Trente ans de bonheur... ou presque: Comédie romantique
Par Alain Berruer
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À propos de ce livre électronique
Après un an de remises en question, Roger va lui aussi surprendre pour leurs trente et un ans de mariage.
Chaque chapitre est raconté alternativement par Simone et Roger, permettant de constater avec humour le décalage qu’il peut y avoir entre eux et l’interprétation que chacun pense de l’autre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alain Berruer a travaillé comme ingénieur dans l’industrie spatiale mais a toujours aimé écrire. Rédacteur du journal d’une amicale d’anciens élèves dans sa jeunesse, il a été responsable du journal de la mairie dans le village où il habitait. Il a fait du théâtre amateur pendant vingt ans, a écrit des poèmes et des pièces de théâtre. Trente ans de bonheur… ou presque est son premier roman. Il habite Toulouse.
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Aperçu du livre
Trente ans de bonheur... ou presque - Alain Berruer
1
Simone
Moi, c’est Simone. Dans deux semaines, c’est notre anniversaire de mariage. Trente ans déjà, ou peut-être seulement trente ans, faut voir. Bon, soyons honnêtes, dans l’ensemble, ça ne s’est pas trop mal passé. Il y a bien eu des hauts et des bas, comme dans tous les couples, mais à part l’ennui, rien de bien méchant. Alors pour ces trente ans, Roger m’a fait une belle surprise, il nous a réservé une croisière. Ce n’est pas la première fois que je vais mettre les pieds sur un bateau. J’ai déjà fait une balade en bateau-mouche sur la seine. Et puis on est déjà allés en Corse sur le Napoléon Bonaparte. C’est loin tout ça. En Corse, c’était pour notre lune de miel. Le bateau-mouche, c’était pour nos noces de bois, cinq ans de mariage. Depuis, plus rien. Il faut dire que Roger, c’est lui qui tient les cordons de la bourse, alors il fait attention. Mais sur un paquebot, c’est la première fois. Une croisière en méditerranée qu’il nous a offerte. Départ de Marseille. C’était le port le plus près de chez nous. On habite Toulouse. Il y avait bien une croisière au départ de Nice, mais ça durait 12 jours et c’était plus cher. Là, on part 8 jours.
Quand Roger est rentré à la maison en me montrant les billets, je croyais qu’il les avait gagnés dans un concours. Il fait beaucoup de concours, Roger, qu’il trouve dans des magazines, mais il ne gagne jamais, alors là, je n’en revenais pas. Quand il m’a dit qu’il les avait achetés, j’en revenais encore moins.
— Tu vas voir, qu’il m’a dit, ça va être génial. On va aller jusqu’en Sicile. Y a tout le confort à bord. Ça te plaît ?
— Ben oui, ai-je répondu.
— On part dans 8 jours, m’a dit Roger.
— Déjà !
— C’était moins cher avec un départ rapide.
— Ah bon, ai-je dit.
Roger, il fait pas souvent des surprises, mais là, il m’a pris un peu de court. J’étais paniquée. Il allait falloir que je fasse les valises ! D’habitude, je les fais qu’une fois par an, quand on part en camping en juillet. C’est facile en juillet, il fait beau et le choix est vite fait, d’autant plus qu’on part toujours au même endroit, au bord de la mer, on est toujours en short ou en maillot. Mais là, on était début avril. Ça tombe bien, c’est beaucoup moins cher qu’en juillet-août en plus. Mais ça compliquait le choix des vêtements à emporter. J’ai hésité longtemps. Le lendemain de son annonce, j’ai tout sorti des armoires et tout étalé sur le lit. Mais comme j’arrivais pas à faire de choix, j’ai tout remis en place. Trois jours que j’ai mis à me décider. Je sais pas comment vous faites, vous, mais pour moi, c’était un vrai casse-tête. J’ai bien dit à Roger que c’était compliqué, mais il m’a répondu qu’il me faisait confiance, ce qui ne m’a pas aidée du tout, au contraire. Alors j’ai pris un peu de tout. Les valises, il a fallu en acheter parce que les nôtres elles étaient trop petites, ça avait du mal à rentrer. Forcément, des shorts et des maillots, ça prend pas beaucoup de place. Roger il avait pas pensé à ça dans le budget. Quand je lui ai dit, il a fait la grimace. Je lui ai fait remarquer que c’était pas la bonne période pour partir, et là il s’est vraiment mis en colère parce que je faisais la difficile et qu’on ne critique pas un cadeau comme une croisière. Il a pris ça pour un reproche, alors que je faisais juste une constatation, sans plus. J’ai dû préciser que c’est parce qu’en avril, il pouvait faire chaud ou froid. Que le climat à Marseille et en Sicile n’était certainement pas le même et qu’il fallait bien prendre du froid et du chaud. C’était compliqué. Alors il s’est calmé un peu. C’est pénible d’être obligé de se justifier. Et après, il m’a dit qu’il y avait une soirée à bord avec le commandant, et qu’il fallait être bien habillé. J’ai paniqué à nouveau. Pour Roger, c’était facile, il avait encore son costume de mariage. Il était comme neuf, il avait dû le mettre deux fois en trente ans. J’ai dû vite fait reprendre un peu la taille parce que Roger, il a tendance à bien manger. Ça lui serrait encore un peu, mais c’était juste pour une soirée. Pour moi, c’était plus compliqué.
— Arrête de dire sans arrêt que c’est compliqué ! Tu devrais être contente au contraire. On croirait à t’entendre que ça te coûte.
— C’est pas ça, mais j’ai pas l’habitude, c’est tout.
J’ai fermé mon clapet parce qu’il fallait que je fasse attention à mes paroles. Il est susceptible Roger. C’est vrai que je m’angoisse facilement, mais je ne voulais pas le contrarier. C’était un beau cadeau après tout, même si c’est comp… non rien ! Alors je suis allée m’acheter une robe chez H&M. Du coup avec le costume et ma robe, ça rentrait plus dans les deux nouvelles valises, et Roger il a dû acheter un sac en plus, et il a encore fait la grimace, parce que les deux vieilles valises, on les avait jetées. Il faut dire qu’elles étaient vraiment usées, et je lui ai fait remarquer que de toute façon ça aurait été la honte de partir avec. Une croisière, ça demande un certain standing, non ? On a appelé notre fille pour lui dire qu’on allait s’absenter une semaine. Elle s’appelle Émilie et elle a 28 ans. Elle a bien réussi, elle. Elle travaille chez EDF. Elle est assistante sociale. Elle résout les problèmes du personnel. Du coup, elle paye son électricité que 10 % du prix qu’on paye. Elle en a de la chance. Parce que le chauffage électrique, ça coûte bonbon. Quand je lui ai précisé qu’on partait en croisière, elle en revenait pas. Elle aussi elle a cru un instant que son père avait gagné un concours.
Pour aller à Marseille, on a pris le train. Mais d’abord, nos voisins nous ont conduits jusqu’à la gare, parce qu’on n’habite pas Toulouse même. On a une petite maison dans la banlieue, à côté de Muret, à environ 15 km. Ça nous a bien rendu service qu’ils nous conduisent. Ils sont sympas les voisins. Le départ du bateau était à 18 heures, alors nous sommes partis tôt le matin pour être sûrs. Mais arrivés à la gare Saint-Charles, il fallait rejoindre le port. On aurait pu prendre un taxi, ça aurait été plus rapide et plus facile avec les valises, mais Roger, il a préféré prendre le bus, ça coûtait moins cher. Roger, il est conducteur de bus, alors forcément, le bus ça lui parle. Moi, je fais des ménages, ça nous fait un complément de salaire. J’ai pas toujours fait ça. Il y a encore deux ans, j’étais secrétaire dans une entreprise de pompes funèbres. Mais avec l’allongement de la durée de vie, il y a de moins en moins de morts, alors l’entreprise, elle a fermé. Et retrouver du boulot à 52 ans, demandez à pôle Emploi, ils vous diront, ou plutôt non, ils vous diront rien. Alors les ménages, c’est mieux que rien, même si ça me change pas beaucoup de chez moi.
On a dû changer deux fois de bus ! Et encore, il nous a laissés assez loin, à l’entrée du port maritime. Heureusement, il y avait une navette qui nous a conduits au bateau. À l’enregistrement dans le terminal, on nous a dit de laisser nos valises en nous donnant des étiquettes à attacher dessus, et qu’on les retrouverait directement dans notre cabine. Roger, il pense à tout, il nous avait acheté des valises à roulettes, et le sac aussi. Si bien que les roulettes, elles nous ont pas servi à grand-chose.
Quand j’ai aperçu le bateau, j’en voyais pas la fin. J’ai dû lever la tête pour voir jusqu’où il montait. Il était haut… et long… Je me suis dit que s’il fallait aller d’un bout à l’autre, ça allait prendre des plombes ! Et puis avec mes rhumatismes, monter et descendre les escaliers ça allait être compliqué… Hein ?... Non ! J’ai rien dit ! On a fait la queue pour se faire enregistrer. On nous a donné une carte en nous disant que ça servait pour tout. Pour ouvrir la porte de notre cabine, pour entrer dans les restaurants, surtout pour payer dans toutes les boutiques et les bars. L’hôtesse, elle a bien dit LES restaurants et LES bars. Y devait y en avoir plusieurs. C’était chouette, y’avait pas besoin d’avoir d’argent sur soi ni de carte de crédit. On présentait simplement cette carte, une carte toute blanche avec le logo de la compagnie et une piste magnétique. C’était comme si tout était gratuit. On nous en a donné une chacun, on a pris l’empreinte de la carte bleue de Roger en nous disant que le règlement se ferait automatiquement à la fin de la croisière.
Et puis, il y a eu la photo avec le commandant à l’entrée de la passerelle. Le commandant, il était pas là en vrai, il était sur une affiche en grand, en fond, avec une bouée de sauvetage à côté, comme un décor, devant laquelle on devait se mettre. La photo, on pourrait la récupérer le lendemain. Y a un emplacement dédié pour les photos à bord nous a précisé une hôtesse.
Et puis on a pénétré dans le bateau. Il y avait de la moquette par terre, et des plantes vertes dans le couloir. Une autre hôtesse nous a montré la direction de nos chambres après avoir regardé nos cartes. C’était écrit dessus. On était au pont 5. Il paraît qu’au pont 10, le plus haut avec des cabines, on n’entend plus les moteurs nous ont dit des passagers, sans doute des habitués. Mais le 5, c’est déjà pas mal, parce qu’au 3, je les plains. En dessous, c’est la machinerie, les cuisines et l’intendance. Finalement, il y avait des ascenseurs, incroyable. On en a attendu un pendant cinq bonnes minutes tellement il y avait beaucoup de monde. On aurait pu monter à pied comme on n’avait pas nos valises et qu’on avait embarqué au pont 2. Ça aurait été plus rapide. Notre cabine, c’était la 5032. Incroyable, combien il y en avait donc au total si nous on était déjà à plus de 5000, ai-je fait remarquer à Roger. D’accord, il y avait aussi celles de l’équipage, mais quand même !
— Mais y a pas 1000 cabines par étage, réfléchis un peu ! a-t-il précisé avec un ton d’évidence qui le caractérise. Le premier chiffre indique l’étage.
On a mis longtemps à la trouver. On a dû faire au moins trois fois les couloirs. Je suivais Roger, parce que du fait qu’il conduit des bus, il a normalement le sens de l’orientation.
— On est à tribord m’a dit l’hôtesse, a précisé Roger.
— C’est à gauche ou à droite ?
— À droite, et bâbord à gauche.
— Encore faut-il savoir où est l’avant de l’arrière.
— C’est par là, je crois.
— Tu crois ?
Avec tous les détours qu’on avait faits, on ne savait plus trop. Il faut dire qu’on cherchait sur les côtés du navire alors que notre cabine était au milieu. À droite ou à gauche, ce sont celles avec hublot ou balcon. Nous on avait une cabine intérieure, au milieu du bateau. Roger m’a dit que celles qui donnent sur l’extérieur, c’est très cher. C’est pour les gens qu’ont les moyens, et nous on n’a pas trop les moyens. Déjà qu’on fait la croisière, alors il faut pas abuser.
Quand on a ouvert la porte, il faisait noir à l’intérieur. J’ai eu beau actionner les interrupteurs, rien ne s’allumait. Les ampoules étaient quand même pas toutes grillées. Alors j’ai attendu dans le noir pendant que Roger était parti se plaindre. Au bout de dix minutes, il est revenu en colère. Il paraît qu’il suffisait de mettre la carte blanche dans une fente spéciale à côté de l’interrupteur de l’entrée. Et là, tout s’est allumé. J’ai regardé partout. Nos valises et le sac nous attendaient devant le lit. J’ai dû les enjamber pour passer parce que la cabine, elle est plutôt petite, surtout la salle de bain. Elle est rikiki. Et en plus, les WC sont dedans. C’est pas très pratique. Y’a que le lit qui est grand. Il est tellement grand qu’il prend pratiquement toute la place. Au moins, si Roger ronfle, je me mettrais à l’autre bout et je l’entendrais moins. Il y avait quand même une penderie avec des tiroirs et un petit frigo avec des bouteilles dedans.
— C’est sympa, ai-je dit, ils nous ont prévu des boissons.
— Faut pas y toucher, m’a dit Roger, c’est en supplément.
— On peut pas utiliser la carte blanche ici, j’ai fait remarquer. Alors ils peuvent pas savoir.
— Ils vérifient tous les matins et le mettront sur la note.
Roger, il connaît tout. Et il voit tout aussi. Déformation professionnelle. Il a remarqué qu’il y avait pas la télé, alors que c’était marqué dans la description. Alors il est reparti se plaindre pour demander une chambre avec télé. Il faut dire que comme il n’y a pas de fenêtre, on ne peut pas regarder dehors pour passer le temps, alors la télé, c’est bien pratique. Du coup, j’ai pas défait les valises et j’ai attendu, assis sur le lit. Quand il est revenu dix minutes plus tard, il était toujours en colère. Il a fait glisser un panneau de bois sur lequel il y avait un tableau, et la télé est apparue derrière.
— Fallait savoir, ai-je dit. Finalement, Roger, il ne sait pas tout.
— Bon, a-t-il dit en soufflant, je vais faire un tour en reconnaissance pendant que tu défais les valises.
Alors j’ai défait les valises et le sac, j’ai tout rangé dans les placards et la penderie, mais après, je savais pas où les mettre une fois vides. C’était gênant dans le passage, et puis j’ai eu une idée de génie. Je les ai glissés sous le lit parce qu’il était haut. Roger, il sera fier de moi. Dans la toute petite salle de bain, il y avait quand même des serviettes. J’ai pas eu besoin de sortir les nôtres. J’aurais pas dû les amener, on aurait peut-être pu éviter le sac. J’étais obligée de laisser les lumières allumées parce que sinon, je n’aurais rien vu pour ranger les affaires. Ils auraient mieux fait de prévoir une fenêtre, parce que ça doit coûter cher en électricité. Et puis, j’ai allumé la télé. Y avait écrit sur l’écran « Bienvenue Mr et Mme Legendre ». Ça faisait plaisir. On y présentait le bateau et toutes les activités qu’il y avait à bord. Y avait même un théâtre, un coiffeur et un salon de beauté. Quand j’ai vu qu’il y avait aussi un casino, ça m’a fait un peu peur. Roger, il aime bien les concours. D’ici qu’il lui prenne l’envie de jouer. Bon, en général, il est économe, plus qu’économe même. Quand on fait les courses, il repère toujours les bonnes promos. Et puis il récupère des coupons de réduction sur internet. Mais là, il pouvait être tenté, je le connais. Il faudra que je le surveille.
J’ai attendu qu’il revienne parce que j’avais peur de me perdre dans tous ces couloirs et ces étages. Quand il est arrivé, il m’a expliqué tout dans le détail, mais j’ai rien compris. C’est difficile sans plan, et même avec ça serait compliqué pour moi, j’ai pas trop le sens de l’orientation. Il m’a expliqué où se trouvaient les restaurants. Il y en avait trois, dont un self. Moi le self ça m’allait bien. On peut choisir ce qu’on veut, comme chez Flunch. Il y avait aussi un restaurant gastronomique. Je lui ai demandé si c’était en supplément. Il m’a dit que non, mais que c’étaient des tables de huit. Alors là, j’ai dit non parce que me retrouver avec des inconnus, surtout s’ils ne parlent pas français, c’était pas mon truc. Il y a plein d’étrangers sur le bateau. J’en ai entendu parler dans l’ascenseur, même que je comprenais rien. Mais Roger, il m’a dit que pour la soirée avec le commandant, on irait quand même dans ce restaurant parce que sinon ce n’était pas la peine qu’on ait apporté son costume et que je me sois acheté une robe chez H&M. Il y avait aussi deux piscines, dont une en extérieur, mais au mois d’avril il devait y faire froid. Le théâtre, il paraît qu’il est immense et que vu le nombre de passagers, il y a deux fois le spectacle le soir après le repas. C’est sympa si on pouvait le voir deux fois de suite. Du coup, il y avait deux services de restauration, mais comme on irait au self, il y avait pas de problème, sauf pour la soirée du commandant. Mais bon, on verrait m’a-t-il dit. C’était prévu le jeudi, et là on était samedi. Il était 17 h 30, et on a commencé à sentir des vibrations dans notre cabine. C’étaient les moteurs qui commençaient à tourner parce que le bateau, il devait partir à 18 heures. On entendait quand même bien le bruit, un bruit un peu sourd, ça donnait le bourdon. Il fallait sans doute les faire chauffer avant. Roger, il était fatigué de son périple sur le bateau, alors il s’est allongé, bercé par le bruit des moteurs.
À 18 h pile, on a entendu un coup de sirène, le bruit des moteurs s’est amplifié, les vibrations aussi, et on a senti que le bateau bougeait, mais on ne pouvait rien voir parce que dans notre cabine… enfin vous savez, quoi. Alors j’ai demandé à Roger si on pouvait aller voir le départ dehors sur le pont extérieur où on avait embarqué. Et Roger, il a dit « d’accord ». Il est pas contrariant Roger, sauf quand il est en colère, mais c’est pas souvent.
On a vu Notre Dame de la garde s’éloigner lentement et puis nous sommes passés à côté du château d’If. Du moins, c’est ce que disaient les gens à côté de nous, parce que Roger, il savait pas. Finalement, il sait pas grand-chose. Pourtant avec tous les concours qu’il fait, je pensais qu’il avait plus de culture. J’étais même fier de lui parce que quand il regarde des reportages à la télé, il me fait le commentaire. Mais là, j'étais un peu déçue. Ça m’a fait drôle de voir la terre s’éloigner. J’ai eu un petit pincement au cœur. Comme si je me séparais de quelque chose. Heureusement, Roger était à côté de moi. Des mouettes nous accompagnaient dans le ciel, frôlant le bastingage, comme si elles attendaient de la nourriture, un peu comme au zoo. Le ciel était noir, menaçant. Quand on a atteint la pleine mer, ça s’est mis à bouger un peu plus. Et puis on est rentrés dans le bateau, il faisait pas chaud.
Quand nous sommes arrivés dans le grand hall principal, au pont 3, excusez-moi l’expression, mais j’en suis restée sur le cul. C’était beau comme un camion américain tout neuf. D’abord, il y avait un grand escalier qui tournait pour aller sur la mezzanine du dessus, avec des mains courantes jaunes comme du laiton. Et puis il y avait un bar avec de petites tables basses et de jolis fauteuils dans lesquels on s’enfonçait profondément, et plein de plantes vertes. Mais surtout, il y avait deux ascenseurs en verre, illuminés, qui montaient jusqu’au dernier pont, tout là-haut ! On voyait les gens à l’intérieur monter et descendre. Ça devait être impressionnant, un peu comme à la foire avec les manèges à sensation. J’ai dit à Roger qu’il fallait qu’on en prenne un. Il m’a répondu « plus tard ». Alors on s’est assis dans un fauteuil où on s’enfonce. Roger a regardé la carte des boissons, c’était pas donné ! Il a commandé une bière, et moi une menthe à l’eau. On nous a apporté des cacahuètes et le serveur nous a demandé la carte blanche. C’était super de ne pas avoir à payer. On était bien. Je serais restée des heures comme ça à regarder les gens et à écouter la musique qui passait en fond sonore, mais qu’on n’entendait pas trop à cause du brouhaha ambiant. C’était un peu comme la place du capitole à Toulouse, quand j’y vais avec ma voisine Suzanne et qu’on prend un café à la terrasse d’une brasserie. Sauf que là on présentait juste la carte blanche.
Il avait fallu trente ans pour que je me sente vraiment en vacances pour la première fois. Parce que sinon, nos vacances, s’était toujours la même rengaine. Huit jours chez nous à profiter du jardin et quinze jours au bord de la mer en camping à Sète. On n’avait pas de caravane mais on y louait un mobile home. On louait toujours les quinze premiers jours de juillet, comme ça on retrouvait les habitués. On les appelait les anciens. Et puis c’est moins cher qu’en août.
À 20 h, on s’est dit qu’il fallait peut-être aller dîner. Roger
