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L'échelle d'Amon-Kardashev: Saga policière
L'échelle d'Amon-Kardashev: Saga policière
L'échelle d'Amon-Kardashev: Saga policière
Livre électronique507 pages6 heures

L'échelle d'Amon-Kardashev: Saga policière

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À propos de ce livre électronique

Les deux acolytes Marc et Emmanuelle font face à de nouveaux rebondissements pour protéger un savoir très convoité

​Marc et Emmanuelle sont confrontés à une série d’enlèvements qui tournent rapidement à la tragédie. Parallèlement à la traque de Durieux, le redoutable mafieux de la Côte d’Azur, ils doivent se téléporter à Cuba et au fin fond du Mali sur les traces d’un secret jusqu’à présent inviolé, et transmis depuis des millénaires par l’ordre des gardiens du Dharma.
Lorsque Suliac, le tueur en série surnommé la Mâchoire, est banni par l’ordre des gardiens à cause des terribles connaissances dont il a abusé, la disparition brutale des voyageurs des Portes s’intensifie : Durieux n’a de cesse d’enlever des personnalités supposées appartenir à cet ordre obscur pour leur soutirer les secrets de la téléportation. Mais ses prisonniers se suicident sous ses yeux d’une bien étrange façon. Il s’en prend finalement au Dalaï-Lama en personne, le maître de l’ordre des gardiens du Dharma, contraignant Marc et Emmanuelle à demander l’aide de Suliac, exilé dans un plan hors du temps. Après un long périple semé de rebondissements et d’embûches, ils parviennent enfin à libérer le maître, agonisant.
A-t-il parlé sous la torture ? A-t-il révélé à Durieux le dangereux savoir, caché par cinq moines dans les souterrains de Paris au milieu du XVIIIe siècle ? Et surtout, quelle est la nature de ce secret qui attise toutes les convoitises ?

Dévorez sans attendre le troisième volet de la saga Au-delà de l'illusion !

EXTRAIT

Les moines comprirent qu’ils n’étaient plus suivis. Ils redoublèrent malgré tout de prudence au moment de mettre leur précieux chargement à l’abri. Plusieurs hommes se postèrent à l’affût le long du sentier qui menait à la cascade.
Le père Melchior Soler d’Armendaris, avec son coffret sous le bras, descendit non sans peine de son cheval. À soixante-quinze ans, il était temps pour lui de rembourser la dette qu’il avait envers l’abbaye qui l’avait accueilli plus d’un demi-siècle auparavant.
Gamin, il s’était égaré en montagne, avec ses trois moutons qu’il avait amenés paître. Un violent orage avait éclaté, il s’était perdu dans la tempête, la visibilité réduite à néant par les nuages qui balayaient les sommets escarpés.
Il avait perdu ses bêtes. Il savait que cela signifiait pour lui un retour dans la honte, et surtout un ravalement au niveau de quasi-esclave. Le berger était au bas de l’échelle sociale et s’il avait le malheur de perdre une bête, il devenait l’esclave du propriétaire. De remboursement, il n’était pas question, la somme nécessaire était totalement hors de sa portée.
L’abbaye se présenta à lui comme une solution évidente : il avait frappé à la porte, trempé, sale et ensanglanté d’avoir chuté plusieurs fois dans les torrents de boue qui sillonnaient la montagne.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Originaire d’un petit village d’Alsace, Denis Grienenberger, informaticien pour le compte d’un grand groupe pharmaceutique suisse, est fasciné par les mondes parallèles. Ce passionné de technologie, de musique et de sports de plein air, continue dans sa lancée avec le troisième volet des aventures de Marc et Emmanuelle. Plongez avec eux dans un univers où se mêlent enquête policière (pour public averti !), histoire contemporaine, nouvelles technologies, spiritualité et surnaturel.
LangueFrançais
ÉditeurThoT
Date de sortie23 déc. 2016
ISBN9782849213988
L'échelle d'Amon-Kardashev: Saga policière

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    Aperçu du livre

    L'échelle d'Amon-Kardashev - Denis Grienenberger

    Bazin

    Prologue

    Paris

    Lundi 2 février 2009, midi

    La violente déflagration fit imploser toutes les vitres du quartier, criblant d’éclats de verre la chair de dizaines de passants et de clients des boutiques de la rue du 29 juillet. La détonation fut suivie de quelques secondes d’un lourd silence, uniquement brisé par les alarmes de voitures. Les cris des victimes prenant connaissance de leurs blessures et des dégâts se joignirent aux pleurs et gémissements des nombreuses silhouettes hagardes qui erraient, désorientées, dans la fumée et la poussière de l’explosion.

    Quelques minutes plus tard, les sirènes des pompiers et du SAMU furent le point d’orgue de cette cacophonie.

    L’appartement du 5e et dernier étage de la rue des Tourons, qui donne sur le jardin des Tuileries de Paris, occupé quelques mois par an par Christian Jacq, quand il n’habitait pas à Coligny, en Suisse, dans la banlieue genevoise, venait de voler en éclats. La puissante explosion avait endommagé plusieurs étages de l’immeuble. Les pompiers arrivés rapidement sur les lieux avaient immédiatement déployé la grande échelle pour tenter de limiter l’embrasement au seul appartement du dernier étage de ce petit immeuble cossu. Les puissantes lances à incendie arrosaient déjà les façades des bâtiments adjacents et un soldat du feu, lourdement équipé, escaladait péniblement la grande échelle pour s’attaquer aux flammes qui rugissaient hors des décombres du dernier étage. Le vent empêchait les pompiers de dresser un rideau d’eau pour les protéger de la chaleur. Impossible de s’approcher davantage. La priorité était de circonscrire l’incendie, et surtout de s’occuper de la centaine de blessés, criblés d’éclats de toute sorte, dans la rue.

    Le quartier donnant sur le Palais-Royal fut totalement bouclé en quelques minutes. Les secours avaient rassemblé les blessés, nombreux en cette heure de midi, dans une grande tente blanche dressée sur place. Les premiers soins étaient donnés sur les lieux, et deux infirmiers triaient les victimes, redirigeant les plus atteintes dans les hôpitaux.

    L’inspecteur Schaffner arriva un quart d’heure après l’explosion.

    Au milieu du chaos, un peu en retrait d’une colonne Morris, un homme blond, corpulent, au visage rougeaud mitraillait la scène de son Reflex numérique Nikon.

    Une étrange procession

    Vernet-les-Bains, Pyrénées-Orientales

    Été 1648

    Les herbes hautes vibraient, brassées par un vent tiède en ce début d’été 1648. La petite Jeanne, sept ans, observait une chenille grimper le long de la tige d’une marguerite. Elle se demandait ce qu’elle ferait une fois parvenue au surplomb de la corolle. Le petit insecte s’approchait du sommet de la fleur et détacha le haut de son corps pour observer son entourage, se balançant de part et d’autre de ce qui à son échelle était un véritable tronc d’arbre.

    L’attention de la petite fille fut soudain attirée par une vibration grave, un bruit sourd... Une chevauchée. Des moines, en habits tachés et déchirés qui contrastaient avec leurs chevaux magnifiques, débouchèrent de la forêt, l’un d’eux avait un coffre sous le bras. Ils descendaient de l’abbaye... vers le vallon qui menait à la cascade Dietrich. La petite fille connaissait la forêt comme sa poche. Quand elle n’y braconnait pas, ou ne cherchait pas de bois pour le feu à la demande de sa mère, elle y jouait avec d’autres enfants du hameau La Moixa.

    Prudente, comme tous les gens de sa condition, elle resta baissée, cachée par les hautes herbes, le temps de laisser passer la cavalcade. En ces époques troubles, on lui avait inculqué depuis le plus jeune âge de se fondre dans la nature, de ne pas se faire remarquer, d’éviter le contact avec l’inconnu.

    Lorsqu’elle n’entendit plus rien, elle se redressa, la chenille avait disparu.

    Elle sortit du pré et se fit surprendre par une nouvelle troupe de cavaliers, des soldats du roi. Cette fois-ci, elle n’eut pas le temps de se cacher. L’homme de tête tira sur ses rênes, faisant se cabrer son cheval, manquant d’écraser la fillette.

    — Petite, as-tu vu des cavaliers passer avant nous ? Vers où sont-ils allés ?

    Elle se dit qu’ils n’avaient qu’à suivre les traces au sol... Mais s’ils étaient tellement bêtes, elle n’allait pas les aider. Les soldats du roi n’étaient appréciés de personne dans les campagnes. Brutaux, faisant abus de leurs privilèges, ils tyrannisaient la population. Elle leur indiqua une direction plus à l’ouest, vers la vallée...

    Sommeil protégé

    Villa du plan de la falaise,

    Lundi 2 février 2009, 8 heures

    Emmanuelle dormait profondément, la bouche entrouverte, alors que le soleil, sporadiquement caché par les rideaux battus par le vent, caressait sa peau. Sa poitrine, en partie recouverte par les draps, se levait et s’abaissait à un rythme lent, hypnotique. Les particules de poussière dansaient dans les rayons de lumière. J’étais tiraillé entre l’envie de me lever pour chercher un appareil photo et immortaliser le magnifique tableau qui s’offrait à moi, et le désir de ne pas en perdre une miette. D’autant plus que le moindre mouvement risquait de tirer ma bien-aimée de son sommeil. Nous avions dormi profondément, les baies vitrées largement ouvertes, donnant sur la forêt qui s’étendait à nos pieds. La température de la nuit était juste idéale, par opposition à la chaleur brûlante de la journée.

    Le visage de ma bien-aimée m’emplissait de bonheur, mais je m’interrogeais quant à l’avenir.

    Nous avions, après plusieurs tentatives avortées, réussi avec l’aide d’Ihem, à faire venir sur le même plan le terrible tueur en série la Mâchoire, le soustrayant ainsi à toutes les convoitises, tant celles du monde du crime organisé que celles des services secrets.

    La Mâchoire, de son vrai nom : Michel Suliac, était assigné à résidence dans notre plan, dans un chalet perché sur un immense plateau, un peu comme notre montagne falaise, sans aucune issue, mais bien plus vaste. À pied, elle représentait plusieurs jours de marche de circonférence. En outre, il ne disposait plus de son arme, la terrible Mâchoire, et l’utilisation des Portes des mondes lui avait été bloquée depuis ce plan. Nos guides nous avaient assuré que la distance séparant nos demeures était largement supérieure à l’éloignement maximal physique que l’on pouvait trouver entre deux points « sur Terre ». Même s’il parvenait à désescalader sa montagne, et s’il savait dans quelle direction se déplacer, il mettrait une éternité à nous retrouver. Mais je n’éprouvais aucune crainte à son égard.

    Lors de notre dernier long entretien, nous avions, Michel Suliac et moi, réalisé que le destin avait joué avec nos vies de façon bien singulière. Enfants, nous nous étions croisés à l’hôpital, à l’âge de six ans, tous les deux pour des opérations bénignes. Sauf que Michel, lui, avait quitté la clinique traumatisé par la perte de sa cousine qui était dans la même chambre que nous et qui y décéda d’une hémorragie. Lors de notre discussion, en recoupant les éléments, nous confirmâmes la culpabilité du chirurgien qui était sous l’emprise de l’alcool, et qui dans un geste incontrôlé avait sectionné une artère, provoquant l’issue fatale. J’avais même assisté, « décorporé », alors que j’étais sous anesthésie, à la terrible scène sanglante, et à la panique dans le bloc opératoire voisin du mien. Je ne réalisai que bien des années plus tard que ce ne fut pas un rêve mais bien une vision réelle de ce qui s’était produit à quelques mètres de moi !

    Adulte, je croisai Michel, dans un refuge de haute montagne lors d’une course alpine. Mais sans le reconnaître.

    Contrairement à Emmanuelle, la présence du tueur ne m’inquiétait pas le moins du monde, quelque chose d’autre m’angoissait, et je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. J’avais beau me raisonner, et me dire que nous étions tous à l’abri, hors du plan terrestre, rien n’y faisait. Une inquiétude sourde me taraudait.

    Un soupir et une caresse sur ma joue me tirèrent de mes réflexions.

    « Bonjour mon amour... », un petit sourire embrumé se nicha contre ma poitrine.

    Un monde trop parfait

    Plan de la falaise

    Lundi 2 février 2009, 8 heures

    La même température fraîche régnait autour du nouveau refuge de Suliac et de Cécile. Elle s’étira dans le lit, les muscles légèrement courbatus par sa très longue course de la veille. Elle avait couru plus de la moitié de la journée, explorant les environs de leur chalet. Les rayons du soleil se reflétaient dans le grand miroir face au lit et l’éblouirent quand elle s’assit. Elle passa la main sur la place à ses côtés. Elle était vide, les draps étaient froids, Michel s’était levé bien avant elle. Elle était inquiète, son insomnie et l’apathie qui gagnait son amant-ex-tueur angoissaient Cécile au plus haut point.

    Elle se remémorait leur fuite depuis sa capture par les hommes de Durieux sous les yeux des services secrets à Gaillard, près de Genève. Avait suivi un sauvetage rapide, violent et inexpliqué par Michel le lendemain, alors qu’elle avait déjà été torturée pendant plusieurs heures, sans rien pouvoir révéler. Elle se promit de lui demander comment il avait fait pour la retrouver aussi rapidement.

    Leur périple en camping-car, où elle avait été la plupart du temps allongée, incapable de poser les pieds par terre, totalement soumise à l’aide de Michel, l’abandon de leur refuge mobile au col de la Schlucht, dans les Vosges, alors que la police ou les services secrets venaient de retrouver leur trace, subsistait dans sa mémoire comme un étrange rêve à la frontière du cauchemar.

    Du séjour dans la grotte de Suliac, seules des bribes de souvenirs lui restaient. Elle avait été fiévreuse, son corps se battant contre les œdèmes de ses pieds, suite aux tortures infligées par les hommes de Durieux. Enfin, l’effrayant constat que Michel ne pouvait pas rester plus de quelques heures à découvert, hors de sa grotte, avant que Durieux ne parvienne à le localiser. Ils avaient finalement été contraints de quitter leur antre, pourchassés par Durieux qui semblait avoir implanté un mouchard dans le corps de Michel, aidé encore de façon inexplicable par Marc, qui paraissait le connaître. Et cet homme grand au regard tellement fascinant, Ihem, qui avait immédiatement amadoué Spit, le chien de Michel, encore une étrangeté de plus dans la succession d’événements vertigineux.

    Malgré les trois semaines qu’ils avaient déjà passées sur ce plan, elle se sentait en sursis. Physiquement, elle avait récupéré à une vitesse hallucinante. Une femme, aussi énigmatique qu’Ihem, lui avait appliqué les mains sur ses pieds, à l’instar des passes magnétiques que Michel lui avait faites lors de leur toute première rencontre, lorsqu’elle était tombée à VTT à proximité de son ancienne ferme. Cécile compensait l’incertitude angoissante de leur exil dans cette prison dorée par l’exercice physique. Grande sportive depuis son enfance, elle passait de nombreuses heures par jour à parcourir la campagne environnante en courant, abattant quotidiennement la distance d’un marathon. Et pourtant elle n’était jamais tombée sur une route, un chemin, un quelconque signe de vie humaine autre que leur petit chalet perdu au milieu de cette nature parfaite et pure. C’est d’ailleurs ce qui la frappait chaque matin au réveil : l’odeur. Une odeur d’air pur, piquant, vivifiant, exempt de toute pollution, qui envahissait son corps. Cet indice matinal était la première preuve qu’ils se trouvaient bien loin de leur point de départ, au minimum sur un autre continent, si ce n’est sur un autre monde.

    Cela lui rappelait ses premières impressions lors de son voyage en Afrique, en sortant de l’avion à l’aéroport international de Ndjili à Kinshasa en République démocratique du Congo, en compagnie d’une de ses amies étudiante qui l’avait invitée à visiter son pays d’origine. La première chose qui l’avait frappée, c’était l’odeur, l’odeur capiteuse de la végétation foisonnante. Une odeur musquée lourde, puissante, vivante. Puis vient le choc de la couleur omniprésente de la latérite, cette terre rouge orangée, dont la poussière colorait tout le continent.

    Ici, sur ce territoire inconnu, elle avait chaque matin la même impression de se trouver dans un ailleurs très, très lointain.

    Spit, le chien de berger de Michel, un border collie, déprimait aussi. L’animal n’avait plus d’activité, alors que dans ses gènes était inscrit le besoin fondamental de s’occuper d’un troupeau. Cécile l’emmenait régulièrement dans ses longues expéditions. Mais de plus en plus souvent il préférait rester auprès de son maître apathique.

    Cécile avait très vite réalisé que son salut mental résidait dans une discipline de fer. Elle n’était pas dans la situation d’un prisonnier qui ne dispose que de sa cellule, d’un parloir de temps en temps et d’une promenade quotidienne dans la cour. Elle s’imposa un rythme et un programme sportif régulier, bien chargé pour s’occuper le corps et surtout l’esprit.

    Elle s’habilla d’un fuseau trois-quarts, d’un tee-shirt à manches longues, mit deux petites bouteilles d’eau, deux tranches de pain et un bout de fromage dans un petit sac à dos.

    Comme toujours depuis trois semaines, elle demanda à Michel s’il voulait l’accompagner, lui proposant de marcher au lieu de courir, et comme à chaque fois il déclina son offre.

    Aujourd’hui encore, Spit hésita à la suivre, de plus en plus attaché à son maître depuis qu’il ressentait son état dépressif. Mais Michel, assis sur un tronc d’épicéa couché à une cinquantaine de mètres du chalet dans le pré, le même que tous les jours, le congédia d’un geste las :

    — Va avec elle, Spit !

    — Tu devrais venir avec nous, insista Cécile, tant qu’on n’aura pas exploré ce qui nous entoure, tu ne sauras pas si on est véritablement coincés ici.

    — Ils m’ont enlevé mon arme, et ma capacité à me transporter par les Portes des mondes... Nous n’avons vu personne depuis plusieurs jours. La nourriture arrive comme par magie dans notre frigo et notre garde-manger, je me demande même si nous ne sommes pas anesthésiés, ou hypnotisés. Est-ce que tout cela est même réel ?

    Suliac se leva, écartant les bras.

    Le géant désemparé, inactif pour la première fois depuis sa plus tendre enfance, attendrissait Cécile. Elle avait appris de sa bouche les aveux quant à ses penchants sadiques, meurtriers extrêmes, mais elle avait compris qu’il en était conscient, et qu’il ne savait pas comment s’en sortir. En outre, son étonnante empathie envers les enfants, et le côté justicier qu’il avait développé, l’avait en partie racheté à ses yeux. Elle-même subissait quotidiennement le dilemme d’être amoureuse d’un terrifiant tueur en série, mais elle avait appris à connaître d’autres facettes de sa personnalité, tellement humaines, trop... Et depuis que Durieux, le mafieux niçois, l’avait fait enlever pour qu’elle serve d’appât afin de capturer Suliac, leurs destins étaient inexorablement liés.

    — Je parie que si je me blesse, je ne souffrirai pas !

    — Tu n’es pas sérieux ? Tu ne sens rien ? Ce monde est réel, Michel ! dit-elle en tapant du pied. Il est simplement différent.

    — Il est doux, trop doux. La température est idéale, le temps est magnifique depuis qu’on est là, tout cela est trop beau, tu ne crois pas ?

    Il la repoussa doucement, et avec une lenteur fascinante, il ramassa deux pierres, les claqua violemment l’une contre l’autre. Puis, sous les yeux horrifiés de Cécile, paralysée par ce qu’elle ne voulait pas voir, il s’entailla profondément le creux de la main. Il eut un air étonné, grimaça, leva les yeux vers elle encore plus désespéré et ajouta :

    — Étonnante, cette illusion, elle brûle même !

    Et il s’éloigna de Cécile vers leur maison, ne refermant même pas son poing, laissant une traînée rouge derrière lui.

    — Michel ! cria-t-elle, qu’est-ce que tu fais ? Il faut te soigner !

    Cécile se précipita vers lui, lui referma la main couverte de sang et l’accompagna pour le soigner. L’angoisse la tenaillait, il plonge dans le désespoir, se dit-elle en lui tenant le bras. Il se laissa faire comme un gros pantin passif et hésitant.

    Un otage haut placé

    Paris

    Lundi 2 février 2009, 11 heures

    Une heure plus tôt, Christian Jacq s’était matérialisé au milieu du salon de son appartement. À son grand effroi, il était tombé sur un comité d’accueil. Il avait juste eu le temps de distinguer la présence de trois silhouettes dans son salon avant qu’un coup sur la nuque ne le fasse sombrer dans l’inconscience dans un éclair de douleur.

    Son habit scintillait encore lorsque le plus fort des trois hommes le souleva sans ménagement pour l’attacher sur une chaise. La deuxième personne filmait la scène depuis le début. Le dernier, en retrait, observait.

    Entre la matérialisation du célèbre romancier, franc-maçon, et son ligotage, il s’était déroulé moins d’une minute. Le commando qui l’attendait était parfaitement rodé. Le costaud gifla brutalement Christian Jacq, à plusieurs reprises, pour le ranimer.

    — Tu sais ce qu’on veut, n’est-ce pas ? murmura l’homme en retrait.

    Il se tenait dans l’ombre, occulté par l’éblouissant projecteur de la caméra. L’habit blanc du voyageur des Portes des mondes était maculé de sang, l’arcade sourcilière, le nez et les lèvres étaient éclatés. Christian Jacq gémissait sous son bâillon et secouait la tête. Le chef reprit :

    — Ce n’est pas grave, nous allons très rapidement t’amener à coopérer.

    Et d’un infime signe, il libéra la violence de ses deux hommes de main.

    Ce furent, pour l’écrivain, les cinq minutes les plus longues de sa vie à l’issue desquelles les deux brutes lui avaient brisé, avec une barre de fer, les os des jambes, des bras, sectionné et écrasé les doigts des deux mains, etc. Il n’était plus qu’une plaie sanguinolente qui aspirait à mourir. Les coups avaient été tellement violents que les éclaboussures rouges avaient été projetées dans toute la pièce. Ce que Christian Jacq ne savait pas, c’est que ses agresseurs voulaient le pousser à souhaiter sa mort.

    Leur extrême brutalité ne lui laissa pas le temps d’analyser la situation. Sa bouche était tellement tuméfiée, qu’il n’était plus vraiment en état de répondre aux questions de ses agresseurs. Ils l’attendaient, donc ils savaient qu’il allait revenir par une Porte des mondes. Que cherchaient-ils ? La maîtrise des Portes ?

    Il sombra dans l’inconscience, malgré l’atroce douleur qui irradiait de tous ses membres.

    Un des hommes le ranima en lui lançant l’eau d’un vase à la figure.

    — Bien, soit tu parles, soit tu meurs... À toi de choisir.

    Christian Jacq hocha faiblement la tête. Résigné, désespéré, il ne pouvait plus réprimer ses tremblements qui ne faisaient qu’amplifier sa souffrance.

    — OK, on va t’ôter ton bâillon. Si tu cries, on te cloue le bec et on recommence pour cinq longues minutes. Tu as de magnifiques couteaux dans ta cuisine que mes hommes seraient ravis d’essayer sur toi.

    Christian Jacq avait compris qu’il était perdu. Une vague de soulagement coula sur lui comme un anesthésiant.

    À peine avaient-ils ôté le bâillon que le prisonnier prononça d’étranges paroles, à la fois en aspirant et en expirant, qu’il répéta à trois reprises. Soudain, devant sa face, l’air se mit à vibrer et à siffler. Une petite boule noire apparut, grandit pour atteindre la taille d’une balle de volley, glissa vers son visage et lui aspira la face et le cerveau, qui se mirent à couler dans un horrible bruit de succion vers le néant. Finalement, sa tête tout entière fut happée par le mini-trou noir. Il ne restait plus qu’un homme décapité, agité d’ultimes soubresauts, et dont les pulsations cardiaques aspergeaient, au rythme de ses derniers battements, la pièce de son sang.

    Il s’était suicidé en s’autodécapitant à l’aide d’une mini-Porte des mondes lancée sur sa tête ! À l’instar de la capsule de cyanure dans la dent creuse des espions de la Seconde Guerre mondiale, ce moyen ultime était connu de tous les gardiens du Dharma.

    « C’est dans la boîte », fut la dernière remarque de Durieux, sur un ton mêlant dégoût et satisfaction. Il remballa le matériel vidéo et ils quittèrent l’appartement qu’ils avaient piégé en silence, sans aucune parole superflue, tout s’était déroulé comme prévu.

    À plusieurs centaines de mètres de distance, depuis leur voiture, ils firent sauter l’appartement rempli de gaz, avec une commande branchée sur le téléphone, effaçant les traces de leurs actes de barbarie.

    La cascade de Dietrich

    Vernet-les-Bains

    Été 1648

    Les moines comprirent qu’ils n’étaient plus suivis. Ils redoublèrent malgré tout de prudence au moment de mettre leur précieux chargement à l’abri. Plusieurs hommes se postèrent à l’affût le long du sentier qui menait à la cascade.

    Le père Melchior Soler d’Armendaris, avec son coffret sous le bras, descendit non sans peine de son cheval. À soixante-quinze ans, il était temps pour lui de rembourser la dette qu’il avait envers l’abbaye qui l’avait accueilli plus d’un demi-siècle auparavant.

    Gamin, il s’était égaré en montagne, avec ses trois moutons qu’il avait amenés paître. Un violent orage avait éclaté, il s’était perdu dans la tempête, la visibilité réduite à néant par les nuages qui balayaient les sommets escarpés.

    Il avait perdu ses bêtes. Il savait que cela signifiait pour lui un retour dans la honte, et surtout un ravalement au niveau de quasi-esclave. Le berger était au bas de l’échelle sociale et s’il avait le malheur de perdre une bête, il devenait l’esclave du propriétaire. De remboursement, il n’était pas question, la somme nécessaire était totalement hors de sa portée.

    L’abbaye se présenta à lui comme une solution évidente : il avait frappé à la porte, trempé, sale et ensanglanté d’avoir chuté plusieurs fois dans les torrents de boue qui sillonnaient la montagne.

    Les moines l’avaient accueilli, éduqué, sans trop insister sur son passé. Le jeune homme disait s’être perdu et ne se souvenir de rien. Les hommes étaient heureux d’avoir deux bras et une âme de plus dans leur communauté. Le père supérieur du monastère, Pierre XII, avait été un homme dur, mais profondément bon. Il avait pris le jeune adolescent sous son aile et avait fait toute son éducation.

    À présent, il allait rendre un grand service à feu ses frères et aux hommes. Le coffret qu’il tenait fermement sous son bras contenait un objet unique qui, rapporté des croisades, avait traversé les siècles, attirant heureusement peu de convoitises, parce que presque inconnu. Ceux qui avaient eu l’occasion de le voir avaient maintenu la connaissance sous une chape de plomb.

    « Seigneur, donne-moi la force de remonter dans la grotte... »

    Il progressait péniblement le long de la cascade sur les rochers humides, ayant quitté le sentier bien plus bas. Ici, aucune trace de passage, pourtant c’est là qu’adolescent il avait escaladé la paroi à droite de la cascade, et trouvé à une vingtaine de mètres du bas, un renfoncement derrière le rideau d’eau, qui menait à une grotte, vierge de toute présence. Il y avait déposé son seul bien, le plus précieux, un exemplaire relié de cuir des Problemata d’Aristote que le prêtre du village lui avait remis.

    Ce vieil ouvrage avait développé en lui une curiosité pour toutes les choses qui l’entouraient. Au fil des ans il avait tout naturellement occupé la place de bibliothécaire dans l’abbaye de Saint-Martin du Canigou.

    Une douleur sourde lui vrilla la poitrine, l’arrachant à ses souvenirs. Haletant, il parvint à se hisser derrière la cascade dans la grotte. Il patienta quelques minutes pour reprendre son souffle, et adapter sa vision. Il retrouva dans un renfoncement, en haut à droite, un tissu imprégné de graisse pour empêcher le passage de l’humidité. Il le déplia, et trouva dans une nouvelle bourse en cuir, rendue toute craquante par les années, un fusil¹, de l’amadou, des allumettes de soufre, une bougie et emballée dans un second tissu, une torche grasse qui avait servi pour la dernière fois alors qu’il était encore adolescent.

    Il s’attela, les mains tremblantes, à battre le fusil pour produire l’étincelle qui allumerait l’amadou. Rapidement la petite boule de fibres se mit à fumer et à luire et, sans perdre de temps, il y plongea l’allumette de soufre au bout de laquelle naquit une flamme bleue, puante, avec laquelle il alluma sa bougie et enfin sa torche.

    L’émotion l’étreignit lorsque son regard tomba sur le paquet contenant le livre avec lequel il avait appris à lire : les Problemata. Il en avait depuis une version en bien meilleur état à la bibliothèque de l’abbaye. Mais son envie était grande de le déballer et de le parcourir à nouveau, replongeant ainsi dans le passé. Il se ressaisit, il était venu pour une autre mission, et allait l’accomplir sans tarder et sans faillir. Les soldats du roi étaient à sa poursuite. Son coffret devait être dissimulé.

    À la lueur de sa torche, il s’enfonça sous terre. Il savait où il allait le mettre, il y avait une cheminée qui remontait vers le ciel, à l’angle d’un des couloirs. N’importe quel intrus serait occupé à placer ses pas dans le boyau dangereusement incliné vers les profondeurs, et ne penserait pas un seul instant à lever les yeux pour constater l’existence d’un couloir presque vertical au-dessus de sa tête. Il s’y hissa, s’arc-bouta contre la paroi, et parvint dans un second couloir qui remontait vers la surface. C’est là, dans une faille à deux mètres du sol, qu’il déposa le coffret après l’avoir soigneusement enveloppé.

    Il se signa et fit demi-tour précautionneusement. Personne ne viendrait le chercher s’il se blessait. Le retour fut encore plus pénible, les pierres glissantes menaçaient de le faire mortellement chuter au bas de la cascade.

    Avant d’entamer la descente, il émit un long sifflement modulé, et la réponse légèrement modifiée était pour lui la confirmation que la voie était toujours libre.

    Sans le handicap de son coffret, il put descendre plus rapidement que ce qu’il avait supposé. Mais ses bras le faisaient souffrir, son genou droit le lançait à chaque appui en flexion. Le soulagement le gagnait, il arrivait au bas de la falaise, plus que deux blocs à franchir, mais c’est sur le dernier que le fer rouge de la souffrance transperça son genou. Il perdit l’équilibre, n’ayant pas pu poser son pied correctement, et bascula en avant, tentant en vain de se rattraper à la paroi.


    1. Un briquet de l’époque.

    Une soirée presque normale

    Strasbourg, Ajaccio

    Lundi 2 février 2009, 19 heures

    Cinquante-trois minutes ! J’étais content de mon temps pour mon circuit de 12 km... Je n’avais pas trop forcé. Je ne cherchais pas à faire de bonne performance, ne participant à aucune compétition, mais le sentiment de progresser ou au minimum de ne pas « perdre » était pour moi quelque chose d’important. Je me sentais bien en entrant dans mon immeuble. J’éteignis ma lampe frontale qui me dépannait dans les zones les plus sombres de mon circuit qui longeait selon le temps que j’avais à ma disposition, l’ensemble des canaux reliant la rivière l’Ill au Rhin. Je gravis lentement les cinq étages qui aboutissaient à mon appartement. Sur mon palier, je fis encore quelques étirements et laissai mes chaussures à l’extérieur sur le paillasson.

    En allumant la lumière, je ressentis, comme à chaque fois, l’agréable sentiment d’espace, malgré les plafonds mansardés, que me procurait cet interminable couloir de presque vingt mètres qui constituait l’épine dorsale de mon appartement strasbourgeois.

    Je me déshabillai et introduisis mes habits de sport trempés de transpiration dans la machine à laver déjà à moitié pleine, et la mis en route. Nu, je retournai à la cuisine et me versai un verre d’eau. J’attendis que mes battements de cœur se calment encore un peu avant de prendre ma douche.

    J’allumai la radio qui démarra sur la nouvelle d’une violente explosion au gaz à Paris.

    Le président américain, Barack Obama, a commenté, dimanche soir 1er février sur la chaîne de télévision NBC, les élections provinciales irakiennes en estimant que « les Irakiens viennent de connaître un scrutin pacifique, avec une réduction significative de la violence sur place, et nous sommes en position de commencer à [leur] laisser plus de responsabilités. »

    Le produit intérieur brut des Etats-Unis a reculé de 3,8 % au quatrième trimestre 2008. Barack Obama a eu ces mots : « Le désastre se poursuit pour les familles travailleuses. »

    La crise économique faisait rage, les grands constructeurs automobiles américains déposaient leur bilan les uns après les autres, malgré les aides massives des États, les Européens licenciaient, « dégraissaient », comme aimaient si ironiquement dire les journalistes. La situation était préoccupante.

    Je ne m’inquiétais pas outre mesure pour mon travail, les entreprises avaient plus que jamais besoin d’experts-comptables, mais la situation d’ensemble était morose. Mon chef m’avait même proposé de prendre sa succession, lui-même s’étant vu présenter l’opportunité de grimper d’un échelon hiérarchique suite au départ en retraite de son propre supérieur, un chef exemplaire, paternaliste à l’extrême, donnant envie à chacun de s’investir pour lui.

    Je coupai la radio sur cette ambiance morose, ne voulant pas me gâcher l’effet bénéfique de mon footing et lançai la lecture d’un vieil album de Mike Batt sur mon Apple qui était relié à ma chaîne hi-fi par un câble que j’avais fait passer à travers le mur, dans les combles, à côté de la salle de bains. Je n’avais presque plus de CD dans mes étagères, les ayant tous copiés sur mon ordinateur. Mes invités avaient trouvé parfois bizarre que je me rende dans mon bureau pour lancer une musique qui se diffusait dans mon salon, mais le gain de temps de la recherche compensait largement les quelques mètres. Depuis peu, grâce à l’iPhone que je m’étais offert, je pilotais le Mac à distance et m’en servais comme télécommande pour parcourir ma médiathèque.

    Alors que j’étais sous la douche, Emmanuelle entra dans la salle de bains après s’être annoncée par trois petits coups sur la porte.

    — Bonjour, mon chéri.

    — Salut, ma toute belle, dis-je en écartant légèrement le rideau de la douche, suffisamment pour admirer les délicieuses courbes de ma bien-aimée.

    — Tu viens de courir ? C’était bien ?

    Depuis des années, j’avais mes jours fixes pour la pratique du sport et je tentais d’y déroger le moins possible. C’était le moyen le plus sûr de s’y tenir.

    Emmanuelle qui connaissait mon planning avait attendu que je sois de retour pour faire un saut depuis son appartement d’Ajaccio. Nous avions créé nos Portes permanentes, reliant les deux logements dans nos chambres à coucher respectives afin d’éviter d’arriver en présence d’inconnus. Nous avions pris l’habitude de nous rejoindre discrètement sans plus nous appeler au téléphone auparavant. Cela revenait à vivre dans un même appartement qui communiquait par nos chambres à coucher. La notion de solitude était devenue toute relative pour moi.

    — Excellent ! Froid et sec. Parfait pour moi, dis-je en la taquinant, sachant pertinemment qu’habituée au climat méditerranéen, elle avait du mal à comprendre que je puisse y éprouver un tel plaisir. Et toi, comment était ta journée ?

    — Très bonne, j’ai fait du vélo, mes courses, mon ménage. Mais en rentrant, j’ai trouvé un message d’Ihem dans la chambre qui m’inquiète. Il a dû le poser en utilisant notre Porte..., dit-elle en me montrant une lettre du style papyrus, apparemment en fibre de lin, porteuse du message succinct de notre guide :

    « Kita, Leton, pouvons-nous nous rencontrer vendredi 6 février en votre demeure de la falaise ? De nouveaux événements graves, dont nous devons nous entretenir, se sont produits. Plus que jamais, soyez discrets quant à l’usage des Portes des mondes. »

    — Ouh là... Que se passe-t-il ? Jamais il ne nous a convoqués de cette façon !

    Nous allions devoir supporter quatre jours d’incertitude et d’angoisse dans l’attente d’éclaircissements.

    Un peu plus tard, alors que nous préparions le dîner dans ma cuisine, nous apprîmes la nouvelle du décès de Christian Jacq à Paris par la radio. C’était son appartement dont l’explosion avait été annoncée un peu plus tôt.

    Je quittai la pièce et allumai aussitôt la télévision au salon, pour trouver confirmation de la terrible nouvelle aux infos. L’appartement de Christian Jacq avait été soufflé par une explosion au gaz. Emmanuelle m’avait rejoint, elle me serrait le bras, nous étions sonnés. Un des membres du conseil des sages que nous avions rencontré lors de la réunion de crise sur le plan de la montagne un mois auparavant en présence du Dalaï-Lama avait trouvé la mort ! Mon impression que quelque chose clochait venait de se renforcer brutalement. Une certitude s’inscrivit comme en lettres de feu dans mon esprit : « Ce n’est pas un accident », lâchais-je en me laissant tomber dans mon canapé, choqué.

    Virus

    Paris

    Jeudi 5 février 2009

    « Qu’est-ce que... » Le général Duparc, quelque peu agacé par la lenteur de son PC, venait de cliquer sur le gestionnaire de tâches, pour voir ce qui pouvait charger à ce point son processeur. Et il eut le temps de voir une tâche intitulée « catchdoc.exe » apparaître, occuper brièvement 90 % de la puissance de calcul du microprocesseur, puis disparaître aussitôt.

    Ce programme n’avait rien à voir avec ce qui tournait normalement sur son ordinateur. Sur le plan des virus, leurs machines étaient hyper-sécurisées. L’anomalie était indiscutable. L’activité de son disque dur augmenta sensiblement, alors qu’il consultait un long rapport sans rien charger. Il décrocha son téléphone et appela Simon, un de ses meilleurs informaticiens, un Geek à 100 % auquel il avait évité la prison pour ses multiples opérations de piratage, à la condition qu’il soit à son service direct.

    — Simon, vient tout de suite dans mon bureau, j’ai quelque chose à te montrer.

    Moins d’une minute avait passé qu’on frappait à sa porte.

    — Entre ! répondit le général d’un ton sec.

    Le jeune homme brun, pâle et maigre, proche de la trentaine, avec un ordinateur portable sous le bras, s’approcha de son supérieur qui tourna l’écran vers lui, pointant le doigt vers la fenêtre du gestionnaire de tâches.

    Quelques secondes plus tard, le petit programme fit à nouveau son apparition, provoquant une lueur d’intérêt dans le regard un peu flou du jeune homme à l’apparence d’adolescent attardé. Il comprit immédiatement ce qui intriguait son chef : qui avait lancé ce programme, et dans quel but ? Il ne s’agissait pas de supprimer l’indésirable comme pour un simple virus, il fallait au contraire laisser tourner, observer et remonter à la source.

    D’un geste des deux mains vers le clavier de son supérieur il demanda, sans la formuler, la permission d’accéder à l’ordinateur.

    Le général répondit de la même manière, sans un mot, comme si on pouvait les entendre. Ce qui n’était pas à exclure. Les deux spécialistes du renseignement savaient qu’on pouvait depuis longtemps activer les webcams et les micros intégrés aux portables, à distance à l’aide de virus, sans qu’aucun témoin lumineux soit actif.

    Le jeune homme brancha une clef USB, sur laquelle il stockait tous ses outils de hacker de pointe. Il sélectionna plusieurs programmes et les démarra, en tapant de nombreuses lignes de codes pour les paramétrer précisément, puis il referma les différentes fenêtres. L’ordinateur avait retrouvé une apparence anodine.

    Il invita son supérieur à sortir de la pièce pour s’exprimer.

    Dans le couloir, il expliqua :

    — On laisse tracer pendant quelques heures, votre ordinateur est à présent lié au mien. Je peux le surveiller à distance. Ne faites rien de sensible, ou mieux, prêchez le faux. Envoyez, ou enregistrez des infos bidon ayant l’air confidentielles. Ça permettra peut-être de débusquer plus rapidement ceux qui sont derrière ce virus.

    — Merci Simon, tiens-moi au courant. Essaye surtout de trouver d’où ça vient.

    Il quitta le chef en acquiesçant, tapotant son portable, comme un complice, avec un sourire en coin.

    Réunion de crise

    Plan de la falaise

    Vendredi 6 février 2009

    La semaine d’attente nous parut bien longue. Après avoir dîné sommairement, nous nous rendîmes à notre villa sur le plan de la falaise. Ihem nous y attendait déjà, à nouveau installé sur le toit-terrasse dans un des fauteuils.

    Le crépuscule s’épaississait et les premières étoiles scintillaient dans le ciel.

    Il se leva et vint à notre rencontre.

    — Bonjour mes amis. J’espère que vous allez bien. Donnez-moi vos mains, nous allons nous rendre tout de suite à une réunion au sommet. Nous

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