Pour une construction identitaire à travers le dialogue interreligieux et laïque dans un État démocratique français au XXIe siècle
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Hasbat Saïd Bacar, sociologue d’origine comorienne, se spécialise principalement dans la sociologie des faits religieux. Ses recherches englobent la sociologie de l’immigration et la sociologie urbaine. De plus, elle s’intéresse aux dynamiques religieuses au sein de l’Islam. Actuellement affiliée au laboratoire du Cresppa-Gtm, elle se consacre à son travail de doctorat portant sur les relations entre les différentes branches de l’Islam. Cette étude comparative s’articule entre un pays musulman du Sud, les Comores, et un pays développé laïque, la France.
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Pour une construction identitaire à travers le dialogue interreligieux et laïque dans un État démocratique français au XXIe siècle - Hasbat Said Bacar
Préface
Depuis ces dernières années, la montée de l’extrémisme religieux et son corollaire d’attentats terroristes obligent les nations du monde à replacer la question religieuse au centre des débats et des politiques de gouvernance. En effet, les violences perpétrées au nom de la religion ou plus exactement au nom de l’Islam sont devenues monnaie courante donnant subrepticement l’image d’une religion violente. Ce procès à tort est d’ailleurs savamment orchestré : des individus, parfois névrosés et n’ayant aucune connaissance de l’Islam, se présentent comme « musulmans », revendiquent le retour à la pratique d’un Islam puritain et n’hésitent pas à exécuter ceux qu’ils désirent ramener à la religion. Drôle de prosélytisme ! Tout cela est assisté et relayé par des médias et une littérature à coup de publicité gratuite dont les arguments, au lieu de rassurer, contribuent au contraire à creuser davantage le fossé de la division entre les peuples.
C’est de cette image à-propos que Hasbat Saïd Bacar invite à revisiter, sinon à proscrire en soulignant qu’un monde sans violence religieuse est possible. Cet optimisme n’est pas un idéal mais bien une réalité que l’auteure souhaite démontrer par des enquêtes poussées auprès de nombreux groupes à l’instar de l’association CIEUX qu’elle a eu l’occasion de côtoyer durant des années. Cette association a l’avantage de regrouper des adeptes de diverses religions dont les activités se déroulent dans un cadre d’échange, de concertation et d’acceptation.
Avec le regard de la sociologue, elle est parvenue à mettre en relief l’importance de ce dialogue interreligieux qui caractérise même cette association et qui en constitue au fond sa raison d’être. Car dialoguer, c’est communiquer, c’est échanger. C’est aussi apprendre à se connaître. Et plus nous apprenons à nous connaître, mieux nous arrivons à bannir les préjugés, à accepter l’autre dans la différence et à s’enrichir des valeurs promues par les autres. Ce dialogue interreligieux permet donc une ouverture d’esprit en lieu et place d’un esprit sclérosé, prêt à traduire en violences ce qui, au contraire, pouvait s’apprendre à travers des échanges courtois.
De plus, le cadre géographique choisi pour l’étude n’est pas fortuit. La France concentre aujourd’hui de nombreuses générations d’immigrés qui participent, en dépit des positions réductrices et lapidaires de certaines formations nationalistes, au développement et à la consolidation de la nation française. La France, c’est aussi le pays des valeurs de démocratie, de respect des droits de l’homme et de liberté d’expression. Et en faisant le pari de choisir ce pays, Hasbat Saïd Bacar fait preuve d’ingéniosité et de réalisme.
C’est pourquoi, l’auteure reconnaît dès lors qu’on ne saurait questionner ce dialogue interreligieux sans tenir compte « de l’histoire de l’immigration, de la composition urbaine (à savoir le bâti, le découpage des villes, l’occupation des bâtis, l’agglomération des populations dans un site), des espaces où le dialogue a été mis en place (…) afin de pouvoir contextualiser (…) les pratiques associées dans le dialogue interreligieux et laïque de proximité ».
L’ouvrage se divise ainsi en trois parties encadrées par une introduction et une conclusion. Dans la première partie, l’auteure interroge ce dialogue interreligieux en examinant non seulement les caractéristiques principales de l’association CIEUX mais aussi les grandes étapes de la démarche méthodologique sur le terrain d’enquête. Malgré des difficultés inhérentes à toute étude, l’auteure est arrivée à créer des liens de confiance avec ses enquêtés afin d’obtenir les informations recherchées. La seconde partie du travail, elle remonte le cours de l’histoire en montrant par exemple que ce dialogue est profondément ancré dans la société française et comment il est parvenu à mettre progressivement fin à la ségrégation raciale. La dernière partie quant à elle évoque la probable contribution des « entrepreneurs religieux » à la construction d’une identité française.
À travers cette étude, Hasbat Saïd Bacar est arrivée à souligner en fin de compte que la diversité religieuse à laquelle émane ce dialogue, est en réalité une source de richesse et une opportunité pour garantir un vivre-ensemble permanent et paisible dans la société française. Ce qui signifie sans conteste qu’il est possible d’œuvrer et de consolider une nation où les peuples se regardent avec beaucoup plus de confiance, s’acceptent mutuellement en dépit de leurs différences avérées. Car ce qui compte le plus, ce sont les valeurs de la République, indispensables à la construction de l’identité française.
Abidjan, le 16 novembre 2023
Drissa Koné,
Historien, maître de Conférences
Université Félix Houphouët-Boigny
« Il ne suffit pas pour vivre ensemble d’appartenir au même peuple, d’être citoyens d’un même pays, de vivre dans la même ville, dans le même village ou sur la même île.
Il ne suffit pas pour vivre ensemble en bonne entente d’être voisins, d’avoir quelques connaissances communes, de témoigner de sensibilités proches autour d’une action ou d’un centre d’intérêt commun, ni de se saluer lors de brèves rencontres au détour d’une avenue, chez l’épicier ou de boire un café sur la place du village.
Encore faut-il accepter d’aller au-delà de la rencontre ou d’une reconnaissance visuelle vers les possibles d’un échange, vers une communication susceptible de déboucher sur des partages et de créer ainsi des liens ».
Jacques Salomé – La ferveur de vivre (2012)
Introduction
Le dialogue interreligieux est aujourd’hui considéré dans les cadres associatifs comme une alternative pour apaiser les tensions religieuses.
Même si le monde a toujours été ponctué de conflits religieux, les projets de loi ne sont pas toujours satisfaisants lorsqu’il s’agit de les résoudre. À titre d’exemple, en France, l’Édit de Nantes¹ promulgué en avril 1598 par le roi de France Henri IV marquant la fin des conflits religieux du XVIe au XVIIIe siècle entre catholiques et protestants. Il visait tout particulièrement à accorder une liberté de conscience aux protestants. Cependant, cette liberté de conscience ne donna qu’un siècle de répit. Ne correspondant pas aux attentes des catholiques, il a été révoqué par Louis XIV en 1685, par l’Édit de Fontainebleau² qui interdit toute pratique religieuse autre que le Catholicisme.
L’histoire de la France s’est articulée principalement autour de valeurs chrétiennes alors qu’il existait en ces temps-là d’autres confessions religieuses.
La société étant en pleine mutation, dans l’Hexagone comme ailleurs dans le monde, des tensions, voire des conflits émergent à nouveau en fonction des conjonctures politiques et des histoires locales.
À l’échelle nationale, la France reste également marquée par les conflits religieux et si les tensions ont été réduites et ne se transforment pas en bain de sang, l’extrémisme de part et d’autre est constamment réinventé.
La France a une conception universelle de la religion envers les autres. Selon Silvia Mancini (2017), cette conception universelle omet non seulement de prendre en compte les diversités, mais aussi donne la tentation de construire une égalité hypothétique entre les cultures en prenant pour repère l’Europe et le Christ³ ; et de rajouter : « l’Europe de l’âge moderne a tenté de répondre au problème du conflit inévitable entre les religions et les cultures, en inventant un dispositif, de nature juridique et civile, fondé sur le principe de l’égalité de droit des citoyens dans un État neutre du point de vue religieux, mais qui laisse aux particuliers la liberté d’adhérer, dans la sphère privée, au credo qu’ils choisissent »⁴.
Déjà, après la Révolution de 1789, les Français s’interrogeaient sur une structure sociale équitable faisant la promotion de valeurs communes au-delà du Christianisme (liberté, égalité, fraternité). Les conflits opposant les catholiques et les fidèles d’autres cultes ont conduit en 1801 à la reconnaissance des quatre cultes, puis en 1905, l’État décide d’instaurer la laïcité qui est la séparation de l’Église et de l’État. Pour Hartmann Tyrell (2013) : « la notion d’Église, justement (entendue comme une communauté morale
), permet de saisir les implications de la terminologie de Durkheim, qui vont dans le sens d’une religion civile »⁵.
Lorsque le dialogue interreligieux s’est développé, il se fait dans un contexte où le pouvoir religieux (église) n’a plus d’emprise sur l’État. Par la suite, après les mouvements de décolonisation, l’immigration s’est élargie avec une forte apparition sur le champ urbain d’un nouveau groupe religieux composé pour l’essentiel de musulmans.
Si Lucette Valensi dans son ouvrage « Ces étrangers familiers. Musulmans en Europe (XVIe – XVIIIe siècle), 2012 » constate une présence musulmane en France depuis le XVIe siècle⁶, elle la distingue de celle du XIXe composé essentiellement par des migrants économiques venus pour répondre à une demande urgente de main-d’œuvre pour la reconstruction de la France.
Les conséquences du développement de l’immigration notamment post-colonial ont accentué la ségrégation spatiale. Auparavant, la séparation de l’espace a été fortement marquée par l’apparition des ghettos où vivaient essentiellement les Juifs ; c’est le cas par exemple du quartier « Le Marais » situé dans Paris 11e.
Les nouvelles vagues d’immigration composées majoritairement de musulmans et à caractère économique⁷ ont vu s’amplifier le phénomène de ségrégation spatiale. J’insiste sur l’immigration musulmane à caractère économique car, comme l’a souligné Catherine Wihtol de Wenden (2019) dans son ouvrage, il subsiste une présence musulmane antérieure au XVIIIe et XIXe siècle. Comme elle, mon attention se porte sur l’immigration musulmane de 1945 à 1974 liée au travail. Selon elle, la suspension de l’immigration ouvrière par les autorités françaises en 1974 a non seulement incité les ouvriers à s’installer de manière définitive en France, mais a aussi provoqué l’arrivée de leurs familles, avec pour conséquence l’implantation graduelle d’une culture musulmane encore méjugée en France. Ces derniers furent installés dans de nouveaux quartiers appelés communément les « banlieues ». L’arrivée de nouveaux arrivants dans ces banlieues a conduit au départ d’une grande partie de la classe moyenne française qui ne souhaite pas être confondue avec cette population. De plus, comme le souligne Catherine Wihtol de Wenden (2019), étant conscient que la France était devenue leur nouveau foyer, il restait important pour eux de maintenir leur valeur culturelle et religieuse en transmettant leur religion à leurs descendants. Les banlieues étant laissées pour compte, ce n’est qu’en 1981 avec les violences urbaines de la banlieue lyonnaise que les Autorités ont commencé à s’y intéresser de près et à prendre conscience d’une forte présence d’une religion et d’une culture musulmane qui leur sont méconnues.
De 1800 à 1963, le mot « dialogue interreligieux » dans la littérature scientifique n’apparaît pas du tout. De 1963 à 1984, le terme est à peine utilisé.
À compter de 1983, elle est en constante évolution selon Books Ngram Viewer de « 0,000 001 1 % » pour atteindre dans les années 2000, « 0,000 045 0 % »⁸.
Une des explications possibles de l’expansion de ce terme est la conjoncture politique française de cette période marquée par l’affaire dite du voile islamique⁹. En effet, à compter des années 1989, le voile commence à apparaître dans les collèges et les lycées. Si certaines institutions laissent leurs élèves porter le voile, d’autres, au contraire, l’ont jugé contraire aux valeurs républicaines. L’affaire étant médiatisée et débattue, la loi de 2004 est entrée en vigueur interdisant le port de signes religieux dans les espaces publics. Cette loi a d’ailleurs conduit selon l’article : « L’affaire du voile : repères. 2006 », le ministère de l’Éducation nationale à renvoyer de ses établissements 47 filles qui s’obstinaient à porter le voile.
Parallèlement, ce contexte renforce le développement du dialogue interreligieux et laïque et a vu naître de nombreuses associations au début des années 2000.
J’ai commencé à m’intéresser à cette thématique pendant l’année 2012-2013, dans le cadre d’une maîtrise CITS : « Cadres d’Intervention en Terrains sensibles » à l’université de Paris Ouest Nanterre-La Défense où j’ai eu à effectuer un stage dans l’association CIEUX (Comité Interreligieux pour une Éthique Universelle et contre la Xénophobie) pratiquant le dialogue interreligieux et laïque de proximité. Ce stage a abouti à l’élaboration d’un Mémoire professionnel intitulé : « Enjeux sociologiques du dialogue interreligieux et laïque en zone urbaine ». Il s’agissait d’une première approche en matière de dialogue interreligieux et laïque de proximité dans une optique d’intervention sociale. Le réseau que l’association a formé provient principalement de plusieurs individus responsables de lieux de culte dans la plupart d’entre eux. Ce travail consiste à approfondir mon analyse sur le dialogue interreligieux et laïque de proximité organisée par cette association.
CIEUX fait partie des premières associations qui investissent les quartiers en proposant le dialogue de proximité. Elle a vocation à réunir les croyants et les incroyants pour échanger autour des thématiques touchant leur quotidien, et ce, dans le but de favoriser la « cohésion sociale » ainsi que le « vivre-ensemble ».
La cohésion sociale est un terme qui émerge fortement au moment où les premiers dialogues interreligieux sont créés en France et englobe le vivre-ensemble et le lien social. En interrogeant Google Ngram Viewer¹⁰, il ressort de cela que le mot « vivre-ensemble » bien qu’existant depuis les années 1800 a commencé à prendre de l’ampleur à compter des années 2000. De 1800 à 1960, son utilisation s’est faite de manière inconstante et faible ; à titre d’exemple, elle s’évalue à 0,000 053 % en 1800 et 0,000 035 % en 1900. Une croissance s’observe à partir de 1960 par une progression constante jusqu’aux années 2000 où elle atteint son paroxysme¹¹. Quant au mot « lien social », il apparaît aussi en 1800 avec une instabilité chronique jusqu’en 1900, période à laquelle il connaît une petite évolution soit de 0,000 030 % à 0,000 050 % pour ensuite flancher légèrement de 1920 à 1976. Il a fallu attendre les années 1980 pour que le terme croisse en passant de 0,000 100 % à 0,000 800 % dans les années 2000¹². L’évolution des statistiques concernant l’inscription dans la littérature scientifique des termes « dialogue interreligieux », « vivre-ensemble » ainsi que « lien social » peut être mis en corrélation avec les évènements rythmant l’histoire de France au cours de ces 30 dernières années.
Pour étudier la question du dialogue interreligieux et laïque de proximité en France, plus spécifiquement en Île-de-France, il m’apparaît essentiel de tenir compte de l’histoire de l’immigration, de la composition urbaine (la ségrégation spatiale de certains lieux), des espaces où ces échanges ont été mis en place, notamment ceux que j’ai étudiés afin de pouvoir contextualiser mon étude micro sociale des pratiques qui lui sont associées.
Mon échantillon se base sur une dizaine d’enquêtés, y compris des religieux, notamment des Juifs et des musulmans, mais aussi des incroyants composés d’athées et d’agnostiques qui affirment n’appartenir à aucune religion.
Bien qu’appartenant à une religion, l’Islam soufi en l’occurrence, mon histoire personnelle, mon éducation et ma trajectoire migratoire en métropole, m’ont donné d’emblée des outils pour accepter la différence, ne pas refuser quelque religion que ce soit et m’ouvrir progressivement à la connaissance de l’altérité en faisant appel aux sciences sociales.
Celles-ci m’ont appris que la différence sociale et culturelle est le produit de l’action humaine qui se déploie dans des espaces et dans des époques différentes et selon le parcours de vie des individus. Pour ne pas biaiser l’enquête, je n’ai pas dévoilé mes convictions religieuses à mes enquêtés… Certains pouvaient le deviner par mon nom de famille à consonance musulman, et d’autres, en se basant sur ma tenue vestimentaire et la distanciation que j’ai prise par rapport à la religion musulmane, me confondre dans l’athéisme, mes notions religieuses en ce qui concerne le Judaïsme ou le Christianisme étant restreintes. De fait, au cours de mes entrevues, bien que certains enquêtés ont voulu me catégoriser dans une croyance, ce fut assez complexe pour eux de m’identifier en tant que femme musulmane puisque je ne respecte pas « leur code vestimentaire et alimentaire »¹³. Ce sujet de recherche a nécessité une introspection en relevant des divergences intra-communautaires. Si le dialogue a du mal à être établi entre les membres d’une même confession, sur quelle base serait-il légitime de parler d’une ouverture plurielle de la société française ?
En ce qui concerne l’enquête en général, je n’ai pas eu beaucoup de difficulté à rentrer en contact avec les Juifs et les musulmans assistant au dialogue interreligieux et laïque de CIEUX. Au cours des entretiens, si mes convictions religieuses ont pu rassurer plus d’un, pour d’autres, ils furent intrigués et y ont mis des réserves qui font l’objet d’une analyse « cf. 2.4 Situation d’enquête ».
L’Histoire de l’humanité, celle des différents groupes sociaux et des pays, s’est souvent construite au travers des conflits parfois violents dans lesquels les religions occupaient une place non-négligeable. Il semble nécessaire de m’interroger sur les modalités « pacificatrices » propres du dialogue interreligieux et laïque de proximité et dans quelle mesure il parvient à regrouper des religieux et des non-religieux dans un même espace.
Peut-on considérer que le fait d’organiser le dialogue dans des lieux de culte permet d’unifier les religieux et les non-religieux ? Comment cette association arrive-t-elle à atteindre ses objectifs ? Les incroyants ont-ils réellement leur place dans ces dialogues ?
Investir des lieux publics (Mairie/Assemblée nationale/Centres Sociaux) pour pratiquer le dialogue peut-il signifier qu’il existe une mutation de la laïcité ?
L’objectif de ce travail de recherche est de déterminer dans quelle mesure une construction identitaire française peut être établie à travers le dialogue interreligieux et laïque de proximité.
Dans leur ouvrage collectif, Martin Olivier, Brun Emmanuelle et Mathieu-Fritz Alexandre (2012) considèrent que la sociologie consiste dans un questionnement auquel l’enquêteur devra y répondre de manière intelligente en utilisant : « des méthodes, des concepts, des théories, des données issues des enquêtes de terrain »¹⁴. Pour cela, j’ai pris pour point de départ une étude ethnographique pour mieux cadrer ma problématique de recherche mais aussi distinguer au mieux les concepts que je dois mobiliser pour analyser mon sujet. Par les observations participantes ainsi que les entretiens de terrain, j’ai voulu expliquer au mieux les raisons pour
