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Satisfaire nos besoins : un choix de société !: Travailler 5 ou 2 jours par semaine, un choix dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité
Satisfaire nos besoins : un choix de société !: Travailler 5 ou 2 jours par semaine, un choix dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité
Satisfaire nos besoins : un choix de société !: Travailler 5 ou 2 jours par semaine, un choix dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité
Livre électronique542 pages7 heures

Satisfaire nos besoins : un choix de société !: Travailler 5 ou 2 jours par semaine, un choix dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité

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À propos de ce livre électronique

Le développement économique nous a permis d’accéder à un niveau de confort matériel sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Malgré ce bien-être matériel, nous continuons à produire et à consommer toujours plus de biens et de services marchands. La surproduction et la surconsommation menacent désormais notre qualité de vie, notre processus démocratique et la survie des générations présentes et à venir.

L’imminence d’un effondrement, qui est révélé par la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, des inondations, des sécheresses, des pics de pollution, etc..., nous impose de changer de mode de vie et de modèle de développement en moins de 10 ans. Pour être envisageables, ces changements devront nous procurer une vision de l’avenir viable, atteignable et désirable.

Notre mode de vie, nos valeurs, notre représentation de l’existence et l’ordre social sont en partis déterminés par notre rapport au temps et les moyens que nous utilisons pour satisfaire nos besoins. Le changement sera donc désirable, s’il est en mesure de nous procurer les moyens temporels de nous socialiser, de définir notre identité, de structurer le rythme de notre existence et de satisfaire nos besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation autrement que par l’activité professionnelle et la consommation.

L’objectif de cet ouvrage est de démontrer que le choix du rapport au temps et des moyens utilisés pour satisfaire nos besoins n’est pas un choix économique, mais un choix de société dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité.
LangueFrançais
Date de sortie3 janv. 2020
ISBN9782312071206
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    Aperçu du livre

    Satisfaire nos besoins - Jean-Christophe Giuliani

    cover.jpg

    Satisfaire nos besoins : un choix de société !

    Jean-Christophe Giuliani

    Satisfaire nos besoins : un choix de société !

    Travailler 5 ou 2 jours par semaine,

    un choix dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    Le travail, et après ? aux éditions Ecosociété, 2017

    En finir avec le chômage : un choix de société ! aux Éditions du Net, 2019

    © Les Éditions du Net, 2020

    ISBN : 978-2-312-07120-6

    « Tous les hommes se divisent, et en tout temps et de nos jours, en esclaves et libres ; car celui qui n’a pas les deux tiers de sa journée pour lui-même est esclave, qu’il soit d’ailleurs ce qu’il veut : politique, marchand, fonctionnaire, érudit. »

    Friedrich Nietzsche{1}

    « Des motivations autres que la poursuite du profit et la passion de l’argent devront alors prendre la relève. »

    André Gorz / Michel Bosquet{2}

    « C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. »

    Hannah Arendt{3}

    « Or les travailleurs ne découvrirons les limites de la rationalité économique que si leur vie n’est pas entièrement occupée et leur esprit préoccupé par le travail ; si, en d’autres termes, un espace suffisamment ample de temps libre s’ouvre à eux pour qu’ils puissent découvrir une sphère de valeurs non quantifiable, celle du temps de vivre, de la souveraineté existentielle. »

    André Gorz{4}

    Introduction

    Le progrès technique et l’organisation du travail ont favorisé le développement économique de la France et des pays industrialisés. Ce modèle de développement a permis à la population de ces pays d’accéder à un niveau de confort matériel sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Malgré le bien-être matériel que lui procure ce mode de vie, elle continue à produire et à consommer toujours plus de biens et de services marchands. En contribuant au réchauffement du climat, à l’épuisement des stocks de matières premières, à la dégradation des ressources naturelles et à la disparition de la biodiversité, ce mode de vie matérialiste et ce modèle de développement économique et social menacent notre qualité de vie, notre processus démocratique et la survie des générations présentes et à venir{5}. Les ressources de la planète étant limitées, une croissance illimitée n’est donc pas viable à court, moyen et long terme. L’imminence d’un effondrement, qui est révélé par la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, des inondations, des sécheresses, des pics de pollution, etc., impose de changer de mode de vie et de modèle de développement en moins de 10 ans.

    En fonction des orientations idéologiques des économistes, des politiques et des experts, il existe de nombreuses propositions pour éviter cet effondrement. Certains proposent de s’adapter en conciliant l’écologie et le climat avec l’économie. Pour cela, ils proposent une croissance verte, le développement durable, la « taxe carbone », une troisième révolution industrielle, d’encourager le nucléaire, les moyens de transport électrique et le transhumanisme, de produire dans les pays émergents, de développer l’économie autour des services, du divertissement et du tourisme et de faire confiance à la recherche, au progrès technique et à la loi du marché. D’autres proposent de mettre en œuvre la planification écologique, la règle verte et les 32 heures, de réguler les marchés financiers, de relocaliser l’industrie, de rétablir les taxes douanières, d’utiliser la force des marées pour produire de l’énergie, etc. D’autres encore proposent le tri sélectif des déchets, de limiter la consommation, de sortir du nucléaire, d’acheter des produits à basse consommation d’énergie, de favoriser l’agriculture biologique et les transports en commun, de construire des logements à haut niveau de performance énergétique, etc. Les plus radicaux proposent la décroissance, la simplicité volontaire ou la sobriété heureuse, la dotation inconditionnelle d’autonomie, les circuits courts et l’autonomie alimentaire au niveau local, d’interdire l’obsolescence programmée, de manger moins de viande, de limiter nos besoins, de réduire l’usage de la voiture au profit du vélo, etc.

    Tandis que certaines de ces propositions relèvent d’une conception idéologique de l’existence, d’autres méritent d’être approfondies et prises en considération.

    Même si certaines de ces propositions ouvrent de nouvelles perspectives, comme l’avait déjà fait remarquer le sociologue et psychanalyste Erich Fromm, les réponses à cette crise, qui est désormais systémique (économique, politique, sociale, écologique, climatique et sanitaire), ne relèvent pas seulement de propositions d’ordre économique.

    « Pour la première fois dans l’histoire, la survie physique de la race humaine dépend d’un changement radical du cœur humain. Mais ce changement n’est possible que dans la mesure où interviennent des changements économiques et sociaux rigoureux capables de donner au cœur humain la chance de changer et le courage et l’envie d’accomplir ce changement. »{6}

    Autrement dit, ce changement de mode de vie aura lieu en moins de 10 ans, si les réponses à cette crise sont en mesure d’apporter un nouveau sens à la vie, c’est-à-dire une nouvelle vision de l’avenir viable, atteignable et désirable capable de mobiliser les énergies individuelles et collectives. Pour être viables, ces changements devront satisfaire les besoins essentiels, assurer un minimum de confort matériel et préserver la survie de l’humanité à court, moyen et long terme. Pour qu’ils soient atteignables, ces changements devront s’appuyer sur les infrastructures économiques et sociales existantes. Pour être désirables, ils devront procurer aux membres des couches populaires et de la classe moyenne, ainsi qu’aux cadres, aux chefs d’entreprises, aux entrepreneurs, aux membres des professions libérales, aux agriculteurs, aux artisans et aux commerçants les moyens de changer le rapport qu’ils tissent avec eux-mêmes et les autres. C’est-à-dire se socialiser, définir son identité, structurer le rythme de son existence, nourrir l’estime de soi, se distinguer, s’affirmer et se réaliser autrement que par l’activité professionnelle et la consommation.

    Avant de proposer des solutions alternatives qui soient viables, atteignables et désirables, il est nécessaire d’identifier les conditions d’un changement de mode de vie individuel et d’une transformation sociale. Pour cela, il m’est apparu pertinent de tenter de répondre à une question qui ne semble pas préoccuper les économistes et les intellectuels ultralibéraux : pourquoi les individus cherchent-ils ou plutôt, s’épuisent-ils à vouloir réussir sur le plan financier, professionnel et matériel ? Gravir les échelons hiérarchiques, gagner et accumuler toujours plus d’argent et de biens matériels apparaissent pour certains comme la quête du Saint Graal. Indépendamment du fait qu’il est nécessaire de travailler pour assurer sa subsistance et se procurer un minimum de confort matériel, à quoi peu bien servir toute cette agitation qui épuise les organismes et la planète ? Mais surtout, est-ce qu’il est possible de réussir sa vie autrement ? Et comment favoriser ce changement sur le plan individuel et collectif ?

    Afin d’éviter de me laisser enfermer par des considérations d’ordres idéologiques et culturelles, j’aborderai ces questions et le changement à partir des besoins et du temps. Je les ai pris en compte, car la satisfaction des besoins est l’une des principales motivations de l’action des individus. Pour satisfaire un besoin, il est nécessaire d’agir. L’individu et le temps étant étroitement liés dans l’action qui se vit au présent, le temps apparaît comme un objet d’étude incontournable pour envisager les moyens de les satisfaire autrement. Il est important de préciser que je n’aborderai pas le rapport au temps à partir d’une conception physique, métaphysique ou philosophique, mais à partir du temps qui organise le rythme des existences individuelles et collectives au quotidien. C’est-à-dire le temps de l’horloge, du calendrier et de l’emploi du temps.

    J’entends fréquemment des politiques, des intellectuelles, des militants, etc. affirmer que, pour inverser les processus écologiques et climatiques, il est nécessaire de limiter nos besoins. Cette affirmation, qui semble relever du bon sens, est une erreur de raisonnement qui empêche de penser le changement. Afin de le démontrer, je commencerai par identifier les besoins et par les distinguer des moyens de les satisfaire sur le mode « avoir » ou le mode « être ». Pour satisfaire un besoin, il est nécessaire d’agir ou de réagir. J’aborderai donc les circuits du système nerveux qui motivent un individu à réagir ou à passer à l’action pour se procurer du plaisir et éviter de souffrir.

    Je poursuivrai cette étude en expliquant pourquoi le rapport au temps est un facteur de changement de mode de vie sur le plan individuel et de transformation sociale sur le plan collectif. Sur le plan individuel, puisque, pour satisfaire un besoin, un individu doit consacrer du temps à une action, le temps et son aménagement influencent les moyens qu’il peut mettre en œuvre pour le satisfaire. Je tenterai donc de montrer que le mode de vie et la qualité de vie d’un individu, ainsi que les moyens qu’il utilise pour définir son identité, structurer le rythme de son existence et satisfaire ses besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation sont déterminés par le temps libre dont il dispose et son emploi du temps professionnel.

    Sur le plan collectif, puisqu’une société se caractérise par un certain rapport au temps, les enjeux de son contrôle et de son aménagement n’apparaissent pas comme un choix économique, mais comme un choix de société. En effet, celui qui contrôle le temps impose ses valeurs, son mode de production et sa catégorie sociale dominante. Afin d’en comprendre les enjeux, il m’est apparu nécessaire de commencer par décrire les caractéristiques du temps social dominant et de la dynamique des temps sociaux. À partir de ces descriptions, je relèverai ensuite le défi d’exposer les processus économiques, sociaux et temporels qui ont provoqué le déclin de l’ordre religieux au profit de l’ordre économique. En m’appuyant sur cette dynamique et un historique des lois sur la réduction du temps de travail, je tenterai de retracer les étapes de la conquête du temps libre qui ont provoqué une révolution silencieuse du rapport au temps, qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Non seulement, cette dynamique explique en partie les révoltes de mai 1968 et la crise que subit la France depuis 1973, mais surtout, elle offre les moyens d’en sortir.

    L’activité professionnelle et la consommation sont les piliers de l’ordre économique. À la fin des années 60, les intérêts et l’autorité de l’élite économique étaient menacés par les tenants de la critique sociale et de la critique artiste. En m’appuyant sur la théorie des besoins de Maslow, les circuits du plaisir et de la souffrance et le rapport au temps, je tenterai d’identifier et de décrire les stratégies de manipulation utilisées en fonction des besoins et des publics et les cadres juridiques favorables à ces pratiques qui ont permis aux industriels, aux banquiers, aux milieux d’affaires et aux politiques, ainsi qu’aux cabinets de conseils en management et en marketing de contraindre, d’inciter et de motiver les ouvriers, les employés, les cadres et les classes moyennes à travailler et à consommer toujours plus.

    La vocation de cet essai est de contribuer au débat sur la construction d’un nouveau modèle économique et social viable, atteignable et désirable. Je terminerai donc cette étude en relevant le défi de proposer un nouveau modèle, dont l’objectif est, d’une part, d’inverser les processus écologiques et climatiques en moins de 10 ans, et, d’autre part, de mettre l’économie au service du développement et de l’émancipation de chaque individu. Afin d’inverser ces processus, je commencerai par présenter l’ébauche d’un modèle économique durable dont la vocation sera de sécuriser la satisfaction des besoins essentiels et d’un minimum de confort matériel. Afin de favoriser les développements et l’émancipation, je proposerai des solutions concrètes pour satisfaire les besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation sur le mode « être ». Ces propositions provoqueront une transformation des relations sociales, affectives et familiales et favoriseront l’émergence d’un système démocratique réellement participatif.

    Le temps et les besoins étant étroitement liés, ce que je vais tenter de démontrer, c’est que le choix du rapport au temps et des moyens utilisés pour satisfaire nos besoins n’est pas un choix économique, mais un choix de société dont dépend la survie et l’avenir de l’humanité.

    Satisfaire nos besoins et rapport au temps

    Malgré le niveau de confort matériel dont jouissent les cadres et les classes moyennes des pays industrialisés, ils continuent à travailler et à consommer toujours plus. Les ressources de la planète étant limitées, pour éviter les catastrophes écologiques et climatiques annoncées, ils ont le devoir et la responsabilité d’abandonner ce mode de vie matérialiste en moins de 10 ans. Puisque les modes de vie individuels et les modèles sociaux sont fortement déterminés par des systèmes culturels ou idéologiques (économiques ou politiques), j’aborderai les enjeux du changement et de la transformation sociale à partir des besoins et du rapport au temps.

    Dans la première partie, je commencerai par expliquer pourquoi, d’une part, la confusion entretenue entre les besoins et les moyens empêche d’envisager les moyens de les satisfaire autrement, et, d’autre part, les moyens utilisés pour les satisfaire ne correspondent pas à un choix économique, mais à un choix de société. En étudiant la théorie des besoins d’Abraham Maslow, la distinction entre le mode « avoir » et le mode « être » d’Erich Fromm et le comportement biologique de la recherche du plaisir et de l’évitement de la douleur, je tenterai d’identifier et de différencier les besoins des moyens de les satisfaire.

    Je poursuivrai cette étude en décrivant les enjeux du rapport au temps sur le plan individuel et collectif. Pour aborder les enjeux du temps sur le plan individuel, je quantifierai le temps libre dont dispose un individu et j’analyserai l’impact de son emploi du temps sur son mode de vie et sa qualité de vie. Afin d’appréhender les enjeux du rapport au temps sur le plan collectif, je décrirai les caractéristiques du temps social dominant et de la dynamique des temps sociaux de Roger Sue. À partir de cette dynamique, je tenterai d’apporter une explication inédite aux processus économiques, sociaux et temporels qui ont provoqué le déclin de l’ordre religieux de la monarchie au profit de l’ordre économique de la bourgeoisie.

    En m’inspirant de cette dynamique, je tenterai également de décrire la révolution silencieuse du rapport au temps provoquée par le développement économique et la conquête du temps libre. En appliquant la description de la quatrième phase de la dynamique des temps sociaux à la crise que la France subit depuis le milieu des années 70, il est possible de comprendre le présent et de tenter d’appréhender l’avenir. En effet, à partir de la fin des années 60, le temps libre, le développement économique, le progrès technique, le confort matériel, la protection sociale, l’élévation du niveau d’éducation, etc. ont provoqué l’émergence d’aspirations et d’attentes à l’origine d’un changement de mode de vie et d’une transformation sociale profonde qui est toujours en cours aujourd’hui.

    LES BESOINS ET LES MOYENS DE LES SATISFAIRE

    Pour inverser les processus écologiques et climatiques en cours, nombreux sont ceux qui affirment qu’il faut limiter nos besoins. Puisque ce ne sont pas les besoins, mais les moyens de les satisfaire qui sont illimités, affirmer qu’il faut limiter les besoins est une erreur de raisonnement. Non seulement la confusion entretenue entre les besoins et les moyens n’incite pas à limiter les moyens de satisfaire les besoins, mais surtout, d’envisager les moyens de les satisfaire autrement. Avant d’aborder les conditions d’un changement, je propose donc d’identifier les besoins et de les distinguer des moyens de les satisfaire.

    En m’appuyant sur les travaux d’Abraham Maslow et d’Erich Fromm, je commencerai par identifier les besoins et par les distinguer des moyens de les satisfaire sur le mode « avoir » et le mode « être ». Puisque la satisfaction d’un besoin nécessite d’agir, j’aborderai ensuite les circuits du système nerveux qui motivent l’individu à les satisfaire.

    Les besoins sur le mode « avoir » et le mode « être »

    Le comportement d’un individu est motivé par la satisfaction de besoins plus ou moins conscients qui sont la condition de sa survie, de son développement et de son émancipation. Abraham Maslow distingue cinq niveaux de besoin{7} que j’ai regroupé en trois catégories : les besoins essentiels (physiologiques et sécurité), les besoins psychosociaux (appartenance et estime de soi) et le besoin de réalisation de soi. Tandis que l’insatisfaction des besoins provoque des souffrances physiques et psychiques, des manques et des frustrations qui peuvent provoquer des maladies et la mort, la satisfaction régulière et continue supprime les symptômes. Selon Maslow, un besoin inférieur doit être satisfait pour stimuler l’émergence d’un plus élevé. Les besoins essentiels doivent donc être suffisamment satisfaits et sécurisés pour permettre à ceux des niveaux supérieurs de motiver un nouveau comportement.

    Puisqu’il existe une confusion entre les besoins et les moyens de les satisfaire, nombreux sont ceux qui affirment qu’il faut limiter nos besoins. Cette confusion n’incite pas à limiter les moyens de les satisfaire et à envisager les moyens de les satisfaire autrement. En effet, tandis que les besoins sont universels, transhistoriques et transculturels, les moyens de les satisfaire évoluent et changent d’une époque historique et d’une civilisation à l’autre, en fonction du progrès technique, des cultures, des religions et des systèmes idéologiques. Cette distinction fait apparaître qu’il existe de multiples moyens de satisfaire un même besoin. En m’inspirant des travaux d’Erich Fromm, je vais montrer les moyens de satisfaire un même besoin sur le mode « avoir »{8} ou le mode « être »{9}.

    Les moyens de satisfaire les besoins essentiels

    La satisfaction des besoins essentiels est indispensable à la survie et au développement physique et psychique d’un individu. Comme le fait remarquer Karl Marx, la satisfaction de ces besoins est le premier acte historique.

    « Ayant affaire aux Allemands détachés de tous, force nous est de constater d’emblée que la première condition de toute existence humaine, donc de toute histoire, c’est que les hommes doivent être en mesure de vivre pour être capable de faire l’histoire. Or pour vivre, il faut avant tout manger et boire, se loger, se vêtir et maintes choses encore. Le premier acte historique, c’est donc la création des moyens pour satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même. En vérité, c’est là un acte historique, une condition fondamentale de toute histoire que l’on doit aujourd’hui tout comme il y a des milliers d’années remplir jour par jour, heure par heure, rien que pour maintenir les hommes en vie »{10}.

    Les besoins essentiels comprennent les besoins physiologiques et de sécurité.

    Les besoins physiologiques. Les moyens destinés à satisfaire les besoins physiologiques, c’est-à-dire à maintenir l’équilibre biologique interne d’un individu, sont relativement limités et universels. En effet, indépendamment de sa culture, de sa nationalité et de son origine sociale, pour assurer sa survie un individu a besoin de se nourrir, de boire, de se loger, de respirer, de dormir, de se vêtir et de se reproduire. L’insatisfaction de ces besoins étant nuisible à sa santé physique et psychique, des carences prolongées et durables peuvent provoquer des comportements régressifs, des maladies et la mort.

    Depuis l’apparition de la vie sur terre, la satisfaction des besoins physiologiques est la principale préoccupation des espèces vivantes. Poussée par la nécessité d’assurer sa subsistance, l’espèce humaine a inventé de nombreux moyens de les satisfaire. À l’aube de l’humanité, elle a consacré une partie de son temps à la chasse, à la pêche et à la cueillette. Au néolithique, elle a utilisé son intelligence et sa créativité pour inventer l’agriculture et l’élevage. Depuis la révolution industrielle, pour les satisfaire, le salarié vend son temps à une entreprise en échange d’un revenu.

    Le développement économique permet à la population des pays industrialisés d’assurer la satisfaction des besoins physiologiques. Le progrès technique et l’organisation du travail ont permis de réduire les effectifs et le temps de travail consacrés les satisfaire. Tandis qu’en 1968, un agriculteur français pouvait nourrir 15 personnes, en 2008, il en nourrissait 60. Malgré l’abondance de la production agricole, la malnutrition demeure la principale cause de décès au monde. Selon un rapport de l’OMS{11} datant de 2008, 850 millions de personnes sont concernés par la malnutrition, 1,5 milliard par le surpoids et 500 millions par l’obésité. Paradoxalement, tandis que 2,6 millions de personnes meurent de surpoids dans les pays riches, 6 millions meurent de faim dans les pays pauvres chaque année.

    Pour satisfaire ses besoins physiologiques, un individu doit boire de l’eau potable, respirer un air chargé en oxygène et cultiver des terres arables. En polluant l’eau, l’air et les sols, la surproduction industrielle risque à terme de menacer la satisfaction de ces besoins et, donc, la survie de l’espèce humaine. Lorsqu’ils sont satisfaits, l’individu cherche à sécuriser leur satisfaction.

    Le besoin de sécurité. Ce besoin consiste à sécuriser la satisfaction des besoins physiologiques. La satisfaction de ce besoin sur le long terme permet à l’individu de s’ouvrir aux autres et de se projeter dans l’avenir. Se sentant en sécurité, il est motivé à expérimenter de nouvelles activités de socialisation et d’expression pour satisfaire des besoins supérieurs. À l’inverse, un climat d’insécurité, de précarité et d’instabilité provoque un état de stress qui fragilise sa santé physique et psychique. Le mal-être consécutif à l’intensification de ce climat d’insécurité peut conduire à une perte de confiance en soi, au repli sur soi, à la consommation d’antidépresseurs, à des maladies et au suicide.

    Un individu isolé dans un environnement hostile étant une proie facile, sa survie dépend de la protection d’un groupe. Pour garantir sa sécurité, il a besoin d’une famille, d’un clan, d’une religion, d’un syndicat ou d’un État qui fixe des limites, des règles, des interdits et des lois. Par exemple, le Code pénal fixe le cadre juridique des infractions et des sanctions. Le Code du travail fixe les règles : le contrat de travail (CDI, CDD, intérim, etc.), les conditions d’embauche et de licenciement, les congés payés, les jours de repos, la durée légale du temps de travail, etc., qui encadrent les relations entre les employeurs et les salariés. En donnant à un salarié les moyens de défendre ses droits face à son employeur, ces règles, qui sont les mêmes pour tous, lui donnent les moyens de sécuriser son emploi.

    Le besoin de sécurité peut être satisfait de manière individuelle ou collective. Tandis que l’État providence favorise les moyens collectifs (assurance maladie, retraite par répartition, assurance-chômage, hôpitaux et écoles publiques, etc.), l’État gendarme encourage les moyens individuels (épargne, retraite par capitalisation, polices d’assurance, mutuelle, cliniques et écoles privées, etc.). Paradoxalement, la mise en œuvre de l’État gendarme nécessite de renforcer les moyens d’action de la police et de l’armée avec les impôts des contribuables. N’étant pas un choix économique, mais un choix de société, le choix entre l’État providence et l’État gendarme ne devraient pas être dictés par des intérêts économiques, mais par le souci du bien commun.

    En France et dans les pays industrialisés, les moyens destinés à satisfaire le besoin de sécurité sont relativement limités : avoir un emploi stable ou être rentier. Le climat d’insécurité qui règne dans ces pays n’est donc pas dû à la peur du terrorisme, mais à la peur de perdre son emploi. Pour mettre fin au chômage et à la peur du chômage, les salariés exigent que l’État intervienne pour relancer la croissance, créer des emplois, réduire le temps de travail, interdire les délocalisations ou encadrer les règles de licenciement. Même si dans leurs discours le patronat et le gouvernement déclarent lutter contre la hausse du chômage, ils n’ont aucun intérêt à le faire disparaître. En effet, pour le patronat, le chômage n’est pas un problème, mais une solution, car un salarié qui a peur de perdre son emploi est plus docile et moins revendicatif.

    Selon Erich Fromm, la satisfaction du besoin de sécurité peut s’exprimer sur le mode « avoir » et le mode « être ». La distinction entre ces deux moyens de concevoir la sécurité est facilement identifiable. La sécurité sur le mode « avoir » consiste à accumuler toujours plus d’argent et de bien matériel. Paradoxalement, l’individu qui construit sa sécurité sur le mode « avoir » est contraint à vivre dans l’insécurité. Comme sa sécurité repose sur ce qu’il « a », et que tout ce qu’il possède peut être perdu, il est obsédé par l’idée de tout perdre. De ce fait, il est perpétuellement inquiet envers ceux qui menacent ses biens et sa propriété (voleurs, crise économique, révolution, mort, etc.) Étant donné que mourir s’apparente à une dépossession, celui qui a construit son existence sur le mode « avoir » a donc souvent peur de la mort.

    L’angoisse et l’insécurité engendrées par la peur de perdre sont absentes de la sécurité fondée sur le mode « être ». Elle repose sur les qualités, les aptitudes et les connaissances que l’individu a développées au cours de ses expériences, de sa formation, de ses lectures et de ses réalisations. Sa sécurité ne repose donc pas sur ce qu’il « a », mais sur ce qu’il « est ». Si je suis ce que « je suis », et non ce que « j’ai », personne ne peut menacer ma sécurité. Se fortifiant dans la pratique, l’action et la réflexion sur soi, la sécurité sur le mode « être » ne peut pas être menacée par quelque chose d’extérieur (voleur, révolution, chômage, crise économique, etc.) En revanche, elle peut être menacée par le manque de confiance en soi, des complexes, l’ignorance, l’absence de volonté, la paresse et la résignation qui sont des tendances propres à l’individu.

    Sur le plan politique, les acquis sociaux qui ont permis de sécuriser la satisfaction des besoins essentiels ont été en partis conquis par le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) et les luttes sociales qui ont eu lieu durant les 30 glorieuses. En régulant les prix, en réduisant le temps de travail et en créant un salaire minimum et la sécurité sociale (allocations familiales, assurances maladie et retraite), les luttes ouvrières ont favorisé un partage équitable de la valeur ajoutée et des fruits de la croissance. La mise en œuvre du programme du CNR a également permis de nationaliser les activités économiques destinées à satisfaire ces besoins (EDF-GDF, système de santé, SNCF, banques, assurances, etc.). Depuis le milieu des années 80, au nom de la création d’emploi et de la compétitivité des entreprises, la mise en œuvre de la doctrine ultralibérale a contribué à démanteler les conquêtes sociales du CNR et, donc, les moyens de sécuriser ces besoins.

    Lorsque les besoins essentiels sont satisfaits et que leurs satisfactions ne sont pas menacées à moyen et long terme, les besoins psychosociaux commencent à prendre de plus en plus d’importance dans la vie de l’individu.

    Les moyens de satisfaire les besoins psychosociaux

    Lorsque les besoins essentiels sont satisfaits, l’individu accorde plus d’importance à la satisfaction de ses besoins psychosociaux, qui comprennent les besoins d’appartenance et d’estime de soi. Je les ai nommés besoins psychosociaux, car ils correspondent à des besoins d’ordre psychologique qui ne peuvent être satisfaits que par un groupe social.

    Le besoin d’appartenance. La satisfaction du besoin d’appartenance est indispensable au développement de l’individu. L’appartenance à un groupe ou à une communauté lui procure les moyens d’obtenir de l’affection et de l’amour, ainsi que les moyens de s’exprimer, d’être écouté, d’être soutenu, d’avoir une place et un rôle à jouer, de structurer son identité et de recevoir la preuve de sa propre existence. Les groupes qui permettent de satisfaire ce besoin sont nombreux : une famille, une entreprise, une communauté religieuse, un parti politique, une association, un club, une bande de jeunes, etc. Le succès des réseaux sociaux, et notamment de Facebook, repose en partie sur le besoin d’appartenir à une communauté, qu’elle soit réelle ou virtuelle.

    Sous l’ancien régime, l’appartenance à une communauté religieuse (catholique, protestante, juive, etc.) était la condition de l’intégration sociale. En ne respectant pas les rituels et les règles inscrites dans le livre (Bible, Thora, etc.) ou en n’obéissant pas aux chefs religieux (Prêtre, Rabbin, etc.), l’individu risquait l’excommunication. Étant excommunié, il était séparé de sa famille, de ses amis et de sa communauté d’appartenance, déchu de son identité sociale et condamné à l’enfer. Pour se réinsérer, il devait reconstruire des liens sociaux et réinventer son identité et sa vie en dehors de sa communauté d’origine. Dans les pays industrialisés, l’appartenance à une communauté professionnelle est la condition de l’intégration sociale de l’individu. Puisque celui qui n’a pas d’emploi a beaucoup de difficulté à trouver sa place dans la société et à structurer son identité, au même titre que l’excommunication, le licenciement peut aboutir à une situation d’exclusion sociale. Pour se réintégrer socialement, le chômeur est donc fortement motivé à en retrouver un.

    Lorsque le besoin d’appartenance n’est pas satisfait, l’individu peut ressentir une dépendance ou un attachement excessif qui peut engendrer une perte d’autonomie. Comme le fait remarquer Henri Laborit, le souhait de s’intégrer à un groupe ne favorise pas forcément la liberté de penser.

    « Il lui est généralement interdit de faire fonctionner son imagination s’il veut bénéficier de la sécurisation apportée par l’appartenance au groupe et éviter de se faire traiter d’anarchiste, de gauchiste, voire même d’utopiste. Il lui faut faire allégeance aux leaders, aux pères inspirés, aux hommes providentiels, aux chefs responsables. Même dans la contestation des structures hiérarchiques de dominance, il doit encore s’inscrire dans une structure hiérarchique de dominance. Il existe un conformisme révolutionnaire comme il existe un conformisme conservateur. »{12}

    Afin d’intégrer un groupe et ne pas en être exclu, l’individu peut renoncer à son autonomie et à son libre arbitre pour se conformer aux idées, aux valeurs et aux attentes de son groupe d’appartenance. Même si ce besoin est nécessaire à son développement, son émancipation et son évolution psychologique nécessitent qu’il apprenne à s’en détacher pour se forger un socle identitaire qui lui est propre.

    Un individu a plus de facilité à se détacher d’un groupe dont il est membre que d’un groupe qu’il cherche à intégrer ou qui le rejette. Tant qu’il ne se sent pas intégré, la peur du rejet et de la solitude le motive, d’une part, à refouler ses aspirations et ses convictions pour se conformer aux normes et aux valeurs du groupe, et, d’autre part, à délaisser le « je » individuel pour le « nous » collectif. Avant d’accéder à plus d’autonomie et de liberté vis-à-vis du groupe, il doit donc y être intégré et y tenir sa place. S’il ne se sent pas accueilli par sa propre famille, l’enfant, l’adolescent ou l’adulte aura plus de difficulté à se détacher des valeurs et des règles qu’elle cherche à lui imposer. Ce qui est vrai pour la famille l’est également pour l’entreprise.

    Avant la crise de 1973, comme le taux de chômage était seulement de 2,7 %{13}, les salariés avaient moins de difficultés à retrouver un emploi lorsqu’ils démissionnaient ou qu’ils étaient licenciés. Ayant la possibilité d’effectuer leurs carrières au sein de la même entreprise, ils percevaient l’activité professionnelle comme une contrainte et un simple moyen de gagner sa vie. N’ayant pas peur de perdre leur emploi, ils étaient moins soumis, mais, surtout, plus autonomes, critiques et libres vis-à-vis de la valeur du travail. De 1973 à 2013, le taux de chômage est passé de 2,7 % à 9,7 %. De 1982 à 2013, le taux de salariés en CDI est passé de 77,4 % à 45,1 %, en CDD de 11,6 % à 28,4 % et en intérim de 1,2 % à 5,9 %{14}. À cause de la hausse du chômage et de la précarité, non seulement le travail est redevenu une « valeur » dominante, mais surtout, les salariés se soumettent plus docilement aux exigences des employeurs pour obtenir un emploi en CDI et le préserver. En limitant l’accès au CDI, les entreprises ont donc renforcé la dépendance et la soumission des salariés.

    Lorsque le besoin d’appartenance est satisfait, la motivation à s’affirmer et à se distinguer des autres émerge davantage dans la conscience de l’individu.

    Le besoin d’estime de soi. La satisfaction du besoin d’estime de soi est également indispensable au bon développement de l’individu. Le besoin d’estime est fortement attaché au désir de réussir sa vie, de mériter une récompense, de maîtriser son activité et de développer ses compétences. Afin d’obtenir la reconnaissance dont il a besoin pour nourrir l’estime qu’il a de lui, l’individu rentre en compétition avec ses semblables pour susciter la considération, l’admiration et l’envie. Pour sortir de l’incognito de la masse et se distinguer des autres, il cherche à conquérir le pouvoir et à s’élever dans l’échelle sociale. Souhaitant exprimer son individualité, il ne supporte pas de se conformer à la norme et il défend son droit à l’autonomie.

    Le besoin d’estime de soi est l’un des moteurs de l’action individuelle et collective. Dans l’essai sur la « Théorie des sentiments moraux », Adam Smith questionnait déjà les motifs de l’ambition, de la compétition, de l’agitation, de la volonté de s’enrichir et de la rivalité entre les individus.

    « Quel est l’objet, en effet, de tous les travaux et de toutes les agitations du monde ? Quel est le but de l’ambition, de l’avarice, de la poursuite des richesses, du pouvoir, des distinctions ? […] D’où naît donc cette émulation que l’on rencontre parmi tous les rangs de l’humanité, et quels avantages croit-on tirer de cette grande affaire de l’existence qu’on appelle améliorer sa condition ? Être observé, être considéré, être remarqué avec sympathie, avec satisfaction, avec approbation, voilà tous les avantages que nous en attendons. C’est la vanité, et non l’aisance ou le plaisir, qui est notre but : or la vanité est toujours fondée sur l’idée que nous sommes l’objet de l’attention et de l’approbation des autres. Le riche se fait gloire de ses richesses parce qu’il sent qu’elles attirent naturellement sur lui l’attention du monde, et que les hommes sont disposés à l’accompagner dans toutes les émotions agréables que lui inspirent si aisément les avantages de sa situation. À cette pensée, il semble que son cœur s’enfle et se dilate, et il est plus attaché à sa fortune par cette raison, que pour tous les autres avantages qu’elle lui procure. »{15}

    Au 18e siècle, Adam Smith avait déjà constaté, que les individus n’étaient pas motivés par l’aisance matérielle, la richesse ou les plaisirs, mais par la recherche de l’attention, de la gloire, du prestige, de la sympathie et des honneurs qui contribuent à nourrir l’estime de soi. N’en déplaise aux fanatiques ultralibéraux, ce n’est pas la raison, l’instinct de propriété ou l’intérêt personnel qui motivent les individus à entrer en compétition pour gravir l’échelle sociale et accumuler toujours plus d’argent et de biens matériels. Comme le fait remarquer Adam Smith, la cause de cette compétition stérile, qui conduit l’humanité à sa perte, est de nourrir l’estime de soi.

    Étant donné que le besoin d’estime est inhérent à la nature humaine, il est impossible de le limiter, de le supprimer, de l’interdire ou de le condamner. En revanche, comme les moyens de satisfaire ce besoin sont abondants, il est possible de le satisfaire autrement. En effet, les avatars de l’économie, que sont le travail, l’argent et la consommation, ont pris une telle place dans nos vies, que nous avons oublié que les moyens de satisfaire le besoin d’estime n’ont pas toujours été la réussite financière, professionnelle et matérielle. Pour le dire autrement, l’accumulation d’argent et de biens matériels n’a pas toujours été l’étalon de la valeur d’un individu. Le besoin d’estime de soi est transculturel et transhistorique. En effet, qu’ils soient nés au 5e siècle avant J.-C. ou au 21e siècle, qu’ils vivent au Moyen Âge ou à la Renaissance, qu’ils soient membre d’une société tribale ou d’un pays industrialisé, qu’ils soient européens ou chinois, qu’ils soient de confession catholique, protestante ou musulmane, qu’ils soient capitalistes ou communistes, les individus sont motivés à satisfaire leur besoin d’estime. Ces modèles de société et de civilisations se distinguent par les moyens mis en œuvre pour le satisfaire : la chasse, la guerre, la religion, la politique, l’argent, le travail, la consommation, ainsi que les activités artistiques, intellectuelles, manuelles, sportives, etc. Les moyens d’affirmer sa réussite et de se distinguer des autres peuvent être matériels (voiture, vêtement, montre, bijoux, yacht, jet privé, etc.) ou immatériels (statut social, marque prestigieuse, diplôme, médaille, titre de noblesse, organiser des fêtes, etc.). En effet, les moyens utilisés pour nourrir l’estime de soi n’ont pas cessé d’évoluer au cours de l’histoire en fonction de l’évolution des mœurs, des doctrines religieuses ou idéologiques, du droit, des connaissances et du progrès technique. Ces évolutions ont contribué à des changements de sociétés, voire de civilisations.

    Les moyens de nourrir l’estime de soi n’ont pas toujours été l’activité professionnelle et l’argent. La conception de la réussite et les

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