Le quartier du Fleuve
Marguerite écoute avec attention la jeune Jessica lui raconter le drame qui a secoué sa famille, sa mère morte juste après la naissance de sa petite sœur Bernadette.
– Je n’ai pas revu mon père courant d’air, reprend Jessie, farouche. Il n’est pas venu à l’enterrement et ma mère a été mise à la fosse commune. Il s’est désintéressé de moi, je ne portais même pas son nom. Quant à Baby… c’est sûr, elle n’était pas de lui ! Qu’importe ! Elle est ma sœur, la filiation maternelle, c’est plus important, il me semble. En tout cas ma grand-mère le dit. Avant de mourir, ma pauvre vagabonde de mère nous a confiées à Mamette.
– Alors, elles se sont revues ?
– Oui. C’était primordial pour Mamette. Mais la mort de maman l’a brisée. Elle n’était déjà pas bien jeune quand ce malheur est arrivé. Pourtant elle n’a pas hésité. Elle nous a prises, le bébé et moi. Elle a tout fait pour qu’on ne manque de rien. La pension de réversion de son mari défunt était bien maigre, alors, malgré ses soixante-cinq ans, elle a recommencé à faire des ménages chez les autres afin de nous élever sans trop nous priver. C’était dur. Ça a duré cinq ans. Je la voyais parfois si fatiguée, le soir, quand je rentrais du lycée! Alors moi, je me suis juré qu’on s’en sortirait et qu’un jour ce serait à mon tour de m’occuper de Mamette et de la gâter.
Jessie ne se décide pas à quitter la minuscule cuisine où règne la non moins minuscule Mamette – encore un surnom. Son vrai nom, c’est Mélanie Raymond. Une sainte, est persuadée Jessica, qui est au chômage et ne le supporte plus. Comme Gabriel Richard, comme Miguel, hier, comme tant d’autres, hélas ! Elle a travaillé un an dans une imprimerie en qualité d’infographiste. Ça lui plaisait, elle avait étudié pour ça, suivi un stage de formation. Les collègues étaient sympathiques. On n’a pas renouvelé son contrat. Et une autre année est passée,
Jessica est à bout de nerfs. Elle a placardé des annonces chez tous les commerçants, jusqu’à
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