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Caranguejo
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Livre électronique259 pages2 heures

Caranguejo

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À propos de ce livre électronique

"Caranguejo" offre une plongée dans la vie quotidienne, explorant ses hauts et ses bas par une intrigue riche en perspectives et en niveaux narratifs. Les personnages se débattent pour comprendre leur existence, interrogeant le réel et bousculant le cours ordinaire des choses. Ce recueil emmène le lecteur dans des chemins inattendus, où les relations, le travail et l’intimité sont examinés sous un nouvel angle. À travers les yeux des protagonistes, vous serez confrontés à un malaise stimulant qui remettra en question vos propres perceptions du monde.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Baignée dans une famille imprégnée de passion pour la lecture, Sophie Ducasse considère l’écriture comme un don divin, lui offrant la possibilité de donner vie aux mondes qu’elle rêvait d’explorer. Les décors de ses histoires capturent à la fois les lieux qu’elle a visités et ceux qui ont alimenté ses songes.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie4 juil. 2024
ISBN9791042231125
Caranguejo

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    Aperçu du livre

    Caranguejo - Sophie Ducasse

    Sophie Ducasse

    Caranguejo

    Nouvelles

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    © Lys Bleu Éditions – Sophie Ducasse

    ISBN : 979-10-422-3112-5

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Nous qui sommes sans passé, les femmes,

    Nous qui n’avons pas d’histoire,

    Depuis la nuit des temps, les femmes,

    Nous sommes le continent noir.

    Levons-nous femmes esclaves

    Et brisons nos entraves

    Debout, debout, debout !

    Asservies, humiliées, les femmes,

    Achetées, vendues, violées,

    Dans toutes les maisons, les femmes,

    Hors du monde reléguées.

    Seules dans notre malheur, les femmes,

    L’une de l’autre ignorée,

    Ils nous ont divisées, les femmes,

    Et de nos sœurs séparées.

    Le temps de la colère, les femmes,

    Notre temps est arrivé,

    Connaissons notre force, les femmes,

    Découvrons-nous des milliers !

    Reconnaissons-nous, les femmes,

    Parlons-nous, regardons-nous,

    Ensemble, on nous opprime, les femmes,

    Ensemble, révoltons-nous !

    Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.

    Paul Éluard

    Préface

    Il y a partout, mélangées aux particules de l’air que nous respirons, des particules d’amour errant. Parfois, elles se condensent et nous tombent en pluie sur la tête. Parfois non. C’est aussi peu dépendant de notre volonté qu’une averse de printemps…

    Christian Bobin,

    La folle allure, 1995

    Le titre du livre : Caranguejo qui orne la couverture originale du roman créé par l’auteure.

    Caranguejo, le clou du spectacle, l’aboutissement d’une année de travail souterrain. Dans sa vie comme dans son œuvre, l’auteure pose les bases d’une vie ordinaire, des pleins, des creux, des déliés, du triste, du gai, du tout-venant, mais l’intrigue et le ton diffèrent assez vite. En mélangeant des points de vue de personnages, des niveaux narratifs, l’histoire décolle. Telle en est pour ainsi dire la structure. L’auteure, son obsession, déjà présente dans son premier roman, affronte ce qu’est la vie, ce qu’est un être humain. Elle questionne le réel, mais ici plus que jamais, elle bouscule le cours de la vie où des héros se débattent pour tenter de comprendre ce qui leur arrive.

    Un roman immédiatement accessible, qui nous envoie dans des chemins où vous n’auriez jamais été. Le couple épanoui ou malheureux, le travail qui passionne ou qui accable, l’intimité qui exalte où exaspère… Toutes ces satisfactions ou incertitudes à travers les regards de personnages qui placent le lecteur dans une situation inconfortable, un stimulant malaise…

    Auteure, obstinée de notre intimité qui ne cache rien des pulsions qui la traversent, qui ose formuler ce que personne ne ferait : des pensées qui nous tourmentent, des choses qu’on préfère taire.

    L’auteure se penche sur la nuit que nous portons. Elle s’empare des zones blanches et s’accorde une fiction.

    Gageons que le plaisir de lecture offre une expérience littéraire peu commune, avec le canevas d’une vie classique et son cortège de démons : un roman qui marque.

    Marguerite Delatour

    Il y a tant de formes d’amour que l’on peut s’y perdre. Tant de bonnes raisons de ne plus se voir ni de se parler, de soupirer sur la vie comme si elle était responsable.

    Il y a tant de formes arrondies, d’angles polis et de cœurs alourdis que nous pouvons perdre non seulement la joie, mais aussi la vie.

    Et pourtant c’est l’Amour, le vrai, le beau, celui qui survivra au plus profond de notre âme pour tous ces jours merveilleux.

    Et il y a le frisson, comme l’explosion en bouche de ce sucre acidulé. Juste ce frisson qui y fait beaucoup.

    Léonie

    Juin 2020

    Gare de Chorges

    « Informations à tous les voyageurs : le port du masque est obligatoire dans l’enceinte de la gare et dans les trains. Le manquement à cette obligation entraîne une amende de 135 euros.

    Le TER numéro 18834 à destination de Valence, partira Voie 3. Ce train dessert les gares de Gap, Veynes Dévoluy, Luc en Diois, Die, Saillans, Crest, Livron et Valence, son terminus.

    Ce train ne comporte pas de service de restauration.

    Attention, ce train est accessible seulement aux voyageurs ayant réservé leur place.

    Les personnes accompagnant des voyageurs sont priées de ne pas monter à bord.

    L’étiquetage des bagages est obligatoire ; des étiquettes sont disponibles auprès de nos agents. »

    De sa fenêtre, une des passagères regarde le quai. Elle s’appelle Léonie.

    Son regard balaie une dernière fois l’enceinte de cette gare, celle de la ville qu’elle quitte pour de nouveaux horizons.

    Elle semble anxieuse. Il paraît qu’elle n’a jamais aimé les espaces clos et, dans les trains à grande vitesse, les vitres restent hermétiquement fermées. C’est la règle. Et cette année, en plus, elle porte un masque pour se protéger, ainsi que les autres, afin d’éviter la propagation du virus qui sévit depuis plusieurs mois.

    Son masque est en tissu. Avec un piano imprimé dessus.

    Léonie a réservé un siège isolé, en première classe, car le confort l’a toujours rassurée.

    Devant elle, sur la tablette du siège, elle a posé un livre, qu’elle lira tout à l’heure, quand le train aura démarré. Elle l’a acheté dans la boutique du hall, en arrivant. Elle a aussi craqué pour un paquet de Granola et des réglisses escargots, en souvenir de son père qui les adorait.

    Elle sent l’odeur du café noir allongé qui se trouve dans le porte-gobelet près de la fenêtre. Pour éviter qu’il ne se renverse, Léonie l’a calé avec son billet de train plié en accordéon. Où qu’elle aille, la musique l’accompagne.

    Tout en continuant de regarder par la vitre, Léonie glisse la main dans son sac. Sous ses doigts, le papier kraft crisse. Il renferme quelques trésors qui lui font instantanément gargouiller l’estomac. À la boulangerie, dont l’enseigne porte le nom du garçon qu’elle n’aura jamais, elle s’est offert des petites baguettes de pain agrémentées d’olives, de fruits secs et de tomates.

    Pendant qu’elle regarde la marée humaine qui se presse pour entrer dans le train à grande vitesse, elle pense aux gens qu’elle a connus, qu’elle ne reverra peut-être pas. Il était temps pour elle de passer à autre chose, d’ouvrir de nouvelles perspectives. Elle n’oubliera jamais les années qu’elle a passées ici, dans ce coin de campagne entouré d’un lac, de montagnes et de souvenirs.

    Elle emporte dans son cœur, comme une malle, des rires fous, des regrets, des déceptions, des colères et surtout des larmes de joie et d’amertume.

    Dans le village qu’elle quitte, elle s’était fait une amie, une vraie. Alice. « C’était », car leur amitié, aussi rapide que foudroyante, fut brisée de la même manière.

    Cela reste néanmoins la plus belle et la plus douloureuse chose qui lui soit arrivée. Ce qui est gravé en elle, c’est cette colère lorsqu’elle repense à ce qui a tout gâché.

    Ses yeux se brouillent et ses poings se serrent. Elle prend une grande respiration pour retrouver ses esprits lorsqu’elle sent une vibration dans la poche intérieure de sa veste. C’est un message de son frère. Matthew. Comme s’il avait entendu ce à quoi elle était en train de songer.

    « Bon voyage.

    Si un jour tu le peux, reparle-moi et reparle-lui. As-tu pu la revoir ?

    Elle n’est pas la seule fautive. Il est encore temps de faire la Paix avec le passé. Il est encore temps. Il est encore temps. Prends soin de toi.

    Ps : Tu as l’air bien installée dans ce wagon…

    Pps : Joli le masque ! »

    Léonie comprend que son frère a fait le déplacement pour venir lui faire un dernier « au revoir ». Elle se lève et se colle à la fenêtre. Son souffle projette de la buée et à travers le masque, forme une bouche sur la vitre.

    Parmi les voyageurs du quai, elle l’aperçoit, noyé dans une foule de plus en plus compacte et masquée. C’est un grand bal où chacun tente de rejoindre sa place.

    Quelques parapluies s’ouvrent ici et là. Petit à petit, elle ne distingue plus que la tête de son frère, sous la pluie, qui la fixe.

    De le voir ainsi, Léonie regrette toutes ces années où ils n’avaient presque plus de lien – la vie et son cours –.

    Et pense à tous ces mois où tout cela est arrivé.

    Où elle était tellement aveuglée et fâchée qu’elle avait coupé tous les ponts, les passerelles et les chemins pour se protéger et les protéger de sa foudre, de sa rancœur et de sa rage.

    Mais à l’instant où elle lit ces lignes, elle se sent soulevée par une envie irrépressible de lui dire, de le serrer contre elle pour qu’il sente que les mots viennent du plus profond d’elle, de ses tripes, elle se précipite pour descendre du train. Quitte à lui crier du pas de la porte ce qu’elle éprouve à l’instant même.

    Elle relève sa tablette, le livre tombe, le café se renverse. Léonie se prend les pieds dans l’anse de son sac qui pendouille par terre. Mais elle continue son avancée vers la sortie du train. Elle parle toute seule, elle répète ce qu’elle doit dire à Matthew. Masquée, sans que personne ne puisse l’entendre, elle marmonne.

    La course de Léonie est interrompue. Les coups de sifflet annonçant le départ du train retentissent, comme un cri dans ses oreilles.

    « Voie 3, le TER numéro 18834 à destination de Valence, va partir. Prenez garde à la fermeture automatique des portes. Attention au départ. »

    Le téléphone dans sa main, Léonie retourne à sa place et se rassoit, dépitée. Cette fois c’est vraiment trop tard. Elle colle encore une fois son visage contre la vitre, sur l’empreinte encore là.

    Matthew est toujours sur le quai. Il lui fait un signe de la main. Elle lui fait un signe avec le téléphone pour lui indiquer qu’elle va lui envoyer un message.

    Au moment où ses yeux quittent le quai de gare pour le clavier du téléphone, son regard est attiré par un agglutinement de voyageurs. À l’avant du train.

    Tous ont les parapluies ouverts. Sauf deux. L’un est Matthew. L’autre, elle la reconnaît immédiatement. Sans même voir la partie basse du visage, cachée par un bout de tissu aux couleurs tournesols.

    Ces deux personnes ne sont qu’à quelques mètres l’un de l’autre et elles ne se sont pas vues.

    L’une d’elles est une femme et elle a le regard braqué sur les rails. L’autre, un homme, Matthew, lui tourne le dos.

    Tous deux dégoulinent de pluie. Hasard ou rendez-vous ?

    Léonie se cale dans le siège pour écrire un message à son frère qu’elle aime tant.

    « Merci d’être venu me dire au revoir. Pas un jour ne s’est écoulé sans que je ne songe à toi. C’est étrange que les deux personnes qui furent les plus importantes pour moi soient au même endroit au même moment.

    Bon retour chez toi. Ta sœur, avec amour. »

    Léonie appuie sur « envoi » et elle repose le téléphone. Une dernière fois, elle colle ses yeux à la fenêtre pour apercevoir son frère dont le corps se raidit par l’incompréhension.

    Le train s’ébranle. Il avance de quelques mètres à peine.

    Lorsque les freins crient. Le train s’arrête.

    À travers la pluie et la vitre, Léonie voit Matthew se mettre à courir et le voit disparaître dans la foule et ressurgir du troupeau.

    Un attroupement s’est formé tout au début du quai.

    Certains parapluies tombent sur le sol. Léonie cherche la Femme : Alice.

    Elle détaille chaque silhouette avant de se rendre à l’évidence.

    C’est un message qui lui confirme ce qui vient de se passer.

    Un message de son frère. Quelques mots suffisent.

    Sa bouche s’assèche, son cœur s’accélère.

    « Mesdames, Messieurs, à la suite d’un incident sur la voie, votre train est retardé. Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée. »

    Alice

    Juin 2020 – Costes

    Je m’appelle Alice. Je suis Maman depuis quelques mois. Ma fille s’appelle Rose. Comme la fleur et la couleur qu’emprunte la lune à certaines périodes.

    Ce mois de juin ressemble à celui de l’année dernière.

    À quelques détails près.

    L’année dernière j’étais mariée, battue, et je n’avais pas d’enfant. Et personne ne portait de masque pour aller à la plage ou faire les courses. Nous préférions porter des chapeaux. L’été de cette année est tellement précoce que les tournesols sont déjà en fleurs et les orages au rendez-vous.

    À l’heure où nous parlons, je suis dans la cuisine pour prendre le café des retrouvailles avec Maman et Isidore, son compagnon.

    Demain matin, nous allons chercher ma fille, que je retrouve enfin après trois mois d’attente. Nous allons ensuite, elle et moi, prendre un nouveau départ et rejoindre la ville d’Arles où une amie de Maman nous prête un petit meublé atypique, rue Raspail, près des arènes.

    C’est à la Docteur, Caroline Taupin, que je dois tout. Mon retour dans cette maison et la chance de revoir enfin ma fille. De la serrer dans mes bras.

    C’est elle aussi qui m’a prescrit et préparé les médicaments ; qui me les a dosés, rangés, pour que ce soit plus simple pour moi de suivre mon traitement pendant les semaines à venir.

    Je lui fais une confiance aveugle.

    Lorsque Maman est venue me chercher devant les grilles du centre, l’endroit où j’ai vécu ces derniers temps, entre tourments et confidences, entre traitements et résultats d’analyse, j’étais au bout de ma quête.

    Je me projetais dans un avenir proche, avec ma fille. J’imaginais sentir son odeur et me retrouver enfin avec elle. Profiter de ce cadeau de la vie.

    J’ai ramené deux valises. L’une est de couleur marron, remplie de mots d’amour et d’autres présents pour ma fille et une autre, remplie de quelques habits et nécessaire de toilette. Elles sont dans l’entrée et ne seront pas défaites.

    J’emprunte le couloir menant à la porte de sortie et je passe devant elles.

    J’avale mes comprimés et je me prépare pour aller à la gare, acheter des billets de train.

    Nous vivons une époque où les lieux publics sont surveillés et les mesures d’hygiène sanitaires renforcées. Le port du masque normé est obligatoire sous peine d’amende. La période d’abondance est finie et l’atmosphère tendue. Les gens se dévisagent, les yeux dans les yeux. Il ne fait plus bon déambuler et s’oublier dans la foule. Tout semble devenu étranger et hostile. Pourtant, ce lieu, la gare, reste, pour moi, très symbolique. Je l’associe à un carrefour. Un carrefour d’émotions où chacun choisit sa direction, souvent même, avant de s’y rendre.

    C’est un lieu qui abrite des espoirs et des désillusions, des attentes et des prises de décisions. C’est aussi dans cet endroit que mon cœur fut brisé pour la dernière fois.

    Je laisse ma voiture dans

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