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Au-delà du silence: L’intention du désir
Au-delà du silence: L’intention du désir
Au-delà du silence: L’intention du désir
Livre électronique447 pages6 heures

Au-delà du silence: L’intention du désir

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À propos de ce livre électronique

Sarah et Léo viennent de mettre un terme à leur relation. Une fois de plus, Léo a échoué à maintenir une histoire d’amour stable, malgré les promesses de bonheur. Mais tout change lorsqu’il croise le chemin d’Emma. Pour la première fois, il ressent la capacité de s’engager dans une relation durable et de maîtriser son penchant pour de nouvelles aventures, comme s’il cherchait à fuir un passé douloureux. Cependant, un événement viendra contrarier leurs ambitions. Toutefois, le destin les réunira à nouveau, autrement et bien plus tard, là où personne n'aurait pu l'imaginer.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Après avoir publié un recueil de poèmes en 2018 intitulé "Pour vous… émois" aux éditions Saint-Honoré et un roman en 2023 intitulé "Yasmyna… une vie derrière le rideau" aux éditions Le Lys Bleu, Patrick Diné a ressenti le besoin d’explorer l’écriture romanesque. La rédaction de ce manuscrit découle de son humble désir d’enrichir sa production littéraire et d’offrir aux futurs lecteurs un moment agréable de découverte.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie14 mars 2024
ISBN9791042221461
Au-delà du silence: L’intention du désir

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    Aperçu du livre

    Au-delà du silence - Patrick Diné

    Préface

    Ce roman aurait pu s’intituler : « au-delà du désir » (l’intention du silence)…

    … car la vie a ceci de particulier, de merveilleux ou de dramatique selon les différentes situations qu’elle nous propose : elle nous guide par l’afflux des circonstances de notre existence.

    Elle nous promène ou nous balade au gré des événements qui nous parviennent, ou vers lesquels on va.

    Elle oriente ainsi notre nature pour que nous puissions nous construire, et définir des caps, afin que nous tentions de leur donner du sens… non pas qu’en termes de direction, mais plutôt dans l’idée d’une signification.

    La destinée est-elle une voie singulière ?

    Le destin est-il un « signe » anonyme ?

    On ne choisit pas souvent ce qui constitue les événements essentiels de notre existence, ni les dénouements marquants, mais notre liberté réside dans la palette des choix possibles qui s’offrent à nous, afin de répondre au mieux, mais aussi tant bien que mal parfois… aux situations souvent indépendantes de ce qu’on croit être notre volonté : si nous ne sommes pas forcément responsables de ce qui nous arrive, nous le demeurons peut-être dans la manière d’apporter des réponses dignes aux occurrences fortuites.

    Nos désirs auraient pour visées de satisfaire des manques souvent relatifs au passé, ou du moins de nous soulager des privations qu’ils génèrent dans notre chair.

    Mais la définition du manque fait également référence à ce qui peut faire défaut : le désir pourrait-il donc être défectueux lui aussi, dans ses tentatives à vouloir compenser inutilement des carences… ou du moins ce que l’on éprouve comme une insuffisance relative à un moment de notre vie ?

    Les pays occidentaux le définissent habituellement comme une pulsion de vie : seules les personnes déprimées n’auraient plus d’envies, sinon éventuellement celle de ne pas se sentir « en vie ».

    D’autres contrées orientales comme l’Inde pensent à travers leurs cultures qu’a contrario, l’absence du désir est la présence de la sagesse ultime.

    On observe donc que la fonction et la reconnaissance du désir sont variables selon les mécaniques psychiques ou culturelles qu’on leur assigne, et la spiritualité qu’on leur attribue.

    Mais indépendamment de la culture et de ses traditions, le désir aurait-il une intentionnalité particulière selon la nature de celui ou celle qu’il anime ; et se définirait-il plus précisément en fonction du contenu de son histoire ?

    Notre passé génère-t-il des tendances sous-jacentes que certaines situations réactualiseraient sous forme d’envies plus ou moins consciemment ravivées, mais encore bien présentes ou actives, aux dépens de notre attention, et sous condition de la nature de leurs intentions ?

    Plutôt que de tenter d’essayer d’expliquer cette indicible logique, on peut toujours essayer de la raconter pour permettre à notre interlocuteur, non pas de trouver une réponse, mais une occasion de s’interroger… afin de pouvoir se questionner sur ce sujet.

    Ou de se ré « interpeller » en tant que sujet des verbes et des actes liés à sa propre existence. Il n’y a pas que la police qui peut faire des « interpellations d’identité », ou des interrogatoires : on peut se questionner soi-même afin de s’approprier plus profondément son individualité.

    On peut aussi l’écrire afin de permettre aux amateurs d’histoires et de romans, une lecture plus nuancée sur ce qu’ils croyaient d’eux-mêmes vis-à-vis de cette réflexion.

    Le but de ce livre n’est que d’interroger leur propre raison, leurs connaissances certes, mais de provoquer leurs illusions aussi : c’est pour cela que certains m’en voudront à la fin de leur lecture, mais on ne peut que se faire quelques « opposants » lorsqu’on les sensibilise à voir ce que leur esprit ne veut pas regarder !

    Écrire est un risque… !

    Je prends désormais plaisir à me faire non pas que des amis… mais des détracteurs : on ne se singularise que dans l’opposition pacifique, c’est pour cela qu’on ne peut pas plaire à tout le monde !

    Mais ce livre n’a pas l’objectif d’apporter une réponse : il tente simplement d’illustrer une pensée.

    Et cette pensée souhaite faire figurer l’évocation d’un visage : celui d’une femme à qui rendre hommage, simplement parce que c’est elle qui m’a amené il y a déjà quelques années, à me questionner sur ce sujet… en me sensibilisant au fait que « le sujet » n’était autre que moi-même !

    Je sais qu’elle se reconnaîtra…

    Voilà l’histoire de Léo…

    Voici celle d’Emma… et de Léo.

    Chapitre 1

    « Tu as raison, quittons-nous dès maintenant avant de nous gâcher, répondit Léo à Sarha… »

    Le sentiment d’amour semblait déjà suffisamment gaspillé lui aussi, dilapidé dans cet irrémédiable constat de ne plus pouvoir subsister.

    Il refrénait l’espoir de pouvoir continuer d’envisager des jours heureux à partager ensemble, tel qu’ils s’y étaient pourtant si sincèrement invités quelques mois auparavant.

    Mieux valait donc se préserver malgré la légitime déception, et l’espoir déchu de cette triste destinée autant subite qu’inattendue.

    Mais il en était ainsi : Sarha et Léo étaient en train de se quitter dans ce bar où leurs échanges allaient dès lors irrémédiablement s’estomper !

    Léo la laissa verbaliser cette fatale décision comme pour lui permettre d’être « celle qui en faisait le choix ». Il pensait que cette position plus favorable pour elle lui faciliterait leur séparation. Mais il savait depuis plus d’un mois que c’était une partie de lui qui avait déjà quitté leur histoire… il avait intimement ressenti l’élan brisé en lui, sans en comprendre la cause, tout en subissant son mystère.

    Ils avaient commencé leur liaison six mois auparavant, au début du mois de juin 2016, persuadés de rester ensemble pour le restant de leur vie tellement ils s’aimaient infiniment.

    Indéfiniment aussi… et c’est peut-être en ça que résidait l’énigme du problème !

    Elle était pourtant tout ce qu’il aimait chez une femme : sa beauté égale à son esthétique intérieure, sa sensibilité constamment éveillée, son intelligence généreuse, sa quête de spiritualité cherchant l’existence juste au travers d’une vie accomplie, sa féminité sensuelle… et tout cet indicible l’amenant à désirer de se rapprocher d’elle.

    S’il laissa à Sarha l’impression du choix de cette décision comme pour lui faciliter cette pénible épreuve, il savait combien il était malgré tout désespérant pour elle de devoir en énoncer le verdict encore impensable il y a peu de temps encore.

    Pas de dispute ni de reproches, sinon une déception commune : l’instant devait rester solennel et empreint de dignité, afin d’être au moins conforme à ce qu’ils avaient espéré d’eux lorsqu’ils étaient encore ensemble… même s’il en révélait tragiquement l’échec cuisant !

    Pas de rancune entre eux… mais déjà le remords en lui, et cette impression de ne pas comprendre pourquoi il n’était pas parvenu à honorer l’amour dans lequel il l’avait pourtant invitée sincèrement, quelques mois auparavant.

    « Nous nous raconterons nos nouvelles vies plus tard autour d’une tasse de thé… » lui dit-elle, comme pour s’inviter à se revoir ; comme pour se faire croire que cet instant n’était pas un adieu, et que d’autres moments leur apporteraient peut-être des échanges tout au moins encore amicaux.

    Quelques phrases s’ensuivirent par peur de laisser le silence trop parler, et par crainte d’offrir la détresse de regards si éprouvés. Alors ils se levèrent pour quitter l’endroit de cet instant crucial, et rejoignirent le dehors offrant désormais un espace qu’ils ne partageraient plus ensemble main dans la main.

    Ils se dirent adieu en se remerciant malgré tout, de ce que chacun avait apporté à l’autre, au cours de ces quelques mois.

    Mais il fallut également rendre ce qui avait été donné : Léo rendit la clé de la maison de Sarha, celle qu’elle lui avait offerte quelques mois auparavant, afin de partager encore plus un cadre de vie dans lequel tous deux souhaitaient tant peindre le décor.

    Elle lui rendit quelques livres et des disques qu’il avait souhaité lui faire découvrir, espérant que ces musiques allaient accompagner les gammes du quotidien, dans lesquelles ils pensaient se composer ensemble, entre quelques pauses et de doux soupirs.

    Puis ils se dirent au revoir, au gré d’une embrassade imposant cette première bise qu’on se fait quand on « redevient amis », mais aussi lorsqu’on n’est plus amant ! Une bise presque amicale, comme pour un dernier moment de chaleur dans cette ambiance glacée par l’émotion transie, et par ce froid de novembre annonçant dès lors l’hiver… mais aussi d’autres frimas à venir telle la gerçure du remords, les froideurs d’un repentir déjà présent en lui, et le frisson des regrets dus à une double absence.

    L’absence de leur unité, de cette sensation de l’onde de l’autre qui nous habite intérieurement, et qu’on aime intensifier afin d’amplifier ce sentiment d’être relié à lui.

    Et l’absence par la perte… pas celle de l’autre, mais celle qui imposait déjà à Léo ce constat amer de s’être perdu lorsqu’il ne se sentait plus suffisamment présent lors de ces dernières semaines, sans en savoir d’ailleurs pourquoi. La perte soudaine de la confiance qu’il avait en lui-même, liée à la culpabilité d’avoir fait obscurément mal à cette femme pourtant si éblouissante et lumineuse.

    Il était conscient de ce qui allait irrémédiablement s’ensuivre pour lui : éprouver le manque d’amour…

    Non pas seulement celui de l’autre… parce qu’il ne l’offre plus : mais celui qui émane de l’illusion perfide, subreptice et insidieuse d’en être suffisamment pourvu lui-même.

    Voilà ce qui l’attendait : devoir se confronter à l’illusoire, s’interroger par des questionnements qu’il ne s’était jamais vraiment posés, et dont il ne connaissait ni la teneur de la remise en cause, ni la texture des réponses à venir.

    Il ressentait pour une première fois que tout ce qu’il savait intellectuellement des choses, révélait en même temps une méconnaissance absolue et presque effroyable : une méconnaissance de qui il était réellement.

    Il allait falloir dénouer pour une première fois ce qui faisait souffrance en lui et qui causait douleur à l’autre.

    Lui… pourtant toujours reconnu intelligent ! Mais il commençait à ressentir non pas seulement ses propres limites, mais plus précisément la barrière que peut être l’intellect face à l’authenticité des sentiments.

    Il ne pouvait pas s’empêcher de pressentir qu’une partie de lui devenait évidemment responsable, de ce qu’il ne pourrait plus dès lors appeler oisivement… la fatalité.

    Il commençait à goûter à la saveur amère des constats tardifs : il comprit que la destinée n’était pas le fruit d’un hasard facile à inventer, afin de rendre plus commode l’irresponsabilité de ses choix.

    Il ne put échapper à cette évidence s’imposant toute seule, afin de l’inciter à se rendre compte que jusqu’ici, à cet endroit et à cet instant précis… il n’avait finalement que cumulé un grand nombre d’histoires vécues avec beaucoup de femmes, sans jamais ne pouvoir leur offrir véritablement la durabilité fiable et fidèle de ses sentiments pourtant authentiques au début. Il ne put se soustraire non plus aux multiples questions désordonnées qui s’imposaient dans son esprit.

    Pourquoi avoir réitéré cette répétition qu’il percevait désormais comme un symptôme, avec cette femme si merveilleuse, jusqu’à s’offrir à lui dans l’espoir de l’inviter jusqu’au dernier jour de leurs jours ?

    Pourquoi ne plus désirer honorer les promesses et avoir éprouvé cette tristesse paradoxale lors de ces deux derniers mois, face à tant d’amour qu’elle se révélait prête à lui offrir si généreusement ?

    Tout devenait confus et incertain. C’est dans cette lourdeur s’annonçant déjà tenace qu’ils se quittèrent sur ce parking, où se garaient leurs élans en panne, et où s’égaraient les siens désormais dépourvus de sens.

    Les regards pourtant tristes étaient restés dignes, et les cœurs brisés de désillusions n’exprimaient qu’une rancœur contenue, presque exempte de rancune.

    Puis l’irrémédiable seconde s’annonça : les yeux se baissèrent, les voix s’inondèrent de silence, et les corps se séparèrent laissant place à la distance, puis à l’éloignement.

    Chacun repartait dans des ailleurs différenciés, chacun repartait dans sa vie en quittant celle de l’autre, dans une effroyable intensité muette et pourtant criarde allant jusqu’à abasourdir leur dignité.

    Léo éprouva la sensation d’un soulagement absurde lorsqu’il monta dans sa voiture, comme si l’épreuve s’arrêtait là : cet instant d’adieu était enfin terminé, mais commençaient alors à venir des résurgences ne pouvant qu’accentuer les sentiments cruellement liés à cette situation : « les preuves dans l’épreuve » ! Il démarra pour partir sans trop vraiment savoir où aller…

    Et même s’il avait su où se diriger, il se sentait déjà un peu égaré au milieu de nulle part. Il venait de perdre quelqu’un et semblait se perdre lui-même dans des questionnements qu’il tentait d’évincer de son esprit. Mais son âme réactivait aussitôt cette lourdeur d’introspection lorsqu’il tentait naïvement d’y échapper.

    Alors il décida de se diriger vers une forêt avoisinante à la ville avant de rentrer chez lui, afin de tenter de trouver un semblant d’apaisement après une telle affliction. Il espérait que la nature pourrait lui offrir un soulagement et lui permettre de respirer un peu d’air pour atténuer ses crispations.

    Il ressentait le besoin de changer de décor, mais sa conscience lui dictait déjà de changer, tout simplement… mais quoi !?

    Il tenta de quitter rapidement la ville, et lorsqu’il lui fallait s’arrêter aux feux d’arrêt ou de voie libre, il ne ressentait plus ce plaisir de pouvoir aller ailleurs. Les feux rouges l’amenaient à regarder les piétons comme des passants, et pour chacun d’eux, il se demandait d’où il pouvait venir… et là où il allait. Qui était cet homme avec son long manteau et son air pressé, où se dirigeait cette femme avec sa démarche hésitante semblant ralentir volontairement son pas, d’où venait cette adolescente avec cet air déçu et son regard inquiet, vers quel néant allait cette enfant remplie de vide… ?

    Il s’identifiait à ces gens quelconques, dans l’attente que le feu soit vert pour finalement passer lui-même au milieu de tous ces passants anonymes.

    Comme eux, il était également pressé de quitter tout cela ; il était lui aussi hésitant à se diriger vers là où sa destinée l’amenait.

    Il était déçu et frustré de ne pas être celui qu’il pensait être.

    Dépassé par l’événement et l’avènement d’une conscience si soudaine, il sentit le poids de l’ambivalence troublée par tant d’émotions. La sensation du vide, et simultanément d’un trop-plein, lui donnait l’impression que ces quelques passants s’imposaient à lui comme une foule désormais trop bruyante.

    Et puis… le silence dans l’habitacle de son véhicule : un silence envahi de silences, un silence envahi par trop de questionnements dont l’écho devenait de plus en plus sidérant.

    Il quitta la ville et se dirigea vers la forêt, vers des arbres bordant la route, immenses et silencieux, se balançant au gré des bourrasques tumultueuses du vent. Tout en restant attentif à sa conduite, il était attiré par cette souplesse néanmoins robuste de ces géants, épousant harmonieusement la puissance des violentes rafales, afin de se confondre en une chorégraphie lente et apaisée. Il était attiré par cette danse fusionnelle, les troncs lui semblaient être des corps offerts à la cadence du vent. Le balancement des branches lui paraissait semblable à l’ondulation souple des algues bercées dans la vive énergie des torrents, et qui ne se fracturent jamais… parce qu’elles s’offrent pleinement et sans résistance à la puissance du courant.

    Il ressentait une similitude entre son intériorité et cet extérieur offert au regard de tous : un environnement ne s’offrant qu’au regard de ceux qui, poussés par l’authenticité de l’existence, parviennent à lire et à décoder des signes dans ces leçons, et ces images qu’offre subrepticement la vie de temps à autre.

    Il éprouvait l’instant à devoir enfin décrypter à son tour pourquoi il ne parvenait point à s’identifier à cette tempête en lui, pourquoi ses branches à lui étaient cassées, pourquoi le tronc était plié comme s’il n’avait pas été assez solide afin de résister à ses dernières épreuves.

    Pourquoi n’était-il pas parvenu à rester présent dans cette histoire pourtant si douce à construire ? Si ce ne sont qu’amis que vent emporte, pourquoi avait-il laissé le mauvais temps balayer ces prémisses d’amour autant espérées par l’un que par l’autre ? Pourquoi n’était-il pas parvenu à en honorer l’attente des cœurs entremêlés ?

    Il avait envie de mettre la radio comme pour faire taire ces voix en lui, et rendre muettes ses interrogations. Il savait déjà que la balade qui l’attendait n’allait pas lui offrir le soulagement dont il avait envie, mais plutôt une confrontation dont il avait besoin… même s’il la redoutait déjà.

    Mais tant pis, mieux valait s’oxygéner la tête et redonner un peu d’air à sa réflexion asphyxiée. Il vit un chemin l’invitant à quitter la route un peu comme il venait de quitter sa voie, au cours de cette séparation. Il bifurqua vers ce sentier et stoppa la voiture avec une lenteur presque calculée, anticipant la nécessité de ne pas précipiter ses idées. Mieux aurait-il fallu pleurer, mais même s’il avait pressenti cette séparation depuis au moins un mois, l’effet de sidération le contraignait à intérioriser ses émotions comme pour tenter de mieux les contenir. Les larmes ne pouvaient couler, pas plus que son ventre ne parvenait à vomir cette réalité.

    Il commença à marcher en maintenant cette lenteur morbide qui lui donnait l’impression de se diriger vers un précipice, sans pouvoir discerner s’il valait mieux rebrousser chemin, ou en risquer les abîmes. Il restait figé dans le constat d’avoir lui-même dégradé leur aventure, et d’avoir brisé les rêves de Sarha.

    Qu’était le plus dur à éprouver : son mal intérieur à lui, ou celui qu’elle devait vivre au même instant ? La tentation de s’excuser lui-même au nom de prétextes fugaces sur les vicissitudes de la vie, ou de se reconnaître l’unique responsable de tout cela ?

    Comment aborder ce temps de remise en question où, bien que fatigué, il se sentait encore disponible pour se battre, mais sans pouvoir identifier contre qui et envers quoi ? Son ennemi n’était-il autre que lui-même, ou devait-il puiser dans son passé afin de découvrir une vérité cachée pouvant justifier cette destinée contradictoire à leurs desseins aux intentions pourtant prometteuses ?

    Sarha avait-elle au même instant le courage de pleurer, de crier seule ou de confier au silence ses aveux meurtris ? Plus qu’une étape, ce moment lui semblait une séquence où il ne pouvait dissocier son mal à celui de celle à qui il pensait.

    Dans son esprit reflétant cette récente scène tragique, il percevait leur image coupée en deux, avec le visage de Sarha dans une moitié d’espace, et la sienne dans l’autre. La première moitié était pleine, tant par la beauté du visage de celle qu’il avait tant aimée, que par des désespoirs floués. La seconde se vidait et devenait vacante, comme si sa lucidité s’estompait peu à peu ; comme si son regard occultait sa vision, et comme si sa vision obscurcissait son regard.

    Puis, le visage de Sarha occupait progressivement et irrésistiblement tout l’espace, imposant une présence autant crainte qu’espérée, autant futile que nécessaire, aussi dangereuse que rassurante.

    Sans s’apercevoir de ses pas, Léo marchait avec cette image devant lui, face à un scénario où chacun des deux devenait plus un personnage qu’un être réel, peut-être pour se faire croire une dernière fois que tout cela n’était pas vrai ; qu’il semblait plus simple de nier la vérité pour pouvoir encore occulter cette invraisemblable destinée.

    Mais le visage de Sarha semblait s’animer pour lui confirmer qu’il ne cauchemardait pas, même s’il aurait tellement préféré l’inventer en train de lui dire qu’ils allaient encore s’octroyer une nouvelle chance. Ses traits restaient muets comme pour lui offrir encore sa beauté silencieuse et discrète. Il se sentit happé par son regard toujours doux, mais habituellement porteur d’une colère lui conférant des éclats mêlés d’intensités aussi calmes que tumultueuses.

    Il avait toujours été séduit par ses yeux : des yeux qui regardaient vraiment, offrant la profondeur de cette alternance où s’exprimaient autant la douceur que le courroux. Il aimait puiser dans son regard limpide et clairvoyant ce qu’elle ne disait pas, cet indicible qu’il décodait dans les nuances d’intensités dissimulées au creux de sa pupille.

    Il appréciait secrètement ce que le tact de sa pudeur n’offrait jamais en confidences, et qu’il lisait dans son iris qu’elle lui offrait involontairement… mais consentante, tel un orifice dans lequel il aimait simplement puiser l’amour et la vérité.

    Il appréciait toujours deviner ce qu’elle était vraiment, non pas pour lui subtiliser une intimité qu’elle tentait de préserver, mais avant tout pour lui donner le goût de se confier ; pour lui donner l’envie de « s’offrir à lui », lorsqu’il la devinait au détour d’un simple regard.

    Puiser pour prendre dans la propension de rendre ce qui n’avait été qu’emprunté, afin de lui offrir encore plus que ce qu’elle lui avait donné d’elle : Sarha lui faisait si souvent don de l’évanescence de ses yeux qu’il revoyait ces détails souvent implicites, presque inconscients chez l’homme séduit de pouvoir déchiffrer la teneur de leurs équations.

    Tout ce qu’il appréciait d’elle lui revenait sans aucun effort de mémoire, mais plutôt par une étrange sensation due au regret : la douceur de ses gestes, parfois entrecoupée d’une cadence accélérée par le rythme d’élans spontanés ; l’élégance de sa main ouverte lorsqu’elle parlait tout en semblant ainsi offrir la vérité blottie au creux de sa paume ; sa voix suave de tonalités mélodiques, et de vérités énoncées par un besoin d’édicter les nuances de ce qui lui semblait juste… de ce qui lui paraissait vrai, et de ce qui se révélait bien souvent exact.

    Il ressentait l’attirance éprise qui s’imposait à lui lorsqu’elle avait défait ses cheveux, offrant à son visage une authenticité amplifiée, et à l’instant, une sensualité décuplée par ses charmes discrets où se reflétait son humilité.

    Il visualisait son front lisse, parfois plissé par des interrogations subtiles ou des pensées soucieuses, sa bouche généreuse d’amples embrassades, sa gorge remplie de mots rassurants, son sourire tranquille et lumineux qu’elle lui offrait dès son réveil, telle une aube offrant tous ses éclats après une nuit de repos partagé, les invitant à la verticalité des corps et aux renouvellements de l’âme.

    Il lui semblait qu’il la connaissait si bien et finalement si peu en même temps.

    Si bien… au nom de ce qu’il avait su lire en elle, tellement il fut épris de ce qu’elle laissait émaner de sa personne, en s’offrant à lui de manière parcellaire, juste par petits bouts, confiante de leur histoire au fil des jours.

    Si peu… dans le constat que cette connaissance allait s’estomper et mettre fin à une attirance qui l’incitait souvent à découvrir en elle ce que d’autres n’avaient ni su voir, ni peut-être pu apprécier. Ou ce que tant d’autres auraient voulu pouvoir approcher de plus près, mais qu’elle repoussait respectueusement, consciente que les charmes, qu’elle préservait discrètement, ne pouvaient plaire qu’à ceux qui étaient attirés par l’esthétique des âmes pures.

    Il se culpabilisait d’avoir été séduit par l’infinité de ces petites choses qu’elle lui offrait au nom de ses propres remaniements de femme grâce à leur récente histoire, après quelques temps de solitude mêlés à l’épreuve d’une mère esseulée, face à sa fille adolescente sujette à une tendance anorexique : la culpabilité lui donnait l’avantage futile d’être un peu victime, lui aussi… mais il savait qu’il n’était victime que de lui-même !

    Qu’en était-il de son état d’âme d’homme blessé ? Était-ce trop de vide dans son esprit vacant, ou un trop plein d’émotions qu’il ne pouvait pas plus contenir, qu’évacuer ?

    Le vent de ce mois de novembre continuait à souffler en imposant la précocité d’un frimas d’hiver, mais il était conscient que le froid qu’il ressentait n’était pas celui dû au temps. Les arbres continuaient de lui offrir leurs danses ondulées par leurs mouvements ondoyants, mais lui sentait a contrario, sa pensée figée par des remords subséquents.

    Il savait pourtant depuis plus d’un mois l’issue fatidique qui allait orienter le paradoxe de leur histoire, même si cette voie semblait n’avoir aucun sens, puisque tous deux s’aimaient vraiment depuis ce 5 juin qui avait donné naissance à leur union.

    Tout était là pour durer : elle lui avait présenté ses deux filles dont l’aînée allait partir en Chine pour ses études et lui, lui avait présenté son fils dessinateur, au cours d’un repas au restaurant, leur permettant un premier échange prometteur de liens durables. C’est ainsi qu’il y eut également une première rencontre entre eux deux en tant que parents, en tant qu’adultes engagés dans d’autres dimensions et vers d’autres responsabilités que leur histoire amoureuse.

    Les souvenirs s’imposaient à lui : ils imposaient cette corrélation relative entre un passé déjà démodé… un passé dépassé par l’instant présent, pressant.

    Un passé sollicitant Léo à se réactualiser. Il se souvenait de ce jour où, assis tous les deux sur un banc dans une autre ville, elle avait osé lui confier qu’il leur fallait peut-être veiller à ne pas perdre de temps…

    Certes, le plaisir des petits pas vers l’autre au gré d’échanges dans les restaurants, ou par le biais de quelques mots révélateurs par inférence, envoyés par sms, apportait un plaisir d’abord informel, presque suffisant. Une sorte de plaisir commun lorsque les sentiments n’osaient pas encore se révéler, implicitement partagés et parfois complices d’innocentes séductions, lorsque les mots, les gestes et les regards se risquaient à des aveux inducteurs… mais suffisamment précis pour leur indiquer les prémisses d’une idylle possible.

    Lui… aurait pu laisser encore passer quelques jours, quelques semaines pour ce contentement des derniers moments avant que les corps s’unissent, avant que les bouches se taisent pour s’offrir d’autres langages, avant que les yeux ne se ferment pour s’inventer d’autres rêves offrant l’éloge d’une lenteur patiemment apaisée.

    Elle avait choisi cet après-midi-là, de leur offrir ce premier pas après déjà tant d’infimes approches l’un vers l’autre, mais à cet instant il était enfin question de pas à faire ensemble vers une même voie, pour cheminer vers des horizons éclatants. Ils repartirent de ce petit parc adjacent à un belvédère, avec ses vieilles pierres témoignant autant de l’histoire des temps anciens que de la leur, réactualisée à cet instant précis par les confidences de Sarha.

    Ils quittèrent cette ville haute aux vieux quartiers apportant l’étonnante impression de vivre dans un autre siècle, voire cette bizarre impression d’y avoir vécu en des temps plus anciens… peut-être parce que tous deux avaient déjà pensé à cet instant rêvé, au gré d’espérances qu’ils ne s’étaient pas encore confiées. Il ramena Sarha dans une autre ville avoisinante où était garée sa voiture, et durant ce court trajet de vingt minutes, tout en conduisant son véhicule et leur destin, il lui prit sa main afin de répondre à ce premier pas… d’un premier geste, d’une prime douceur.

    Serrant sa main, il lui demanda si elle voulait bien « l’attendre » encore un peu, sans trop savoir si cette préférence émanait d’un excès de timidité, d’une vigilance en lui, d’une prudence pour elle, ou d’une impression peut-être déjà révélatrice de ne pas être vraiment prêt, sans le savoir vraiment.

    Leurs deux mains restées jointes leur offraient un partage d’intériorités tant intimes, qu’intenses par la douceur de leurs paumes. Elle lui confirma qu’elle allait l’attendre encore un peu pour respecter sa demande, même si elle pensait effectivement que trop s’attendre pouvait leur faire perdre du temps, jusqu’à le gâcher par le manque de s’aimer… de plus près. Ils arrivèrent au parking où ils s’étaient rejoints en début d’après-midi pour partir dans cette autre vieille ville leur offrant un renouveau apaisant…

    … comme une renaissance !

    Avant de se quitter, Sarha remercia Léo de lui avoir pris la main pendant ce court trajet et pour ce long voyage. Elle le remercia tout comme lui ne pouvait que remercier la destinée de lui offrir une telle compagne tant attendue et tellement espérée.

    Elle le remercia comme pour lui faire sentir qu’elle attendait elle aussi une présence dans sa vie, et que ces prémisses répondaient à un espoir, à une étape de son existence où elle avait pourtant appris à ne plus rien demander : c’est ce qu’elle lui confiera un peu plus tard en expliquant que c’est peut-être quand on sait faire taire la propension égoïste de nos envies, que le ciel répond favorablement à l’innocence de nos désirs… surtout s’ils émanent du souhait d’honorer l’amour, plutôt que de l’attente pourtant légitime d’être aimé en retour.

    Ainsi s’anima leur au revoir… une tendre embrassade encore amicale mais plus douce qu’à l’habitude, afin d’exprimer cette invitation à se rapprocher, dans le plaisir d’un dernier instant d’amitié anticipant déjà un premier baiser à reporter dès leur prochaine rencontre.

    Cette retenue lui semblait honorable, lui qui était plutôt entreprenant et en quête d’immédiateté dans ses multiples aventures : c’est comme s’il avait eu envie de faire enfin autrement, en lui offrant ainsi un respect inattendu, reflétant une estime qu’il lui vouait depuis déjà longtemps. Ou alors… était-ce parce qu’il n’était pas encore prêt… mais à quoi et pourquoi ?

    Sarah rejoignit sa voiture puis s’en alla en offrant un dernier signe par un geste qu’il partagea, afin de laisser les mains s’offrir ce que les lèvres n’avaient encore osé se donner, comme pour laisser les âmes s’offrir ce que les corps allaient bientôt s’apporter.

    Toutes les secondes de cet instant s’imprégnaient dans l’esprit de Léo, sa promenade prenait l’allure d’une réminiscence aux tonalités affectives pleines d’échos saccadés, toutes à fleur de peau, et pleines de frissons intériorisés.

    Tout était clair et si obscur : les souvenirs semblaient controuvés et pourtant trop crus de vérités profondes ; les images lui paraissaient apocryphes, mais paradoxalement conformes au scénario passé.

    Bouleversé par tant de tumultes, il ne savait plus s’il lui était souhaitable de prolonger sa balade, ou s’il était préférable de rebrousser chemin. Mais rebrousser chemin, c’est ce qu’il venait précisément de faire vis-à-vis de leur histoire. L’humidité d’automne installait une brume obscène épaississant le lointain d’un léger brouillard, comme s’il obscurcissait également l’horizon de son devenir.

    Que fallait-il faire pour aller néanmoins « de l’avant » : revenir en arrière en repartant de ce lieu hostile mais également propice à l’introspection, ou continuer cette promenade qui le transportait un peu trop vers le passé et ses incertitudes ?

    Il décida de rester mais en avait-il vraiment le choix ? Était-ce bien sa volonté, emprisonnée par l’ambiance d’un tel contexte et par un libre arbitre bafoué ? Ou était-il plus question d’un arbitrage confronté à régler un différend entre ses certitudes et ses illusions ?

    Était-ce un désaccord entre sa conscience et ses convictions erronées, ou un démêlé entre son habitude à contrôler sa vie, et l’impression de ne plus la maîtriser du tout à cet instant précis ?

    Une tendance ineffable le conduisait à poursuivre son chemin de souvenance tel un chemin de croix, de croyances relatives, de convictions erronées.

    Il revoyait ainsi leur première étreinte, en ce vendredi de juin où chacun savait à l’avance que les cœurs allaient s’effleurer, et les corps se rapprocher. Ils avaient choisi d’aller dans le parc d’une ancienne abbaye, réitérant ainsi le désir de se confondre dans un lieu ancien et chargé d’Histoire, afin d’offrir à la destinée et à cet endroit, les prémisses de la leur.

    Il revoyait chaque seconde de cette séquence de vie : l’instant où ils arrivèrent pour descendre de la voiture et entrer dans ce

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