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Si loin du goulag
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Livre électronique151 pages2 heures

Si loin du goulag

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À propos de ce livre électronique

Elles sont trois, unies comme des sœurs. Heureusement pour elles car elles seront extraites du camp où elles sont nées et adoptées par un couple qui vit isolé dans la montagne. Leur vie changera alors du tout au tout. Les voilà entourées de soins et d’amour mais aussi de dangers parfois mortels. L’une d’entre elles nous emportera dans ce nouveau monde et nous racontera les détails de leur parcours, rempli de découvertes, d’émerveillements et d’étonnements. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Professeur de chinois à Montpellier et diplômé de l’Université de Paris VII, Thierry Daullé est un ancien élève de Langues O' et un passionné de littérature, de beaux-arts et de voyages.
LangueFrançais
Date de sortie10 juil. 2023
ISBN9791037792792
Si loin du goulag

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    Aperçu du livre

    Si loin du goulag - Thierry Daullé

    Première partie

    Chapitre 1

    Les « trois sœurs »

    Nous sommes trois. Notre destin nous a liées comme trois sœurs. Je suis obligée de bien préciser « comme trois sœurs » car, bien que nous soyons inséparables, bien que nous soyons exactement originaires du même endroit, rien ne prouve que nous puissions être nées de la même mère. Au moment où l’on nous voit paraître, au début de cette histoire, on repère tout de suite deux grandes adolescentes, presque des adultes, et une troisième, à peine un peu plus âgée, plus trapue, plus corpulente, et certainement un peu plus expérimentée. Nous sommes toutes les trois, aussi rousses que des feuilles de vigne, au cœur du mois d’octobre.

    Moi, je m’appelle Galina. Je suis une fille assez ordinaire, au premier abord, mais dans le fond, je suis quelqu’un d’hypersensible, à tous points de vue. Je dois vous dire que je ne connais pas le vrai prénom de mes sœurs, je devrais plutôt dire, pour être précise, de mes deux compagnes d’aventures. Notre nom, voyez-vous, c’est un sujet que nous n’avons jamais abordé ensemble. De toute façon, peu après notre toute première arrivée à la Grande Maison, en descendant de la voiture de Monsieur, c’est Madame qui nous a bientôt donné à chacune un surnom, une appellation qui avait été préparée par Monsieur, après qu’il nous eût suffisamment observées, du moins d’après ce que j’ai compris. Madame m’a donc appelée Biscotte, certainement du fait de mon physique, d’apparence un peu fragile. Comment lui faire comprendre que je suis tout de même assez solide, malgré les apparences, et que je me prénomme Galina ? Mais tant pis. Après tout, je n’attache pas une importance démesurée à la manière dont on s’adresse à moi. Et puis, Madame a une façon si douce et si affectueuse de m’appeler Biscotte, que je vais certainement m’y habituer très vite. Enfin, de toute manière, je n’ai pas le choix. Madame a surnommé Carotte celle qui est la plus âgée d’entre nous, et en définitive, je trouve que cela lui va très bien. Quand je la regarde avec attention, c’est vrai, je la trouve en effet plutôt raide, très charnue, assez crue, et même déjà un peu râpée. Quant à la plus belle, la plus jeune et la plus grande de nous trois, elle a reçu le sobriquet de Révolte. J’estime, pour ma part, que cela lui convient parfaitement. Elle est si brave, si courageuse, et elle est douée d’un tempérament tellement fort et tellement affirmé. C’est une fille qui ne craint jamais de montrer ce qu’elle pense et de le dire tout haut à Monsieur et Madame.

    Depuis toutes petites, nous avions compris que nous étions toutes les trois nées au Goulag. Et ce fut notre première vision de ce monde.

    C’est là, au Goulag, que nous avons vécu, enfermées depuis toujours, tout le temps de notre enfance et de notre adolescence, avec tant d’autres filles de notre âge. Nous étions regroupées dans de grandes salles grises et malodorantes, par dizaines, par centaines. Nous étions nourries d’une façon méthodique, vraiment monotone, toujours avec le même rituel, aux mêmes heures. Vous savez, ce nom de Goulag, je l’ai appris par hasard. En effet, c’est un jeune stagiaire, que les patrons du camp avaient embauché à la fin du printemps, qui avait dit à ses collègues d’une voix forte, un matin :

    — Bon, je vais aller donner leur premier repas de la journée à ces pauvres filles du Goulag.

    Et c’est resté. Mais entre nous trois, nous en reparlons rarement. Nous évoquons toujours ce mot Goulag avec crainte, lorsque nous nous rappelons notre enfance et notre adolescence, entre les murs gris, et dans l’ambiance toujours assez malodorante du camp. Et puis, encore maintenant, même si ce genre de pensée nous vient de plus en plus rarement à l’esprit, nous craignons par-dessus tout d’avoir à y retourner un jour.

    Quotidiennement, on voyait des gens arriver jusqu’au Goulag, en voiture. Toutes, nous avions bien compris ce qu’est une voiture. Même si nous ne les apercevions que de loin, lorsqu’elles arrivaient au camp et en repartaient. Une voiture, pour résumer c’est donc bruyant, cela brille, cela transporte des gens, et cela peut se déplacer très vite. Nous avions bien compris que c’était vraiment le seul moyen de pouvoir quitter le Goulag, un jour. Mais aucune des filles, même parmi les plus âgées et les plus expérimentées d’entre nous, n’était capable d’expliquer vers quelle destination repartaient ces voitures, avec leur chargement de filles. En effet, jamais plus on ne voyait revenir vers nous celles qui s’en étaient allées.

    Un beau jour d’été, Monsieur et Madame sont donc arrivés en voiture jusqu’au Goulag, et, une fois qu’ils nous ont eu adoptées, nous sommes reparties toutes les trois en voiture avec eux, assez excitées, mais plutôt terrorisées sur le moment, je dois le dire. Pendant notre long trajet dans la voiture de Monsieur, malgré le ton de voix tellement doux, et presque caressant de ce vieil homme et de sa femme, qui nous parlaient très gentiment, nous n’étions toujours pas complètement rassurées. J’ai même dit tout bas à Carotte que j’avais trop peur, et que j’avais envie de faire un gros besoin.

    — Pas ici, malheureuse ! Pas maintenant, m’a chuchoté Carotte en me lançant un œil noir. Retiens-toi !

    — C’est vrai, petite sœur, ce ne serait pas très correct, pas dans la voiture, a ajouté Révolte.

    — Vous avez peut-être raison, les filles, ai-je dit. Quand il le faut vraiment, je sais me tenir.

    Puis j’ai ajouté, après un moment de silence.

    — Les filles, je peux vous affirmer que, si je ferme les yeux et si je me concentre, je ne sens aucune véritable menace, pour notre avenir. Je pressens plutôt de vrais moments de bonheur à venir.

    — Tu pressens, tu pressens, a ricané Carotte, un peu ironique. Ah ! Toi, la voyante professionnelle… Eh bien, puisque tu en es à pressentir, peux-tu deviner dans combien de temps on va arriver ?

    Cependant, au cours du trajet depuis le Goulag vers notre destination inconnue, ce devait être à peu près à mi-chemin, si je me rappelle bien, Monsieur a arrêté sa voiture et le gros bruit qu’elle faisait s’est aussitôt interrompu. Alors, Monsieur et Madame ont ouvert les portes et ils sont sortis. Ils avaient disposé une espèce de petit carré bleu ciel devant leur visage, accroché avec des fils blancs aux oreilles, peut-être pour qu’on ne les reconnaisse pas. Ou alors, c’était à cause de leur récente visite au Goulag, je ne sais pas. C’était bizarre. Ils ont disparu vers un vaste bâtiment, comportant de grandes fenêtres, et éclairé par beaucoup de lumières. Ils nous avaient laissées seules dans la voiture. Nous étions assez effrayées. Dehors, d’autres hommes et d’autres femmes, sans jamais s’approcher de nous ni de la voiture, entraient aussi dans ce bâtiment, l’air préoccupé et pressé. Ils portaient tous un carré de tissu leur masquant le visage. Tous ces gens entraient avec des sacs vides et ressortaient bientôt avec leurs sacs pleins. La plupart d’entre eux poussaient d’étranges et hautes brouettes à quatre roues, faites de gros fil de fer brillant, des engins que je n’avais jamais vus de ma vie, même au Goulag. Heureusement, bientôt, un peu plus tard, Monsieur et Madame sont enfin revenus vers nous, et, tandis que la voiture repartait bruyamment, ils nous ont à nouveau parlé avec douceur :

    — N’ayez pas peur, les filles, disait la voix grave de Monsieur, nous arriverons chez nous, et chez vous, donc, dans une vingtaine de minutes. Ce sera en haut de la montagne, un endroit très beau et très tranquille, vous allez voir. J’ai tout préparé pour vous y accueillir.

    — Et nous venons d’acheter tout ce qu’il faut pour vous donner de bonnes choses à manger, a ajouté Madame, avec une voix exquise et mélodieuse.

    Je ne savais pas ce qu’il en était pour mes deux sœurs, car nous n’osions pas communiquer ni faire le moindre bruit, mais moi, à part la gentillesse étonnante de la voix, je ne comprenais rien de ce que me disaient ce Monsieur et cette Dame. Cependant, en réfléchissant, en me concentrant, et en essayant de prévoir ce qui allait bien pouvoir nous arriver, je commençais tout de même à prendre confiance. Et comme ni l’une ni l’autre de mes deux compagnes ne semblait clairement redouter quoi que ce fût, je décidais de faire comme elles et de m’apaiser. Et je n’étais donc plus qu’une fille, très curieuse, voyageant en voiture. Alors, j’ai mis résolument au repos mes dons extra-lucides.

    Les filles, c’est ainsi que nous parlions de nous, au Goulag.

    Et c’est aussi comme cela que Madame nous a chaleureusement accueillies à la Grande Maison, lorsque Monsieur nous a fait sortir de la voiture, une fois le portail franchi. Toute ma vie, je me souviendrai de la voix chaleureuse et enthousiaste, de la bonté et de l’autorité de cette femme :

    — Les filles ! a-t-elle dit d’une voix claire, dès que nous sommes descendues de la voiture de Monsieur, bonjour, à toutes les trois ! Bienvenue en haut de la montagne, bienvenue au Bosquet ! Venez ! Ici, vous savez, vous êtes aussi chez vous, maintenant.

    Pourtant, au début, Monsieur et Madame nous ont aussitôt enfermées. C’était pour des raisons de sécurité, nous disait sans cesse Madame, presque gênée, en refermant avec soin la porte du petit jardin privé qui nous était réservé. Cependant, pour nous, ce n’était plus du tout ressenti comme une véritable claustration. Non, c’était tellement différent du Goulag. Nous étions à l’air libre. Monsieur et Madame – surtout Madame – venaient nous voir, très souvent, pour nous parler et pour nous rassurer, certainement. Elle nous apportait régulièrement de bonnes choses à manger. Et puis, pour être honnête, je dois dire que cette période d’enfermement n’a pas duré très longtemps.

    Lorsque nous sommes arrivées en haut de la montagne, dans ce nouvel endroit appelé le Bosquet, nous avons tout de suite vu que Monsieur nous avait spécialement construit, juste en contrebas de ce qui devait être leur Grande Maison, dans un coin de notre jardin bien clos, un petit chalet de bois, aussi joli qu’une maison de poupée.

    — Ce petit logement est plutôt bien aménagé, a dit aussitôt Révolte de sa voix bien timbrée, après l’avoir examiné avec curiosité.

    — Oui, et c’est confortable, ai-je timidement ajouté. Je ne sais pas pourquoi, mais, avant d’arriver ici, j’étais presque certaine que ce serait exactement comme ça. Un gros pressentiment positif !

    — Tu es un peu fatigante avec tes visions, Biscotte, tu sais. Regarde, regarde partout.

    — Allez, profite, tout ça a même l’air cossu, a renchéri sans sourire Carotte, l’aînée de nous trois, de sa voix de fausset.

    On dirait toujours qu’elle bougonne, cette Carotte. Dès les premières minutes de notre présence à la Grand Maison, elle nous a rassemblées derrière le chalet. Elle nous a dit, la face sombre et l’œil noir :

    — Vous avez entendu, les filles ? Madame m’a appelée Carotte. Moi, cela ne me plaît pas trop.

    — Pourquoi ? a demandé Révolte, étonnée. Cela te va très bien. Non, Biscotte ?

    — C’est parce c’est un

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