Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Sombre philharmonie
Sombre philharmonie
Sombre philharmonie
Livre électronique290 pages3 heures

Sombre philharmonie

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Violoniste au sein de l’orchestre philharmonique de Paris, Alexandre Rivière est découvert sans vie dans sa loge. Les éléments trouvés sur les lieux suggèrent qu’il aurait pu mettre fin à ses jours. Cependant, flanqué de sa jeune recrue Loane Legrand, le commissaire Costel ne peut ignorer un fait troublant : Victor Larnod, le chef de l’orchestre, traîne déjà un lourd passé. Un lien existerait-il entre la mort du violoniste et celle de la femme de Larnod, assassinée quelques années plus tôt ?

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Philippe Morieras découvre le plaisir de l’écriture très tôt, et s’il ne suit pas une trajectoire professionnelle littéraire, cette passion l’accompagne depuis toujours. Il signe ici son premier roman publié, un polar teinté d’érotisme.
LangueFrançais
Date de sortie5 mars 2024
ISBN9791042218706
Sombre philharmonie

Auteurs associés

Lié à Sombre philharmonie

Livres électroniques liés

Mystère pour vous

Voir plus

Articles associés

Avis sur Sombre philharmonie

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Sombre philharmonie - Philippe Morieras

    Prologue

    Alexandre Rivière regagna sa loge, éreinté.

    Son altercation avec Victor Larnod, le chef d’orchestre, l’avait nerveusement épuisé et il était, de plus, particulièrement mécontent de sa prestation du soir. Il avait été « en dedans », et avait eu un jeu quelque peu machinal, sans réussir à distiller une quelconque émotion. Un jeu techniquement irréprochable, en place, mais fade. En tant que premier violon de l’orchestre, on attendait de lui une interprétation plus personnelle et plus engagée. Ce soir, Alexandre n’avait fait que respecter l’œuvre originelle, mais sans y avoir laissé une quelconque empreinte. Il avait été une bien pâle copie de lui-même…

    Le concert avait été organisé en faveur d’une œuvre humanitaire, dans une assez grande confidentialité et peu de journalistes avaient été invités. Les critiques du lendemain seraient sans doute peu nombreuses, fort heureusement, d’autant qu’un article déjà peu élogieux était paru à son sujet dans la presse, il y avait quelques semaines, une presse non spécialisée, mais quand même. Il ne supporterait pas une nouvelle publicité de ce type.

    Cependant, ce n’était pas en jouant comme ce soir que les choses allaient s’arranger ni vis-à-vis de Victor Larnod, qui avait évoqué l’idée de le reléguer au sein de l’orchestre en tant que violoniste non-soliste, ni vis-à-vis des journalistes qui se délectaient de ces petites histoires et qui sauteraient sur l’occasion pour précipiter sa disgrâce.

    Un frisson le traversa à l’idée de réintégrer le cœur de l’orchestre. Quelle humiliation ce serait ! Il imaginait déjà les railleries des autres musiciens… de tout le monde, en fait.

    Non, cela ne se pouvait pas. Quel autre musicien était capable de prendre la place ? En toute honnêteté, deux autres violonistes en avaient à la fois la capacité et la rage. Ils n’attendaient que ça, les fumiers !

    Furieux contre lui-même, contre Larnod, contre tous, il jeta son violon sur un fauteuil rouge sombre, geste qu’il regretta immédiatement. Fort heureusement, le velours de celui-ci offrit à l’instrument une chute plutôt moelleuse. Un son disgracieux s’en échappa lorsque le manche heurta l’accoudoir, mais ce fut la seule conséquence à déplorer. Quel con ! Vraiment ce n’était pas digne de lui. Il s’assura que le manche ne se soit pas vrillé et entreprit, comme à chaque fin de concert, de nettoyer et vérifier consciencieusement l’instrument, c’était une habitude qu’il avait prise depuis quelques années. Cependant, il changea d’avis. Après une première vérification rapide, il reposa le violon et s’assit devant le miroir.

    Sale gueule, pensa-t-il.

    Il voulut se passer un peu d’eau fraîche sur la figure, mais dut se rendre à l’évidence : ce n’était décidément pas sa soirée. Seules quelques gouttes s’échappèrent du robinet situé dans une sorte de minuscule salle d’eau privée, avant de laisser place à un râle caverneux de mauvais augure.

    « Merde, manquait plus que ça ! »

    Les vestiaires les plus proches se trouvaient au bout du couloir. Ce n’était pas la distance qui l’angoissait, mais le fait de pouvoir se trouver nez à nez avec un des membres de l’orchestre ou pire, avec Larnod. Pas ce soir, pas maintenant. Il souhaitait être seul.

    Il ouvrit la porte de la loge et passa la tête au-dehors. Aucun bruit sinon les sons lointains de la scène que les techniciens de maintenance avaient commencé à ranger et à nettoyer.

    Il hésita quelques secondes, tendit l’oreille à nouveau. Le silence du couloir le rassura. Il s’y engagea sans faire de bruit pour se rendre aux sanitaires publics de l’Opéra. Les lieux n’avaient pas encore été nettoyés et une forte odeur d’urine lui prit la gorge lorsqu’il y pénétra. Les gens étaient vraiment dégoûtants. Il préféra ne pas s’aventurer à chercher la provenance de l’odeur répugnante, sans doute un homme avait-il uriné à côté, comme d’habitude. Cela devenait quasi systématique, et exclusivement réservé à la partie des hommes, qu’il délaissa pour se réfugier « chez les dames ». Tant pis s’il était surpris, après tout, il n’en avait que pour quelques secondes. Et merde à celui ou celle qui y trouverait à redire !

    Fort heureusement, car il aurait détesté devoir se justifier, les vestiaires femmes étaient aussi déserts que leurs homologues masculins et respiraient la propreté.

    Les miroirs lui renvoyèrent cependant la même image. Celle d’un homme épuisé et aux traits tirés.

    Il prit appui sur le rebord des lavabos en marbre blanc et rose, pour se dévisager, cette fois plus longuement. La quarantaine ne lui allait guère. Et avec les années, le surpoids non plus. En quelques mois il avait pris plus d’une dizaine de kilos. Malbouffe, alcool et ennui.

    « What else », apostropha-t-il son reflet en ricanant.

    Tu parles, il n’avait rien de commun avec Clooney ! Oubliant toute éventualité d’intrusion, il quitta sa veste en tissu noir, la déposa sur le rebord du lavabo, puis ouvrit un à un les boutons de sa chemise.

    Gras du bide, pensa-t-il… il respira un grand coup tout en gonflant les pectoraux et en rentrant le ventre.

    Voilà !

    Voilà l’homme qu’il aurait dû être s’il avait fait un peu attention à lui. Mais ces dernières années de sédentarité totale avaient inexorablement accompli leurs méfaits, et il en était là, dans une pente éminemment dangereuse. À tout point de vue.

    « Pfff… »

    Il se relâcha. Son tour de ventre prit dix centimètres de plus en une fraction de seconde. Il détestait l’image que lui offrait le grand miroir aux moulures dorées, cadeau dont il se serait bien passé.

    Il reboutonna sa chemise jusqu’à l’avant-dernier bouton, mais ne prit pas la peine de remettre sa chemise dans son pantalon, fit couler l’eau froide et s’aspergea le visage longuement.

    La fraîcheur lui fit un peu de bien.

    Il regagna sa loge, si ce n’était avec entrain, du moins sans trop traîner des pieds. Il se sentait un peu mieux.

    Il trouva la porte entrouverte… curieux, il lui semblait pourtant l’avoir fermée… qu’importe, la fatigue devait lui jouer des tours…

    Il saisit son violon au passage et se rassit devant son miroir, soulagé de pouvoir décompresser enfin.

    Mais quelque chose clochait… il approcha son visage du miroir. Pourquoi donc se sentait-il si mal à l’aise soudain ? Il s’observa plus attentivement sans rien déceler de plus. Et se figea soudain, pétrifié. Ses yeux quittèrent le reflet du miroir pour se poser sur son instrument. Quelqu’un l’avait manipulé en son absence et en avait ôté les cordes… Il n’eut que le temps d’apercevoir une silhouette haute et sombre avant de sentir l’acier des cordes pénétrer la chair de son cou…

    1er septembre 2019

    8 h 30

    — Bonjour monsieur Larnod. La police vous attend, monsieur Larnod.

    — Oui, bonjour Denis, je sais…

    Denis regarda passer Victor Larnod devant lui, le suivit des yeux alors qu’il montait lentement les marches de l’Opéra Bastille. L’homme l’impressionnait. En qualité d’agent de sécurité, Denis connaissait la majorité des gens qui travaillaient ici. Il avait été embauché à l’occasion « des Troyens », premier spectacle lyrique hébergé par l’opéra, le 17 mars 1990. Il avait rencontré Victor à cette occasion et lui vouait depuis une admiration sans bornes.

    Du haut de ses 1m95, Victor Larnod dégageait une aura certaine. Son pas lent, mais précis, son imposante carcasse vêtue d’un long manteau noir qu’il arborait depuis des années, ses mains élégantes et fines, son visage exagérément pâle qu’il cachait sous de longs cheveux noir ébène, tout en lui tant dans son attitude que son physique inspirait le respect et parfois la crainte au sein de son milieu professionnel.

    On l’avait d’ailleurs très vite surnommé « le Comte » en référence au célèbre comte des Carpates.

    Quoi qu’il en dise, cette image l’amusait et l’arrangeait d’ailleurs un peu. Cela lui garantissait une certaine tranquillité, tant de la part des médias qui avaient pourtant fait les choux gras du meurtre de sa femme quatre ans auparavant, que de la part de ses collaborateurs.

    Depuis, Victor vivait seul, avec ses filles Margot et Rachel, sept et neuf ans, en retrait de la société. Pour l’aider dans l’éducation de ses filles et dans l’entretien de son domicile, Victor avait fait le choix d’engager une jeune fille au pair, Maria, laquelle s’avérait être d’une aide extrêmement précieuse et était très appréciée de ses filles.

    Victor, lui, la trouvait peut-être un peu jeune malgré ses vingt-cinq ans. Pétillante et pleine de vie, elle ne suivait pas, c’était le moins que l’on puisse dire, les recommandations de Victor en termes d’éducation, et il avait cru que Maria ferait de Margot et Rachel de vraies petites pestes, chose qu’aurait certainement détesté son épouse. Mais rapidement Victor s’était rendu à l’évidence : ses deux filles allaient beaucoup mieux aujourd’hui et Maria n’y était pas étrangère. Il lui en serait éternellement reconnaissant.

    Grâce à elle, Victor avait réappris un peu à vivre. Ses éclats de rire, son enthousiasme et son optimisme à toute épreuve bousculaient une existence devenue pesante et difficile.

    Il escalada, songeur et un peu inquiet, les dernières marches de l’opéra.

    La police l’avait appelé, il y avait à peine une heure, sans lui donner la moindre explication sur les raisons de cette convocation. Simplement elle lui avait annoncé avoir besoin de lui pour un témoignage et lui avait demandé de les rejoindre au plus vite sur les lieux.

    Victor avait machinalement enfilé le manteau que sa femme lui avait offert quelques semaines avant sa mort, avait demandé à Maria d’emmener les enfants à l’école, s’était installé dans sa vieille Ford Mustang et avait pris la route, l’esprit un peu tourmenté par cet appel inattendu.

    — Monsieur Larnod, je présume ?

    L’homme face à lui, âgé approximativement d’une quarantaine d’années, avait le visage buriné et le teint mat, et devait sans doute être d’origine nord-africaine.

    Victor avait l’habitude d’observer attentivement ses congénères.

    Contrairement à ce que son entourage professionnel pouvait penser de lui et à une image austère, Victor était un homme profondément humain qui se félicitait chaque jour, c’était un de ses derniers plaisirs, du brassage ethnique de la population française. Il se réjouissait de la richesse culturelle et de l’incroyable diversité de pensées, de croyances et de coutumes que cette immigration avait apportées avec elle.

    — Oui, bonjour… Inspecteur ?

    — David Costel, Inspecteur divisionnaire.

    L’inspecteur Costel était en compagnie du directeur de l’opéra, visiblement très tourmenté, et de Loane Legrand, sa nouvelle équipière, toute fraîche sortie de l’école, qu’il ne prit pas, sur le moment, la peine de présenter.

    Saisissant doucement, mais fermement le bras de Victor, l’inspecteur l’invita à suivre ses pas. Ils prirent congé du directeur et se dirigèrent rapidement vers les coulisses, sans échanger un seul mot.

    Victor en profita pour observer la jeune inspectrice qui le précédait d’un pas : plutôt jolie, de longs cheveux bruns enroulés dans un chignon professionnel, la silhouette fine et élancée, Loane n’en paraissait pas moins solide. Sa démarche volontaire trahissait un caractère certainement bien affirmé, sans que cela n’entache une sorte de grâce naturelle dans son attitude générale. Loane Legrand ne correspondait pas à l’idée que l’on peut se faire d’un agent de police, du moins pas à l’idée stricte que Victor s’en faisait.

    Il crut déceler chez elle une sorte d’agitation qui l’intrigua, mais fut néanmoins très vite renseigné sur ce qui rendait l’inspectrice nerveuse :

    — Ce n’est pas très beau à voir, j’en suis désolé…

    Costel avait poussé la porte de la loge du violoniste, et révéla ainsi le cadavre à Victor.

    — Monsieur Larnod, veuillez entrer s’il vous plaît.

    Victor avança d’un pas hésitant, se baissant pour ne pas se cogner la tête dans le chambranle de la porte.

    Victor n’eut pas besoin d’observer plus attentivement l’homme qui occupait depuis maintenant trois ans une place prépondérante au sein de l’orchestre philharmonique. Qui plus est, son nom était inscrit sur la porte de sa loge… cette question était stupide…

    Choqué, il détourna le regard du cadavre presque instantanément.

    — … Bien sûr inspecteur, il s’agit d’Alexandre, 1er violon au sein de l’orchestre.

    — Bien sûr en effet… Depuis combien de temps le connaissiez-vous ?

    Victor mit quelques secondes avant de répondre.

    — Cela doit faire environ trois ans, inspecteur…

    Puis se tournant vers Costel :

    — Puis-je vous demander ce qui justifie ma présence ici ? N’importe qui, à commencer par Denis, notre vigile, aurait pu vous confirmer son identité.

    — C’est juste M. Larnod, mais nous avions besoin de vous, tout spécialement.

    — Besoin de moi ? Je ne vois pas en quoi je puis vous être d’une quelconque utilité, de plus…

    — Laissez-nous en décider par nous-même, voulez-vous ? Nous aimerions avoir votre ressenti sur l’état psychique de monsieur Rivière ainsi que votre avis sur la façon dont il a décidé de mettre fin à ses jours. Il semble s’être en effet suicidé, même si nous n’excluons aucune piste…

    — Un suicide ?

    — Oui, cela a l’air de vous étonner ?

    Victor regarda à nouveau le mort.

    — Je ne sais pas… Je n’entretenais avec Alexandre que des relations professionnelles, nous n’étions pas très proches…

    — Peut-être avez-vous quand même un avis sur la question ?

    — Très honnêtement, inspecteur, je ne sais pas trop quoi vous dire ! Les musiciens et moi-même avons en effet remarqué qu’Alexandre semblait un peu préoccupé depuis quelques semaines, mais de là à penser au suicide, je n’en ai aucune idée. Encore une fois, nous n’étions juste que collègues.

    — Et monsieur Rivière avait-il noué, à votre connaissance, des relations plus étroites avec d’autres membres de l’orchestre ? Aurait-il pu se confier à quelqu’un ?

    — Je n’en ai pas la moindre idée, je suis navré. Vous savez, je mène une vie assez solitaire et même si j’apprécie la plupart des membres de l’orchestre, je ne passe guère de temps avec eux en dehors des heures de répétitions et des soirs de concert.

    — Très bien. J’avais espéré que vous pourriez nous aider davantage sur ce point… Mais ma coéquipière, mademoiselle Legrand, dit-il en désignant la jeune femme, est troublée par un détail…

    La jeune inspectrice, qui s’était tenue jusqu’à présent un peu à l’écart, s’avança alors vers le fauteuil rouge sombre et s’empara précautionneusement de l’instrument, non sans avoir enfilé au préalable des gants en latex blancs. Elle le présenta à Victor, et prit la parole.

    — Est-ce bien le violon de monsieur Rivière ?

    — Oui, il me semble, en effet.

    — Pouvez-vous l’examiner, s’il vous plaît ?

    — Certainement…

    Victor observa l’instrument avec attention, tandis que Loane le lui présentait sous tous les angles.

    — Oui, il s’agit bien du sien, aucun doute là-dessus. Il me semble qu’il s’agit d’un violon que son père, luthier, lui avait fabriqué… Le corps est en érable et épicéa… C’est un bel instrument, Alexandre en prenait le plus grand soin.

    — À ce propos, n’y a-t-il rien qui vous étonne ?

    Victor prit à nouveau quelques secondes avant d’ajouter :

    — Non… mis à part le fait que les cordes n’y sont plus…

    Il ne comprit l’importance de sa remarque qu’au silence pesant qui lui fit suite.

    — Mon Dieu !

    Il se retourna lentement pour observer pour la première fois plus attentivement le cadavre.

    Le violoniste était encore vêtu, en partie, de sa tenue de scène, le col de chemise simplement défait, maculé d’un sang rouge-noir. Les cordes avaient entamé les chairs et restaient profondément enfouies, presque indiscernables, si ce n’était par le sillon tuméfié, lequel formait autour du cou une sorte de collier.

    Le violoniste était en position assise, les jambes allongées droites devant lui, les fesses ne touchant pas tout à fait le sol cependant. Il s’était pendu au tiroir haut d’une sorte de commode. Comment avait-il pu trouver la force de se pendre ainsi ?

    Victor regarda à nouveau la jeune femme.

    — Est-ce bien ce que je crois ?

    Loane opina.

    — Nous aimerions justement avoir votre avis.

    En tant que musicien, que pensez-vous de la façon dont monsieur Rivière a choisi de mettre fin à ses jours ? Sans vous demander une analyse de psy alambiquée, comment interprétez-vous, toujours en qualité de musicien, le fait de choisir les cordes de son instrument pour se donner la mort ?

    — Je… je ne sais pas. Énormément de musiciens ont un rapport fusionnel avec leur instrument. Pour certains, il s’agit presque d’une maîtresse. J’ai été moi-même dans ce cas, ça m’a coûté mon premier mariage… mais pourquoi y chercher une quelconque explication ?

    — Parce que c’est notre métier monsieur Larnod : trouver des raisons alors qu’il semble qu’il n’y en ait aucune…

    — …

    — Monsieur Larnod, nous savons que vous avez eu une conversion très animée avec le défunt, hier soir, juste après le concert. Vous lui auriez reproché un manque de professionnalisme.

    — Oui en effet, mais je ne vois pas en quoi...

    — Qu’entendiez-vous par là ?

    — Eh bien, c’est vrai, depuis un mois, Alexandre ne s’investissait pas comme il l’aurait dû. Il me semblait, comme je vous l’ai dit, un peu absent. Je lui ai simplement demandé de se ressaisir, en lui expliquant qu’il ne pouvait se permettre de laisser ses problèmes personnels envahir sa vie professionnelle. Il l’a très mal pris et s’est emporté. Nous nous sommes en effet quittés fâchés.

    Loane reprit la parole, et s’adressant à Victor.

    — Nous avons trouvé cette lettre, à ses pieds.

    Victor prit le papier que l’inspectrice lui tendait. Les quelques mots couchés sur le papier l’ébranlèrent profondément. Fournissant un effort désespéré pour ne pas montrer aux deux policiers son malaise, Il rendit la lettre à Loane d’une main un peu tremblante cependant. Elle le regarda avec insistance, mais choisit de ne pas le bousculer pour le moment. Elle glissa la lettre dans une pochette plastifiée avant de la ranger.

    — Qu’en pensez-vous ? interrogea néanmoins Costel.

    — Je n’en sais rien, je ne comprends pas… cette lettre ne ressemble pas à Alexandre, je ne sais vraiment pas quoi en penser inspecteur…

    — Il n’y a rien qui vous étonne ?

    — Je ne sais pas, c’est si soudain… je ne comprends pas le contenu de cette lettre, jamais je n’aurai imaginé qu’il puisse en être la… je ne peux malheureusement pas vous aider davantage inspecteur…

    — Très bien, ce sera tout pour le moment.

    Costel invita le chef d’orchestre à se diriger vers la sortie, mais l’interrompit presque aussitôt.

    — Ah, monsieur Larnod, nous aimerions que vous ne vous absentiez pas trop durant les dix prochains jours. Nous vous serions reconnaissants de nous prévenir en cas d’absence. Je crois savoir que vous n’avez pas de concert prévu à l’étranger d’ici la fin du mois, vous ne devriez pas être trop handicapé par cette petite disposition.

    — Eh bien, je n’ai en effet rien de prévu professionnellement, mais je pensai partir quelques jours avec mes filles en Italie… et d’autre part, je ne vois pas en quoi vous être encore utile…

    — Vous partirez le mois prochain, voilà tout.

    — Je ne comprends pas, inspecteur.

    Costel planta son regard dans celui de Victor avant d’ajouter :

    — Cette lettre laisse supposer que monsieur Rivière s’est en effet suicidé. Mais d’une part je ne crois pas qu’un homme se suicide pour les raisons invoquées, et d’autre part, vous me trouverez peut-être vieux jeu, ce genre de lettre d’adieu est manuscrite dans une écrasante majorité des cas. Contrairement à celle-ci…

    1er septembre

    18 h

    La journée avait été rude et Victor décida de passer se changer les idées chez Sergueï, avant de rentrer chez lui. Maria s’occuperait bien de faire dîner les filles. Il prit son portable

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1