Lucile: La forêt à la mousse verte et aux sept fontaines
Par Giacomo Ihace
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À propos de ce livre électronique
Ce voyage initiatique, jalonné de milles embuches et découvertes, d’énigmes à résoudre pour connaître la destination suivante, les conduiront au pays des songes et des merveilles.
La complicité et l’amitié des deux héros, évidemment, seront au centre de l’histoire.
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Aperçu du livre
Lucile - Giacomo Ihace
Lucile
Giacomo Ihace
Lucile
La forêt à la mousse verte et aux sept fontaines
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
Aquarelles et dessins de Martine Pomel
© Les Éditions Chapitre.com, 2019
ISBN : 979-10-290-1005-7
Du même auteur
– Peinture et Beauté, 2019, roman : À bout de souffle, une criminelle en cavale se réfugie dans l’antre doré d’un homme seul. Embastillée et condamnée à ne pouvoir sortir. Sans échappatoire, elle est à la merci de ce peintre solitaire, ancien baroudeur qui consacrera son temps et ses loisirs, sans brusquerie, à la séduire à travers leurs différents états d’âme. Atmosphère remplie de couleurs et d’harmonie. Incursion dans l’univers de la création à travers l’œil exercé d’un professionnel polarisé par son art et obnubilé par la beauté. Cette douce quiétude sera bouleversée par l’excès de zèle d’un enquêteur pourri qui mettra en péril les personnages les plus délicats du roman, provoquant un drame.
– L’Accident, 2016, roman : Une histoire banale, un accident routier. Un bref instant, deux êtres se croisent puis aussitôt se perdent. Elle, persuadée d’avoir trouvé enfin son âme sœur ; lui convaincu qu’elle est trop belle pour lui. Leurs métiers les séparent devenant rapidement des inconnus dans l’immensité de la foule. Sauront-ils vaincre leurs tabous et dépasser leur inhibition malgré les sollicitations et les entraves multiples que la vie courante leur impose ?
Des personnages simples, sans ambiguïté. Pas de méchants, ni de bons, aucune complication inutile. Simplement des gens qui avancent, poussés par la vie.
– L’Immortel, 2014, roman : Le récit se déroule au Ie siècle après Jésus-Christ ; sur les traces d’Alexandre Le Grand. Voyage à travers les immensités. Partant de Palestine sur un dromadaire pour la traversée sans fin du désert d’Arabie Saoudite, puis sur un voilier pour le Golfe Persique et l’Océan Indien, et enfin l’Inde, en barque pour remonter l’Indus et à dos de mules jusqu’au nord du Cachemire au pied du Karakoram.
Pour fuir la persécution romaine, deux personnes, que rien ne prédispose à une telle aventure, se retrouvent entraînées dans un périple plein de rebondissements et de dangers.
– Dialogue avec un Ange, 2011, roman : Partis sereins, une femme et un homme se retrouvent plongés dans le chaos. Loin de tout, ensanglantés, ils n’ont d’autre alternative que de s’entraider pour survivre. Naissance d’une idylle qui deviendra, au fil du temps et de l’histoire, indestructible.
Constamment ballotté entre un rêve éveillé et une réalité confuse. Une allégorie sur la vie, la mort, l’amour.
Prologue
« Nous voyons à travers notre mémoire. Celle-ci partage les mêmes circuits que notre imaginaire. Alors, ne nous privons pas pour donner vie à nos rêves. »
L’aventure que voici se déroule à une époque très ancienne, au temps où les poules n’avaient pas encore de dents, mais déjà des plumes. Sur les tablettes des marchands, on ne trouvait ni chewing-gum ni poupées Barbie. Les frontières des pays n’étaient pas aussi bien définies qu’aujourd’hui. Le sport préféré était « d’envahir », donnant prétexte à zigouiller tout ce qui bougeait et chaparder tout ce qui traînait avant de brûler les maisons. Jamais de vainqueurs ou de vaincus, rien que des morts. Les seigneurs grands protecteurs prospéraient sur le dos des plus démunis, les serfs.
Il est vrai que depuis, rien n’a changé : les pauvres et les riches sont continuellement en place, les poules n’ont toujours pas de dents et presque toujours des plumes.
– Lucile, comment sais-tu que la Terre est ronde ?
Une religieuse questionnait une petite fille de six ans, blonde aux cheveux bouclés, qui se tenait droite dans ses sabots devant la classe.
– C’est simple sœur Angèle, la Lune est ronde, le Soleil aussi ; notre planète ne peut être qu’ainsi !
– Tu as gagné un bon point pour ta réponse pleine de bon sens.
img1.jpgLes personnages du conte.
Chapitre I. Lucile
img2.jpgLucile et le conteur.
Cinq ans plus tard.
– Dans la vie, il y a trois choses importantes qu’il faut savoir distinguer ; les fées, les sorcières et les humains. C’est facile. Les fées sont gentilles et leurs dents sont blanches. Les sorcières sont méchantes et leurs dents sont noires ou bien elles n’en ont plus. Et les hommes, c’est tout le reste.
– Des foutaises, tout ça n’existe pas ! interrompit un spectateur bedonnant, en blouse grise et chapeau sombre, passablement éméché.
– Ce n’est pas parce que tu n’y crois pas que ce n’est pas vrai, lui répondit l’orateur sans se démonter.
Comme chaque semaine, lors du marché du village, un conteur itinérant s’évertuait à divertir les badauds agglutinés autour de lui. Jadis, les narrateurs publics étaient nombreux à circuler de ville en ville. Au plus modeste événement, ils accouraient. Seule distraction par ces temps de guerres et de batailles.
Lucile, une petite orpheline, attendait ces moments d’exception avec impatience. Elle profitait des attroupements pour délester les curieux avec adresse. Il arrivait, parfois, qu’un quidam la prenne la main dans le sac ou dans sa poche. Si elle avait de la chance, elle fuyait en trombe, sinon c’était une rouste carabinée qui la laissait groggy et sanglante sur le carreau. À la longue, elle avait développé plusieurs techniques pour ne pas se faire repérer ; comme de changer fréquemment d’endroit, ou de ne pas transporter de butin sur elle. Jamais encore on ne trouva la moindre trace de ses forfaits. L’été, quand elle était loin des ruines du couvent, elle dormait à la belle étoile dans l’encoignure d’une grange. L’hiver, c’était plutôt proche d’une étable. Un mot suffisait pour amadouer les chiens de ferme et empêcher leurs aboiements. Prudente, le plus souvent, elle ne se déplaçait que de nuit. À force de circuler de maison en maison, elle connaissait la région mieux que personne. Le moindre poulailler et le plus petit jardin lui étaient familiers. Cependant, son prélèvement restait modeste, car jamais personne ne s’en aperçut ; un œuf par-ci, une carotte ou une tasse de lait par-là. En somme, rien de méchant.
– Une fée, aux dents d’une blancheur absolue, m’a fait vivre cette histoire extraordinaire. L’orateur continuait son discours…
Au mot fée, toute l’attention de Lucile s’était mise en éveil. Elle s’était faufilée au premier rang, oubliant, du même coup, pourquoi elle était là…
– Grâce à elle, j’ai pu découvrir le plus bel endroit du monde, le paradis sur terre : « La forêt à la mousse verte et aux sept fontaines. »
La curiosité de Lucile était à son paroxysme. Elle ne connaissait pas ce conteur… C’était la première fois qu’elle le voyait… D’où venait-il ? Malgré son tout jeune âge, Lucile en avait entendu des histoires étonnantes ! À l’orphelinat, le frère de sœur Angèle leur rendait souvent visite. Il était marin, et des voyages, il en avait fait des tonnes ! Elle leva la main avec l’intention de poser une question :
– Tu veux parler… ? Eh bien, vas-y !
– Cette forêt à la « mouche verte » se trouve où exactement ?
– Pas la « mouche », mais la « mousse », la « mousse verte », corrigea-t-il avec complaisance.
Il se gratta le menton comme pour chercher une réponse sans se trahir :
– C’est très compliqué. Il faut suivre un jeu de piste et, pour pouvoir continuer, déchiffrer les rébus et énigmes à chaque étape.
Enhardie, Lucile demanda :
– La première étape se trouve où ?
– Sur les hauts plateaux. Il désignait avec sa main la direction du Nord… Le plus difficile est de rencontrer le bon berger avec la devinette, rajouta-t-il pour donner plus de mystère.
À cette époque, les gamins vivant seuls dans les rues étaient nombreux et, en général, les adultes se montraient aimables avec eux… À la suite du massacre de ses parents, Lucile fut recueillie à l’âge de deux ans par un couvent converti en orphelinat. Malheureusement, l’histoire recommença six ans plus tard. Après une terrible bataille, l’endroit fut incendié et détruit par les ennemis en guerre contre le seigneur du lieu. Cachée dans la cave située juste en dessous des cuisines du couvent, Lucile sortit, par miracle, saine et sauve des décombres. Sans se montrer, elle vécut là presque une année ; enfin, le temps d’épuiser toutes les réserves. Puis, petit à petit, elle osa s’aventurer à l’extérieur. Dans une maison abandonnée à l’écart d’une grosse bourgade, elle trouva toute une panoplie de vêtements à sa taille. Toujours soucieuse d’appliquer les bonnes règles d’hygiène et de propreté enseignées par les sœurs, elle changeait d’habits régulièrement, lavait son linge, et faisait sa toilette presque tous les jours. Longiligne, presque filiforme, Lucile paraissait au premier abord fragile. Il n’en était rien, car elle était tout le contraire : robuste, infatigable, jamais malade, ne craignant pas plus le froid que la chaleur, la pluie ou le vent. Elle ne se déplaçait qu’en courant et si vite que même un cheval au triple galop avait de la peine à la rattraper. Vous aurez facilement deviné que, pour se mouvoir ainsi, Lucile ne pouvait pas être habillée en fille et en robe longue, mais en pantalon comme un garçon.
– Avant de continuer cette passionnante histoire, je voudrais vous signaler qu’au bout de la rue derrière vous, il y a une maison qui flambe, s’écria l’orateur sans plus d’émotion.
La foule se retourna brusquement pour constater la catastrophe. On se mit à courir dans tous les sens en quête d’un récipient pour participer à la corvée d’eau. Tous ces gens déployèrent tant d’efforts, qu’en fin de journée, l’incendie était complètement circonscrit. Sans auditoire, le saltimbanque s’était résigné à plier bagage et cherchait le petit garçon qui auparavant l’avait interrogé. Il l’aperçut, occupé à rapporter les seaux vides à la fontaine.
– Pour commencer une telle aventure, je te conseille vivement de te munir de vêtements chauds et d’une bonne paire de godasses pour affronter le froid et les pierres coupantes des chemins de montagne. Si tu désires d’autres informations, je travaille au moulin à papier. Mon nom est Hubert de Blatteur le conteur, rajouta-t-il en prenant son baluchon et son bâton de pèlerin.
– C’est sûr que si je viens vous voir vous me donnerez tous les renseignements dont j’ai besoin ?
– Je te fournirai même un plan pour ne pas te perdre. Cochon qui s’en dédit. En disant cela, il se cracha dans les mains, tourna les talons pour s’éloigner à grands pas en direction du Nord.
En entendant ces paroles, le regard de Lucile s’éclaira un bref instant, mais rapidement s’éteignit en prenant conscience de l’énormité de la tâche. Trouver des habits d’hiver n’était pas un problème, mais des chaussures… Des sabots, certes, on ne portait que ça, mais des souliers en cuir, c’était irréaliste… En dérober ? Impossible… La forme de son pied, long et fin, était un handicap insurmontable. Soit la longueur était bonne et son pied nageait en largeur, soit c’était le contraire. Elle retourna dans sa cachette et compta ses sous ; dix demi-écus, dix-huit sols, dix pièces et huit liards… Combien pouvait valoir une paire de godillots chez le bottier ? Elle n’en avait aucune idée… Elle décida de s’y rendre sur-le-champ.
La boutique du marchand se trouvait dans la rue principale. À l’arrière, débouchant sur une impasse, l’atelier employait une dizaine d’ouvriers et d’apprentis.