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Le Syndrome du Funambule: Essai sur le Midi de l’Être
Le Syndrome du Funambule: Essai sur le Midi de l’Être
Le Syndrome du Funambule: Essai sur le Midi de l’Être
Livre électronique252 pages2 heures

Le Syndrome du Funambule: Essai sur le Midi de l’Être

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À propos de ce livre électronique

« Qu’est-ce que ça fait, si on accepte tout ? » Camus, alors âgé de vingt-deux ans, pose cette question dans son premier recueil de nouvelles, « L’Envers et l’Endroit », publié en 1937. Si vous en comprenez pleinement le sens, alors il est inutile d’ouvrir cet essai sur le Midi de l’Être, vous êtes arrivé. À l’opposé, si le simple questionnement fait naître en vous l’étonnement qui mène à la philosophie, alors vous êtes atteint du syndrome du funambule. Il est temps de se mettre en route.
Un fil, deux pieds, un esprit qui s’agite et qui agit : voilà tout ce qu’il vous faut pour entreprendre ce parcours. Le voyage commence dans les ténèbres du vide originel. Nietzsche allume les premiers feux de l’aurore pour nous conduire peu à peu vers son grand Midi. Camus prend le relais, depuis Midi le juste où règne la lumière verticale de sa pensée, jusqu’au crépuscule des cerfs-volants. Et bientôt la nuit se referme pour préparer, peut-être, le chemin d’un nouveau matin.
LangueFrançais
Date de sortie22 mars 2023
ISBN9782312131917
Le Syndrome du Funambule: Essai sur le Midi de l’Être

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    Aperçu du livre

    Le Syndrome du Funambule - Patrick Moulin

    cover.jpg

    Le Syndrome du Funambule

    Patrick Moulin

    Le Syndrome du Funambule

    Essai sur le Midi de l’Être

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    De Spinoza à Sartre – Philosophie – Fiches de lecture, tome 2, Saint Ouen, Éditions du Net, 2022.

    Éloge du point d’interrogation – Tous philosophes ?, Saint Ouen, Éditions du Net, 2022.

    De Socrate à Descartes – Philosophie – Fiches de lecture, tome 1, Saint Ouen, Éditions du Net, 2022.

    Fidel Castro est-il Socrate ? – « ¿Es Castro Socrates ? », Paris, L’Harmattan, Coll. « Ouverture philosophique », 2020.

    © Les Éditions du Net, 2023

    ISBN : 978-2-312-13191-7

    À ma fibrillation auriculaire.

    À Friedrich, pour son parapet au long du torrent.

    À Albert, pour son invincible été.

    À Nathalie, pour sa mise en image des vanités de cet essai.

    Avant-propos

    C’est véritablement utile puisque c’est joli{1}.

    Cet ouvrage est absolument inutile, c’est-à-dire qu’il n’a aucune utilité dans l’absolu. Son unique utilité est relative au funambule qui progresse en chacun de nous. Le Syndrome du Funambule est une réflexion très générale sur l’existence de l’être humain.

    Il ne s’agit pas ici d’établir une quelconque démonstration géométrique ni même philosophique, mais plutôt d’effectuer une déambulation dans un monde teinté d’impressionnisme. Le tout présuppose un temps d’infusion après lecture.

    Dans cet ouvrage, vous trouverez toutes les questions à vos réponses. Toutes les questions ? Non, il serait bien trop présomptueux de prétendre avoir fait le tour d’une vie humaine en aussi peu de pages. L’intention est pourtant de substituer à ces réponses toutes faites, et souvent hâtives, le questionnement permanent qui est l’âme de la philosophie. Étonnons-nous !

    Cet essai sur le Midi de l’Être parle de nous, les êtres humains : de ce qui nous précède, de ce qui constitue notre parcours de funambule terrestre, et de ce qui le suit. Le Livre I envisage ce qui est avant la vie. Le Livre II va de l’aurore de la vie au grand Midi. Le Livre III part de Midi le juste jusqu’au crépuscule de l’existence. Le Livre IV convoque ce qui serait après la mort.

    Il s’organise ainsi en quatre livres, dont les fondements reposent sur deux piliers intérieurs, deux géants de la pensée humaine et de la philosophie.

    Nietzsche, le philosophe au marteau, nous guide vers les hauteurs des cimes où Zarathoustra contemple la montée du grand Midi. Camus, le « philosophe pour classes terminales », comme l’avaient surnommé les intellectuels de tous bords, nous accompagne, avec sa pensée de Midi, dans la déclinaison, non sans nous avoir auparavant inondés de sa lumière de vérité.

    D’autres penseurs majuscules nous rejoignent sur le chemin. Les Antiques sont déjà plus que connus : parmi eux, Héraclite, Socrate, Platon, Épicure, Épictète. Les modernes ne manquent pas à l’appel : entre autres, Henri Bergson et sa durée pure, Gabriel Marcel et son Homo viator, Hannah Arendt et sa Vita activa.

    Chaque livre est divisé en quatre parties, reprenant le canon classique de la philosophie : physique, métaphysique, logique et éthique. Les audacieuses et audacieux pourront ainsi tenter l’ascension par la face horizontale, en lisant d’affilée tous les chapitres de la Physique, puis tous ceux de la Métaphysique, etc. Les Livres II et III sont augmentés d’un préambule présentant les éléments majeurs de la pensée de Nietzsche et de Camus, en lien avec le « fil » rouge de l’ouvrage.

    Afin d’offrir une expérience, sans doute inédite, d’irréalité augmentée, une invitation musicale est proposée à la lectrice et au lecteur au début de chaque livre. De la sorte, le texte pourra s’enrichir d’un paysage mélodique susceptible d’amplifier l’émotion de la découverte du parcours funambulesque.

    Livre I : Ante meridiem

    Invitation musicale : Bach, Suite n° 3 en ré majeur, BWV 1068, Air sur la corde de sol{2}.

    PHYSIQUE FILAIRE : AU PIED DU FIL

    Néantisation du néant

    Quel était votre visage avant la naissance de vos parents{3} ?

    Au commencement, avant le fil, était le néant… Non, ceci est faux. Le néant n’a le droit de cité que dans notre esprit, il n’est qu’une « idée dans ma tête » comme l’écrit Sartre. Autrement dit, il ne se loge que dans nos pensées, et nulle part ailleurs dans l’Univers. Le philosophe existentialiste considère le néant comme une idée issue de notre imagination, « flottant dans l’immensité{4} ». Si l’homme est « l’être par qui le néant vient au monde{5} », alors naître au monde signifie juste que l’homme va pouvoir user, par la seule pensée, de la néantisation pour se mettre à distance de sa propre conscience.

    Pour mieux déchiffrer pratiquement le langage ésotérique sartrien, il suffit de faire l’expérience commune de l’envahissement de l’esprit par une mélodie entêtante. « Le petit bonhomme en mousse », la « Macarena » ou encore « Libérée, Délivrée », sont des exemples de « vers d’oreille », ces airs qui vous obsèdent au point d’anéantir toute autre pensée consciente. James Kellaris, professeur à l’université de Cincinnati, décrit ces effets comme analogues à ceux de l’histamine : ils démangent notre cerveau{6}, ça gratte. Bien que nos pensées soient alors effectivement quasiment réduites au néant, ce dernier n’existe que par sa cause, en l’occurrence le ver d’oreille qui, lui, n’a rien d’un néant. De la même façon, si nous considérons ce qui est avant notre venue au monde, nous n’y trouverons pas le néant, puisque nous n’existons pas encore pour le faire venir au monde. Ainsi, Sartre rejoint Patrick Sébastien et la Reine des Neiges au Panthéon vermifère. Il est inutile par ailleurs de me remercier pour les suggestions de vers d’oreille ci-dessus, puisqu’elles ne peuvent provenir que de votre seule imagination{7}. L’homme, sous la direction de Sartre le maïeuticien ontologique, accouche du néant, et pourtant le néant ne surgit pas ex nihilo.

    Autre contempteur du néant en tant que réalité tangible : Bergson, le philosophe de la durée pure. Pour comprendre de quoi nous voulons parler en ne disant rien, il nous propose l’expérience de pensée suivante : éprouver le néant, au moyen de notre imagination. D’abord, désactiver nos perceptions : fermer les yeux, boucher nos oreilles, se poser ainsi à l’écart des stimulations du monde extérieur pour pénétrer « dans le silence et dans la nuit ». Ensuite, se mettre à distance de nos propres pensées, du passé et des souvenirs qui le composent : être uniquement dans le présent. Maintenant, et ici, tout éteindre, « en finir avec cette conscience elle-même ». Tout est aboli : voici enfin le néant.

    Mais non ! à l’instant même où ma conscience s’éteint, une autre conscience s’allume – ou plutôt elle s’était allumée déjà […]. Je ne me vois anéanti que si, par un acte positif, encore qu’involontaire ou inconscient, je me suis déjà ressuscité moi-même{8}.

    Prétendre pouvoir abolir le Tout relève de la pure illusion : le néant absolu n’est qu’une idée qui s’autodétruit aussitôt qu’elle croit avoir été pensée. Comme toujours avec Bergson, il faut revenir au temps et à la durée qui s’écoule sans fin. Si, à un instant donné et à force d’intense concentration, le néant absolu nous semble exister, il n’est cependant que la substitution d’une chose par une autre. Le néant existe alors de façon éphémère, dans la limite étymologique du verbe « exister » : le latin ex, en dehors de, et sistere, se placer. Il se place en dehors de nous, ou plutôt nous met hors de nos pensées. Mais, comme il surgit toujours de quelque chose, comme ici de notre effort pour nous le représenter comme la parfaite abolition du Tout, le néant n’existe jamais en soi, c’est-à-dire par lui-même. Il nous faut d’abord penser au Tout, avant de pouvoir nous représenter celui-ci comme aboli, autrement dit comme pleinement absent. Le néant est toujours relatif au Tout, quand bien même serait-il perçu comme un néant absolu le temps d’un instant.

    Pourtant, la création du monde à partir de rien, que ce soit par le labeur d’une divine semaine, ou lors d’un astronomique Big Bang, est une tendance forte des croyances humaines. Mais, en nous replaçant dans la durée pure, et donc dans la réalité, nous constatons que le néant ne peut se manifester qu’après coup, dans un second temps : il n’est jamais présent a priori. Bergson résume cette conception en énonçant que la négation est « une affirmation du second degré{9} » : nous devons d’abord penser le Tout, affirmation au premier degré, pour pouvoir ensuite nous représenter le néant comme équivalent à un Tout qui est aboli, affirmation au second degré.

    Retenons de cette courte promenade sartro-bergsonienne que le néant n’est qu’une idée transitoire, passagère, dont la principale caractéristique est de ne pouvoir se manifester que dans un temps qui s’écoule. Ainsi, notre visage, avant notre naissance, n’a rien du néant. S’il n’existe pas encore, il demeure toutefois possible, c’est-à-dire hors d’un néant absolu où rien ne peut être ni même naître. Le simple usage d’un adjectif possessif, signifiant une physionomie qui serait nôtre, apporte l’évidence de sa potentialité dans le temps. Conservons également précieusement ce concept de durée pure, inspiré d’Héraclite et de sa baignade fluviale irrépétible{10}, puisqu’il va fonder notre réflexion, tout au long de cet ouvrage. En conséquence de tout cela, laissons couler et reprenons au début, comme si de rien – ou de néant – n’était.

    Le vide

    Au commencement, avant que le fil ne le surplombe, était le vide, celui de Lucrèce et de Lao Tseu. Au Ier siècle avant notre ère, le fan absolu d’Épicure qu’est Lucrèce décrit la théorie atomiste de son idole. L’Univers est constitué uniquement d’atomes et de vide. Ce dernier n’a rien en commun avec le néant, notamment parce qu’il existe bel et bien : il est même nécessaire à l’agencement et à la vie de ce monde.

    Le vide est un lieu intangible et vacant. Et s’il n’existait pas, les choses n’auraient pas moyen de se mouvoir ; car, manifestement, résister, faire obstacle est l’office des corps, et tous à tout moment l’accompliraient si bien qu’il n’y aurait jamais rien qui puisse avancer, puisque rien ne prendrait les devants de céder{11}.

    Les atomes sont immortels quand ils se présentent sous leur forme simple. Ils deviennent des corps mortels lorsqu’ils se regroupent entre eux, comme le font les célèbres atomes crochus. Le vide existe de toute éternité. Il occupe une place particulière puisqu’il permet aux atomes de vivre leur vie d’éléments premiers, autrement dit de se déplacer sans cesse, en se composant, se décomposant et se recomposant. De ce fait, notre visage, avant la naissance de nos parents, est en puissance dans ces atomes perpétuellement mobiles, grâce au vide dans lequel ils baignent, comme sont en puissance nos futurs géniteurs. Nous retrouvons ici la notion de possibilité d’être, dans un monde d’atomes et de vide, mais où le néant n’a ni sens, ni essence ni existence. Pour que notre auguste face puisse se concrétiser, il est d’abord nécessaire que les corps de nos parents se composent, puis qu’ils s’unissent pour nous faire bonne (ou mauvaise) figure, nous faisant alors passer de la puissance à l’acte.

    Rappelons que le mouvement de la puissance à l’acte est un concept fondamental de la doctrine d’Aristote. La matière, constituée ici par les atomes et par le vide, est puissance ; elle peut réaliser une forme, un corps composé, le faisant alors devenir en acte, c’est-à-dire lui conférant l’existence. Comme à l’accoutumée, l’étymologie nous éclaire : passer de la puissance à l’acte, c’est exister, autrement dit se placer hors de cet état informe de la matière. Le marbre contient en puissance le David de Michel-Ange, mais la statue n’est en acte que lorsque le sculpteur l’achève. Ainsi, avant la naissance de nos parents, notre visage, pas plus que nous, n’est en forme, non en raison d’une santé défaillante, mais parce que la matière qui va peut-être le composer ne nous contient encore qu’à l’état de potentialité.

    Au VIe siècle avant notre ère, soit plus de 200 ans avant Épicure et 400 ans avant Lucrèce, un penseur oriental énonce l’utilité du vide. Comme précédemment, ce qui ne ressemble à rien n’est toujours pas le néant : c’est un « non-quelque chose{12} ». Lao Tseu suit la même logique que celle de Lewis Caroll, lorsque ce dernier rapporte cette conversation entre Alice et le Grand Coco : pour n’importe quel être, une année se compose d’un jour anniversaire et de 364 non-anniversaires{13}. Cette présentation du calendrier présente un double intérêt : le jour de l’anniversaire est aisément identifiable par rapport aux autres jours de l’année ; et il y a 364 jours où l’on peut, potentiellement, recevoir des cadeaux de non-anniversaire. Un non-quelque chose n’a donc rien d’un néant, bien au contraire. Comme dans la bipartition épicurienne du monde, il y a, d’un côté, le déterminé : les atomes, les choses, le jour anniversaire, l’Être ; de l’autre côté, l’indéterminé : le vide, les non-anniversaires, le Non-être. Les uns n’existent pas sans les autres : le vide n’existe pas sans les atomes, alors que le néant devrait exister seulement en soi, à l’exclusion de tout autre élément. Loin d’être des opposés absolus, c’est ici l’unité des contraires qui donne son sens au Tout.

    Trente rayons autour d’un moyeu : le vide central fait l’utilité du chariot. / On moule l’argile en forme de vase : le vide du vase en fait l’utilité. Une maison est percée de portes et de fenêtres : ces vides font l’utilité de la maison. / Ainsi tirons-nous avantage de quelque chose : le rien en fait l’utilité{14}.

    C’est l’indéterminé, le non-quelque chose ou non-être, qui, associé à l’être, lui permet de remplir sa fonction, autrement dit de réaliser son essence. L’avènement de notre visage, et par extension celui de notre personne déterminée comme singulière, ne peut se produire que parce que ce vide existe pour l’accueillir en tant que non déterminé par avance. Pour paraphraser mon maître Saint-Exupéry, si nous ne pouvons pas prévoir notre visage à venir avant la naissance de nos parents, c’est-à-dire le visualiser par anticipation, c’est la présence effective du vide qui va permettre sa possibilité d’être au monde{15}.

    Au commencement, avant le fil et avant tout funambule en puissance, était donc bien le vide, qui permit à notre visage d’être, à l’instar des pages blanches qui ont offert la possibilité à cet ouvrage de se poursuivre. À partir de ce moment, le fil est prêt à se tisser au-dessus du vide ; le pied du funambule sera bientôt formé pour commencer à l’emprunter. Considérant cette perspective, future et proche à la fois, il nous faut, à présent et au présent, questionner le temps du voyage.

    MÉTAPHYSIQUE DU FUNAMBULE : POINT D’INTERROGATION

    Chrono-métrage

    Nous sommes dans le temps : cela signifie qu’avant les jours de notre vie, il y avait des jours (pour d’autres vies), et qu’après il y en aura encore. Le temps nous est compté{16}.

    Ouvrons d’abord une parenthèse à visée promotionnelle, mais pas seulement. Dans un précédent ouvrage{17}, j’ai voulu vanter tous les bienfaits d’un signe particulier de ponctuation : le point d’interrogation. Celui-ci nous octroie la capacité de devenir des philosophes en puissance, par son simple usage. Il s’agit moins de trouver des réponses certaines, que de maintenir vivace un questionnement salvateur autour des nombreux préjugés qui nous enserrent, telle une

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