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Maeva, une belle étoile filante
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Maeva, une belle étoile filante
Livre électronique284 pages4 heures

Maeva, une belle étoile filante

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À propos de ce livre électronique

En général, quand on commence à lire un livre, on a souvent hâte de connaître la fin de l’histoire. Mon livre commence par la fin, mais pas celle d’une histoire banale, faite d’amour, d’intrigue, de fantaisie, mais par la fin d’une vie. C’est celle de ma fille Maeva qui a décidé de quitter notre monde le 13 janvier 2020. Sans avoir aucune connaissance des vraies raisons qui l’ont poussée à prendre une telle décision, j’ai décidé d’écrire à propos de son cheminement, de notre vie familiale, de ses trop courtes 13 années de vie. Je raconte tout mon ressenti pendant mon deuil en tant que mère, épouse, fille et femme. Un deuil qui, lui, n’aura certainement pas de fin. Je ne suis pas une écrivaine loin de là, dans mon métier très technique, j’écris très peu et très rarement à propos des sentiments. Je veux juste que les gens de tout âge prennent conscience et agissent contre le harcèlement dans tous les milieux mais surtout dans le milieu scolaire. Car la fragilité peut nous rendre tous très vulnérables à tel point qu’elle peut finir avec ce qui est le plus important « La Vie ».

Témoignage émouvant, commenté – à intervalles réguliers dans le livre – par Bruno Humbeeck dont le harcèlement scolaire et ses conséquences sont devenus un des thèmes pour lesquels il ressent une véritable urgence d’agir, à tous les niveaux et dans tous les milieux. Il en est devenu un des plus grands spécialistes.


À PROPOS DES AUTEURS

Maria Isabel VILLALOBOS est mariée et mère de 4 enfants. Originaire de Bolivie elle réside en région bruxelloise depuis plus de 20 ans. Elle exerce une carrière de cadre dans le secteur des télécommunications.

Bruno HUMBEECK est docteur en psychologie de l’Université de Rouen. Il est actif à la fois sur le terrain, en tant que travailleur psychosocial, et dans le domaine de la recherche, en tant que collaborateur scientifique. Cette double approche des questions de société contribue à rendre sa vision particulièrement convaincante. Il est aussi formateur et auteur de plusieurs publications dans le domaine de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psycho-sociale. Spécialiste de la résilience, il travaille à ce titre avec Boris Cyrulnik et Jean-Pierre Pourtois. Bruno Humbeeck est de plus en plus présent sur les TV et médias en France. Régulièrement interrogé sur France Inter par Ali Rebeihi. A participé à des événements organisés à l’auditorium du Louvre, en association avec les Beaux-Arts de Bruxelles également. Outre des émissions plus ponctuelles… Il est l’auteur de nombreux ouvrages publiés aux éditions Mols dont les derniers sont : De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir et Leçons d’humour. Rire pour Rebondir. L’humour comme instrument du vivre ensemble (et aussi, mais uniquement en version numérique : Pédagogies douces en période de confinement). Il a publié 2 titres chez Odile Jacob autour du thème de la « conjugalité », Mols se réservant les sujets relatifs à la « résilience ».

LangueFrançais
ÉditeurMols
Date de sortie3 août 2023
ISBN9782874022937
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    Aperçu du livre

    Maeva, une belle étoile filante - Maria Isabel Villalobos

    MAEVA, UNE BELLE ÉTOILE FILANTE

    Par Bruno Humbeeck

    Une étoile filante n’est pas un astre mort, même pas une planète en mouvement… C’est un phénomène lumineux. Un éclat de vie qui propage sa lumière et qui, circulant dans l’espace à la vitesse d’un éclair, a croisé, en chemin, la route du soleil pour se nourrir avidement de l’un de ses rayons…

    Ce n’est pas rien d’être la maman ou le papa d’une étoile filante. Ce n’est pas rien d’avoir mis au monde et conduit à la vie une étoile qui, en passant vite, beaucoup trop vite, a marqué d’un trait le ciel de ceux qui ont eu la chance de voir la traînée de poussière de soleil qu’elle y a laissée. On ne fait jamais le deuil d’une étoile filante, on ne cherche pas à le faire, d’ailleurs, parce que l’on devine que c’est ce deuil qui nous constituera et que le privilège d’avoir partagé la vie, courte mais intense, d’une étoile filante nous transforme à jamais.

    Une étoile filante ne disparaît pas. Elle devient juste invisible aux yeux de ceux qui ne peuvent plus la voir parce qu’ils ont la vue trop courte, la mémoire trop oublieuse ou le ciel trop encombré ou, plus souvent encore, parce qu’ils sont trop occupés à regarder leurs pieds pour se voir avancer ou trop soucieux de fixer l’horizon pour aller là où ils veulent se rendre. Ils oublient alors de lever les yeux et de voir ce trait lumineux qui illumine sans fin le ciel des mamans et des papas qui ont fait naître une étoile filante.

    Il y a maintenant plus de deux ans que Maeva, cette étoile filante, a disparu du ciel des malvoyants… Elle s’est « éteinte », disent alors, pudiquement et un peu lâchement, il faut bien le dire, tous ceux qui préfèrent détourner le regard parce qu’ils sont convaincus que ceux qui traversent leur vie, mais dont ils s’écartent brutalement pour se préserver des blessures, n’existent plus dès lors qu’on ne leur prête plus attention.

    C’est pour cela que lorsqu’une étoile filante disparaît, beaucoup préfèrent faire comme si elle s’était consumée, comme si elle n’existait plus ou, pire encore, comme si elle n’avait jamais brillé, comme si elle n’avait jamais existé. En diffusant son trait lumineux, l’étoile a en réalité zébré le ciel de ceux qui se sentent plus ou moins confusément liés à sa disparition. Ils préfèrent alors se donner l’illusion de vivre sous un ciel éternellement serein en faisant comme si rien ne l’avait jamais, un jour, déchiré…

    Et c’est comme cela que les parents d’une étoile filante se retrouvent à contempler la lumière toujours vivante qui traverse leur ciel pour l’illuminer, alors que tous ceux qui préfèrent oublier la prétendent éteinte. Tous ceux-là, ceux qui croient à la mort des étoiles, tous ceux-là, ce sont ceux qui transforment, jour après jour, la tendre indifférence du monde en une brutale irrévérence…

    Pour ma part, je préfère ne pas prêter trop d’attention à ces oublieux incapables de regarder le ciel parce qu’ils ont la vue trop basse, inaptes à s’interroger sur ce qui fait disparaître les étoiles parce qu’ils ne se préoccupent que de ce qu’ils sont, aveugles aux lumières fulgurantes parce qu’ils ont la pensée trop terne pour pouvoir les saisir. Je préfère prêter toute mon attention à ce qu’une maman et un papa voient quand ils regardent le ciel. Je les écoute alors me le décrire en y mettant au milieu une étoile filante, que je vois moi aussi parce que leurs mots, pour me raconter leur ciel, sont aussi vivants que leurs souvenirs…

    Et ce qu’il y a de merveilleux chez tous ces parents que je côtoie, c’est de les entendre se mobiliser pour que dans le ciel, parmi toutes les autres étoiles, plus aucune ne songe à filer après avoir absorbé la lumière du soleil… C’est cela, le véritable altruisme et c’est la leçon que je prends chez tous ces parents d’étoiles filantes quand je les entends se préoccuper de tout ce qui, en dehors d’eux et de leur vie, fait briller un ciel parce qu’ils savent maintenant, eux, que certaines étoiles sont filantes et qu’en disparaissant trop vite, elles laissent derrière elles, malgré tout, un terrible sentiment d’obscurité…

    Une psychologue m’a dit que chaque personne vit son deuil à sa manière. J’ai essayé de trouver ma façon d’arrêter de culpabiliser de ne pas avoir pu aider ma fille, qui pourtant ne demandait pas souvent de l’aide, car elle aimait se montrer forte et indépendante… Maeva était heureuse, en parfaite santé, toujours souriante, bonne élève, toujours entourée de copines et de copains, car elle faisait rigoler les gens. Elle mettait de l’ambiance partout avec sa joie de vivre, chez les scouts, à l’école, à l’académie de danse, à son club de gymnastique et surtout chez nous, à la maison. Elle était notre rayon de soleil. Elle était admirée pour sa beauté exotique due à sa double origine bolivienne et belge. Elle avait juste quelques petits tracas typiques des ados – c’est en tout cas ce que je croyais. Personne à la maison n’était au courant de sa détresse, de ses problèmes de cœur malgré son jeune âge. Personne ne savait qu’elle vivait des conflits avec certains camarades, qu’elle souffrait du rejet de son groupe d’amis et qu’elle était harcelée. L’amitié, pour Maeva, était très importante, comme pour la majorité des adolescents qui pensent que leur monde tourne en fonction des amis, leur famille se retrouvant parfois reléguée à la deuxième place.

    Décembre 2019

    Un voyage à Paris

    Le mois de décembre, chaque année, est une période difficile pour moi parce que d’un côté, je suis heureuse à l’idée de l’arrivée des festivités de Noël en famille et de la nouvelle année, mais de l’autre, je suis triste parce que je suis loin de mes parents, de mes sœurs, frères, nièces, neveux et amies en Bolivie, qui sont très importants pour moi. Cette année, j’ai planifié un mini city-trip en famille à Paris, ma ville préférée, entre Noël et le réveillon de Nouvel An. Pour la première fois, je suis passée par Airbnb et nous avons été agréablement surpris par le système, le prix raisonnable pour un joli petit appartement. Mes enfants sont évidemment contents de visiter cette belle ville, d’autant qu’à cette période, elle est encore plus belle et magique. Maeva est super heureuse à l’idée de faire du shopping et de visiter les boutiques des grandes marques qu’elle connaît déjà très bien. Elle veut découvrir les Champs-Élysées, les Galeries Lafayette et toutes les autres boutiques. Mais nous n’avons pas la possibilité de visiter ces endroits parce qu’en raison d’une grève des chauffeurs de transports en commun, nous devons nous déplacer en voiture et que le temps nous manque. Comme Maeva dit qu’elle adore Paris, je lui promets que nous ferons plus tard un voyage à trois, avec sa sœur, entre filles. Nous grimpons la fameuse Tour Eiffel et prenons des photos en famille. Un endroit que j’adore à Paris, c’est le Sacré-Cœur. Surtout la nuit: l’ambiance y est très sympathique, avec tous les touristes, la superbe vue sur la ville illuminée, et la basilique elle-même est magnifique. Nous voyons la cathédrale Notre-Dame de loin, en reconstruction après le terrible incendie de l’année précédente. Nous visitons le Louvre et le Château de Versailles. Comme d’habitude, je prends beaucoup de photos d’elle. J’adore tellement la voir poser pour moi si spontanément! Je suis sa plus grande admiratrice. Je rêve qu’elle devienne mannequin. Elle est si belle, si photogénique, avec son sourire charmeur et ses beaux yeux expressifs. Elle pourrait réussir tout ce qu’elle entreprend.

    La nouvelle année, nous la passons à la maison, en famille, à six, comme d’habitude. Nous, les filles, nous attendons les soldes avec impatience. Surtout Maeva, qui rêve de s’acheter de beaux vêtements.

    Vendredi 3 janvier 2020

    Shopping entre filles au Maasmechelen Village

    Maeva est très impatiente de voir arriver le lundi 6 janvier, le jour de la rentrée, pour revoir ses copines et ses copains qui lui ont tellement manqué pendant les trois longues semaines des vacances de Noël. Pour ce premier jour des soldes, nous allons pour la première fois au Maasmechelen Village, malgré la pluie diluvienne et les mauvaises conditions de circulation. Il y a un monde fou dans toutes les boutiques. Les produits sont trop mélangés, les tailles pas bien classées et les prix trop élevés. Il faut parfois faire la file pour entrer dans les boutiques, pour accéder aux vestiaires et aux caisses. L’expérience ne nous séduit pas beaucoup. Nous n’achetons qu’une blouse pour Maeva et un sweat-shirt pour l’un des garçons. Déçues, nous décidons d’aller à la rue Neuve le week-end suivant.

    Pendant les deux heures de route, mes deux filles sont occupées à chater, à jouer, à écouter de la musique avec leur téléphone portable, ce qui me dérange un peu car j’aurais préféré pouvoir discuter avec elles. Mais décoller les ados de leurs appareils est devenu mission impossible, aujourd’hui!

    Samedi 4 et dimanche 5 janvier

    Week-end à la mer

    Le samedi, nous allons rendre visite à une cousine, la marraine de mon fils, qui habite Dunkerque, et passons la nuit à la mer. allons avec les enfantsonsce qui me semble être Jest

    Le dimanche, nous allons souhaiter la bonne année à la grand-mère de mon mari, qui habite Templeuve, un petit village près de Tournai. Les enfants sont enthousiastes à l’idée de recevoir leurs étrennes, comme chaque année!

    Lundi 6 janvier

    C’est la rentrée

    Le jour tant attendu par mes enfants est arrivé. Ils ont hâte de retrouver leurs amis. En rentrant de l’école, Maeva me dit que c’était sa meilleure rentrée, alors que quelques mois plus tard, j’apprendrai que, ce jour-là, elle s’est disputée avec Clovis qui lui a dit ne plus vouloir qu’elle fasse partie de son groupe de potes. Ils se sont même insultés, selon ce qu’il me dira lui-même. J’apprendrai qu’on l’a aussi traitée de « mytho », car Nejma, une ancienne copine à qui elle faisait confiance, a raconté aux autres les projets que Maeva lui a confiés, et quelques-uns ne l’ont pas crue.

    Mardi 7 janvier

    Maeva reste à la maison

    Le mardi, elle reste à la maison, disant qu’elle a mal au ventre. Je demande à ma voisine de rester auprès d’elle. J’envoie aussi un texto à Nejma pour lui demander de contacter Maeva, car je sens malgré tout qu’elle ne va pas bien. À ce moment-là, j’ignore totalement qu’elles ne sont plus amies. Le soir, quand nous essayons de parler avec elle pour savoir ce qui se passe, elle ne veut rien nous raconter. Elle a passé la journée à ranger la maison et nous fait croire que tout va bien, que ce ne sont que de petites bêtises, des disputes avec des copines, rien d’important, et que nous ne comprendrions pas. Elle dit même à son papa, pour rigoler, qu’elle a perdu quelques abonnés sur son compte Instagram.

    Les autres jours de la semaine se passent bien, elle va à l’école sans problème. Elle a bien travaillé pendant les vacances, car elle ne veut pas subir un PIA (plan individuel d’apprentissage) ou une obligation de remédiation. Elle dit qu’elle est capable d’améliorer ses notes toute seule et je sais qu’elle a raison. Elle a très bien réussi sa première année de secondaire. Elle a eu 100 % dans trois matières à son premier bulletin. J’ai promis aux enfants que celui qui aura le meilleur bulletin recevra mon Iphone, et c’est Maeva qui l’a eu. Mais comme elle est très gentille, elle l’a échangé avec le téléphone de sa sœur, car le nouvel appareil est trop grand pour le mettre dans la poche arrière de ses pantalons.

    Elle est contente, car elle n’arrête pas de parler de l’anniversaire d’Olga, une amie depuis les primaires qui est dans la même école qu’elle, prévu pour vendredi soir. Mais l’anniversaire n’aura pas lieu. Elle est très déçue, car elle voudrait passer du temps avec son nouveau groupe d’amies. Je lui dis que nous allons passer un week-end sympa, qu’elle ne doit pas prendre trop à cœur les histoires de copines. Plus tard, je comprendrai pourquoi il était si important pour elle d’avoir un nouveau groupe de potes.

    Vendredi 10 janvier

    Mon contrôle médical annuel

    Le jour que j’attends chaque année avec anxiété est arrivé: celui de ma mammographie. Mais tout est parfait. Je remercie Dieu de m’offrir une année de plus pour voir grandir mes enfants et continuer à faire de mon mieux avec mon mari. Nous avons décidé de faire la fête en famille comme chaque vendredi, avec un divertissement ou un film à la télé.

    Samedi 11 et dimanche 12 janvier

    Soldes à Bruxelles et cinéma

    Le week-end, on va faire les soldes à Bruxelles, comme promis à Maeva. Elle se fait plaisir et achète de beaux vêtements Guess; sa sœur, des vêtements et des baskets Nike Air. Maeva veut absolument un beau sac pour y mettre son portefeuille Guess, avec une trousse pour ses crayons et ses stylos. Je veux leur faire plaisir, car elles ont attendu jusqu’à ce jour pour s’acheter leurs cadeaux de Noël et parce que je veux que mes filles soient heureuses. En général, je n’achète jamais de vêtements de marque ou de sacs si chers.

    Le dimanche après-midi, nous allons tous au cinéma, comme au bon vieux temps: Star Wars pour les garçons et La Reine des neiges II pour les filles. De retour à la maison, nous transférons ensemble tout le matériel scolaire de Maeva dans son nouveau sac dont elle est si contente. Je reprends les GSM des enfants vers 21 heures, excepté celui de Maeva, car je ne veux pas gâcher l’atmosphère du week-end. Grosse erreur: si elle n’avait pas reçu ou envoyé un texto, vu une story sur Instagram ou passé un appel avec une ultime dispute, peut-être qu’elle serait encore là. Quelque chose l’a fait craquer, perdre la tête et prendre la triste et irrémédiable décision qui n’a pas seulement mis fin à sa vie, mais aussi à une partie de la mienne, de celle de son père, de ses frères et sœur, de nos familles et de toutes les personnes qui l’aimaient.

    Lundi 13 janvier

    Son départ

    Quand on perd un mari, on devient veuve. Quand on perd un parent, on devient orphelin. Quand on perd un enfant, on est désenfanté. Rien que de prononcer ce mot me fait mal au cœur, car ce n’est pas naturel, ce n’est pas dans l’ordre des choses… Pourtant, cela arrive. La différence avec les autres pertes, c’est que celle d’un enfant est beaucoup plus douloureuse, plus encore quand il s’agit d’un suicide.

    Le matin du 13 janvier, je me lève une demi-heure plus tôt que d’habitude pour préparer des petits pains au four pour le petit-déjeuner favori de mes cinq amours, et en descendant les escaliers du premier étage pour aller vers la cuisine, je découvre le corps de ma fille pendu à la mezzanine… Mon premier réflexe est de prendre ses jambes déjà froides et dures entre mes bras et de crier son prénom de toutes mes forces, avec la douleur la plus intense que je ressentirai jamais, comme si on me plantait un couteau directement dans le cœur. Mon mari et mes trois autres enfants sortent de leurs chambres et, n’en croyant pas leurs yeux, commencent à pleurer et à crier. Ils appellent le 112 pour les secours. Je ne sais pas combien du temps cela prend pour arriver à défaire les nœuds pour la coucher et essayer de la sauver. Je n’ai plus la notion du temps. Je suis sidérée et sous le choc et chaque seconde qui passe me semble insoutenable. Mon mari suit toutes les indications qu’on lui donne par téléphone jusqu’à l’arrivée des secours et de la police. Mais c’est déjà beaucoup trop tard. Pendant que les policiers et les ambulanciers me regardent avec une immense pitié et que quelques-uns d’entre eux me posent des questions, je suis complètement perdue, sidérée, anéantie, comme une spectatrice regarderait de loin une scène de cauchemar, la pire des choses qui puisse arriver à une maman, à un papa, aux frères et sœurs. Tous essayent de faire quelque chose, comme si un miracle pouvait se produire. Petit à petit, je me rends compte que ce qui nous arrive est atrocement réel.

    Il n’y a pas de mots, disent les condoléances et oui, c’est vrai… il n’y a pas de mots pour nous consoler ni pour décrire la douleur qui déchire chaque jour mon cœur de mère. Il n’y a pas de mots pour décrire ma tristesse ni la douleur de voir mon mari souffrir et pleurer tous les jours depuis qu’elle est partie, lui pour qui les enfants sont sa seule priorité. C’est terrible de voir mes trois enfants pleins de tristesse essayer de reprendre le chemin de l’école et les jumeaux devoir retourner à l’école même où leur sœur souffrait en silence, ainsi qu’ils le savent aujourd’hui. J’ai mal pour mon plus jeune qui doit aller à l’école primaire où il a vu sa grande sœur Maevita jouer dans la cour de récré et à la garderie les matins et les après-midi, où elle aimait faire jouer les petits en attendant qu’on revienne du travail pour les chercher. Ils étaient presque toujours les premiers à arriver et les derniers à partir, mais ils s’amusaient, ils n’étaient pas seuls, ils étaient les quatre Barbé, toujours ensemble et soudés. Les surveillantes aimaient bien mes quatre petits.

    Ce 13 janvier, beaucoup de gens viennent nous voir et nous consoler. D’abord mon médecin traitant, mes voisins, ma belle-sœur, qui est aussi la marraine de Maeva, la marraine de mon fils et son mari, le frère de mon mari et sa femme, le meilleur ami de mon mari, le directeur de l’école de Maeva, le professeur titulaire de mon autre fille et ses quatre meilleures copines, ma meilleure amie mexicaine, Xenia, la meilleure amie de primaire de Maeva et sa maman, Olga et sa maman, et plusieurs mamans des amis de mes quatre enfants, la directrice de l’école de Dion. Tous sont sous le choc et, même si leurs paroles me sont incompréhensibles, leurs larmes me font comprendre à quel point tous sont tristes et touchés.

    Ma belle-mère et son compagnon sont à Tenerife et ils rentrent immédiatement en Belgique. Ma sœur et mes parents, qui habitent à Los Angeles, prennent le premier vol.

    Le même jour, mes frères et sœurs, ma famille en Bolivie et tous mes amis apprennent la triste nouvelle, et je reçois des messages sans discontinuer. Je ne pourrai lire tous ces textos que plus tard: je ne suis même pas capable de parler avec mes frères et ma grande sœur qui m’appellent. Mon médecin traitant me prescrit des médicaments, alors je finis par arriver à parler avec eux. Plus exactement, nous pleurons ensemble. Ils ne savent pas quoi dire, et moi encore moins.

    Mardi 14 janvier

    L’exposition du corps au funérarium: premier jour

    Mon mari, ma belle-mère et moi nous rendons au funérarium pour définir les procédures de l’enterrement. Je ne sais même pas comment arrivons à choisir le cercueil, la couleur, le matériel, décider qu’elle va être incinérée, choisir le crématorium, se procurer une urne, organiser la cérémonie à l’église, l’hommage après la messe, la crémation et finalement le dépôt de l’urne dans la tombe. Jamais je n’aurais imaginé devoir coordonner tout cela. J’imaginais un jour organiser la fête de ses 15 ans comme le veut la tradition dans mon pays, ou le sweet sixteen comme aux États-Unis, sa fête de fin d’études, son mariage, mais jamais organiser les funérailles de l’un de mes enfants, surtout pas à un si jeune âge, et encore moins dans de telles circonstances. Heureusement, mon voisin, ma belle-mère, ma belle-sœur et une cousine très proche s’occuperont de l’organisation de l’hommage, du contact avec le prêtre et mes copines du catéchisme du déroulement de la messe.

    Pour la carte de souvenir, nous choisissons une belle photo, celle qui est en couverture du livre, accompagnée d’un texte magnifique que le responsable du funérarium nous a proposé:

    « Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.

    Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné.

    Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait.

    N’employez pas un ton différent.

    Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

    Que mon nom soit prononcé à la maison, comme il l’a toujours été.

    Si vous me cherchez, vous me trouverez dans les étoiles. »

    Mercredi 15 janvier

    Deuxième jour

    Quand j’arrive au funérarium, je suis très touchée de voir toutes les surveillantes de l’école maternelle et primaire de ma fille. Même celles qui ne travaillent plus sont là pour la voir une dernière fois. Elles sont toutes en pleurs et n’en croient pas leurs yeux, alors qu’elles ont l’image de la fille rigolote et gentille qui s’amusait et amusait les autres depuis qu’elle était toute petite.

    Quelques collègues se sont déplacés aussi pour m’aider et me présenter leurs condoléances en personne. J’en suis très surprise et touchée. Il y a beaucoup de très beaux bouquets de fleurs, des couronnes, des cartes, et ma fille entre toutes ces fleurs a l’air de dormir. J’aimerais tant que ce ne soit qu’un mauvais rêve et qu’elle se réveille!

    Beaucoup de mamans viennent accompagnées de leurs enfants, copines et copains, amis de Maeva et de mes autres enfants. Je rencontre également les amis de son école secondaire. Je n’en connais que trois ou quatre. Je suis étonnée de les voir aussi nombreux. Je me rends compte à quel point elle était populaire et appréciée. Je vois toutes ces filles en pleurs, quelques garçons aussi, et d’autres qui semblent être touchés. Je dis « semblent », parce que, plus tard, j’apprendrai quel a été leur comportement envers ma fille, et même là, au funérarium, certains osent encore lui manquer de respect, me rapporteront quelques témoins.

    Parmi les mamans, il y a celle de Clovis, dont j’ignorais jusqu’à l’existence. Elle est vraiment émue et me dit: « Je suis désolée que leur histoire ait pris autant d’ampleur. » À ce moment, je ne comprends évidemment pas du tout de quoi elle parle.

    Jeudi 16 janvier

    Troisième jour

    Il m’est insupportable de savoir aujourd’hui qu’elle a souffert en silence de harcèlement pendant des mois, qu’elle a subi les insultes de la part de certains garçons de sa classe et surtout de la part

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