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L'affaire Youlovitch
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Livre électronique206 pages2 heures

L'affaire Youlovitch

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À propos de ce livre électronique

Suite à la rencontre avec Katarina Youlovna, jeune fille russe, le juge Rolling accepte de rechercher le père de celle-ci disparu en Grande Bretagne en 1938. Richissime industriel, il semble avoir été abattu mais aucune information n’apparait dans les journaux. Après avoir interrogé le PDG de la Black Star Compagnie, le Juge Rolling, secondé par le Superintendant Williams, cherche à retrouver Boris, frère aîné de Katarina et héritier de l’empire financier de Youri Youlovitch. Au retour d’une seconde entrevue, le juge apprend la disparition de Katarina. Dès lors, les deux enquêteurs explorent le passé trouble de ce mystérieux Youri Youlovitch ?
LangueFrançais
Date de sortie12 mars 2019
ISBN9791029009358
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    Aperçu du livre

    L'affaire Youlovitch - Robert Clemar

    cover.jpg

    L’affaire Youlovitch

    Robert Clemar

    L’affaire Youlovitch

    Les Éditions Chapitre.com

    13, rue du Val de Marne 75013 Paris

    Du même auteur

    Projet HIPOLITE, Le Manuscrit, 2003

    Double Jeu, Le Manuscrit, 2004

    Présomption d’innocence, Le Manuscrit, 2006

    Ultime décision, Le Manuscrit, 2017

    © Les Éditions Chapitre.com, 2019

    ISBN : 979-10-290-0935-8

    Chapitre 1

    Le jour venait de se lever lorsque le train entra en gare de Narbonne. Malgré l’heure matinale de ce jour de juin 1938, l’air déjà chaud, chargé de senteur saline, fouettait le visage des passagers fraîchement sortis d’une nuit sans sommeil, bercés par le roulement incessant des voitures de la société nationale des chemins de fer. Le soleil dans un ciel bleu azur, vierge de nuage, réchauffait de ses rayons les compartiments en attente de nouveaux passagers.

    Le chef de gare au ventre bedonnant s’activait au milieu des voyageurs. Son drapeau vert à la main, il fit signe de partir au conducteur lorsque la dernière porte fut fermée et verrouillée. Un instant plus tard, le sifflet de la locomotive cracha sa vapeur dans un hurlement aigu. La cheminée laissa échapper un nuage de fumée blanche et les lourdes roues de métal patinèrent quelque peu. Le train démarra doucement.

    Dans un des compartiments de première classe de la voiture 23, confortablement installé devant le journal du jour, l’honorable juge Edward G. Rolling parcourait les nouvelles du Times. C’était un homme aux manières délicates et depuis peu à la retraite. Sa longue carrière lui avait valu bien des discordes mais, malgré cela, tous respectaient sa générosité et la sagesse de ses jugements. Les rayons généreux de l’astre du jour inondaient le compartiment aux allures de salon. Une ambiance calme et feutrée y régnait. Devant le magistrat, une lampe au pied acajou trônait sur une table de bois verni. Grand, la chevelure grisonnante et coiffée avec soin, il arborait une fine moustache. Sa peau claire, creusée par les années, était parsemée de minuscules taches de rousseur, témoin d’une ancienne toison cuivrée. Ses yeux, d’un bleu intense, dissimulés derrière son pince-nez en demi-lune, suivaient avec dextérité les articles de presse. Il les parcourait plus qu’il ne les lisait. Toutefois, l’un d’entre eux attira son attention. Il faisait état d’un mystérieux cambriolage dans une des bijouteries de la place Vendôme, haut lieu de la joaillerie française. D’après le journaliste, le vol avait été commis très tôt par l’un des employés de la bijouterie Cartier. Les forces de police, immédiatement alertées par la direction du magasin, avaient mis en place d’innombrables barrages routiers bloquant ainsi les grandes artères de la capitale. Le malfaiteur ne mit pas longtemps à être pris dans les mailles du filet. Les autres articles n’offraient qu’un intérêt secondaire y compris sur l’échiquier international.

    Un reporter du Times affirmait que si Hitler désirait envahir la France, il ne lui restait que la route de la Belgique. Un autre article annonçait que, devant les protestations contre l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie le 12 mars 1938, Mussolini tentait de se rapprocher des démocraties et avait signé, le 16 avril, avec la Grande-Bretagne les « Accords de Pâques ».

    De son côté, le Monde, pour son édition du matin, revenait très largement sur les émeutes du premier mai en Tchécoslovaquie provoquées par le parti allemand des Sudètes. Il affirmait que, pour trouver une solution à cette crise, les ambassadeurs de France et du Royaume-Uni étaient intervenus auprès du gouvernement tchèque à Prague. Dans le même temps, Hitler rendait visite à Mussolini pour lui proposer une alliance militaire. Tandis qu’à Genève, Maxim Litvinov, Ministre des Affaires étrangères soviétique, déclarait à Georges Bonnet, actuel Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement français d’Édouard Daladier, que l’Union soviétique était prête à secourir la Tchécoslovaquie si la Pologne ou la Roumanie ouvrait leurs frontières à celle-ci.

    Le Daily New-York annonçait pour sa part que le président du Mexique, Lázaro Cárdenas, venait d’exproprier les compagnies pétrolières britanniques sur son territoire. Cela allait entraîner la rupture des relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne. Concernant les États-Unis, ils organisaient le boycott mondial de la nouvelle société Petróleos Mexicanos.

    D’un geste calme, il referma le dernier journal. Son regard se porta sur le paysage qui se dessinait devant lui le long de la voie ferrée. Soudain, alors qu’il commençait à s’assoupir bercé par le ronflement des rails, la porte du compartiment s’ouvrit laissant place à un employé des chemins de fer. Un bref salut et l’homme à l’uniforme bleu nuit composta le billet du passager. Quelques instants plus tard, après un merci tout aussi bref, il disparut laissant de nouveau Rolling seul avec ses journaux et ses pensées pleines d’évasion et de souvenirs.

    Personne ne put dire combien de temps il sombra dans un sommeil réparateur et surtout pas la jeune femme qui, doucement, pénétra dans le compartiment. Est-ce le bruit de la porte ou l’air frais qui s’engouffra mais le passager ouvrit les yeux et découvrit devant lui un visage doux et agréable. Un ange, pensa-t-il. Devant son étonnement, elle s’empressa de lui répondre par un sourire gracieux mais néanmoins timide.

    Discrètement pour ne pas éveiller ses craintes, il l’observa d’un œil curieux. Il la jugea célibataire, son annulaire gauche ne présentant aucune alliance. De grands yeux bleus et une chevelure blonde rehaussée d’un petit chapeau faisaient de ce visage une représentation angélique. Ses boucles lui descendaient sur les épaules. Son corsage de mousseline blanche, fermé jusqu’au cou, laissait entrevoir les formes timides d’une jeune femme ayant quitté depuis peu l’adolescence.

    Elle le gratifia de nouveau d’un sourire et se tourna silencieusement vers la fenêtre. Son visage reflétait l’inquiétude tout comme ses doigts qui jouaient machinalement avec ses gants de dentelle. Rien dans son attitude ne lui permettait de déterminer son âge. Il lui donna entre 18 et 20 ans tout au plus. Sans doute plus près de 18 que de 20 d’ailleurs. Considérant que son étude ne pouvait être plus précise sans toutefois paraître insolente, il se tourna également vers la fenêtre. Son regard se perdit quelques instants dans la beauté du paysage qui défilait devant leurs yeux.

    Regardant sa montre, le magistrat tira de sa poche une jolie pipe en écume et une blague de cuir. Alors qu’il s’apprêtait à gratter son allumette, il se ressaisit en bafouillant :

    « Oh ! Pardonnez-moi, Miss. Cette fâcheuse habitude me fait perdre mes bonnes manières…

    – Ce n’est rien, fit-elle, d’une voix douce. La fumée ne me gêne pas. Si cela peut vous aider à mieux voyager, vous pouvez allumer votre pipe.

    – Je n’en ferai rien. D’ailleurs, à tout vous dire, mon médecin m’a fortement conseillé d’arrêter la pipe. Il paraît que cela n’est pas bon pour la santé. »

    Sur ce, il rangea la pipe dans sa poche intérieure et reprit :

    « Permettez-moi de me présenter : Je suis Edward G. Rolling…

    – Je sais qui vous êtes, Monsieur le juge. Je connais votre réputation. Vous avez été nommé, par la Reine en septembre 1933, juge à la Haute Cour Royale. Et, vous êtes en retraite depuis l’an passé. »

    Stupéfait par cette déclaration, il écarquilla les yeux. Il était à mille lieues de s’imaginer qu’une femme aussi jeune puisse connaître son nom et encore moins son parcours professionnel. Il en resta un moment muet et abasourdi. Délicatement, elle tendit une main frêle et son regard vert s’illumina. Malgré la finesse de ses doigts, elle serra avec une poigne d’acier la main droite du magistrat.

    D’une voix douce, elle lui dit :

    « Je me nomme Katarina Youlovna, fille de Youri Youlovitch. Je crois que vous connaissez mon père ?

    – J’ai en effet eu l’immense honneur de croiser la route de votre père voici presque 30 ans. Acquiesça-t-il. Le roi du charbon, pensa-t-il pour lui-même. J’étais alors un tout jeune juge. Nous nous sommes croisés lors d’une réception et nous avons dialogué un instant. Votre père n’est pas un homme que l’on peut oublier facilement. Son éloquence et son analyse du monde moderne font de lui un grand homme. »

    Le père de Katarina, le grand Youlovitch avait fait fortune dans les années 20 dans les mines du Kerjikistan, petite province au sud de l’immense Union Soviétique naissante. Cet homme d’un mètre soixante tout au plus et au regard bleu glacial avait réussi dans l’industrie minière là où d’autres, parachutés par le puissant parti, avaient lamentablement échoué. A la tête d’un empire colossal, ce « touche à tout » de cinquante ans avait également relancé l’exploitation de certaines mines de fer contre l’avis de ses pairs. De plus, à l’inverse des grands de son pays, il préconisait le taylorisme dans l’industrie automobile. Avant-gardiste et visionnaire de talent, ses prises de positions antisoviétiques l’avaient obligé à fuir sa mère patrie pour échapper à la répression du parti et à sa très puissante police, l’OGPU, digne successeur de la Tchéda. Aujourd’hui, 15 ans après sa fuite, il vivait exilé dans le Sussex.

    « Je savais qu’il avait eu un fils mais j’ignorais qu’il avait eu une fille et, de surcroît, aussi charmante.

    – Dans le milieu dans lequel nous vivons, on ne divulgue pas les renseignements sur sa famille. Il est préférable de les taire pour protéger ses enfants et mon père a fait le bon choix en m’envoyant dès mon sixième anniversaire dans un institut londonien. J’y ai étudié le français ainsi que votre langue maternelle, la philosophie et le droit. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai pu suivre votre brillante carrière. Concernant mon frère Boris, il a pris la direction de la branche minière au nord du Kerjikistan lorsque notre père s’est installé dans le Sussex. Par la suite, il s’est vu confié la totalité de la direction du groupe. »

    Il bomba le torse, fier de sa réputation qui avait traversé la Manche. Son image n’en était que plus honorable. Son regard se mit soudain à pétiller et un sourire se dessina nettement sur ses lèvres.

    « Il est agréable et flatteur, finit-il par dire, pour un vieil homme tel que moi que la jeune génération me connaisse…

    – … Et vous apprécie au plus haut point. Coupa-t-elle. »

    Une flamme illumina ses yeux comme si elle venait de découvrir l’une de ses idoles après plusieurs heures d’une attente interminable à la caisse d’un théâtre renommé.

    « Il est important, dans un grand pays, d’avoir des hommes qui connaissent et qui aiment la justice autant que vous Monsieur le juge. Savez-vous qu’au Royal Institut de Londres, vos jugements sont étudiés par l’ensemble des étudiants comme une Bible ? Durant ma dernière année de droit, j’ai également étudié la vie d’un autre grand nom de la justice : Lord John Fosbury.

    – J’ai connu Lord Fosbury. C’était déjà un grand ténor du barreau alors que je n’étais qu’un étudiant de première année.

    – Il fut ensuite, et jusqu’à son décès, l’un des hauts juges de La Chambre des Lords, la plus haute instance judiciaire de Grande-Bretagne.

    – Oui, un homme au parcours fascinant. »

    Son regard se perdit quelques secondes dans le paysage qui défilait sous ses yeux vides d’expression alors que ses doigts jouaient avec un coin du journal déposé devant lui. Le silence s’était installé. Hormis le ronflement des rails, rien ne venait perturber la quiétude de ce couple éphémère.

    Reprenant ses esprits, il la fit sursauter :

    « J’y songe, Miss, puisque la vie de Lord Fosbury vous fascine tant, pourquoi ne pas en discuter autour d’un bon repas ? Nous pourrions échanger calmement. J’ai ouï dire que l’on sert une excellente bisque de homard au wagon-restaurant. »

    Elle hésita un instant :

    « J’ignore si je peux… »

    De sa voix douce, il la rassura :

    « Je serais enchanté si vous acceptiez de partager ce moment avec moi.

    – C’est très gentil, j’accepte bien volontiers alors. »

    Le service fut soigné et le repas délicieux. Ils échangèrent avec beaucoup de gaité sur plusieurs affaires judiciaires. Rolling ponctuait son discours d’anecdotes croustillantes. Soudain, coupant la parole de celui-ci, une cliente mécontente interpella le serveur qui passait non loin de leur table. Le magistrat sourit :

    « Je me souviens d’une affaire dans laquelle un voleur avait, pour commettre son méfait, dérobé une tenue de contrôleur des chemins de fer. J’avoue, avec le recul, que le stratagème était fort simple : Il imposait, sous le prétexte d’une augmentation tarifaire de dernière minute, le paiement d’un complément de billet. Malheureusement pour lui, une passagère, n’ayant pas apprécié le refus de la délivrance d’un reçu pour ce nouveau titre de transport s’était plainte au chef de bord. La confrontation des deux hommes ne fut pas à l’avantage de l’imposteur.

    – A-t-il été condamné ?

    – Oui. Il me semble qu’il a écopé de quelques mois de prison avec sursis car le méfait n’avait été perpétré que dans l’espoir de faire vivre sa famille.

    – Puis-je me permettre une question indiscrète ?

    – Faites donc ma chère ? Ne sommes-nous pas ici pour dialoguer ?

    – Comment avez-vous trouvé votre voie ? Je veux dire : Comment êtes-vous arrivé à devenir juge ?

    – C’est une bien longue histoire Miss. Dit-il en levant la tête.

    – Je suis russe. J’adore les grandes histoires…

    – Le temps de choisir notre dessert et je vous conte cela avec plaisir. »

    Levant la main, il appela :

    « Garçon s’il vous plaît ? »

    Celui-ci arriva prestement.

    « Pourrions-nous avoir la carte des desserts je vous prie ?

    – Parfaitement Monsieur. »

    Après quelques minutes d’hésitation, la jeune femme se décida pour un meringata alors que le juge préféra une mousse aux trois chocolats.

    « Mes parents tenaient un petit restaurant proche de la City, au cœur de Londres, tout près de la Cathédrale Saint-Paul. Ce n’était certes pas un

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