CHRONIQUE D'UN DRÖLE DE DESTIN
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À propos de ce livre électronique
C'est l'histoire d'un homme, passé la soixantaine, qui aurait pu choisir la résignation. Qui aurait pu se dire :
« À mon âge, on ne recommence pas ». Et qui pourtant, a recommencé. Plusieurs fois. Malgré les frontières, les risques, les murs, les humiliations administratives, les blessures sentimentales et les tempêtes intérieures.
C'est l'histoire d'un amour né à huis clos, entre une salle de cours et un plateau repas, dans un pays qu'on n'écoute pas assez. Un amour que l'on a voulu faire taire, puis disparaître. Mais qui a tenu.
C'est l'histoire d'une femme, Ouarda, et de deux enfants, qui ont appris à faire confiance à un homme venu d'un autre monde. Qui ont quitté le leur sans bagage, sinon celui de la dignité.
C'est l'histoire d'un combat – intime, administratif, politique, émotionnel – pour vivre librement ce que d'autres obtiennent sans avoir à se battre.
C'est l'histoire d'une traversée. Celle de l'Amérique à la Moldavie, du Maghreb, de l'Afrique, puis de l'exil vers l'inconnu. Une odyssée moderne, avec pour seul moteur l'amour et l'espoir.
C'est l'histoire d'un homme, encore debout.
Et qui vous dit, en guise d'au revoir :
« Je ne suis pas à la fin. Je suis juste ailleurs. À bientôt. »
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Aperçu du livre
CHRONIQUE D'UN DRÖLE DE DESTIN - Jean-Pierre DEUTSCH
« Chronique d’un Drôle de Destin »
Prologue – Le Miroir
––––––––
Ce soir encore, le miroir ne me dit rien. Pas un mot. Même pas un tu tiens le coup
, ou un tu fais vieux, mais vaillant
. Il se contente de me
renvoyer cette gueule, la mienne, plus froissée que la chemise posée sur le fauteuil.
J’ai soixante-douze ans. J’ai aimé trois femmes. J’en ai épousé une, la mauvaise. J’ai fait une école pour devenir journaliste, j’ai fini par vendre des cuisines équipées. J’ai traversé la moitié de l’Afrique, j’ai traîné mes valises autour de l’Europe de l’Est, j’ai exploré quelque peu les États-Unis et trois quarts de moi-même, et pourtant, je ne sais toujours pas ce que je cherche.
« Que cherches-tu à me dire » suis-je rongé par la honte ? Suis-je malheureux ? Tout ce que je peux te dire c’est que j’ai bien vécu. Je devrais même ajouter que je me suis bien amusé.
Je ne me rappelle même plus de la voix ni du visage de mon père ou de ma mère. Je me souviens des soirs lorsque j’allais me coucher, maman venait me chanter une berceuse, je me souviens même de son titre « ferme tes jolis yeux ».et je m’endormais. Lorsque maman n’était pas disponible, papa prenait le relai. Je me suis dit, beaucoup plus tard, que c’était peut-être une manière d’avoir la paix. C’est méchant. D’autant plus que ce n’était probablement pas vrai. De toute manière, je n’aurai jamais la réponse.
Ah oui, j’oubliai ce fameux jour d’hivers 1968, pendant que la France manifestait, mes parents m’ont emmené en Normandie voir les fondations de leur résidence secondaire. Ils étaient fiers et semblaient terriblement heureux. Il avait neigé la nuit précédente. Ils se tenaient main dans la main, les pieds dans la neige. Je crois même qu’ils se sont embrassés. Cette démonstration d’amour n’était guère quotidienne. J’en ai tiré également un bonheur intense. Enfin je partageais un instant intime.
C’est un peu maigre comme souvenir d’enfance. Vous ne trouvez pas ?
Plus tard, alors que j’avais pris quelques années et commençais à avoir un duvet au menton, lassé de mes sempiternelles pitreries, mon
Père m’a dit que j’étais du bois dont on faisait les bons à rien. Il n’avait pas tort.
Il ne savait juste pas à quel point.
C’est étonnant de réfléchir à un passé et de se dire qu’il nous reste si peu. Notre mémoire nous trahit tous ? Enfin je suppose.
Cela me rassurerait de savoir que je ne suis pas seul dans cette quête.
Et vous ? Est-ce que vous croyez à la résurrection et au rajeunissement de la cervelle ?
Miroir, gentil miroir, dis-moi qui je suis et ce que je cherche ?
Ce livre, c’est peut-être une manière de me répondre à moi-même. Ou de lui répondre à lui. Ou de ne plus répondre à personne.
Bref, commençons.
PARTIE 1 – Bois brut (enfance & jeunesse dorée)
Chapitre 1 : Le magasin de meubles
Je suis né entre deux armoires normandes.
Pas littéralement, bien sûr. Mais presque. Mes parents tenaient un magasin de meubles, dans une petite ville sans histoire, quelque part entre le confort bourgeois et la poussière des rideaux trop lourds. Je me souviens que ma mère, grande bourgeoise devant l’éternel, passait la moitié de son temps à parler et vendre des meubles et l’autre moitié de son temps à donner des ordres au petit personnel. En fait, je n’ai pas une mémoire précise de son activité. Encore aujourd’hui, je ne saurais dire si elle m’aimait vraiment ou si elle jouer simplement un rôle. Mon père, lui, régnait sur les lieux comme un roi besogneux : économe en tendresse, généreux en reproches mais toujours enquête d’un regard et d’un compliment.
C’est là, dans cette caverne de chêne massif et de formica, que j’ai appris mes premières vérités : un meuble se vend quand on raconte bien son histoire. Et un enfant se forme mieux quand on lui en raconte le moins possible.
Mon père avait une phrase fétiche. Il ne me la lançait pas méchamment. C’était plutôt un diagnostic, comme on dit « le ciel est couvert » ou « il va encore falloir payer les charges ». Il disait :
« T’es du bois dont on fait les bons à rien. »
Avec un soupçon d’admiration, parfois. Parce que, malgré lui, il voyait que je réussissais tout sans me fouler. Il y avait chez lui cette jalousie muette des gens qui travaillent trop dur pour ceux qui s’en sortent trop bien.
J’étais un enfant gâté, silencieux. Pas timide, non. Silencieux parce que je regardais tout. Je regardais ma mère courir entre les clients, cherchant à distiller un regard commercial, ses mots doux pour les étrangers, ses soupirs dès qu’elle rentrait à la maison. Je regardais mon père faire semblant de ne pas être fatigué, mais son attitude parlait pour lui.
Et moi ? Je lisais. Tout ce que je pouvais. Les notices, les journaux, les étiquettes. Je vivais dans une forêt de bois verni, mais dans ma tête, je me taillais déjà un radeau.
L’école, ça me réussissait. Trop bien, selon mon père. Il n’aimait pas cette facilité. Pour lui, les choses devaient coûter.
Il disait :
« Ce que tu gagnes sans effort, tu le perds sans regret. »
Il avait, là encore raison, mais in ne savait probablement pas à quel point.
Je ne saurais dire quand j’ai compris que je n’étais pas vraiment à ma place dans cette maison. Peut-être un matin alors que ma mère, comme à l’accoutumée m’avait confié aux mains de notre bonne pour aller vaquer à ses occupations (quelques courses puis sa prise de poste au magasin)
Mon père, quant à lui, était déjà au travail depuis longtemps. Je n’étais pas l’objet de ses préoccupations.
Et puis il y a eu ce soir-là où mon père, d’un geste las, a refermé un livre que je lui tendais comme si je n’avais pas de place pour partager un court instant avec moi, C’est à ce moment-là, je crois, que le silence s’est installé entre nous.
Chapitre 2 : L’élève brillant, l’enfant perdu
Ce qui est certain, c’est qu’un jour, sans explication vraiment convaincante, mes parents m’ont envoyé dans une pension tenue par des jésuites, comme ils l’avaient fait pour mon frère dix ans plus tôt. Je ne m’y attendais pas. Ou plutôt, si. Mais je n’en ai rien dit.
La pension, c’était un autre monde. Froid l’été, froid l’hiver. Codé. Religieux, mais sans la grâce. Des couloirs où les pas résonnaient comme des aveux, des dortoirs de cinquante mômes où l’on apprenait
à pleurer sans bruit. J’avais onze ans, un pyjama trop petit, et déjà une solide envie de m’enfuir
Et pourtant, c’est là que j’ai commencé à exister. À ma manière.
J’ai très vite pris mes marques. Pas en travaillant plus, non. En observant. En imitant. En contournant les règles avec un mélange d’humour et de culot. J’étais le spécialiste des farces inoffensives :
Nous habitions au deuxième étage de cette immense bâtisse à la façade en briquettes, façon pays du nord ou plutôt caserne militaire. Pourquoi ai-je dit « nous habitions » ? Je ne sais pas mais pour plus de clarté, je parle des dortoirs.
Tous les matins, à heure fixe (Sept heures pétantes) nous nous regroupions deux par deux, en rang d’oignons, en hauts de ces majestueux escaliers, puis nous les descendions par un silence « exigé » pour nous rendre à la petite chapelle pour la courte prière du matin.
Je crois que le silence était organisé pour nous mettre dans l’ambiance de la prière.
Arrivés au bas du bâtiment, tout de suite à droite, une allée nous indiquait le chemin d’entrée de la chapelle. Une haie de buis haute sans doute de plus d’un mètre (j’étais tout petit et mon esprit jugeai cette haie comme étant un véritable mur d’enceinte) nous séparait du mur de l’école.
Alors j’avais imaginé, sans savoir si cela fonctionnera, de me mettre en queue de « cortège » afin de disparaitre durant la marche vers la prière en plongeant dans le buisson.
Bien qu’ayant vécu cette aventure de très...très nombreuses fois, personne ne s’en ai jamais aperçu.
La curiosité de mes camarades pourmafuguematinalea été telle que quelques courageux maquisards avaient décidé de m’accompagner. J’étais devenu un héros.
J’ai tenu à conserver ce rôle pendant cinq longues années. J’avais trouvé « la solution » à mon ennui.
Bien sûr, tout n’était pas rose, il y avait un prix à payer. Durant ces cinq ans, je peux compter sur les dix doigts de ma main le nombre de mercredi où j’ai pu regarder « ZORRO » à la télévision le mercredi après-midi.
Mon lieu de prédilection : la salle de colle où pendant deux heures je rédigeai des centaines de lignes ; « je ne dois pas répondre aux professeurs pendant la classe ». Ce n’est qu’un exemple. Cela changeait toutes les semaines au gré de mes turpitudes. Je ne devrai pas vous le dire mais, je réalise aujourd’hui que cette privation (de liberté !!!) ne m’ennuyait pas tant que ça.
Je cultivais ma réputation de mauvais garçon, chef de l’indiscipline à ses heures. J’étais pour certains camarades devenu le trublion, le rebelle dont il fallait prendre exemple.
Je n’avais au demeurant aucune animosité envers les enseignants en général, religieux ou non. Exception envers une prof de Français. Elle m’agaçait prodigieusement. Elle en avait sans doute autant à mon égard. Alors je lui en ai fait voir de toutes les couleurs.
J’avais écrit sur le tableau avant le début du cours « aujourd’hui, on coince la bulle » ! Je ne pouvais pas imaginer le résultat. Dès que lecture fut faite, elle monta sur l’estrade et, d’un regard sévère, indigné et légèrement teinté d’inquiétude, elle déclara : « non, je ne suis pas une bulle, je ne pourrais tolérer une telle attitude et vous ne me coincerez pas ! » devant le tollé de la classe envahie par nos éclats de rire, Elle nous interpelle et dans un bégaiement peu audible, « je m’en vais de ce pas prévenir le père Bazoges (prêtre référent pour la section collège) afin que le coupable soit connu et la punition exemplaire. »
Le résultat, chez mes petits camarades, fut bien entendu une hilarité totale.
Quant à moi, j’ai été puni : privé de sortie le Weekend complet.
Il s’agissait de la plus haute punition.
Ah ! J’ai oublié de préciser les deux régimes de punition : Privé de ZORRO le mercredi après-midi ou privé de la famille le weekend !
Finalement, me retrouver pratiquement seul samedi et dimanche dans cet établissement gigantesque n’a pas été si pénible et, en réalité, je me suis bien amusé.
J’ai le temps de peaufiner quelques blagues à l’encontre de mes « profs préférés ».
––––––––
Dans l’absolu, Je me faisais réprimander, parfois punir, rarement détester.
Avec le recul, je crois que ces années-là — de la sixième à la troisième — ont été les plus formatrices de ma vie. J’y ai appris à survivre sans affection, à gagner sans tricher (ou presque), à faire rire pour éviter les questions. J’y ai aussi compris que l’école ne me résisterait jamais vraiment. Les notes suivaient. Les bulletins souriaient. Et moi, je continuais à me faufiler entre les cases, avec cette étrange sensation de n’appartenir à rien.
La fin de cette belle aventure s’est terminée sans honneur et sans gloire. Surtout pour les adultes. J’ai eu mon BEPC sans souci. Mais mon appréciation de fin d’année scolaire a beaucoup fait rire mon entourage :
« Apte à redoubler dans un autre établissement » J’en ris encore et me vante à l’occasion au sujet de cette phrase, je m’attendais à un éloge dithyrambique, j’en ai été pour mes frais.
Je devais partir en Angleterre pour les vacances.... J’ai bien vu la Manche mais de Cabourg.
J’avais appris à apprivoiser et assumer mes hormones d’ado un peu frustré, mais prêt à développer mon instinct de liberté, de contrariété chronique et mon besoin démesuré de pitreries.
Je pensais être devenu un homme.
Je pensais être devenu un homme. Mais au fond qu’est-ce qu’un homme ? une illusion ? une chimère ? Allez savoir.
Je venais d’entrer dans le cycle scolaire des « grands », le lycée ! Et je croyais déjà tout savoir de la vie.
Ce que j’avais un peu oublié, c’est qu’en mon absence, mes parents s’étaient mis entêtedemeremettresur ledroitchemin. Ou plutôt ...sur le chemin d’un lycée.
Ce fut donc au cours d’un repas dominical que tomba la nouvelle, entre la salade verte et le rôti :
––––––––
— On t’a trouvé un nouveau pensionnat.
Et bien sûr, encore une fois, chez les jésuites.
Puis, en chœur :
— Tu te rends compte de ce que tu nous fais faire ?
— Il a fallu qu’on aille supplier pour qu’ils te prennent en seconde !
Et mon père, pragmatique :
— Tu sais combien ça coûte ? Il va falloir te calmer, arrêter d’être indiscipliné.
J’étais conquis.
Je changeais de ville, de région, mais pas d’ambiance. Peut-être pensaient-ils que l’enseignement et la discipline des jésuites valaient mieux que les hasards de l’école publique ? Va savoir. Ont-ils eu raison ? Ont-ils eu tort ? Je ne suis toujours pas capable de répondre.
Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne me connaissaient pas si bien.
Dans ma tête, j’attendais déjà la rencontre avec le proviseur et la visite des locaux. Non pas pour m’y projeter... mais pour repérer mes futures scènes de crime.
––––––––
Je me souviens de ce jour de rentrée scolaire et du jour d’avant. Cette journée de dimanche. Toute l’après-midi, l’ambiance avait été particulièrement lourde. On aurait dit que la météo tenait à accompagner cette opaque journée : pluie et brouillard était à l’unisson.
J’étais devenu un grand alors, je devais préparer ma valise. C’est amusant quand tout est simple puisque dans leur âme généreuse, les jésuites avaient envoyé une liste qu’il fallait respecter à la lettre. Pas un de moins pas un de plus. Si vous manquez quelque chose, à lui et à lire le précieux document, je me demande bien si nous aurions été en capacité de résoudre le problème dimanche après-midi ?
Alors je pris tout mon temps. C’était la première fois que je faisais ça. Les années précédentes ce n’était pas moi qui s’occupais du paquetage.
Enfin la journée s’est terminée dans un silence presque morbide. Je me suis couché. J’ai dormi (plutôt bien d’ailleurs). Mes parents ont cette journée particulière m’ont réveillé lundi matin afin de pouvoir l’accompagner dans ma nouvelle auberge de la jeunesse.
Durant le trajet, silence de mort. Les parents n’avaient rien à me dire et ça tombait bien parce que moi non plus.
Au bout du trajet, j’ai commencé à découvrir ce qui m’attendait. Mon père me dit Bon à présent on te laisse. Nous espérons avec ta mère que tu finiras ta scolarité avec plus de brio. Comme une espèce de zombie je suis descendu de la voiture, j’ai récupéré ma valise et mon sac d’école, j’ai vite regardé mon environnement.
––––––––
Ça y est, j’y étais. Mes sentiments àcetinstant m’ont subitement plongé dans un flou artistique avant que de me rendre compte que tout ce que je voyais était bien réel.
-Une rue grise.
––––––––
-Des éventuels futurs petits camarades dont les cravates me faisaient plutôt penser à une rentrée magistrature ou à une université spéciale – avocats.
petits costards à l’école de la
––––––––
Vous pouvez également y ajouter « l’Assemblée nationale »
Je comprenais déjà où j’avais mis les pieds. Il s’agissait de la jetset locale et régionale, celle qu’on trouve dans les grandes villes de province.
Vous savez celle où la pensée unique de rigueur surtout dans le monde des notables.
-Je continue (à la découverte de mon nouvel univers)
-Un bâtiment d’une tristesse indicible.
-Une porte d’entrée en bois sculpté de motifs religieux d’une telle gigantesque taille qu’on croirait qu’elle avait été installée là pour nous rappeler que nous, élèves, nous étions tout petits.
-Plusieurs fenêtres longeaient le bâtiment. Toutes étaient équipées d’énormes barreaux. (Je devais apprendre quelques minutes plus tard que ces fenêtres donnant sur la rue étaient les fenêtres de classes !)
-Je m’avançais, curieux et penaud.
À la droite le bureau du proviseur (le père machin). À gauche le bureau du concierge et surveillant (en fait, le bureau du mec qui compte si tu es là à l’heure, situes habillé correctement etc. Et surtout qui distribue les informations au bureau d’en face.
Après avoir dépassé le couloir, on aboutit directement sur la cour.
Un monsieur tout de noir vêtu et avec un petit col blanc nous attend pour nous indiquer où se trouvera notre classe, où se trouve le réfectoire ainsi que les dortoirs pour les pensionnaires.
-L’appel. « Présent, pour l’instant » c’est en tout cas ce que j’ai répondu.
Rassurez-vous, je fus le seul !
Je savais déjà que l’ennui allait être mon principal ami et compagnon et qu’il fallait que je prenne sur moi, en tout cas essayer, pour que cela puisse durer... un peu.
Vous ne trouvez pas que cela ressemble à un autre monde, un monde au passé trouble ? Choisissez tel que vous l’imaginez :
Un camp de transit, une prison ?
Pour cette journée de rentrée nous avons continué par les visites des lieux où nous allions être censés vivre pendant de nombreuses semaines.
Bref, tout était moche, triste, incroyablement vieillot. Qu’il s’agisse des classes, du réfectoire, des dortoirs, des lieux de vie en fait j’avais l’impression d’être projeté dans le monde d’avant la guerre de 1914.
Il allait falloir que j’apporte un peu de gaieté dans toute cette tristesse. L’occasion n’a été donnée après avoir passé une petite semaine de cours est vécue le reste avec quelques camarades que j’avais eu le temps de me faire.
La seule chose qui me rassurait n’était pas le seul à avoir une opinion aussi négative du lieu dans lequel nous vivions. Il m’a fallu très peu de temps pour comprendre que je pourrai peut-être apporter un peu de gaieté et rigolade.
Et j’avais raison.
J’ai tenu jusqu’à Noël. Puis j’ai poursuivi jusqu’à Pâques. Quand mon père est venu chercher pour les vacances de Pâques, on lui a expliqué qu’eu égard à mon caractère indiscipliné, il pouvait me récupérer définitivement. Je crois qu’il n’était pas très content. Tant pis, je m’étais bien amusé et j’avais l’impression d’avoir gagné.
Il faut dire que les motifs de renvoi étaient relativement très nombreux et que, forcément j’étais un mauvais exemple pour les autres (tout dépend de quel côté on se place).
En réfléchissant bien aux motifs de ma séparation de l’époque avec le clergé, il me semble que je pouvais être fier de moi et heureux d’avoir apporté un peu d’humour et de rigolade dans ce monde uniforme, rébarbatif, monocorde.
Fidèle à mes principes, j’avais préparé un plan d’attaque à toute épreuve. Nous n’avions pas de bibliothèques alors j’ai demandé au proviseur si nous pouvions trouver une grande armoire dans laquelle chaque élève de la classe pourrait apporter quelques livres et donc, partager un savoir.
Présenté de la sorte, la réponse était positive. On nous a mis dans un coin de la classe une grande armoire normande grosse lourde, et bien large (une vraie normande)
On n’y a déposé quelques livres, sans intérêt probablement, car l’objectif n’était
