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La montagne ensorcelée: Récit paysan
La montagne ensorcelée: Récit paysan
La montagne ensorcelée: Récit paysan
Livre électronique77 pages53 minutes

La montagne ensorcelée: Récit paysan

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À propos de ce livre électronique

Publié en 1931, La Montagne ensorcelée est le premier roman de Jacques Roumain, figure majeure de la littérature haïtienne. Dans ce récit empreint de poésie et de réalisme, l'auteur explore la vie des paysans haïtiens à travers le prisme des croyances, des luttes sociales et du rapport mystique à la nature.

L'histoire se déroule dans un village isolé, dominé par une montagne que les habitants croient ensorcelée. À la fois conte symbolique et fresque sociale, le roman met en lumière la coexistence du merveilleux et du quotidien, du vodou et de la misère, de la foi et de la résistance.
Roumain y déploie déjà ce style vibrant et engagé qui fera de lui un auteur universel : une langue riche, musicale, nourrie de créole et de lyrisme populaire, au service d'un peuple qu'il décrit avec tendresse et dignité.

Avec La Montagne ensorcelée, Jacques Roumain ouvre la voie à une littérature haïtienne profondément enracinée dans sa terre et son imaginaire, annonçant la puissance humaniste de Gouverneurs de la rosée.
LangueFrançais
ÉditeurYekri
Date de sortie1 nov. 2025
ISBN9791070140055
La montagne ensorcelée: Récit paysan
Auteur

Jacques Roumain

Jacques Roumain est né à Port-au-Prince le 4 juin 1907. Il est sans doute l’écrivain haïtien le plus lu et le plus connu. Poète, journaliste, militant marxiste, romancier, polémiste, ethnologue, Jacques Roumain est décédé le 18 août 1944 à Port-au-Prince.

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    La montagne ensorcelée - Jacques Roumain

    La montagne ensorcelée

    récit Paysan

    Jacques Roumain

    © 2025 Yekri

    Tous droits réservés.

    Aucune partie de cet ouvrage ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit ni par aucun moyen électronique ou mécanique, y compris les systèmes de stockage et de restitution d’informations, sans l’autorisation écrite de l’auteur, sauf dans le cas de courtes citations utilisées dans une critique de livre.

    À ma femme

    Chapitre 1

    La case trapue, bien assise à même le sol rougeâtre et ceinturée à sa base d’une balustrade, s’appuie sur un horizon de mornes sombres. Le sentier qui y mène, luisant comme une peau de couleuvre abandonnée, s’arrête brusquement au haut d’une pente d’herbe de Guinée et se jette en tremplin vers le ciel transparent.

    Un petit champ borde le sentier : des épis de maïs lissent leurs barbes rousses dans de longs cols flexibles de feuilles vertes. À cette heure tendre d’après-midi, le vent joue sur les flûtes des proches bambous.

    Le calme est grand et s’augmente des vastes cercles de silence que trace un malfini¹ dans l’azur ; d’une voix de femme qui chantonne à l’intérieur de la maison et du bruit sourd, régulier, d’un pilon écrasant des grains.

    Le village domine cette solitude. Agrippé au flanc de la montagne, les huttes rapprochent leurs têtes de chaume et guettent toute la vie d’en bas. Le village est pauvre, la terre crayeuse se craquèle comme l’écorce, entrouvre des lèvres avides : le village a soif. La sécheresse dure depuis des jours et des jours, brûle la récolte de petit-mil. Le bétail maigrit et pousse de longs meuglements douloureux.

    Aujourd’hui, les hommes sont rentrés des champs pour le repas du soir. Dans chaque cabane, les femmes s’affairent autour des chaudrons. Seuls les enfants crient au-dehors en jouant dans la poussière. Les hommes sont muets. La fatigue écrase l’esprit autant que le corps. Et la main noire qui se porte au front moite de sueur est pesante de tout le rude labeur quotidien, sous le soleil tropical.

    ­­Désilus, lui, est assis sous les goyaviers. Il se repaît de leurs derniers fruits : les uns verts comme des citrons pendent encore aux branches, les autres trop mûrs, jonchent le sol, écrasés, et embaument l’air d’une pourriture sucrée.

    Les jeunes noirs ne sont plus respectueux : ils disent que ­Désilus a l’esprit dérangé, mais les anciens ne sont pas de cet avis.

    Ainsi Tonton Jean qui est mort l’année dernière, et qui avait connu les blancs français maîtres de ce pays d’Haïti, répétait souvent que ­Désilus savait beaucoup de choses. Houng² !

    Quand le jour incline vers le crépuscule, ­Désilus aime à s’éloigner des hommes. Accroupi ou couché sous un arbre, il tient d’interminables soliloques en grattant de ses vieux doigts crochus une sorte de guitare à deux cordes composée d’un bâtonnet de bois d’agave fiché dans un fer-blanc.

    Maringouins ping’ga zombis, ping’ga zombis³

    Voici ce qui fait rire ces jeunes nègres : les sots, ils ont la tête remplie de vent ! Ils se croient malins quand ils se moquent, et c’est le vent qui leur sort par la bouche. ­Désilus expulse dédaigneusement à travers la broussaille grise de sa barbe une bouffée de sa bonne petite pipe.

    Maringouins ping’ga zombis, zanzamzam, zim, zimzim-zim.

    Savent-ils seulement, hé, savent-ils seulement qui coasse la nuit dans la mare, sous la lune jeune ? Les crapauds ? Bichi, il se rappelle, lui ­Désilus, avoir vu qui. Il y a très longtemps le Général Alexis, Tonton Nord, était Président à cette époque⁴. Il revenait tard dans la nuit, d’une coupe de campêche au Bois Caïman. En passant près de la mare, il s’arrête pour puiser un peu d’eau, quand... Ay ! Il en tremble encore : cinq petits bakas⁵ noirs comme l’enfer, avec des yeux de braise, étaient assis dans l’herbe. La tête levée vers la lune, ils imitaient les crapauds et gobaient des lucioles. En vérité, en vérité. Croyez-moi si vous voulez.

    Maringouins ping’ga zombis.

    D’ailleurs il ne fait de mal à personne. Tirer sur les cordes bourdonnantes, voilà qui est bien inoffensif, et qui lui permet de faire ces chansons, qu’ils apprécient bien, les sots, les soirs de danse. Telle celle-ci : « Belle néguesse, m’irinmin r’en pile⁶ ». Par exemple il y a des instruments plus dangereux. Le tambour vaudou ! Ah, il ne faut pas bêtiser avec ça. Quand Ti Malhé, vous le frappe du doigt comme ça, et comme ça, alors se réveillent sous la peau de cabri, ceux dont il n’est pas prudent

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