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Histoire de Napoléon pour la jeunesse: Biographie fictionnelle
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Histoire de Napoléon pour la jeunesse: Biographie fictionnelle
Livre électronique219 pages3 heures

Histoire de Napoléon pour la jeunesse: Biographie fictionnelle

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À propos de ce livre électronique

La grande figure historique de Napoléon Ier est du domaine de l’histoire : les événements politiques ne peuvent nullement altérer le jugement de la postérité, qui a déjà commencé pour elle.

Cette histoire de Napoléon écrite pour la jeunesse par Charles Richomme est particulièrement complète et agréable à lire. Elle a été publiée en 1857 par Magnin, Blanchard et Cie (dans sa deuxième édition).


À PROPOS DE L'AUTEUR

Charles Richomme est un homme de lettres français né en 1816 et mort en 1866. Il fut employé à la Bibliothèque impériale (département des Imprimés). Il a également écrit avec Léon Guérin un ouvrage sous le pseudonyme collectif "Léonide de Mirbel".
LangueFrançais
ÉditeurLibrofilio
Date de sortie28 juil. 2021
ISBN9782492900327
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    Histoire de Napoléon pour la jeunesse - Charles Richomme

    HISTOIRE DE NAPOLÉON POUR LA JEUNESSE

    Charles Richomme

    – 1857 –

    LA FAMILLE BONAPARTE

    La famille de Bonaparte ou Buonaparte¹ était une des maisons les plus illustres et les plus anciennes de l’Italie. Alliée aux Médicis, elle fut longtemps toute-puissante à Florence, souveraine à Trévise, et lorsque Napoléon entra vainqueur à Bologne, en 1796, les députés de la ville lui présentèrent le Livre d’or où se trouvaient inscrits les noms et les armoiries de sa famille. Ces armoiries représentent un râteau entouré de fleurs de lis semblables à celles des Bourbons. Au quinzième et au seizième siècles, les Bonaparte s’illustrèrent dans les lettres et dans la politique. L’un d’eux, Jacques, qui se trouvait à Rome en 1527, lorsque la ville sainte fut saccagée par les troupes du connétable de Bourbon, écrivit, avec talent et impartialité, l’histoire de cet événement mémorable. Son oncle, Nicolas, l’un des meilleurs légistes de l’Italie, créa dans l’université de Pavie une chaire de jurisprudence, et on lui attribue La Veuve, l’une des bonnes comédies italiennes du siècle de la renaissance. Enfin la mère du pape Paul V était une Bonaparte. Les aïeux de Napoléon combattirent toujours pour l’indépendance de cette Italie, qu’il devait soumettre à ses armes. Proscrits par une faction ennemie, les Bonaparte de Florence vinrent, au quinzième siècle, chercher un refuge à Sarzane, ville de l’État de Gênes, puis en Corse, à Ajaccio, où leur maison devint bientôt, par ses alliances, l’une des plus puissantes familles du pays.

    Tels étaient les ancêtres de l’homme extraordinaire dont nous allons raconter la vie. Certes, il importe peu à sa gloire qu’il ait été noble ou roturier ; mais ces détails généalogiques sont une introduction nécessaire à cette histoire. Au reste, Napoléon, en homme supérieur, se souciait fort peu de ses aïeux. Il laissait le soin de recueillir ces titres de noblesse à son frère Joseph, qu’il appelait le Généalogiste de la famille. « Quant à moi, disait-il, je ne mets aucun prix à ces vieux parchemins ; j’aime mieux être le fondateur que le descendant d’une race illustre. »

    ¹Ce nom s’écrit en italien des deux manières. Pendant les campagnes d’Italie, la politique fit à Napoléon un devoir de conserver la nuance indigène ; mais dans la suite il francisa son nom, et signa Bonaparte.

    UNE MAISON DE LA RUE SAINT-CHARLES, A AJACCIO.

    Les villes ont leur destinée comme les hommes ; les circonstances les font sortir de leur obscurité. Ajaccio (l’ancienne Urcinum), qui, suivant un vieil historien, tire son nom du vaillant Ajax, est une petite ville assez triste, quoiqu’elle soit aujourd’hui le chef-lieu de la Corse. Elle n’a rien qui puisse attirer l’attention, et cependant son nom seul évoque de grands souvenirs. L’homme de génie lègue aux lieux qui l’ont vu naître un rayon de sa gloire.

    Le monument le plus remarquable de cette ville n’est point l’antique cathédrale, ni la jolie citadelle, ni la charmante église des Grecs, d’où l’on aperçoit le golfe dans toute son étendue, c’est une maison de modeste apparence, dans la rue Saint-Charles. Rien ne la distingue des autres, pas même une inscription ; mais les étrangers se découvrent avec respect, lorsque les habitants leur disent d’un air d’orgueil : « Ici est né Napoléon. » Cette maison, exhaussée d’un étage mais assez bien conservée, quoiqu’elle ait été pillée en 1793, pendant la révolution qu’excitèrent les Anglais, indique, malgré sa simplicité, la demeure d’une noble famille. Les anciens Corses, de mœurs sévères et patriarcales, n’aimaient pas le luxe.

    Che due case tiene Una ne piove.

    « Quand on a deux maisons il pleut dans une, » disait un de leurs proverbes. Au-devant de la casa des Bonaparte est une petite place qui a reçu le nom de la mère de Napoléon, Letitia, et qui est plantée aux angles de quatre acacias. Suivons le cicerone, et pénétrons dans cette demeure. Un sentiment involontaire de respect et d’admiration vous saisit aussitôt ; l’imagination devient toute-puissante, elle déroule à vos yeux la vie du grand homme, et vous transporte d’Ajaccio à Sainte-Hélène. Un beau portrait de l’empereur, peint par Gérard, est suspendu aux murs du salon ; c’est ce qui attire les premiers regards du visiteur. La chambre à coucher a quelque chose de mystérieux ; on y voit encore au plafond les traces de l’ancienne alcôve. Une commode, dont le dessus est une table en marbre serpentin du pays, quelques fauteuils et des chaises sont, dit-on, les débris de l’ancien mobilier ; et on les préserve avec soin de la rapacité fanatique des visiteurs. Le berceau de Napoléon a été dérobé par petits fragments, et se trouve chez tous les amateurs de la Grande-Bretagne. On a également volé, il y a quelques années, le premier joujou du grand homme ; c’était un fort joli canon de bronze. Lorsque le prince de Joinville débarqua, en 1832, à Ajaccio, on lui fit hommage d’un fauteuil qui avait appartenu à Napoléon enfant.

    Tous les ans à Pâques, suivant un usage italien pratiqué en Corse, chaque propriétaire fait bénir sa maison. Le curé, dans les villages, reçoit en payement un certain nombre d’œufs, selon l’aisance des paysans. Cette cérémonie se fait encore avec pompe chaque année pour la casa des Bonaparte.

    Parlons maintenant de la famille qui occupait cette petite maison de la rue Saint-Charles. — Le chef, Charles Bonaparte, était un homme remarquable par ses talents et son patriotisme. Il avait combattu avec le célèbre Pascal Paoli, pour l’indépendance de son pays, et il eût émigré comme lui, en 1769, lorsque les Français s’emparèrent de la Corse, si l’un de ses parents, l’archidiacre Lucien, homme de talent, vénéré dans le pays, qui exerçait une grande influence sur la famille, et en dirigeait les affaires, ne s’y était opposé. La femme de Charles, Letitia Ramolino, que sa beauté et son caractère héroïque distinguaient également, le suivit à cheval dans toutes ses expéditions, et partagea ses dangers. Lorsque le calme fut rétabli dans la Corse, M. et Mme Bonaparte revinrent à Ajaccio, et Napoléon naquit peu de temps après, le 15 août 1769, jour de l’Assomption, vers midi. Sa mère se rendit à l’église pour assister à la grand-messe, mais elle ne tarda pas à rentrer, et, quelques instants après, Napoléon vint au monde. Il ne fut baptisé que deux ans après, le 21 juillet 1771 ; c’est un usage qui n’est pas rare en Corse ; on voit encore dans la cathédrale d’Ajaccio la grande cuve de marbre blanc où il reçut l’eau sacrée du baptême.

    Madame Letitia eut treize enfants, dont huit seulement survécurent, et ces huit enfants ont tous joué un grand rôle. L’aîné, Joseph, que l’on destinait à l’église, fut roi de Naples, puis roi d’Espagne ; Louis, roi de Hollande ; Lucien, président du conseil des cinq-cents ; Jérôme, roi de Westphalie ; Elisa (Marianne), fut grande-duchesse de Toscane ; Marie-Pauline, princesse Borghèse, et Caroline, reine de Naples. Mais ils n’arrivèrent que par leur frère cadet, Napoléon, sur qui ses parents fondèrent, dès sa plus tendre jeunesse, toutes leurs espérances. Le bon archidiacre Lucien avait étudié avec soin le caractère remarquable de son neveu, et lorsqu’il mourut, il prophétisa sa grandeur future : « Je ne songe point, dit-il, à assurer la fortune de Napoléon... Il la fera lui-même... Il sera le chef de la famille. » Charles Bonaparte, à son lit de mort, ne pensa, lui aussi, qu’à son fils cadet ; dans son délire, il l’appelait sans cesse, pour qu’il vînt à son secours avec sa grande épée.

    L’enfance de Napoléon n’eut rien d’extraordinaire. « Je n’étais, a-t-il dit lui-même, qu’un enfant obstiné et curieux. » Dès l’âge de trois ans, il montrait beaucoup de goût pour les exercices militaires. « Vous me gâtez cet enfant, dit un jour le père aux officiers de la garnison qui l’emmenaient aux revues ; vous m’obligerez à en faire un soldat. » Dans les escarmouches entre les enfants de la ville et ceux du faubourg, il commandait les premiers. Turbulent, vif, adroit, il passait la plus grande partie du temps à se battre, à courir dans les montagnes, pour manger avec les bergers le broccio, ce bon fromage de lait caillé, ou à dénicher des nids de merles. Vêtu d’un petit pelone (manteau à capuchon, en poil de chèvre), un bâton de buis à la main, il se promenait sur les côtes pittoresques, couvertes de vignes, qui avoisinent Ajaccio, ou dans le jardin d’oliviers des Metelli, propriété de sa famille. On y montre encore un vieux chêne, planté près de la maison, sous l’ombrage duquel l’illustre enfant aimait à se reposer. C’est en s’habituant ainsi, dès ses premières années, à supporter la fatigue et l’intempérie des saisons, que Napoléon acquit cette constitution robuste qui lui fut si utile. L’éducation sévère et bien dirigée de madame Letitia, les sages conseils de son père et de son oncle, développèrent en même temps les bonnes qualités dont la nature avait été prodigue envers lui.

    Malgré la violence de son caractère, jamais Napoléon ne causa le moindre chagrin à sa mère, qu’il aimait tendrement, et qui savait s’en faire obéir. Il redoutait également sa nourrice Saveria, excellente femme, qui rachetait par de grandes qualités son épouvantable laideur. Elle est morte à Rome, chez madame Letitia, il y a quelques années ; sa petite maison existe toujours à Ajaccio. Napoléon montra toute sa vie beaucoup d’attachement pour sa vieille nourrice : il la fit venir aux Tuileries à l’époque de son couronnement, et lui fit présent de l’Esposata, la première vigne de la Corse, qui appartenait depuis longues années à la famille Bonaparte.

    Le petit Napoléon était heureux, mais, un beau matin, il lui fallut quitter la maison paternelle. Plus de ces bonnes promenades dans les makis ; plus de visites au mari de Saveria, qui avait toujours dans ses poches des gâteaux excellents, des ravioli ou des oranges d’Aregno ; plus de conversations au coin du feu avec le vieil oncle, ou sur les genoux du père, qui racontait ses exploits avec Paoli, tandis que madame Letitia préparait le souper. — Adieu, ma mère ! adieu, Saveria ! adieu, mes frères et mes sœurs ! ne pleurez pas, je vous écrirai souvent. — Il faut partir pour le collège ! mot affreux qui nous a tous fait pleurer, qui révèle à l’enfant son premier chagrin sérieux, qui rompt toutes ses habitudes, alors que les habitudes sont si douces.

    Charles Bonaparte n’était pas riche ; profitant de l’influence de son nom et de la considération qui l’entourait, il désira placer Napoléon à l’école militaire de Brienne, et la petite Elisa à l’école de Saint-Cyr. Sa demande fut accueillie avec empressement, grâce à la protection d’un ami de la famille, M. de Marboeuf, gouverneur de l’île. Il venait d’être nommé député de la noblesse corse, et se rendait à Paris ; il emmena avec lui Napoléon et sa sœur, et mourut quelques années après à Montpellier d’un squirre à l’estomac. Son corps repose aujourd’hui à Saint-Leu, dans la vallée de Montmorency².

    Les registres du P. Berton, principal de l’école de Brienne-le-Château, portent que M. Napoléon de Buonaparte, écuyer, est entré dans cet établissement le 23 avril 1779, à l’âge de neuf ans et demi.

    ²Voyez à la fin du volume le tableau de la famille Bonaparte.

    L’ÉCOLE DE BRIENNE.

    LE CHIEN, LE LAPIN ET LE CHASSEUR.

    Par une belle matinée de printemps, un enfant de douze à treize ans se promenait solitairement dans le jardin de l’école militaire de Brienne. C’était l’heure de la récréation ; mais, absorbé dans ses réflexions, le promeneur ne songeait point à partager les jeux de ses camarades. Il semblait gravement préoccupé ; car il fronçait de temps en temps les sourcils, marchait à grands pas et se heurtait contre les arbres. Ce manège dura longtemps.

    —Napoléon est fou, disaient les camarades, qui l’examinaient de loin. — Il est malade. — Il a le mal du pays.

    Tout à coup Napoléon jeta un cri de joie et courut s’asseoir sur un petit banc de gazon. Tirant ensuite de sa poche du papier et un crayon, il se mit à écrire.

    « Las ! j’en étais bien sûr, dit un des élèves qui examinaient le travailleur ; cet enragé piocheur s’occupe de géométrie, même pendant les récréations. Au prochain examen, il sera le premier, comme d’habitude. »

    Ne vous découragez point, enfants ! Napoléon ne fait point de calculs, il ne songe point aux problèmes de votre vénérable professeur, le père Patrault. Il compose... devinez, je vous prie... il compose une fable ! A son entrée à l’école, Napoléon ne parlait pas très-bien le français, il y mêlait l’idiome corse. Grâce aux leçons de Dupuis, le sous-principal, il parvint bientôt à parler et à écrire assez correctement, et il cherchait sans cesse à perfectionner ses études. Ce fut dans ce but qu’il conçut l’idée de devenir fabuliste, et, après plusieurs essais et un travail opiniâtre, il eut le bonheur d’avoir une fable de sa composition ; elle est intitulée : Le Chien, le Lapin et le Chasseur :

    César, chien d’arrêt renommé, Mais trop enflé de son mérite, Tenait, arrêté dans son gîte, Un malheureux lapin, de peur inanimé. « Rends-toi, lui cria-t-il d’une voix de tonnerre, Qui fit. au loin trembler les peuplades des bois. Je suis César, connu par ses exploits,

    Et dont le nom remplit toute la terre. » A ce grand nom, Jeannot lapin. Recommandant à Dieu son âme pénitente, Demande d’une voix tremblante : « Très-sérénissime mâtin, Si je me rends, quel sera mon destin ? —Tu mourras.—Je mourrai, dit la bête innocente ;

    Et si je fuis ?—Ton trépas est certain. —Quoi ! reprit l’animal qui se nourrit de thym, Des deux côtés je dois perdre la vie ! Que votre auguste seigneurie Veuille me pardonner, puisqu’il me faut mourir, Si j’ose tenter de m’enfuir. » Il dit et fuit en héros de garenne. Caton l’aurait blâmé ; je dis qu’il n’eut pas tort,

    Car le chasseur le voit à peine, Qu’il l’ajuste le tire... et le chien tombe mort ! Que dirait de ceci notre bon La Fontaine ? Aide-toi, le ciel t’aidera. J’approuve fort cette méthode-là.

    LES BOULES DE NEIGE ET L’HABIT DE BURE.

    L’hiver de 1783 à 1784 fut des plus rigoureux, et les pensionnaires de Brienne ne purent aller au jardin ; leurs récréations se passaient assez tristement dans une salle immense, où ils cherchaient à tuer le temps. Les uns causaient avec le principal, le père Berton, d’autres mangeaient des gâteaux et des fruits qu’ils achetaient à madame Hauté, la femme du concierge de l’école ; tous bavardaient, en dégradant les bancs avec leurs couteaux, ou en inscrivant leurs noms sur le mur, genre d’amusement qui existe toujours dans les collèges et les pensions. Quelques élèves, groupés dans un coin de la salle, causaient plus sérieusement que les autres ; ils agitaient une grave question de théorie militaire. Parmi eux se faisait reconnaître, à son teint olivâtre et à son attitude réfléchie, le célèbre auteur de la fable Le Chien, le Lapin et le Chasseur. Appuyé nonchalamment contre une fenêtre, il jetait, de temps en temps, des regards ennuyés sur la cour de l’école, dont les pavés disparaissaient sous une épaisse couche de neige. Non loin de ce groupe, se trouvaient des espiègles, qui riaient à gorge déployée. L’un deux avait apporté, dans son mouchoir, une énorme boule de neige, et il cherchait des yeux une victime. Il aperçut Napoléon.

    — Je parie vingt sous de pommes, s’écria t-il, que j’abats le chapeau de notre estimable Corse, sans casser les vitres de la fenêtre.

    La boule est aussitôt lancée ; elle effleure le visage de Napoléon et va se briser contre le mur, au milieu des éclats de rire universels. Mais Bonaparte, lui, ne riait pas ; il s’avança, rouge de colère, et les poings fermés, en cherchant des yeux son adversaire. Tous les camarades se jetèrent aussitôt entre les deux antagonistes et calmèrent l’offensé.

    — Est-il rageur, ce Paille-au-nez ! s’écria l’espiègle.

    — Je n’aime pas toutes ces plaisanteries, reprit Bonaparte, elles sont de fort mauvais goût, ainsi que cette manie d’estropier mon nom de baptême.

    Ce sobriquet de Paille-au-nez lui avait été donné, lors de son entrée à l’École, parce que son accent corse lui faisait prononcer Napoilloné pour Napoléon.

    — Allons, allons, le mal n’est pas grand, dit le père Berton.

    — Non, sans doute, monsieur, reprit Bonaparte, mais on attaque loyalement, on n’attend pas que son adversaire ait le dos tourné ; ce n’est pas de bonne guerre.

    Les groupes s’étaient formés de nouveau, et personne ne songeait plus au petit incident qui avait interrompu les conversation. Tout à coup Napoléon, qui depuis un quart d’heure écrasait machinalement les débris de la boule de neige, pousse un cri de joie, et s’élance d’un air joyeux au milieu de la salle :

    — Messieurs, dit-il, je demande la parole pour cause d’utilité générale !... Depuis quelques jours, nos récréations sont bien monotones, n’est-ce-pas ?

    Il y eut dans la jeune assemblée un murmure d’approbation.

    — Eh bien ! je viens d’imaginer un nouvel amusement que nos supérieurs encourageront, j’en suis certain, car cette fois-ci, du moins, nos jeux serviront à notre instruction.

    — Bravo ! bravo ! — Qu’est-ce donc ? — Parlez. — C’est délicieux ! Et tous les élèves accoururent d’un air curieux auprès de Napoléon, qui monta sur un banc.

    — Voici le fait en deux mots, dit le jeune orateur. La neige remplit la cour, à sept ou huit pieds de hauteur : il faut l’utiliser, avant que la pluie ou le soleil ne l’aient fait fondre. Le froid n’est point si vif que nous ne puissions le braver ; d’ailleurs, messieurs, ne devons-nous pas nous habituer à supporter les rigueurs de la saison, nous tous qui devons être soldats ? Eh bien ! descendons dans la cour

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