Pas comme ça (Un thriller du FBI Ilse Beck – Livre 4)
Par Ava Strong
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À propos de ce livre électronique
L’agente spéciale du FBI Ilse Beck, qui a vécu une enfance traumatisante en Allemagne, s’est installée aux États-Unis pour devenir une psychologue de renom spécialisée dans le SSPT, et la plus grande experte mondiale du traumatisme propre aux survivants de tueurs en série. En étudiant la psychologie de leurs survivants, Ilse possède une expertise unique et inégalée de la véritable psychologie des tueurs en série. Elle était cependant loin de se douter qu’elle deviendrait elle-même agente du FBI.
Lorsque les patients d’Ilse sont retrouvés morts dans une série de suicides, Ilse enquête et soupçonne que quelque chose de plus abominable est en jeu. Le tueur en série de son passé – celui qu’elle craint le plus – serait-il revenu ?
Et si c’est le cas, Ilse sera-t-elle la prochaine cible ?
Polar sombre et riche en suspense, la série ILSE BECK est à couper le souffle, on ne peut plus la lâcher de la première à la dernière page. Un mystère fascinant et déroutant, plein de rebondissements et de secrets stupéfiants, qui vous fera aimer un nouveau personnage brillant, tout en vous gardant sous le choc jusque tard dans la nuit.
De nouveaux livres dans cette série seront bientôt disponibles.
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Aperçu du livre
Pas comme ça (Un thriller du FBI Ilse Beck – Livre 4) - Ava Strong
pas comme ça
(un thriller du FBI ilse beck—volume 4)
a v a s t r o n g
Ava Strong
Ava Strong est l’auteur de la série de romans mystère REMI LAURENT, qui comporte actuellement trois tomes ; de la série de romans mystère ILSE BECK, qui comporte actuellement six tomes ; de la série de thrillers suspense psychologique STELLA FALL, qui comporte actuellement quatre tomes.
Lecteur avide et fan depuis toujours de romans à mystère et à suspense, Ava aime recevoir de vos nouvelles. Donc n’hésitez pas à vous rendre sur www.avastrongauthor.com pour en apprendre plus et rester en contact.
Copyright © 2021 by Ava Strong. Tous droits réservés. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise par quelque moyen que ce soit, stockée sur une base de données ou stockage de données sans permission préalable de l'auteur. Cet ebook est destiné à un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut être vendu ou cédé à des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir acheté, ce livre n'a pas été acheté pour votre propre utilisation, retournez-le et achetez votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, personnages, sociétés, organisations, lieux, évènements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilisés en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou décédées, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright zef art, sous licence Shutterstock.com.
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SON AUTRE MENSONGE (Livre #2)
SON AUTRE SECRET (Livre #3)
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PAS COMME IL SEMBLAIT (Livre #2)
PAS COMME HIER (Livre #3)
PAS COMME ÇA (Livre #4)
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CODE MEURTRIER (Livre #2)
CODE MALSAIN (Livre #3)
LE CODE VENGEUR (Livre #4)
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE UN
CHAPITRE DEUX
CHAPITRE TROIS
CHAPITRE QUATRE
CHAPITRE CINQ
CHAPITRE SIX
CHAPITRE SEPT
CHAPITRE HUIT
CHAPITRE NEUF
CHAPITRE DIX
CHAPITRE ONZE
CHAPITRE DOUZE
CHAPITRE TREIZE
CHAPITRE QUATORZE
CHAPITRE QUINZE
CHAPITRE SEIZE
CHAPITRE DIX-SEPT
CHAPITRE DIX-HUIT
CHAPITRE DIX-NEUF
CHAPITRE VINGT
CHAPITRE VINGT ET UN
CHAPITRE VINGT-DEUX
CHAPITRE VINGT-TROIS
CHAPITRE VINGT-QUATRE
CHAPITRE VINGT-CINQ
CHAPITRE VINGT-SIX
CHAPITRE VINGT-SEPT
CHAPITRE VINGT-HUIT
CHAPITRE VINGT-NEUF
CHAPITRE TRENTE
CHAPITRE TRENTE ET UN
CHAPITRE UN
Ilse entra dans le petit édifice gris, en laissant le ciel nuageux et la verdure derrière elle. La structure en elle-même faisait tache dans le paysage champêtre. Elle quitta l’air frais du matin pour entrer dans une atmosphère étouffante, sans aucune ventilation. Elle entendit une sonnerie derrière elle, au moment où la porte se referma. Deux gardiens étaient debout à côté du détecteur de métaux et lui firent signe de déposer ses affaires dans une boîte grise.
Un ciel gris. Un bâtiment gris. Une boîte grise. Comme si tout conspirait pour oblitérer les couleurs de la vie. Les doigts d’Ilse tremblaient, quand elle sortit son portefeuille et les clés de la voiture de location qu’elle avait récupérée à l’aéroport.
L’un des gardiens lui dit quelque chose qu’elle comprit à peine et elle balbutia une réponse rapide en allemand. Elle était capable de comprendre la langue de son enfance. Après tout, à une époque, elle avait été la petite Hilda Mueller. Mais elle avait passé ces quinze dernières années aux États-Unis, à Seattle, alors son allemand était un peu rouillé.
Ilse se mit à frissonner et elle sentit son estomac se serrer d’appréhension. Elle tapota du doigt contre son poignet, autour duquel étaient tatoués des mots dont elle voulait constamment se rappeler.
Capture chaque pensée.
Mais alors qu’elle passait le détecteur à métaux et récupérait ses affaires de l’autre côté, elle n’était pas sûre que ce soit possible. Elle avait l’impression de perdre les pédales. Son cœur battait à tout rompre. Son nouveau badge du FBI, en tant que consultante et agent, lui avait permis d’arriver jusqu’ici. Mais maintenant, elle allait avoir besoin de courage et de force de volonté pour continuer à avancer.
Elle trembla, en continuant à tapoter nerveusement son tatouage. Elle vit un homme au visage livide, debout derrière une vitre blindée, lui faire signe d’approcher. Derrière son box, se trouvait une rangée de portes dans un couloir.
« Agent Beck ? » dit le gardien, en levant les yeux d’un formulaire de demande posé sur le comptoir.
Ilse sentit sa gorge se serrer. Elle acquiesça d’un mouvement rapide de la tête. « Oui, c’est moi. »
« Vous êtes ponctuelle, » dit le gardien, en jetant un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur, au-dessus d’un percolateur. Il était exactement huit heures quart. Pas une minute de plus, pas une minute de moins. Ilse se faisait un honneur d’être toujours à l’heure. Elle tira sur les manches de son sweat. Elle aurait préféré porter des tongs et un jogging, mais elle avait fait un effort et était vêtue de baskets et d’un pantalon noir qui faisait un peu plus habillés, tout en restant décontractés. Un vrai tailleur l’aurait fait se sentir vulnérable. Surtout ici.
« À qui venez-vous rendre visite ? »
Ilse hésita. Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’avait plus prononcé son nom à voix haute. Enfant, elle l’avait toujours appelé père. Le tortionnaire, le monstre qui vivait à l’étage. Tellement de souvenirs s’étaient évanouis ou restaient flous. Mais il fallait qu’elle trouve la force en elle. Elle était venue jusqu’ici pour une raison. Pour le voir. Le confronter. Découvrir pourquoi il lui envoyait ces cartes postales. Elle en avait assez d’être harcelée, elle ne voulait plus se cacher. Il y avait eu quelqu’un d’autre à l’étage. Quelqu’un dont elle ne se rappelait pas.
Elle était là pour obtenir des réponses.
Elle avait la voix rauque, mais elle parvint à prononcer d’un seul coup l’horrible nom. « Gérald Mueller, » dit-elle.
En entendant ce nom, le gardien leva les yeux et l’observa à travers la vitre.
Ilse sentit un frisson lui parcourir l’échine.
« Mueller ? » dit le gardien. « Il ne reçoit pas de visites. Il est dans un quartier de haute sécurité. »
En guise de réponse, Ilse sortit son badge et le glissa dans la fente, sous la vitre.
Le gardien y jeta à peine un coup d’œil. Il fit un geste dédaigneux de la main. « Là n’est pas la question, » dit-il. « Personne n’a jamais rendu visite à Mueller. Il est là depuis plus de dix ans et il n’a jamais eu une seule visite. »
Ilse resta immobile, figée sur place. Elle avait froid et se sentait abattue, mais elle n’abandonna pas. « Il faut tout de même que je lui parle. »
Le gardien finit pas jeter un coup d’œil à son badge, avant de soupirer et de hausser les épaules.
« Si vous le dites, » dit-il. « De toute façon, la criminelle a déjà donné son accord… » Il fit un geste de la main pour l’englober, elle et son badge. « Mais comme je vous l’ai dit, il est enfermé dans un quartier de haute sécurité. Il n’a pas accès au parloir. Vous allez devoir lui rendre visite dans sa cellule. »
Ilse sentit une pointe d’anxiété, mais elle hocha la tête et dit : « Peu importe, tant que je peux le voir. »
En guise de réponse, le gardien appuya sur un bouton pour ouvrir la porte qui se trouvait à côté de son box. Une grille métallique s’ouvrit en même temps. Il fit un geste au gardien qui se trouvait au milieu du couloir. L’homme s’approcha d’un pas rapide, les sourcils froncés.
En allemand, et en parlant rapidement pour que ce soit plus difficile à comprendre, le gardien lui dit : « Visite pour Mueller. La criminelle nous avait prévenus. Préautorisé. »
Les deux gardiens échangèrent un regard qui en disait long à travers la vitre, les sourcils froncés et en la regardant du coin de l’œil. Puis ils haussèrent les épaules et Ilse suivit le deuxième homme dans le couloir, à travers la grille en métal. Le bruit de leurs pas résonna sur le sol poli. L’écho se répercutait de manière lugubre dans le couloir impeccable, aux murs nus peints en blanc. Ils traversèrent le couloir et arrivèrent à un deuxième, également fermé par une porte métallique. Un autre clic se fit entendre et la porte s’ouvrit. Le gardien continua à avancer devant elle, sans se retourner, dans un uniforme impeccable et sans un pli. Ilse le suivait, vêtue de ses baskets, de son pantalon et de son sweat. Elle continuait à frissonner, dans cette vieille prison en plein cœur de l’Allemagne.
Ça faisait tellement longtemps. Ça faisait plus de vingt ans qu’elle ne l’avait pas vu. Ils l’avaient changé quelques fois de prisons, avant qu’il n’atterrisse ici.
Elle sentit son cœur battre à tout rompre. Mais il y avait quelque chose dans le fait de se retrouver dans une prison qui la rassurait un peu. Elle aimait la solitude, le silence. Quatre murs et un lit. Il y avait quelque chose dans la vie régentée des prisons qui lui donnait un sentiment de protection, presque… de nostalgie. À voix basse, elle se mit à réciter ce truc mémoriel qui lui permettait de se calmer. Elle avait une connaissance encyclopédique de chaque tueur en série, de leurs victimes et de leurs troubles mentaux. Elle avait dû les étudier pour sa thèse. Et maintenant, tandis qu’elle traversait ce couloir qui lui paraissait interminable, elle se mit à réciter à voix basse : « Trouble de la personnalité schizotypique. Trouble borderline et psychotique. Dahmer. Cheveux blonds. Quatre-vingt-quatorze. Dix-sept victimes. Vingt et un mai. »
Pas de visites autorisées. Elle se demanda si c’était une punition ou un cadeau. Ilse appréciait beaucoup ses patients. Elle aimait pouvoir les aider. Mais si elle avait pu choisir, elle aurait préféré vivre seule dans une cabane, loin de la civilisation, hors de vue. Elle n’était jamais sortie avec un garçon. Pas une seule fois. Pourquoi entraînerait-elle quelqu’un dans le chaos de sa vie ?
Le gardien s’arrêta brusquement, juste devant elle. Il y eu un autre long signal sonore, suivi d’un clic. Il fallut un moment à Ilse pour réaliser qu’elle se trouvait entre deux portes épaisses en métal et sans barreaux. C’étaient plutôt des cloisons solides soudées aux murs. Les prisonniers ne pouvaient rien voir de ce qui se passait à l’extérieur, mais elle ne pouvait pas non plus voir l’intérieur de la cellule.
« Vous avez cinq minutes, » dit le gardien, en jetant un coup d’œil à Ilse. Puis il tira sur une poignée en métal. Une fente s’ouvrit dans la porte, à hauteur des yeux. Elle vit un plateau en métal, qui était sûrement utilisé pour y glisser de la nourriture. La fente permettait aux gardiens de jeter un coup d’œil à l’intérieur de la cellule lors de leurs rondes.
Le gardien laissa la fente ouverte et recula de quelques pas. Ilse sentit son cœur battre à tout rompre. Elle avala sa salive et regarda la plaque à côté de la porte, sur laquelle était indiqué le nom de son père. Il était enfermé là depuis tellement longtemps qu’il avait même une cellule à son nom. Gérald Mueller. Elle se remémora à quoi il ressemblait dans ses souvenirs. Un visage d’enfant de chœur, avec des cheveux blonds et un sourire derrière lequel se cachait toute sa méchanceté. À l’époque, les voisins n’avaient absolument eu aucun soupçon. Un homme bien, qui allait à la messe, d’après la plupart d’entre eux. Aucun des voisins n’aurait jamais soupçonné Gérald Mueller d’être responsable des choses horribles qui s’étaient déroulées dans cette maison au milieu des bois. Pendant une fraction de seconde, Ise sentit ses mains trembler et elle eut envie de faire demi-tour et de s’enfuir en courant. Est-ce qu’elle voulait vraiment le voir ? Après tout ce qu’il leur avait fait. Peut-être qu’il n’était pas nécessaire de raviver d’anciennes blessures…
Non. Elle était venue jusqu’ici pour une raison.
« Salut, Mueller, » dit le gardien d’une voix sèche, en frappant la porte en métal. « Le docteur Beck est venue te rendre visite. » Il n’y eut aucun mouvement, aucun bruit. Puis Ilse vit soudain quelque chose bouger. Par la fente, elle voyait le mur du fond, l’évier en métal, la toilette vissée au sol et un lit. Une chambre toute simple. Un homme se laissa glisser du lit et se redressa. Il portait une robe de chambre grise.
Gris. Gris. Gris.
L’homme qui se trouvait à l’intérieur de la cellule portait également des lunettes, dont la monture avait l’air d’être en caoutchouc. Il cligna des yeux et Ilse sentit sa gorge se serrer au moment où leurs regards se croisèrent.
Elle ne savait pas à quoi elle s’était attendue, mais ce n’était certainement pas à ça.
CHAPITRE DEUX
Il n’eut pas du tout l’air de la reconnaître. L’homme se gratta le menton, d’un air singulier. Il croisa les mains devant lui. Ses cheveux blonds étaient maintenant gris. Son visage s’était affaissé. Il ne se tenait plus fièrement droit comme un i, mais il avait le dos voûté et il boîtait légèrement. Ilse se demanda si c’était dû à son séjour en prison, ou si c’était dû à son âge.
Il était plus fin, plus petit et moins imposant que dans son souvenir. Un homme pitoyable. Un vieil homme brisé. Et en voyant le regard vide dans ses yeux, un homme qui ne l’avait visiblement pas reconnue. « Bonjour, » dit-il, d’une voix tremblante. « J’étais occupé. »
Elle le regarda, la gorge sèche. Elle eut l’impression d’être tombée dans un trou noir et de ne rien voir d’autre qu’un visage qui la regardait de haut. Elle se rappela la fois où son père avait essayé de l’enterrer vivante. La fois où il lui avait coupé l’oreille. Elle tressaillit. Il continua à l’observer, la tête penchée.
« Je suis désolée de vous avoir dérangé, » dit-elle, d’une voix dépourvue de toute émotion.
L’homme se contenta de hausser les épaules, les mains toujours sagement croisées devant lui. Il réajusta sa robe de chambre. « Je peux vous aider ? »
C’était maintenant au tour d’Ilse de rester silencieuse et de l’observer. Est-ce qu’il pouvait l’aider ? Comme elle aurait aimé qu’il lui ait proposé ça il y a vingt-cinq ans d’ici. Mais personne ne les avait aidés. Personne ne se doutait de rien. Ni même les voisins. Personne. En tout cas, c’était ce qu’ils avaient dit. Mais Ilse se souvenait ce que sa sœur lui avait raconté. Heidi, l’un des autres enfants enfermés avec elle dans cette cave, avait retrouvé Ilse à Seattle. Elle avait même essayé de la tuer. Mais avant de mourir, Heidi avait dit qu’une autre personne vivait dans la maison. Qu’il n’y avait pas que leur père. Mais une deuxième personne se trouvait à l’étage.
Ilse revit les cartes postales. Les petites figurines en porcelaine. Les messages qu’elle avait reçus. Ça devait venir de son père. Cet homme débraillé, ratatiné et rabougri. Rien que d’y penser, elle ressentit de la pitié. Quelle émotion étrange. Est-ce qu’il méritait sa compassion ? Certainement pas.
« Oui, » dit-elle, doucement. « Vous pourriez sûrement m’aider. »
« Très bien, » répondit-il. « C’est à quel sujet ? »
Il parlait de manière très posée. Sa voix était détachée. Comme s’il avait l’habitude d’avoir la visite de médecins qu’il ne connaissait pas. C’était ce qui la dérangeait le plus. Il n’avait pas l’air de savoir qui elle était. La manière dont il parlait n’avait rien à voir avec l’homme de ses souvenirs. Il avait le même visage, bien que vieilli. Les mêmes cheveux avec la raie au milieu, même s’ils étaient aujourd’hui gris comme sa robe de chambre. Et la même manière légère de parler. Mais elle ne se rappelait que trop bien quand il se mettait en colère. Elle se souvenait de ses crises de rage.
Et c’était vraiment étrange. Parce que maintenant, alors qu’elle se trouvait face à lui, tout ce qu’elle ressentait, c’était de la pitié. Pendant un moment, elle détourna les yeux du visage blême de cet homme, qui ne lui avait rien appris de plus. Le voir ne lui avait pas permis de conjurer ses horribles souvenirs. Et ça ne l’avait pas non plus mise en colère. Il avait l’air tellement vieux et insignifiant. Impotent. Il n’y avait aucune affaire personnelle dans sa cellule, excepté une étagère sur laquelle était posé un livre. Ilse ne pouvait pas en déchiffrer le titre d’aussi loin. Mais il y avait autre chose sur le bouquin. Elle plissa les yeux. C’était une petite poupée en bois. Ilse regarda fixement la poupée. Ses yeux étaient faits de boutons et une quantité importante de colle avait été utilisée pour lui attacher des bouts de laine rouges sur la tête, pour faire office de cheveux.
Elle se souvint de la poupée.
Elle se rappela être garée devant un magasin. Elle revit son père sortir de voiture, tout joyeux, léger, presque comme un enfant. Impatient d’aller acheter un nouveau jouet pour sa collection. Puis elle se souvint de la troisième voix. Celle qui était assise sur le siège à côté de son père. Pendant une fraction de seconde, Ilse se mit à frissonner, en scrutant ses souvenirs. Hilda Mueller était assise sur le siège arrière et suppliait qu’on la laisse sortir de voiture, pour une fois. Son père, impatient d’aller faire son achat, se figea sur place, sur le point de céder et de la laisser sortir.
Puis… elle entendit la troisième voix. « Tu feras une meilleure affaire si tu laisses la môme dans la voiture. »
C’était un souvenir vraiment étrange. Et à ce moment-là, Ilse sentit une peur intense l’envahir. Mais cette terreur profonde n’avait pas été provoquée par son père. Mais par cette troisième voix. Un visage flou, comme beaucoup de ses souvenirs. Ilse n’arrivait pas à le voir, caché dans la pénombre, sur le siège avant. La silhouette tenait une sorte de magazine et l’agitait devant son visage pour se rafraîchir. Ilse revit sa main serrer désespérément la ceinture. Et cette peur intense et profonde qui l’envahissait n’était pas causée par son père. Non. C’était à cause de cette autre personne.
« Gérald, la môme n’arrête pas de me regarder. Je te le dis, laisse-la ici. »
Son père jeta un coup d’œil dans le rétroviseur et fronça les sourcils. Pendant une fraction de seconde, elle crut voir une expression de culpabilité sur son visage. Puis il hocha la tête, en agitant ses cheveux blonds.
« Sa main, » murmura la voix. « Regarde ses doigts. La manière dont elle serre la ceinture. C’est déplacé, Gérald. Fais quelque chose. »
Ilse sentit son cœur s’emballer et la peur monter en elle, en entendant cette voix. Puis elle vit son père, les yeux encore remplis de culpabilité, tendre le bras vers le siège arrière, pour lui attraper l’un de ses doigts.
Le souvenir s’évanouit par une douleur fulgurante, un cri soudain.
Ilse se retrouva à nouveau debout dans le couloir, à regarder l’homme qui se trouvait dans cette cellule.
Il y avait eu quelqu’un d’autre.
Quelqu’un dont elle se rappelait à peine. Le visage de cette personne était flou, comme bloqué dans ses souvenirs. C’était une forme de refoulement extrêmement courante – le subconscient choisissait d’oublier les aspects les plus traumatisants d’une scène… Et étonnamment, dans ses souvenirs, il ne s’agissais pas de son père.
Ilse avait la bouche sèche, en regardant l’homme dans la cellule. Elle leva machinalement la main, pour faire passer une mèche de cheveux devant son oreille mutilée. Elle avait des cheveux foncés, coupés courts, au niveau des épaules. Elle ramena une mèche de cheveux devant son oreille, afin de dissimuler la cicatrice qu’elle avait sur le côté du visage.
Au moment où elle fit ce geste, l’homme à l’intérieur de la cellule se mit à tressaillir. Il regarda la manière dont ses doigts s’étaient crispés, au moment d’enrouler cette mèche de cheveux devant son oreille. Les yeux de l’homme s’écarquillèrent. Et un instant plus tard, il bondit en avant en hurlant et sortit la main par la fente en métal de la porte. Ses doigts squelettiques agrippèrent le visage d’Ilse, qui cria, en trébuchant en arrière. Le gardien donna un ordre au prisonnier, mais son père continua à hurler comme un fou, désespérément, de manière stridente. « La sainte famille est de retour ! » cria-t-il. « Je promets. Je la retrouverai. Je retrouverai la petite Hilda. Je le ferai. S’il te plaît, ne fais pas ça. Je