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Sutures: Une enquête de Nick Jarvis
Sutures: Une enquête de Nick Jarvis
Sutures: Une enquête de Nick Jarvis
Livre électronique325 pages4 heures

Sutures: Une enquête de Nick Jarvis

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À propos de ce livre électronique

Montréal connaît des heures sombres.
Après être disparus quelques jours, des gens refont surface… un organe en moins. Ils ne se souviennent de rien, et le mystère plane sur ce qui a pu leur arriver.
Nick Jarvis et sa collègue Julie Montpetit héritent d'une enquête qui les transporte dans un univers qu'ils méconnaissent : hôpitaux, médecins, transplantations...
Forcés de plonger dans l'enfer du trafic humain et du marché noir des organes, ils n'ont pas fini d'être surpris par les nouveaux Frankenstein de l'horreur.
Non, la métropole n'est définitivement plus une ville paisible et sécuritaire où il fait bon vivre.
François-Bernard Tremblay est né à La Malbaie, dans la région de Charlevoix. Ce professeur de littérature du Collège d'Alma est également un passionné de natation. Il fait différentes expériences de nage en eau glaciale et réalise régulièrement des descentes de la rivière Saguenay, entre Chicoutimi et La Baie. En 2014, il a même traversé le lac Saint-Jean à la nage. Trois recueils de poésie, deux romans pour la jeunesse (Les Téméraires) et un recueil de récits d'aventures sur la natation ont marqué ses dernières années d'écriture, en plus de la fondation de la revue Clair/Obscur, en 2007. Sutures est son premier roman pour adultes.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie11 oct. 2018
ISBN9782896628926
Sutures: Une enquête de Nick Jarvis
Auteur

François-Bernard Tremblay

François-Bernard Tremblay est né à La Malbaie, dans la région de Charlevoix. Ce professeur de littérature du Collège d’Alma est également un passionné de natation. Il fait différentes expériences de nage en eau glaciale et réalise régulièrement des descentes de la rivière Saguenay, entre Chicoutimi et La Baie. En 2014, il a même traversé le lac Saint-Jean à la nage. Trois recueils de poésie, deux romans pour la jeunesse (Les Téméraires) et un recueil de récits d’aventures sur la natation ont marqué ses dernières années d’écriture, en plus de la fondation de la revue Clair/Obscur, en 2007. Son premier roman policier, Sutures, paraît en 2018. Féminicides est la deuxième enquête de Nick Jarvis.

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    Aperçu du livre

    Sutures - François-Bernard Tremblay

    Remerciements

    PROLOGUE

    Maggie Lemieux

    Mais qu’est-ce qu’elle foutait écrasée au fond d’une ruelle? Et comment y avait-elle atterri? Un cauchemar avait dévissé sa tête et l’avait remplacée par celle d’une junkie. Sonnée, un peu perdue, elle décida qu’il ne fallait pas rester assise là.

    Elle chercha pendant quelques instants à retrouver ses sens. Puis, elle s’étira pour agripper son sac, eut un haut-le-cœur, faillit vomir, un goût de bile dans la gorge, un relent de lendemain de veille dans la bouche, même si elle ne donnait pas souvent dans ce domaine. Et, comme si ce n’était pas assez, la batterie de son cellulaire était à plat. Un classique.

    Elle tenta de se lever, mais elle avait l’impression que son corps voulait se déchirer, se morceler. Elle trébucha et s’appuya contre le mur de briques. Elle vacilla sur ses jambes. Pendant un moment, désorientée, elle se demanda où elle était. Elle soufflait comme une petite vieille qui vient de faire un effort allant au-delà de ses capacités. Puis, comme le soleil qui parvint à se frayer un chemin entre les nuages, elle eut une éclaircie, reconnaissant la ruelle derrière l’immeuble où se situait son appartement. Cette vision lui redonna des forces. Elle se fixa alors comme objectif de se rendre à l’entrée principale.

    Exploitant cette énergie insoupçonnée, elle arriva à faire quelques pas avant d’être prise d’étourdissements. Elle longea le mur, vit apparaître le trottoir, puis la rue Jarry, à une dizaine de mètres. Encore un effort. L’accès de son immeuble était tout près. Elle essaya d’attirer l’attention des passants par des gestes, mais les gens qui la croisaient essayaient de l’éviter ou la fusillaient du regard. Personne ne lui offrit d’aide, préférant laisser tranquille cette fille qui semblait avoir passé la nuit sur la corde à linge.

    Maggie tituba jusqu’à l’entrée et se hissa de peine et de misère à l’intérieur du bâtiment. Elle appela l’ascenseur, tomba presque lorsque la porte s’ouvrit. Puis, elle s’écrasa finalement au fond… et le regretta. La douleur fut intense, viscérale. Assise sur la céramique brune, elle ne bougeait plus, terrorisée. L’ascenseur atteignit l’étage où elle logeait et s’ouvrit sur le couloir désert. Dans sa semi-conscience, elle n’eut pas la force de sortir, préférant attendre que quelqu’un appelle la cabine à un autre étage et la découvre. Elle songea à tirer la sonnette d’alarme, mais s’affola. La peur au ventre, elle essaya de se reprendre, de se remettre sur ses pieds; c’était peine perdue.

    Elle ignorait depuis combien de temps elle restait là, tapie sur le plancher, tel un animal au fond de son trou, terrée, cachée, blessée. La seule chose qu’elle entendait, qui la guidait encore, c’était son souffle. Pendant des minutes interminables, elle ne voulut plus bouger, car elle savait qu’elle vomirait toute la bile que son corps produirait. Mais l’idée de regagner son chez-elle, son logis, tout près, derrière la porte de l’ascenseur, était trop forte. Têtue, rassemblant son courage, elle réussit à se relever dans un ultime effort, râlant, luttant pour sa survie, se tenant contre la petite rampe métallique. Alors une bile jaunâtre remonta. Maggie cracha un peu de salive visqueuse sur le sol et appuya sur le bouton d’ouverture de la porte.

    L’appartement numéro 16 était juste là. Malgré des tremblements, elle réussit à prendre les clés dans son sac. Une fois qu’elle fut à l’intérieur, les lieux lui parurent intacts. Elle demeura debout quelques instants dans la cuisine. Chercha à poser son regard sur le calendrier, mais c’était celui de l’an passé. Énervée, en état de choc, elle brancha son ordinateur portable. L’horloge lui indiquait qu’il était dix heures, et le portable… le mardi 8 mai. Impossible, on ne pouvait pas être le 8 mai, puisqu’elle devait retrouver des amis au chalet familial le vendredi 4 mai.

    Prise de panique, elle regarda la lumière rouge du téléphone fixe, qui clignotait. Elle décrocha, effrayée de ce qu’elle allait sûrement y trouver. Il y avait ses parents: «On t’attendait plus tôt, chérie», puis Sylvie: «Dis donc, t’es passée où?», ensuite Patrick, Sylvie encore, Stéphane, maman, papa, re-Sylvie, la police. Elle eut un léger coup de tournis, crut qu’elle allait s’évanouir. Reprit ses sens. Il fallait aller au bout des choses… savoir. Un peu de courage, tu seras pas la première à avoir été violée.

    Dans la salle de bain, elle commença à se déshabiller. Le moment qu’elle redoutait le plus était arrivé. Les pieds, les jambes. Une bosse sur la main. Cette dernière était tout enflée. Maggie réussit tant bien que mal à ôter sa tunique. On lui avait enlevé son soutien-gorge, arraché probablement pendant que les types la violaient. C’est avec étonnement qu’elle découvrit qu’un pansement énorme recouvrait sa poitrine. Elle tira sur le coin et crut qu’elle allait s’arracher les seins et le cœur. Elle se mit à trembler. Elle parvint à soulever le tissu, assez pour apercevoir une longue plaie qui traversait son ventre, passant entre ses seins pour atteindre son thorax.

    Elle s’écroula en proie à la folie, lançant à répétition des cris inhumains.

    Christian Gobeil

    Christian Gobeil se réveilla en cherchant son air. Même lorsque ses yeux furent ouverts, tout demeura flou. Il voulut faire le geste machinal de se lever, mais il était dans l’impossibilité de se mouvoir. Réfléchir. C’est tout ce qu’il lui restait. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. La belle mécanique qui avait toujours fonctionné au quart de tour s’obstinait. Il avait beau essayer de sonder ses souvenirs, c’était le noir total. Il prit conscience cependant de son mal de crâne épouvantable; son corps avait probablement été terrassé par un bulldozer. Sa tête allait d’abord exploser, ensuite son corps tout entier. Il devait bien y avoir une explication.

    Il tenta d’allonger son bras gauche, mais celui-ci était engourdi. Il avait du mal à garder les yeux ouverts, et une atroce douleur parcourait ses jambes et son côté meurtri. Une morsure? Il essaya de remuer les lèvres, d’émettre un son, rien. Il voulait hurler sa souffrance, mais il avait toujours détesté les hystériques, les femmes et les enfants qui s’époumonent. Là, cependant, il pensait qu’un bon cri pourrait être la solution. Peut-être viendrait-on le secourir. Sitôt les hurlements poussés, on s’agita autour de lui. Il entendit des gens qui parlaient. Il sentit un élancement dans son bras engourdi, une seringue qui se taillait un chemin dans sa saignée. Cela eut au moins le mérite de le ramener rapidement dans les bras de Morphée. Voilà! Drogué! Quelqu’un l’avait drogué!

    Lorsqu’il se réveilla de nouveau, le soleil qui lui caressait la nuque lui fit grand bien. Il s’aperçut qu’il était couché face contre terre, la joue gauche écrasée contre un gros tas de cailloux. Christian réussit à se mouvoir, et c’est quand il se retourna que les souffrances apparurent: il avait des maux de tête, la bouche sèche mais envie de dégueuler, le corps engourdi et des élancements partout. On l’avait salement amoché.

    Il put tout de même s’asseoir et se rendit compte qu’il était au beau milieu d’un terrain vague. Sur sa gauche, un mur en parpaing couvert de graffitis le séparait d’un quartier de petits immeubles d’appartements de briques ocres complètement défraîchis. Derrière lui, de la machinerie Caterpillar jaune, et une structure d’acier qui ne laissait aucun doute sur le futur achèvement d’une énorme tour de condominiums pour gens aisés. À sa droite et devant lui, il y avait une centaine de mètres de champs et une rangée d’arbres qui longeaient un grand boulevard.

    Christian sentit un pincement au côté gauche, alors que sa tête pesait une tonne. Il parvint à se lever et se mit lentement en route, s’assurant que la mécanique fonctionnait à nouveau, même si son corps le faisait souffrir. Aux abords du grand boulevard, il vit le panneau publicitaire: «Condominium: 1450 pi² à partir de 2600 $ par mois». Christian s’arrêta net et eut un léger sourire en pensant aux gens capables de se payer une telle retraite dorée. Chose certaine, ce n’était pas pour lui. Sa situation compliquée ne lui permettait même pas de toucher les six cents dollars par mois alloués par l’aide sociale. Les misérables sans domicile fixe comme lui n’avaient droit à rien.

    Il continua de progresser à travers le chantier de construction en se tenant les côtes plus fréquemment. Il faillit s’enfarger dans un tuyau de plomberie recouvert d’une bâche. Devant lui se dressait la structure d’acier, espèce de monstre qui lui rappelait les jeux de Meccano de son enfance. Combien de temps lui faudrait-il pour se payer un tel condo de luxe? Il essaya vaguement de l’estimer, s’aperçut que son calcul était erroné et s’embrouilla légèrement. Il repartit, l’âme triste, et marcha quelques minutes en claudiquant comme une bête blessée dans la mauvaise direction, avant de comprendre qu’il se trouvait au nord, un secteur qu’il fréquentait peu. Il mit plus d’une heure à atteindre son quartier et décida d’entrer dans un café qu’il visitait à l’occasion et dont le patron n’était pas trop regardant sur l’accoutrement des clients.

    Christian devait faire le point sur ce qui venait de lui arriver. Qui avait bien pu le battre de cette façon? Il salua la jeune Jenny et fila vers la salle de bain. Il leva son chandail et comprit ce qui n’allait pas. Un pansement recouvrait son côté gauche. Il tira dessus lentement et une longue incision d’environ six pouces apparut sous ses yeux. Il sortit à toute vitesse et prit la direction de l’Hôpital général de Montréal.

    L’Exterminateur

    Cette même journée fut le début d’un cauchemar pour l’Exterminateur. Après son jogging matinal quotidien et un arrêt au Tim Hortons pour un café, il avait reçu l’appel: «On a un souci avec un client… Arrivez maintenant.» Voilà! Ça, ça ne faisait pas partie du contrat… Jamais il n’avait envisagé que l’aventure se rendrait jusque-là. Il s’était pourtant interdit de refaire affaire avec ces gens, avait pensé que les embrouilles seraient évitées. On hésite trop à dire non parfois, et puis quand ça tourne mal, on a l’air d’un assassin ou d’un con, pensa-t-il. Maintenant, c’était les deux: assassin et con. Surtout, il ne lui fallait pas trop tarder à se ramener les fesses, car les hautes autorités, ses patrons, ne plaisantaient pas et devaient, en l’occurrence, avoir la mèche courte. Il sauta dans le métro. Il y avait pas mal de monde dans la rame, à cette heure-là. Certaines personnes se retournaient sur son passage et le saluaient, mais il n’avait pas le cœur à se pavaner et à se la jouer cool. Aussi, il leur répondait de son petit sourire façonné, celui que la coach des relations publiques lui avait appris, le sourire qui avait coûté sept mille dollars et plusieurs séances de torture. Mais bon, ce n’est pas lui qui avait payé, alors…

    Il sortit du métro à Frontenac, récupéra la vieille Mazda Protegé 5 grise et fila rue Sherbrooke, direction Outremont. Ce n’était pas le véhicule le plus génial, mais c’était plus commun et moins repérable que l’Econoline, genre de tas de ferraille dans lequel on se demande toujours s’il n’y a pas un cadavre ou une fille en train de se faire violer. L’organisation qui l’employait était sérieuse. Pas question de se faire remarquer. Avant de monter dans la Mazda, il avait enfilé une légère tuque pour la course à pied et une paire de gants. La circulation était horrible, encore une fois, et, lorsqu’il tourna sur l’avenue du Parc, il fut soulagé. Il ouvrit une porte de garage avec une commande à distance pour s’engouffrer sous un immeuble. On eût dit que le véhicule se faisait avaler par une machine infernale. Quelqu’un l’attendait. Le colis était là… enroulé dans une bâche de plastique.

    – Vous le sortez de la ville. Trouvez un boisé, un étang, peu importe. Surtout, faites attention. À partir de maintenant, vous êtes seul. Une fois le boulot terminé, vous filez à cette adresse pour vous débarrasser du véhicule. Vous demandez Steve.

    Voilà. Il roulait en direction de la rive sud de Montréal. Lorsqu’il atteignit Belœil, sur l’autoroute 20, il fut attiré par la pancarte annonçant Saint-Marc-sur-Richelieu, tenté d’y abandonner le colis. Après avoir emprunté la sortie et roulé plusieurs minutes près de la rivière, il prit un rang qui le mena vers la forêt, l’endroit idéal. Il fallait faire vite. Il recula la voiture à la lisière d’un boisé et, sans couper le contact, ouvrit le hayon et entreprit de sortir la bâche qui contenait le corps. Il crut entendre des voix, s’arrêta et attendit en scrutant les alentours afin de ne pas avoir de mauvaises surprises. Quand il fut tranquille, il largua le cadavre entre les arbres. Content de sortir de ce cauchemar, il reprit l’autoroute 20 en direction de l’île de Montréal. Il était en nage. Foutu stress. Le stress incontrôlable, celui de la peur, l’avait atteint. Et il n’aimait pas ça. Maintenant, il allait abandonner la Mazda chez le type qui la ferait disparaître. Ensuite, il pourrait revenir du côté des vivants.

    PREMIÈRE PARTIE

    «JE» EST UN AUTRE

    Chapitre 1

    Pour certains, c’est plat, Montréal. Géographiquement, s’entend. En voiture, du moins. Car, lorsqu’on prend le temps d’utiliser nos jambes pour arpenter l’asphalte de la ville et éviter les nids de poule au printemps, que ce soit en vélo ou en joggant, on se rend compte que l’île est truffée de petites côtes et de faux-plats qui tirent l’énergie des cuisses et des mollets de ceux qui préfèrent dépenser des calories plutôt que de perdre du temps à colérer dans les embouteillages.

    Ce jour-là, il faisait un soleil radieux. Malgré le vent, la présence exceptionnelle de l’astre apportait une chaleur et un peu de réconfort aux habitants qui venaient de voir leurs Glorieux se faire éliminer au premier tour des séries éliminatoires de la coupe Stanley.

    Enquêteur du SPVM* depuis quelques années, Nick Jarvis, grand brun ténébreux qui venait de célébrer ses quarante-quatre printemps, était plutôt de ceux qui parcouraient la ville à la course et à vélo. Il avait même été flic à vélo, mais, depuis qu’il était enquêteur, les patrons n’aimaient pas qu’il patrouille sur deux roues sur les boulevards en donnant des contraventions et des avertissements aux cyclistes négligents. Pas que Jarvis fût meilleur que les autres, non, même si ses qualités ne faisaient plus de doute. Il jouissait d’une bonne réputation. De plus, il avait une forme et une santé de fer. Sa passion, c’était les épreuves d’endurance. C’était un Ironman. Il en faisait au moins deux dans l’année, en plus de se taper quelques triathlons en région. Et cela sans compter les matchs de la ligue de hockey durant l’hiver et les trois entraînements de natation par semaine, qu’il mariait à du spinning une fois à la maison. Mais, surtout, Jarvis avait du temps, particulièrement lorsqu’il n’avait pas de grosses enquêtes sur les bras: n’ayant jamais été marié, il n’avait pas de femme ni d’enfant, pas de pension, pas de garde partagée, pas d’avocat, donc pas de lettres d’avocat; pas de problèmes de drogue, ni d’alcool, ni de dépression à l’horizon… Seulement plusieurs partenaires de sexe féminin qui profitaient d’une aventure excitante avec le beau brun, sosie de Liev Schreiber.

    Le 8 mai marquait, pour le policier, le début d’une nouvelle affaire, une sale affaire.

    Au sortir de la douche, il écouta le message laissé par sa collègue, Julie Montpetit: «Qu’est-ce que tu fous, Nick? Tu dors encore? Je passe te prendre. On a un cas. Je suis là dans vingt minutes.» Il regarda l’heure. Ça lui en laissait cinq. Il fit du café pour deux et s’habilla.

    Sa coéquipière était assise à la table de la cuisine, en train de boire son café, quand il la rejoignit. Elle le gratifia d’un sifflement.

    – Tu sais que je te ferais pas mal si on était pas si pressés!

    Les premières fois, il avait répondu, un peu intimidé, rougissant, même. Mais plus maintenant. Pas depuis qu’ils s’envoyaient en l’air de temps à autre. Des baises expéditives presque brutales sans implication émotionnelle. Julie avait un conjoint, qui se doutait d’ailleurs de ses écarts. Il lui était arrivé de les suivre, de crier quelques vacheries à Jarvis. Mais ça aussi, c’était du passé, depuis que la belle Julie avait menacé de larguer le conjoint en question s’il ne cessait pas ses saynètes de jalousie.

    – Alors, beauté, qu’est-ce qu’on a sur le feu? lui lança Nick en ajoutant un filet de crème dans son café.

    – C’est pas clair! Ray a parlé d’une femme qui s’est pointée dans un hôpital et à qui on aurait piqué un organe. Elle s’est réveillée, ce matin, dans une ruelle derrière chez elle. Un voisin l’a retrouvée en pleine crise de panique. On doit l’interroger. Non, mais tu as déjà entendu parler d’un truc pareil? Si en plus des voleurs, des gangs de rue, des fraudeurs et du crime organisé, on doit se taper le vol de bijoux de famille, on a pas fini! Va falloir te surveiller pour qu’on t’embarque pas tout rond, Jarvis!

    – Très spirituelle! Comme toujours! Allez, on fonce là-bas pour voir de quoi a l’air cette affaire. Tu sais que tu m’intéresses, parfois!

    Leur cellulaire sonna en même temps. SMS.

    – Qu’est-ce que ça dit? demanda Jarvis à sa partenaire.

    – Deuxième cas. Masculin, celui-là. Hôpital général de Montréal. On nous attend du côté de l’urgence.

    *SPVM: Service de Police de la Ville de Montréal

    Chapitre 2

    Julie Montpetit était, à vingt-huit ans, une des plus jeunes enquêteuses du SPVM. Elle avait obtenu ce poste convoité grâce à son caractère, mais aussi à sa façon de s’imposer, que son homologue Jarvis considérait parfois comme de l’arrogance.

    Elle se gara sans trop se gêner dans un emplacement réservé à un médecin. Elle plaça un badge sur le tableau de bord de la voiture banalisée. Des collègues en uniforme attendaient à la porte de l’urgence. Bob Ouellet et Sandy Duquette étaient de jeunes et bons patrouilleurs qui accompagnaient régulièrement le tandem Jarvis-Montpetit. Des deux, Sandy était la plus bavarde et semblait aussi tenir les commandes de l’affaire.

    – Salut, vous deux! Venez! Nous avions un cas, mais un type vient de s’ajouter à l’affaire. On l’a pas encore vu. Dans un premier temps, vous allez rencontrer Maggie Lemieux. Elle s’est réveillée, ce matin, dans la ruelle derrière chez elle, rue Jarry Est, près de Papineau. Elle a réussi à se rendre chez elle de peine et de misère. Elle pensait s’être fait violer, mais, vraisemblablement, elle s’est plutôt fait voler. Elle a découvert une longue suture sur sa poitrine… probablement le vol d’un lobe du poumon. Les médecins en ont déjà une bonne idée. Vous allez pouvoir interroger la victime avant qu’elle soit transférée.

    – Transférée où?

    – Au CHUM. C’est là que les médecins poseront le diagnostic et, comme le centre de transplantation s’y trouve, on verra mieux s’ils sont au courant de quelque chose. Voilà, on y est. On vous a aménagé une salle. Un psy restera avec vous. De toute façon, elle lui a déjà raconté toute l’histoire.

    – Merci, Sandy! lui dit Julie en la regardant, avant de se tourner vers Nick. Allons lui parler.

    – Ah! Nick, ajouta Sandy, ne le prends pas personnel, mais je crois que tu devrais rester un peu à l’écart et laisser ta collègue mener le jeu. La victime dit avoir été absente de chez elle cinq jours. Elle est sous le choc. Elle a eu un mouvement de recul en voyant Bob.

    – Tout le monde recule en voyant Bob! N’est-ce pas, Bob?

    – Salaud!

    – Nick? insista Sandy.

    – Absolument, c’est Julie qui va se charger de l’interro… promis.

    – Merci, lâcha-t-elle en lui faisant un clin d’œil complice.

    Quand ils entrèrent dans la chambre où on avait installé Maggie Lemieux, Montpetit et Jarvis comprirent que cette femme aurait pu être belle si son corps avait eu encore assez de tonus pour tendre sa peau. Le visage, encore plus que les épaules tombantes, abattues, n’était qu’un abysse, un puits de perdition. Les joues, elles, creusées par la détresse, et ce front soucieux, avaient connu des jours meilleurs, assurément.

    Mais, en s’approchant, ils remarquèrent surtout ses yeux… Des yeux qui avaient jadis été habités, des yeux qui avaient séduit, qui avaient aimé aussi, bien sûr, des yeux qui avaient regardé vers le futur en espérant une rétroaction. Devant ce cadavre ambulant,

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