la Route du Soi
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À propos de ce livre électronique
391 pages d'aventures et spiritualité d'une âme cabossée en quête d'amour... de soi.
C'est intime, brut, sensible, cash, drôle.
Suivez un jeune homme qui ose ce que beaucoup n'osent pas, et vivez son quotidien pendant plus d'un an, de l'Europe à l'Asie.
Si vous rêvez de palaces, de circuits balisés, de transats alignés ou de croisières bondées, passez votre chemin.
Mais si vous aimez voir le monde autrement, vous frotter à des situations loufoques, émouvantes, parfois rudes ou carrément saisissantes, ce livre vous parlera.
Style sec, qui claque, sans fioritures, avec humour et sensibilité.
Des pages pleines de remises en question et de mises à nu.
Il est comme vous. Ne sommes-nous pas tous pareils ? Vous entrez dans son cœur — pas si différent du vôtre — avec peut-être un brin de courage en plus et un vrai besoin de réponses spirituelles. µ
Il livre sa version intime pour mieux comprendre nos vies. C'est du jour après jour. L'aventure nous embarque, on y est, on voyage, et ça file.
Entre sérénité méditative et débordements, de capitales bruyantes jusqu'au fin fond de la jungle thaïe, dans un monastère bouddhiste entouré de cobras où sa vie prend un nouvel essor intérieur, il nous emmène dans une traversée à la fois physique et spirituelle.
Ici, pas de filtre marketing : des routes cabossées, des trains qui tanguent, des marchés qui sentent fort, des mers qui redisent l'humilité, des marches à jeun qui réveillent la tête, et des rencontres qui déplacent des montagnes intérieures. Un vélo, un sac, parfois presque rien, et cette boussole obstinée qui pointe vers le dedans. On y croise des maîtres, des inconnus, des amitiés éclair, des amours qui commencent et finissent, et ce fil tendu entre discipline et pulsions. On lit la peur apprivoisée, la joie simple, la fatigue, l'euphorie, les ratés, les éclats de rire. On suit les apprentissages concrets: respirer, se taire, se relever, regarder le monde droit dans les yeux.
Extrait :
« Jungle. Un cobra file vers la broussaille. Je le prends par la queue, je relâche. Je recommence. Pas malin, peut-être. Vivant, surtout. Nous avançons côte à côte dans l'herbe. Lui ondule, moi je trotte. Contraste parfait: vert clair, noir brillant. Aucun mensonge possible ici. La peur ? Absente. Je comprends après coup que je courais avec la mort, comme on marche sur un toit sans vertige quand la tête est vraiment vide. Méditation, nourriture simple, silence: ça décante. Je ne conseille rien à personne. Je dis juste: ce jour-là, j'étais net. »
Plus loin :
« J'ai grandi dans une famille dite catholique… disons surtout de tradition. Ma mère se forçait à l'église le dimanche, autant pour voir que pour être vue. J'ai donc défilé dans des protocoles où l'on m'habillait de jute avec une ficelle à la taille — le petit du Christ qui fait ses courses — pour la grande parade de la confirmation. Toute la famille là, ravie, et surtout heureuse de festoyer après. Je confirme. Quoi ? Mystère. Sans doute des vœux à l'Église, et la main au portefeuille pendant la quête. Il reste de belles photos : moi, cierge en main, mine penaude, sourire figé. Enfant-pantin suivant les adultes dans leurs rites. La fraternité, l'hospitalité, le don de soi, la compassion, on les voyait peu à la maison. Ma mère luttait surtout pour tenir sa journée, à grands renforts de médicaments, sans glisser dans le noir. »
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Avis sur la Route du Soi
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Aperçu du livre
la Route du Soi - Philippe Gregoire
PREFACE
––––––––
Je me permets, épisodiquement dans ce livre, de livrer mes ressentis profonds et une vision plus subtile, trente ans après cette épopée, avec mes yeux et mon cœur d’aujourd’hui.
J’y revisite mes élans, mes pulsions et mes illusions de l’époque — lorsque j’étais encore, disons-le, un débutant de la spiritualité, un chercheur enthousiaste mais naïf, avide de lumière sans encore savoir comment l’incarner.
Ce récit sera donc souvent entrecoupé de passages en italique, où j’exprime mes notes et compréhensions actuelles : celles de l’homme que je suis devenu après tant d’années de rencontres, de voyages, de femmes précieuses croisées ou aimées, de séminaires vécus, de soins esséniens reçus, et surtout d’une longue exploration des lois invisibles de l’Univers, ici, sur Terre.
Mon intention n’est pas d’enseigner, mais de partager.
De vulgariser, avec simplicité, certains concepts parfois déroutants : la réincarnation, les vies antérieures, les voyages astraux, mais aussi des sujets plus quotidiens — notre rapport à la santé, à la nourriture, à notre hygiène mentale et émotionnelle.
Parce qu’au fond, tout est lié. Tout ce que nous mangeons, pensons ou ressentons façonne notre vibration.
J’aime décortiquer les schémas inconscients qui se répètent à travers nos relations, comprendre les émotions universelles que chacun de nous traverse sans toujours savoir d’où elles viennent.
Chaque être porte sa propre histoire, mais nos blessures se ressemblent.
Nos douleurs sont des portes : elles ne sont pas là pour nous punir, mais pour nous ouvrir.
Et si, à travers elles, nous pouvions enfin comprendre qui nous sommes vraiment et ce que nous sommes venus faire ici, dans cette incarnation ?
Nous vivons tous des épreuves, des chutes, des renaissances.
Mais peut-être qu’en réalité, tout cela n’a qu’un seul but : nous faire grandir, jusqu’au jour où, de retour dans la lumière, viendra l’heure de contempler le grand film de notre vie et d’en sourire avec tendresse.
Ce sont, en tout cas, mes croyances d’aujourd’hui — plus apaisées, plus ancrées, mais toujours émerveillées devant le mystère de la Vie.
Bonne lecture,
et surtout, bonne route intérieure.
TABLE DES MATIÈRES
1. Départ, premiers tours de roues...
Réveil morose. Nuit écourtée, à peine une heure et demie de sommeil, dans les bras d’Helena après une dernière soirée mouvementée avec mes amis.
Il faut dire que je me prépare depuis plus d’un an pour ce grand départ, et forcément, la dernière nuit devait être intense.
J’avais convié tous mes amis, et – audace suprême – toutes mes anciennes compagnes. Oui, les sept. Celles avec qui j’avais partagé des instants qui, à l’époque, me semblaient être de l’amour : quelques nuits, quelques semaines, quelques histoires suspendues.
Peut-être voulais-je simplement m’offrir une parenthèse nostalgique, un ultime jeu de miroirs avant de tourner la page.
Ou, soyons honnêtes, flatter un peu mon ego avant de tout quitter.
Je voulais que cette soirée soit mémorable, qu’elle marque la fin d’une époque.
Et quelque part, je jouais un rôle : celui du jeune homme qui part vivre une grande aventure, entouré de ses conquêtes, persuadé d’être libre alors qu’il cherche encore à se prouver qu’il l’est.
C’est Helena qui a finalement clos le chapitre.
Elle a remporté, sans le savoir, la dernière danse
— celle d’un homme déjà à moitié ailleurs, à moitié épuisé, à moitié conscient que sa vie basculait.
Je me réveille à ses côtés, le corps lourd, la tête embrumée, l’âme un peu perdue.
Je me sens fragile, comme suspendu entre deux mondes : celui que je quitte et celui que je ne connais pas encore.
Même si tout a été mûrement préparé, il y a une angoisse sourde.
Ce n’est pas rien, de décider de tout plaquer.
Fermer la porte de son appartement en sachant qu’on n’y reviendra plus, couper les amarres, abandonner le confort rassurant du quotidien.
Ne plus avoir de travail, ni de repères, ni d’amis proches.
Tout lâcher, tout recommencer, sans savoir où aller.
C’est vertigineux.
Les semaines précédentes ont été dures.
Annoncer mon départ à la famille, résilier le bail, liquider les affaires du passé, dire au revoir à tout ce qui constituait ma sécurité
.
Tout cela s’écroule dans ma tête, mais étrangement, quelque chose tient bon.
Je le sens : je dois le faire. Je suis fait pour ça.
Je ferme la porte de chez moi.
Je dépose les clés dans la boîte aux lettres, ce geste simple qui prend soudain une gravité immense.
Je sors sur le trottoir avec mon vélo et ses bagages.
Je reste un instant immobile.
C’est réel.
Je suis dehors, prêt à partir, et personne ne m’attend nulle part.
Je m’ébroue, comme pour chasser la peur, déroule mes épaules, remets mon corps en marche.
Je prends le guidon, je respire, et j’appuie sur les pédales.
Les premiers tours de roue grincent, hésitants, symboliques.
Chaque mètre m’éloigne un peu plus de ce que j’ai connu, de ce que j’ai été.
Je sens à la fois la liberté et la perte, l’excitation et le doute, la peur et la joie.
Mais je pars.
Et au fond de moi, quelque chose murmure déjà :
Ça y est, Philippe... tu viens de naître une deuxième fois.
––––––––
Pour comprendre le cheminement qui m’aura mené à accomplir ce voyage initiatique, il faut savoir d’où je viens.
Je suis né dans une famille modeste de paysans haut-savoyards.
Ma mère, alors adolescente, gardait des vaches dans les alpages.
C’était une jeune femme simple, sans bagage intellectuel particulier, mais pleine de bonté et de beauté.
Et c’est souvent cela, le drame des âmes pures : elles attirent la prédation.
À vingt ans, elle rencontra un beau-parleur du sud de la France, habile de mots et de charme, qui sut la faire rêver.
Aveuglée par l’amour, elle le suivit, malgré les avertissements de ses parents.
Mais l’amour, parfois, nous plonge dans des mirages où la lumière n’est qu’un décor.
Arrivée dans un petit village du sud, elle découvrit bientôt le véritable visage de son compagnon.
Ce n’était pas un homme d’amour, mais de pouvoir.
Un manipulateur qui fit d’elle sa victime, puis son outil.
La jeune paysanne qu’elle était ne connaissait rien de la brutalité du monde.
Elle tomba dans l’enfer de la rue, contrainte par cet homme à un univers de domination, d’humiliation et de peur.
Elle fut brisée, physiquement et moralement, jusqu’à perdre toute estime d’elle-même.
Et comme si le sort voulait marquer son empreinte, elle se retrouva enceinte, prisonnière d’un destin qu’elle n’avait pas choisi.
C’est dans ce contexte que je suis venu au monde, un an après ma sœur.
Je découvris très tôt les réalités les plus sombres de l’existence : les cris, la solitude, les coups, et ce silence froid qui s’installe quand plus personne n’a la force d’aimer.
Ma sœur et moi mangions parfois dans la gamelle des chiens.
Il nous arrivait de dormir dans une cave, comme si la lumière du jour n’était pas faite pour nous.
Dans cette maison où régnaient la peur et la convoitise, nous n’étions que des présences indésirables, des enfants de trop.
Les adultes attendaient seulement que ma sœur serve
un jour, à son tour, cette lignée malade.
Pendant ce temps, ma mère fut envoyée en Suisse pour y travailler.
On nous garda, ma sœur et moi, comme otages affectifs, pour mieux la contraindre à envoyer son salaire chaque mois.
Un plan froid et calculé, qui dura trois longues années.
Pas d’amour. Pas de tendresse.
Et la maladie, comme si le corps avait voulu hurler ce que le cœur taisait : la tuberculose frappa la maison.
Contaminés à notre tour, nous fûmes envoyés dans un préventorium isolé, à cinquante kilomètres de toute habitation.
Nous avions cinq et trois ans et demi.
Dix-huit mois là-bas.
Dix-huit mois d’injections quotidiennes, d’alignements silencieux d’enfants face au mur, de regards perdus et de corps meurtris.
Aujourd’hui encore, je me souviens de cette période comme d’une initiation brutale à la condition humaine.
Je n’avais pas de mots, mais je sentais déjà l’injustice, la peur, et le manque d’amour comme une brûlure ancienne.
Ces blessures, je les ai longtemps portées comme des chaînes... avant de comprendre qu’elles étaient aussi mes ailes.
Les plus belles années de notre enfance se sont écoulées sans un baiser, sans une caresse, sans ce je t’aime
qui ancre l’enfant dans la vie.
Quand on sait que toute la psyché se construit durant ces années-là, on comprend que notre départ dans la vie fut... pour le moins cabossé.
Mais la Vie, toujours plus grande que nos malheurs, finit par ouvrir une brèche.
Vers l’âge de cinq ans, un samedi d’été, ma mère revint au préventorium avec un homme et une voiture bleue, une Coccinelle.
Elle nous prit avec elle.
Un enlèvement, ou plutôt une libération.
Nous quittâmes les murs gris pour recommencer une vie plus humaine, en Suisse cette fois, tous ensemble.
Les années suivantes lui rendirent un peu de dignité.
Elle trouva la force de demander le divorce et de se libérer de l’homme qui l’avait détruite.
Quant à lui, je ne l’ai jamais connu.
Et c’est très bien ainsi.
Je n’ai hérité de lui que sa biologie, pas son âme.
Ce que je comprends aujourd’hui, c’est que même les pires bourreaux peuvent être des enseignants déguisés.
Ils réveillent en nous la mémoire d’une force endormie, celle qui nous pousse à nous relever, à choisir la lumière malgré la nuit.
C’est là que commence la vraie alchimie intérieure.
Je raconte cela pour une raison précise : montrer comment les émotions les plus sombres peuvent devenir une source de puissance et de transformation.
J’ai toujours été bègue.
Les mots se cassaient dans ma gorge comme des vagues contre une digue.
Je n’ai commencé à parler librement qu’à vingt et un ou vingt-deux ans.
Les traumatismes profonds étouffaient ma voix.
Peut-être aussi portais-je dans mon inconscient les traces d’une ancienne vie — étranglé, pendu, réduit au silence par l’injustice ? Qui sait ?
Toujours est-il que cette incapacité à parler m’a offert un autre don : celui de voir.
Je lisais dans les corps comme dans un livre ouvert.
Un geste, un souffle, une crispation, et je percevais la vérité cachée.
Ce don ne m’a jamais quitté.
Il m’a permis, tout au long de ma vie, de comprendre ce que les mots dissimulent, et de percevoir l’âme derrière les masques.
Cette enfance aride m’a aussi donné une compassion immense pour tout ce qui vit — les animaux, les êtres blessés, les âmes perdues.
Parce qu’avoir connu la douleur, c’est aussi apprendre à reconnaître la beauté dans ce qui souffre.
C’est donc à la fois fort et fragile, nourri de ces cicatrices invisibles, que j’ai décidé de me lever.
De braver le destin.
De partir à ma rencontre.
D’aller débusquer, au fond de moi, qui j’étais vraiment.
Et il y avait du travail.
Mais ce que peu de gens savaient — même mes amis d’enfance —, c’est qu’à l’origine, je ne suis pas parti pour voyager
.
Je suis parti pour une raison plus intime.
Je voulais trouver celle qui deviendrait ma femme.
Oui, cela peut paraître insensé.
Mais je le sentais profondément : le moment était venu.
J’avais vingt-neuf ans, et malgré toutes mes errances, je me sentais prêt à aimer pour de vrai, à construire, à partager.
J’avais cette certitude que quelque part, une femme m’attendait.
Une âme liée à la mienne.
Et que je devais la rejoindre.
Les Dieux — ou l’Univers — s’impatientaient.
J’avais passé plus de dix ans dans les milieux nocturnes, à vivre la fête, à chercher la lumière dans les néons.
Mais elle n’était pas là.
Pas dans cette ville, pas dans cette vie.
Je devais partir la chercher, fût-ce à l’autre bout du monde.
Et je partis.
Avec le recul, je comprends : je ne cherchais pas une femme.
Je cherchais l’Amour — celui qui guérit, celui qui unit.
Et à travers elle, c’est moi-même que je devais rencontrer.
Les Dieux n’étaient pas moqueurs.
Ils étaient pédagogues.
––––––––
Dure journée.
Train jusqu’à Toulon. Attente à moitié éveillé sur un banc, en mode zombie. Le corps encore lourd de fatigue, la tête flottant entre deux mondes.
Récupération du vélo. Nickel.
Je charge méthodiquement les sacs et les bagages : l’avant doit peser une quinzaine de kilos, l’arrière une vingtaine.
Quelques vêtements, quelques outils, des pièces de rechange, des chambres à air, un peu de matériel de camping léger, un réchaud, deux ou trois ustensiles de cuisine. Pas grand-chose en somme — juste l’essentiel.
Les sacoches pendent de chaque côté des roues : l’ensemble a fière allure, un vrai look expédition
, sans autocollants ni sponsors.
Le tout, sur un quai.
Photo mentale du moment : ça sent le départ.
Je me sens fier.
Puis vient l’embarquement.
L’énorme bateau d’acier avale les voyageurs un à un.
Peu de monde à bord, le personnel est chaleureux.
J’ai une cabine privée — tant mieux, je pourrai y ranger mes bagages sans crainte.
Je suis exténué. Il est vingt et une heures.
Je m’allonge juste au moment où l’étrave fend les premières vagues.
Le grondement du moteur me berce.
Je m’endors avec le sentiment que la Terre tourne un peu différemment ce soir.
Réveil au roulis.
Forte houle.
Je sors sur le pont : spectacle fascinant.
Les vagues dépassent de trois à cinq mètres la hauteur du navire.
Ça tangue sérieusement !
Une grande majorité des passagers rendent hommage à Neptune depuis le bastingage...
Les poissons, eux, festoient.
Je ris doucement.
Je me sens vivant.
Arrivée à Porto Torres.
Je mets le pied sur le sol de Sardaigne. Premier contact.
La langue ne me déroute pas trop : les souvenirs d’italien d’école reviennent, timides mais utiles.
Je me débrouille.
Je trouve une pension chez une mamma typique — ou une mamma dans une pension typique, je ne sais plus.
Accueil simple, plein de cœur.
Je me promène dans les environs : falaises abruptes, mer turquoise, calme impressionnant.
Je suis détendu.
Demain, premiers vrais tours de roues : direction Alghero, à une trentaine de kilomètres vers le sud.
Je respire à pleins poumons.
L’air marin me lave de l’intérieur.
Je suis loin de chez moi. Et je commence à réaliser ce que je suis en train de faire.
Chaque respiration devient un ancrage.
Quand on quitte tout, on découvre que l’essentiel n’a jamais été loin : il a toujours été dans la façon dont on respire la vie.
Mes mollets se souviennent encore du tour de Corse que j’avais fait deux ans plus tôt.
Après ça, je me dis que je peux tout affronter.
La Corse, c’était un défi mental autant que physique.
À quinze mètres du bord de mer, les pentes s’élevaient comme des murs.
Un vrai test de volonté.
Et les crevaisons... à cause de ces petites épines en croix sur le bord des routes !
Typiques de là-bas.
Alors aujourd’hui, sur le plat de Sardaigne, j’ai presque l’impression de voler.
Même chose pour le premier col d’une montagne : une fois qu’on l’a gravi, quelque chose se déverrouille dans la tête.
C’est un passage initiatique.
L’ascension paraît interminable : virage après virage, pédale après pédale, on grimpe dans le souffle et la douleur.
C’est un vrai chemin de croix pour un non-catholique, ponctué de j’en ai marre
, de doutes, de batailles intérieures.
Trois ou quatre heures d’effort.
Oui, le premier col teste le mental autant que les jambes.
On ne sait plus si c’est le corps qui va lâcher le premier ou la tête.
Et la petite voix intérieure s’invite :
Arrête-toi, Philippe. Qu’est-ce que tu cherches à prouver ? Pourquoi souffrir autant ?
Mais si on tient bon, si on continue malgré tout, alors, au sommet, tout change.
La fatigue devient lumière.
La douleur devient fierté.
Et on se dit que, finalement, après ça... tout devient possible.
L’effort n’est pas une punition.
C’est une clé.
C’est par la résistance du corps que l’esprit apprend à se dilater.
Mais pour l’instant, je récupère.
Je dors beaucoup, je mange, je laisse mon corps se réajuster.
Les dernières semaines ont été éprouvantes : adieux, préparatifs, émotions, nuits blanches.
Tout ce que j’ai mis un an à construire m’a mené à ce moment précis.
Tous les soirs, en rentrant du travail, je m’allongeais sur le canapé.
Je méditais pendant près d’une heure et demie.
Je me répétais mes propres mantras, forgés au fil du temps :
Mon corps est indestructible.
Ma force d’action est dynamique.
Mon énergie est illimitée.
Ma créativité est infinie.
Ma volonté est d’acier.
Mon mental est puissant.
Je les récitais en boucle pour dompter mes peurs, celles qui guettent toujours dans un coin de la tête.
Car penser un projet de cette ampleur est une chose ; oser le vivre en est une autre.
Et la peur, sournoise, se déguise souvent en raison.
Elle murmure : C’est trop. Tu n’y arriveras pas. À quoi bon ?
Le mental adore fabriquer des prisons avec les briques du doute.
Mais le cœur, lui, ne doute jamais. Il sait.
Alors je continuais.
Malgré les regards compatissants de mes amis ou de ma famille.
Leur Oui, oui, bien sûr...
résonnait comme un écho d’incrédulité.
Ils ne savaient pas encore que, cette fois, le rêveur était passé à l’acte.
Le doux dingue avait pris la route.
Tous ces sacrifices financiers pour y arriver...
Il y a un an, je n’avais pas un sou.
Je dépensais tout dans des futilités, des motos, des plaisirs immédiats.
Sans but, sans cap.
Si je pouvais remonter le temps, j’aurais voulu secouer ce jeune homme inconscient.
Mais c’est aussi grâce à lui que je suis là.
Grâce à ses erreurs, à ses excès, à sa faim de vivre.
J’ai réussi à mettre 15 000 euros de côté.
Pas grand-chose pour un tour du monde, mais suffisant pour moi.
Je n’ai besoin de presque rien.
Je peux dormir n’importe où, manger simplement, vivre avec peu.
Je l’ai déjà prouvé.
J’ai vendu tout ce que j’avais pour partir à Ibiza sept ans plus tôt.
Je connais la valeur de la légèreté.
Sauf sur un point : la nourriture.
Ah ça, non.
Je ne sacrifierai jamais le plaisir du goût.
Mon palais est exigeant, et j’aime les plaisirs des sens.
Alors oui, je peux dormir sur une paillasse, mais qu’on me laisse un bon plat et un verre de vin.
C’est ma façon à moi d’honorer la vie.
Même dans le dépouillement, il reste une noblesse : celle de savourer ce qui est là.
Manger, respirer, contempler — voilà la vraie prière du voyageur.
Mon vélo est un vieux clou solide, un peu lourd, cabossé par les années — déclaré volé aux assurances par un ami qui me l’a refilé.
Rien de bien reluisant, et c’est parfait.
Dans mon cas, mieux vaut ne pas attirer les convoitises. Passer inaperçu, c’est aussi une forme de sécurité.
Un vélo trop beau, trop clinquant, c’est une invitation au vol.
Le mien, lui, ne paie pas de mine, mais il est fiable.
Je l’ai bricolé moi-même : consolidé le cadre, installé un porte-bagage à l’avant et un autre à l’arrière, acheté quelques outils, un kit de rustines, deux clés plates... ça suffira.
Je n’ai pas besoin de plus.
Une semaine avant le départ, j’ai entrepris une grande purge.
Vendre tout ce que je possédais.
Les vêtements, les ustensiles, les objets du quotidien, les pièces de moto, les accessoires inutiles...
Tout finissait entassé au milieu du salon, comme un inventaire d’une vie qu’on s’apprête à quitter.
Les amis passaient, curieux, farfouillant dans le tas :
Tiens, je te prends ça, combien ?
Dix euros.
Tout était à dix euros.
Une façon de dire que plus rien n’avait vraiment de prix.
Je n’ai pas tout vendu, loin de là, mais peu importe : ça vidait, ça allégeait.
Chaque objet qui partait était un petit détachement de plus.
Et, étrangement, à mesure que l’appartement se vidait, je me sentais plus vivant.
Il y avait là une sensation étrange, presque mystique : celle d’un cœur qui s’élargit à mesure qu’il se dépouille.
Ce n’était pas seulement un vide matériel.
C’était un vide initiatique.
Une sorte de mise à nu avant renaissance.
Mélange de peur, d’excitation et d’angoisse.
On se sent fragile, exposé, mais aussi incroyablement libre.
Je comprends aujourd’hui que la liberté n’est pas le fait d’avoir le monde à ses pieds, mais d’être prêt à ne rien posséder du tout.
Lâcher, ce n’est pas perdre — c’est faire confiance.
Et puis il y avait cette dualité en moi, toujours la même.
Sur mon épaule droite, un petit bonhomme lumineux me disait :
C’est bien, Philippe. Fonce. Ne cherche pas à tout comprendre, avance, la route t’attend.
Et sur l’autre, son double grincheux murmurait :
Mais tu es fou ! Tu vas où comme ça ? Ce n’est pas comme ça qu’on vit. Et ton boulot ? Et ta carrière ? Tu avais tout !
Et j’entendais presque la voix de ma mère dans celle-là.
Car oui, il a fallu démissionner.
Un poste stable, très bien payé — près de 6 000 euros par mois.
Des diplômes, des réussites, un confort matériel.
Sur le papier, tout allait bien.
Mais à l’intérieur, rien ne vibrait.
Personne ne me comprenait vraiment.
Je n’étais pas malheureux, non.
Juste vide.
Je survivais dans des routines bien huilées, des sorties, des motos, des femmes.
Mais quelque chose manquait.
Une étincelle.
Un sens.
Le sentiment d’être en vie.
J’aspirais à autre chose.
À l’invisible, à l’imprévu, à l’air libre.
Je voulais sentir le vent du monde sur mon visage, respirer des odeurs inconnues, me laisser surprendre.
Ne plus savoir de quoi demain serait fait.
Juste... vivre.
Va expliquer ça à ceux qui comptent les années avant la retraite.
À ceux qui préfèrent la sécurité à l’appel du mystère.
Ils te regardent avec un mélange d’affection et d’incompréhension, comme on regarde un doux rêveur.
Mais moi, je suis Philippe.
Et j’ai tout quitté.
Pas par fuite.
Par élan.
J’ai suivi mon cœur, dans toute son imprévisibilité.
J’ai choisi le saut.
Le cœur ne demande jamais la permission à la raison.
Quand il sait, il sait.
Et le courage, c’est simplement d’oser l’écouter.
Croire en ses rêves.
Avoir foi en soi.
Et continuer d’avancer, même quand la route se brouille.
C’est difficile de garder cette flamme quand on grandit.
Quand on devient adulte, quand on se marie, quand on prend des responsabilités, qu’on signe des contrats, qu’on rentre dans le rang.
Et quand, en plus, la Vie commence à distribuer ses grandes claques...
Il n’y a pas grand monde, dehors, pour nous parler de tout ça.
Personne pour nous encourager à croire encore en nos rêves.
On nous apprend à travailler, à obéir, à produire.
Mais pas à rêver.
Pas à écouter notre cœur.
Alors quoi ?
Faut-il tout oublier, tout effacer, et se plier au Système ?
Entrer sagement dans la Matrice, quitte à s’y perdre ?
Renoncer à la joie de l’enfant, à l’excitation du nouveau, au vertige du peut-être
?
Le problème, c’est que le Système n’a que faire des rêveurs.
Il nous veut dociles, productifs, consommateurs.
Pas vivants.
Rêver, ça ne rapporte pas.
Être heureux, ça ne se mesure pas.
Et surtout, ça ne se vend pas.
Alors la Matrice n’y trouve aucun intérêt.
Un être éveillé, joyeux, n’engraisse ni l’industrie pharmaceutique, ni les vendeurs d’angoisse.
Le monde moderne préfère les malades dociles aux rêveurs debout.
Mais comment retrouver en soi cette énergie différente ?
Comment réapprendre à rêver, à croire, à sentir l’invisible, à écouter l’enfant endormi dans notre cœur ?
Personnellement, j’ai ma méthode.
Juste avant de m’endormir, ou au tout premier instant du réveil, il y a toujours un passage.
Un entre-deux, un espace fragile entre rêve et réalité.
C’est l’instant où je ne suis pas encore pleinement revenu dans mon corps.
Mon corps éthérique flotte au-dessus du physique, comme suspendu.
C’est un moment sacré.
Là, dans les ondes alpha, tout est possible.
On peut se programmer soi-même, sans effort, sans contrainte, juste avec la conscience.
J’imagine alors le petit garçon que j’étais.
Il est toujours là, au fond de mon cœur, blotti dans une petite grotte lumineuse, douce et chaleureuse.
Je m’assois près de lui.
Je lui parle.
Je lui demande ce qu’il désire.
Ce qu’il veut pour être heureux.
Et il me répond, toujours.
Car ce petit garçon, c’est moi.
Il sait ce qui est bon pour moi.
Il me souffle la vérité.
Quand je commence à dialoguer avec lui, tout devient possible.
Je sens la confiance revenir, la foi se rallumer.
Il me dit simplement :
"Affronte tes peurs.
Fais le premier pas.
L’audace, le courage et la témérité sont les
