverts. Antoine, planté juste derrière eux, attendit son tour.
Romain se sentit profondément heureux d’être enfin de retour dans la maison où il avait grandi. La bonne odeur caractéristique du grillot de porc, que sa mère avait cuisiné pour l’occasion, avait quelque chose de rassurant. Il s’en léchait les babines d’avance en se disant que sa famille et lui se régaleraient tous ensemble à l’heure du repas. Il contint néanmoins son impatience en s’assoyant autour de la table de la cuisine pour discuter avec les siens. Une fois qu’il aurait mangé, Romain ne s’attarderait pas avec sa famille. Il avait du mal à contrôler sa hâte de voir son amoureuse. Élodie devait l’attendre impatiemment. Dans quelques heures à peine, il la retrouverait.
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Dans sa maison de la 4e Avenue, la famille Bérubé-Morin s’installa dans la salle à manger pour le souper. Princesse, un épagneul âgé de douze ans nettement obèse, attendait, dans son couffin les restes de table d’un œil avide. Pierre avait acheté la jolie bête beige et brun lors d’un Noël pour ses enfants. Depuis, l’enchantement avait fait son œuvre ; désormais, c’était les parents qui la promenaient chaque jour.
Pour le repas, Sébastien avait religieusement suivi les instructions de sa mère. Il avait mis le pâté chinois au four à 250 degrés, pour qu’il cuise lentement et soit prêt lorsque la famille serait de retour en fin de journée.
Johanne soupira avant d’attaquer son assiette.
— Figurez-vous donc que ce matin, à la pharmacie, la musique de Noël jouait à plein volume à l’extérieur, déclara-t-elle. Et des employés s’affairaient déjà à décorer le commerce avec des guirlandes et de petits sapins en carton ! C’est fou comme les commerçants ne perdent pas de temps. Halloween vient à peine de passer !
Pierre avala une bonne bouchée avec une rasade de vin rouge, dont la bouteille avait été entamée deux jours plus tôt. Il renchérit :
— C’est vrai, ma chérie. D’année en année, on croirait qu’ils s’y prennent de plus en plus tôt… On a l’impression qu’on n’a pas le temps de vivre que, déjà, il faut penser aux fêtes ou à la Saint-Valentin. Franchement ! Même nous, à la SAQ, on a déjà reçu depuis un bon moment des bouteilles de spiritueux décorées aux couleurs du temps des fêtes. Même si on est en novembre, on va devoir les disposer sur les présentoirs dès cette semaine, car c’est la consigne.
Les jeunes, habitués de vivre dans une société de consommation, ne semblaient nullement incommodés par cette situation. Ils écoutaient les doléances de leurs parents sans manifester la moindre émotion. Toutefois, Élodie s’anima soudainement :
— Maman, on devrait installer un petit sapin de Noël dans la boutique ! s’écria-t-elle. Ça mettrait les clients dans l’ambiance… et puis, ça sent tellement bon ! Ça crée une sorte de magie.
— Bien sûr, Élodie. On va en installer un, comme l’an dernier, mais pas avant le 1er décembre ! Il ne faut pas exagérer. Aujourd’hui, il faisait tellement doux dehors qu’un manteau était presque de trop. J’aime bien les décorations des fêtes moi aussi, mais rien ne presse. Dehors, on a encore l’impression que c’est l’été indien !
Les enfants rigolèrent.
Sébastien n’avait pas encore prononcé un mot. Il engloutissait littéralement sa grosse portion de pâté chinois noyé de ketchup.
— Prends ton temps, mon Sébastien ! lui recommanda Pierre. Tu vas t’étouffer. À croire qu’on ne te nourrit pas assez ici !
— Non, papa, il n’est pas affamé, fit Élodie en soupirant. C’est plutôt qu’il a hâte d’aller rejoindre ses amis virtuels pour se livrer à un combat tout aussi virtuel sur son ordinateur chéri.
Derrière ses lunettes aux verres toujours sales, Sébastien lança à sa sœur un regard de reproche. Puis, il s’exclama sur un ton agacé :
— Ouais… Il est temps que ton Romain revienne d’Ottawa parce que tu deviens de plus en plus insupportable.
— T’en fais pas, frérot, il revient aujourd’hui. Je vais passer la soirée avec lui. D’ailleurs… Au lieu de te moquer, tu aurais intérêt à prendre exemple sur Romain.
Sébastien la fixa, l’air interrogateur.
— Oui, reprit Élodie sur un ton cinglant, fais donc plus de sport au lieu de rester devant ton ordi à te goinfrer de chips et de chocolat.
La tension monta. Johanne s’essuya la bouche avec sa serviette et intervint, coupant court à une possible escalade :
— Ça suffit, les enfants ! Vous n’allez pas commencer à vous disputer autour de la table.
— De toute façon j’ai fini, conclut Sébastien en repoussant sa chaise.
— Rince bien ton assiette avant de la mettre dans le lave-vaisselle, lui ordonna Johanne.
— Oui, m’man, comme toujours, répliqua Sébastien.
Pierre était heureux que l’altercation entre ses enfants en reste là. Il se réjouissait sincèrement du retour de Romain, car il savait que sa fille l’aimait et qu’elle s’était beaucoup ennuyée de son amoureux dernièrement. Six mois auparavant, Élodie avait officiellement présenté son nouveau chum à ses parents. En apercevant le grand jeune homme dans l’embrasure de la porte, Pierre avait éprouvé de la surprise et de l’inquiétude. Il ne s’attendait pas à avoir un Noir comme gendre. Il ne s’était jamais considéré comme raciste, mais il avait dû s’avouer que le choix de sa
