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La Seine-et-Oise
La Seine-et-Oise
La Seine-et-Oise
Livre électronique305 pages5 heures

La Seine-et-Oise

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À propos de ce livre électronique

Vallons, bosquets, eaux sinueuses, prairies, coteaux fertiles, forêts noirs : tel un peintre, Georges Touchard-Lafosse dresse le tableau de La Seine-et-Oise. Paru dans Histoire des environs de Paris, un genre de guide de voyage destiné alors à la bourgeoisie mais aussi aux voyageurs moins aisés de France, il entreprend une description pittoresque et poétique d'une région chère à son cœur, de ses bourgs et des ses villages, de ses monuments, de ses châteaux, de ses églises et de ses habitants.L'ouvrage constitue aujourd'hui une véritable mine d'Histoire qui permet de mieux comprendre et appréhender les paysages et coutumes d'autrefois.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie3 févr. 2022
ISBN9788728078266
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    La Seine-et-Oise - Georges Touchard-Lafosse

    Georges Touchard-Lafosse

    La Seine-et-Oise

    SAGA Egmont

    La Seine-et-Oise

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1837, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728078266

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    Bien que nous apportions le plus grand soin à la reproduction des caractères d’imprimerie des textes que nous rééditons, celle-ci dépend essentiellement de la qualité typographique des documents d’époque.

    On comprendra donc aisément que si certains passages sont d'une lisibilité imparfaite, cela ne nous est techniquement pas imputable.

    Histoire.

    Origines.

    — Fastes divers.

    — Moeurs

    Versailles , chef-lieu du département de Seineet-Oise, est mentionné pour la première fois avec authenticité dans une charte donnée au monastère de Saint-Pierre de Chartres, par un Eudes ou Odon, comte de cette ville. Quelques écrivains ont pensé que ce seigneur portait le nom de Versalliis, soit qu’il le tint de sa famille, soit qu’il lui vint de la possession du lieu qui nous occupe. En adoptant cette version avec ces historiens, on admet que le nom de Versalliis indique une origine fondée sur des choses versées, remuées: peut-être des moissons abattues par de fréquens tourbillons ; peut-être des terres labourées, retournées ; peut-être des constructions renversées à la suite d’invasions étrangères. Quoi qu’il en soit, en remontant aux plus anciennes archives, on voit qu’un autel désigné Santi-Juliani de Versaliis ¹ (Saint-Julien de Versailles), fut reconnu paroisse en 1084 par l’évêque de Paris. Elle était dans la dépendance des moines de Marmoutiers, en Touraine.

    En 1182, un diplôme de Philippe-Auguste, daté de Saint-Germain, confirme un échange fait entre les religieux de Marmoutiers et ceux de Saint-Magloire, du prieuré de Saint-Julien contre un autre que la dernière abbaye possédait dans le diocèse de Saint-Malo. Lorsque cet échange se fit, Versailles n’était encore qu’un petit village, situé sur l’emplacement qu’occupe aujourd’hui le château. Alors l’édifice le plus important de ce lieu, devenu si fastueux, était un moulin. Les prieurs de Versailles prenaient, dans ces temps reculés, le titre de curés primitifs, et fondaient leur droit à cette qualification sur ce qu’ils étaient tenus de fournir, l’hiver, la paille qu’on étendait dans l’église sous les pieds des femmes. Au seizième siècle, le prieuré de Saint-Julien de Versailles fut réuni à l’archevêché de Paris, sous l’épiscopat de Hardoin de Péréfixe.

    Mais, dès l’an 1632, la seigneurie de Versailles avait été vendue à Louis XIII par Antoine de Lomenie, qui en était titulaire. Ce prince, qui aimait à courre le cerf dans les bois environnans, fit bâtir en cet endroit un rendez-vous de chasse, puis un petit château, composé d’un corps de logis et de deux ailes terminées par quatre pavillons. Tout le bâtiment ne présentait que vingt-deux toises sur chaque face. Il offrait, du côté de l’entrée, des arcades surmontées d’une galerie en terrasse ; il y avait un frontispice. A peine sorti des guerres civiles qui avaient tourmenté les premières années de sonrègne, Louis XIII crut devoir mettre cette petite résidence à l’abri d’un coup de main : on construisit donc autour une fausse braie, ou chemin couvert, au-dessus du fossé, que l’on passait au moyen d’un pont-levis. Cet édifice participait tout à la fois des manoirs fortifiés du seizième siècle, et des châteaux, plus élégans, plus ornés, plus somptueux, que l’on commença à construire durant le siècle suivant.

    Quand le roi se détermina à entreprendre cette seconde construction, « il était ennuyé, et sa suite encore plus, dit Saint-Simon, d’avoir couché à Versailles dans un cabaret de rouliers et dans un moulin à vent, après de longues chasses dans la forêt de Saint-Léger et souvent plus loin. » Néanmoins le nouvel édifice n’était encore, selon le même mémorialiste, qu’un petit château de cartes ; et le maréchal de Bassompierre le qualifiait de chétif château. Cette maison, conservée dans les vastes constructions qui ont été faites depuis, est sur le point le plus élevé de Versailles, et conséquemment fort exposée aux vents. Un jour Louis XIV, montrant à un seigneur de sa cour quelques travaux de l’immense bâtisse dont il faisait envelopper le modeste bâtiment, disait à ce gentilhomme : « Vous souvient-il d’avoir vu un moulin à vent en cet endroit ?

    — Oui, sire, répondit le courtisan ; le moulin a disparu, mais le vent est resté. » L’église de Saint-Julien était bâtie un peu au-dessus de la maison seigneuriale, au lieu où fut élevé depuis le grand commun. Le village, encore bien petit sous Louis XIII, s’étendait le long de la route aux Bœufs, sur le surplus de la colline, depuis l’emplacement où se trouve maintenant la place d’armes jusque vers la porte de l’Orangerie….. Tel était Versailles au moment où le grand roi fit commencer les merveilleuses folies que nous y voyons aujourd’hui.

    Dans la situation où se trouvait le château de Louis XIII, la vue ne pouvait manquer de porter fort loin ; mais elle ne portait que sur d’épais massifs d’arbres, ou sur des collines arides assez rapprochées. On fit, pour ouvrir une issue au regard, des percées dans les bois, surtout vers le penchant de la butte qui regarde Montbauron. Alors quelques seigneurs eurent la courtoisie de faire élever des maisons de plaisance de ce côté : au nombre de ces seigneurs était le jeune marquis de Cinq-Mars, si célèbre par son favoritisme et sa fin tragique. Les maisons du village devinrent plus nombreuses ; dèslors même on commença, dit-on, à aligner quelques rangées de chaumières, sur l’emplacement de la ville neuve.

    Cependant le jardin du petit château, placé sur le derrière de cet édifice, c’est-à-dire du côté où s’étend aujourd’hui l’immense parc de Versailles, offrait au plus la moitié de l’étendue de ce qu’on appelle maintenant le jardin proprement dit. Ses limites étaient deux bosquets, dont on avait dessinésymétriquement les allées ; bosquets où commença, dit-on, à défaillir la vertu de mademoiselle de Lavallière, qui succomba, le lendemain ou le surlendemain, dans un cabinet retiré et sombre du château. Ces massifs de verdure avaient été conservés dans l’épaisseur du bois primitif. Au-delà de l’enceinte du jardin, il existait un parc ; mais il ne s’étendait pas au-delà des villages de Choisy-aux-Bœufs et de Trianon. A une petite distance du château, était une ferme qu’on appelait la Ménagerie : Louis XIII n’y entretint jamais d’animaux sauvages ; il y logeait seulement ses levriers, qu’il idolâtrait, et dont il apprenait le nom par cœur.

    Ce fut au château de Versailles que Louis XIII se retira, le 11 novembre 1630, après la vaine tentative faite par Marie de Médicis contre Richelieu, son ancien favori ; tentative qu’on a qualifiée de Journée des dupes !²… quelques mémorialistes ont avancé que le fils de Henri IV, fils si peu digne de son père sous le rapport de la virilité, se livra, dans ce même château, à un essai malheureux de ses devoirs d’époux avec la belle Anne d’Autriche, un moment rentrée dans ses bonnes graces, après les assiduités plus heureuses de l’Anglais Buckengham. Quoi qu’il en soit, on voit, par la date de plusieurs ordonnances, que Louis XIII séjournait a Versailles durant l’automne, saison favorable aux chasses qu’affectionnait ce prince. Il était souvent poursuivi dans ce séjour par les soucis que lui causait la domination d’un ministre qu’il haïssait, mais dont il ne pouvait secouer le joug. On dit qu’il y fut quelquefois consolé par mademoiselle d’Hautefort, sa favorite, femme charmante, qu’il aimait de cetamour, qui, selon l’expression d’un écrivain du temps, était resté vierge.

    On a diversement expliqué le motif qui porta Louis XIV à faire bâtir le palais actuel de Versailles. Suivant l’usage, chacun des raisonneurs a été exclusif dans son thème, et cependant il ne contenait peut-être qu’une portion de la vérité. Ce prince, dit Saint-Simon, avait été dégoûté du séjour de Paris par les troubles de la Fronde ; Sa Majesté ne pouvait songer sans amertume à sa sortie fugitive du Palais-Royal la veille des Rois de l’année 1649. Et puis il n’aimait point à se voir environné de la foule du peuple, quand il sortait du Louvre. Ce dégoût eût justifié suffisamment la résidence ordinaire duroi à Saint-Germain, dont le château est bâti dans la plus délicieuse situation ; mais que ce monarque ait abandonné cette charmante résidence pour un lieu sauvage, aride, dépourvu d’eau, il a fallu de puissantes raisons, et la gloire de Sa Majesté souffre quelque peu de celles qu’on a données. On assure que dans l’immense perspective dont on jouit à Saint-Germain, Louis XIV rencontrait avec effroi l’abbaye de Saint-Denis, ce vieux sépulcre de nos rois, qui devait un jour laisser retomber sur lui ses marbres funéraires. Cette idée de l’anéantissement des grandeurs, sans cesse envoyée à son ame par ses yeux, lui rendait pénible le séjour du palais dans lequel il était né ; il lui semblait que la vue perpétuelle de son tombeau abrégeait le temps jeté par la providence entre le commencement et le terme de sa vie…. On voudrait trouver une cause déterminante plus honorable à la mémoire d’un grand prince ; par malheur, on n’en découvre aucune. Il faut bien s’arrêter à celle-là.

    Les plans du château de Versailles, dressés par l’architecte Leveau, furent arrêtés en l’année 1661 ; mais les travaux ne présentèrent une certaine importance que deux ans plus tard. Il faudrait des volumes pour décrire les obstacles de toute nature qui s’accumulèrent, dans cette gigantesque entreprise, sur un sol où la nature, non-seulement refusait tous ses secours, mais offrait à chaque instant des difficultés nouvelles.

    Louis XIV, habitué à faire constituer la grandeur dans tout ce qui étonnait le regard, voulut que le nouveau château royal eût des proportions gigantesques. On enveloppa donc en quelque sorte le château de Louis XIII d’une immense bâtisse : un double corps de bâtiment, élevé de chaque côté de l’avant-cour, s’étendit sur deux lignes parallèles, en avant, à quelque distance de l’édifice primitif, et en-deçà du fossé. On abattit la façade de ce même château qui en formait l’entrée, ce qui découvrit l’enceinte appelée depuis Cour de Marbre. Dès l’année 1664, Versailles offrait déja un aspect imposant ; il était même logeable dans quelques parties lorsque Louis XIV y donna, en l’honneur des beaux yeux de la tendre Lavallière, ces fêtes chevaleresques, dont les mémoires du temps offrent une si pompeuse description, et que le roi lui-même avait appelées les plaisirs de l’île enchantée. Nous empruntons à une composition que la vogue accueillit, il y a quelques années, le tableau animé de ces réjouissances magiques.

    « Le roi donne à Versailles des fêtes magnifiques ; les reines et les plus belles femmes de la cour y président ; mais mademoiselle de La Vallière, qui n’y a pas même de place marquée, en est la véritable héroïne. Il faut renoncer à peindre les réjouissances qui finirent hier, après avoir duré sept jours consécutifs ; elles ont de beaucoup surpassé le carrousel donné à Paris en 1662. Le luxe, l’originalité, l’abandon prodigue, la délicatesse, l’esprit, tout s’est réuni pour étonner, pour éblouir et charmer dans cette longue suite de plaisirs, qu’animaient la gaîté, la galanterie et l’amour. L’allégorie, cette chimère aimable des imaginations fécondes, s’était reproduite sous toutes les formes pour prêter une ame, une vie, une action aux divertissemens. Mais ici, comme dans toutes les fêtes de nos jours, les diverses époques retracées par l’histoire, ou créées par la fable, étaient venues se confondre à la voix de l’ordonnateur, pour grossir le cortège des séductions, et captiver les regards, au mépris de la raison. Voyez, me disait un jeune poète nommé Racine, en examinant avec moile cortège, éclatant de richesses, qui passait devant nous ; voyez quel amalgame vide de vraisemblance : voici des paladins, à la tête desquels marche le roi, sous la figure de Roger. Certes ! le monarque, par sa mâle beauté, peut donner une idée de ce preux, auquel Sa Majesté ressemblerait pourtant davantage, si ses habits étaient allégés de tous les diamans de la couronne, qui montrent aux filous un appât de quinze ou vingt millions. Ces chevaliers, ces hérauts d’armes, ces pages, ces écuyers, nous reporteraient mieux au temps de la chevalerie, si leurs bannières, leurs écus, leurs cimiers n’étaient chargés de devises, où Benserade et Perigni ont, selon leur coutume, mêlé, mais trop souvent confondu, la grace d’Anacréon, la volupté d’Ovide, la licence de Bocace et la recherche de Balzac, pour nous rappeler un temps où le langage n’avait que de la naïveté. Là, tout près de ces personnages appartenant aux derniers siècles, voilà des guerriers grecs, des dieux du paganisme ; puis les âges, les saisons, les heures, les signes du Zodiaque personnifiés ; viennent ensuite des bergers modernes, avec leur panetière, leur houlette, leurs rubans ; le tout accompagnant le char du soleil qui roule sur la terre, et dont les proportions gigantesques offrent à l’œil une masse dorée qu’on ne peut comparer à rien. Je vous demande où je trouverai, dans tout ceci, l’illusion et le charme dont on a prétendu m’enivrer par elle ?.. Cette foule de curieux dont les cent mille têtes ondoient dans la plaine, éprouvera tout au plus l’étonnement, qui n’est le plaisir que l’espace d’une seconde.

    Il y eut dans la soirée des courses où le roi fut vainqueur ; il le fut également le second, le troisième et le quatrième jours : dans les combats des réjouissances, jamais les grands princes ne peuvent être vaincus. Le premier jour une immense table reçut un repas où les mets les plus exquis étaient offerts par la profusion, divinité qu’on s’était dispensé de personnifier, et qui, pourtant, présidait plus que toute autre à la fête. Six cents personnes, invitées par le roi, vinrent s’asseoir à ce banquet splendide ; les femmes et les hommes étaient tellement couverts de pierreries qu’une chaîne de diamans semblait ceindre la table, et réfléchir les feux de quatre mille gros flambeaux, allumés dans l’espace où le repas était servi. Bientôt on vit paraître une troupe bigarrée de faunes, de dryades, de sylvains, de bergers, de vendangeurs, de moissonneurs, qui s’empressèrent autour des convives, sous la direction de Pan et de Diane, s’avançant sur une montagne mobile, et faisant couvrir les tables de tous les produits des campagnes et des forêts, assaisonnés ou parés par la sensualité. La table était disposée en demi-cercle, pour se lier avec un théâtre placé derrière, dans tout son pourtour, et chargé de musiciens et de chanteurs. Enfin l’enceinte était bornée par des arcades élégantes que fermait une balustrade dorée. On avait suspendu sous les arceaux cinq cents guirlandes garnies de bougies. Le coup-d’œil était enchanteur.

    La seconde journée des fêtes de l’Ile enchantée se termina par la première représentation de la Princesse d’Elide, comédie de Molière, composée pour cette occasion. Le sujet de la pièce est emprunté d’un auteur espagnol appelé Moreto : les deux reines se sont montrées sensibles à cet hommage rendu au génie de leur nation.

    Le surlendemain on joua le Mariage Forcé, autre comédie de Molière, représentée récemment au Louvre, et dans laquelle Louis XIV a dansé. Le sixième jour des fêtes de Versailles le même poète eut encore les honneurs de la soirée : on joua les trois premiers actes de Tartuffe, comédie inachevée, et qui ne devait être jouée en public que cinq ans plus tard ³ . »

    Les travaux, commencés par Leveau, furent continués, après la mort de cet architecte, par Jules Hardoin Mansard. Ce dernier aurait bien voulu faire abattre le petit château de Louis XIII, dont les proportions mesquines contrariaient la grandeur de ses plans. Plusieurs fois il essaya d’obtenir du roi l’autorisation de sacrifier cette construction ; mais ce prince, soit par obstination, soit par respect pour la mémoire de son père, s’opposait toujours à ce que l’édifice fût démoli. Ainsi furent conservées les trois façades de la Cour de Marbre : pour les réunir aux bâtimens commencés par Leveau, on y ajouta de chaque côté, une construction de quinze toises, en rapport de style avec l’architecture préexistante. Puis, du côté du jardin, la façade du bâtiment primitif fut couverte par un vaste corpsde-logis, dans lequel Mansard put déployer tout le grandiose de son plan. Le château, ainsi composé, présentait un parallélogramme de soixante-dix toises. L’aîle du sud fut construite plus tard ; celle du nord, élevée à grands frais, offrit sur le terrain où l’on bâtit depuis la Chapelle, une grotte de laquelle tombait avec bruit une cascade qui s’éparpillait entre des rochers artificiels. Cette grotte, exécutée sur les dessins de Robert, fut ornée par Girardon de plusieurs pièces de sculpture qui, plus tard, servirent à décorer les bains d’Apollon. En 1699, la chapelle que l’on voit encore aujourd’hui, fut commencée sur les débris des rocs si laborieusement superposés en ce lieu. Cet édifice ne fut terminé qu’en 1710 ⁴ . Avant l’érection de ce monument religieux, il avait existé au château une première chapelle, bénite en 1665, et une seconde, consacrée en 1682. La dernière, un peu contre le gré du roi, reçut, en juin 1710, la bénédiction du cardinal de Noailles, prélat véhémentement soupçonné de jansénisme, que le royal pénitent du père Letellier n’admit jamais dans ses bonnes graces.

    Depuis la première construction que nous avons mentionnée plus haut, le château de Versailles reçut des accroissemens considérables : on éleva deux bâtimens parallèles à ceux déja existans, qui formèrent une troisième cour, et se prolongèrent jusqu’à la grille dont nous parlerons bientôt. Ces nouvelles constructions devaient se borner à quatre pavillons séparés : deux au sud, deux au nord ; mais les intervalles furent ensuite remplis par des corps-de-logis ; le tout fut assigné aux ministres et à leurs bureaux. L’espace ménagé entre ces nouveaux bâtimens prit le nom de Cour des Ministres. Enfin le Grand Commun, vaste corps-de-logis carré qu’on éleva devant l’aile du sud, compléta la masse colossale de pierre qui constitue aujourd’hui le château de Versailles. On peut se faire une idée de l’immensité du Grand-Commun, en apprenant qu’il contenait mille fût d’un ton froid. Tel qu’il est, cet édifice religieux n’est pas exempt de critique, si l’on en doit juger par ces vers de Voltaire, consacrés à un autre monument.

    Il n’a rien des défauts pompeux

    De la chapelle de Versaille,

    Ce colifichet fastueux,

    Qui du peuple éblouit les yeux

    Et dont le connaisseur se raille.

    chambres destinées au service. Nous ne comprenons point dans l’ensemble du palais plusieurs édifices qui en dépendent sans y tenir : tels que le pavillon du Grand-Maître, l’hôtel du Grand-Veneur, les Grandes et Petites Ecuries, etc.

    Dans l’état actuel des choses, et si l’on se borne à considérer l’imposante demeure royale du côté de Paris, voici l’aspect qu’elle présente. On y arrive par la triple avenue de Saint-Cloud, de Paris et de Sceaux, qui, se réunissant à la place d’Armes, située en dehors de la grille, forme ce qu’on appelle une patte d’oie. Aux deux côtés de l’avenue de Paris, sont le pavillon du Grand-Maître, dont la municipalité occupe une partie ; l’hôtel du Grand-Veneur ; puis les Grandes et Petites Ecuries. Ce dernier monument, qu’habitaient jadis plusieurs personnes titrées, est d’une architecture élégante : J.-H. Mansard, qui le fit commencer en 1676 et finir en 1685, ne fut pas gêné dans ses inspirations pour cette partie de construction ; aussi son génie s’y produisit-il à l’aise, et les travaux y gagnèrent. Là, furent construites, pour la première fois, ces chambres prises dans la hauteur des combles, et qui reçurent la désignation de mansardes, du nom de François Mansard, leur premier inventeur. Les Grandes Écuries étaient ornées de sculptures remarquables, qui furent mutilées pendant la révolution.

    En traversant la place d’Armes, on arrive à la cour des Ministres ; on parvient en suite à la cour royale : les bâtimens qui bordent celle-ci à gauche ont été repris avant la révolution, d’après un nouveau plan : cette reconstruction ne fut terminée qu’après la chute de l’ancienne cour. Aux angles latéraux de la Cour royale sont des arcades conduisant, celle de droite à la terrasse, celle de gauche à la chapelle. Enfin, en poursuivant sa marche, on arrive à la Cour de Marbre, formée, comme nous l’avons dit, par les trois faces intérieures du château de Louis XIII : du côté de la Cour royale, elle est fermée par une balustrade de marbre ; et son pavage, de la même matière, est un peu exhaussé… Cette sorte d’enfoncement dans une masse colossale de bâtimens, le style particulier des corps-de-logis qui l’environnent, le riche parvis qu’on s’est plu à substituer en ce lieu aux dalles vulgaires, tout semble imprimer à cette partie du palais un caractère religieux, une certaine physionomie de sanctuaire. Souvent, dit-on, Louis XIV, devenu vieux, s’arrêtait, pensif et silencieux, dans la cour de marbre, les yeux fixés sur les croisées vieillies du cabinet de son père : peut-être alors se souvenait-il que, jeune, beau, adoré des femmes, il avait jadis triomphé, dans ce même cabinet, des résistances pudibondes de la candide La Vallière… Là Vallière, à qui Louis inspirait tant d’amour, la grandeur souveraine tant d’effroi…

    En revenant sur ses pas, la toise à la main, on trouve que le triangle tronqué, formé par la place d’Armes qui précède la grande grille du château, offre sur chacune de ses faces cent vingt toises. La grille a cinquante huit toises et demie de longueur ; elle est divisée en onze travées par des pilastres de fer. Deux corps-de-gardes souterrains en défendent l’entrée ; la saillie de chacun est d’environ soixante une toises. Une seconde grille, semi-circulaire, séparait la Cour des ministres de la Cour royale ; son développement devait excéder cent dix-sept toises, puisque cette étendue est celle qui sépare l’aile gauche de l’aile droite du bâtiment consacré aux ministères.

    La façade tourmentée qui regarde les cours, construite en pierres et en briques pour s’harmoniser avec le château primitif, est d’un effet mesquin, on pourrait même dire disgracieux. Il n’en est pas ainsi de la façade dite du parc, et dont l’ensemble produit l’effet le plus imposant ; sa longueur, après toutes les additions succssives que nous avons mentionnées, est de trois cents toises environ. Examinée dans ses détails, cette façade est admirable : elle est ornée de pilastres ioniques avec quinze avant-corps, auxquels s’appuient des colonnes isolées du même ordre. Au-dessus règne une attique, dont l’entablement supporte un comble à la romaine, terminé par des balustres ornés de vases et de trophées. Les avant-corps offrent des statues en pierre, d’environ treize pieds de proportion, représentant les quatre saisons, les douze mois de l’année, les arts, etc. A cette même façade sont encore adossées quatre figures en bronze, fondues par Keller, d’après des modèles antiques : elles représentent Apollon Pythien, Bacchus, Sylène et Antinoüs. Sous l’arcade opposée à celle de la chapelle, est l’escalier de marbre, le plus grand du château, et qui conduit à l’appartement du roi.

    Le palais de Versailles est, sous tous les rapports, sinon un des monumens le plus régulièrement beaux, du moins un des plus magnifiques de l’Europe : tout y a été combiné pour le rendre digne d’être la demeure d’un grandprince ; tout y respire la splendeur ; tout se trouvait au niveau de la vanité du prince qui, se faisant comparer au soleil, ne lui était pourtant comparable que par l’éclat, non assurément par les bienfaits. Le vatican seul peut être comparé à Versailles, pour la réunion des chefs-d’œuvre du génie, la richesse, l’élégance des constructions, et la somptuosité des distributions intérieures. Après quarante-cinqans d’abandon, ce palais reste toujours un objet d’admiration : les voyageurs y viennent de toutes parts contempler et étudier les compositions sublimes de peinture, d’architecture, de sculpture qui se pressent dans toutes les parties de cet édifice. Il ne peut entrer dans notre plan d’aborder les beautés de détail qui abondent dans ce chef-d’œuvre colossal des arts : nous mentionnerons seulement ici quelques traits principaux de cette magnificence. La grande galerie, si remarquable par la richesse de ses ornemens et la beauté des ses peintures, a trente-sept toises de long, sept et demie d’élévation et cinq de largeur. Dix-sept croisées, ouvertes sur les jardins, éclairent cette immense galerie ; vis-à-vis les fenêtres, sont creusées dans l’épaisseur de la muraille dix-sept arcades garnies de glaces, qui reproduisent les jardins, leurs pièces d’eau, leurs cascades, leurs touffes de verdure, leurs buissons fleuris. Le promeneur, en parcourant cette longue pièce, voit donc à droite et à gauche les trésors de la nature, se dessiner entre 48 pilastres de marbre veiné, à bases et à chapitaux dorés, qui remplissent l’intervalle entre chaque arcade ou croisée. L’entablement est couvert de délicates sculptures, dans lesquelles sont agencés avec goût les chiffres et les devises de Louis XIV. La corniche présente des trophées héroïques, auxquels des petits génies attachent des guirlandes de fleurs. Les ornemens principaux sortent du ciseau de Coysevox ; Lebrun avait fourni les dessins de tous les détails d’architecture et de sculpture : on doit à son habile pinceau les peintures, soit allégoriques, soit historiques qui décorent le plafond, et dans lesquelles les fastes du grand roi sont poétiquement reproduits, c’est-à-dire démesurément embellis. Ce musée louangeur forme vingt grands tableaux et dix-huit petits.

    L’appartement de la reine, sous le règne de Louis XVI, était devenu le plus élégant du palais, par la multiplicité des tableaux gracieux qui l’ornaient, mais dont il a été dégarni. Il n’y reste plus que les peintures des plafonds, morceaux dignes de beaucoup

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