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Mon cœur dans la montagne: Une romance historique poignante au cœur des Alpes suisses
Mon cœur dans la montagne: Une romance historique poignante au cœur des Alpes suisses
Mon cœur dans la montagne: Une romance historique poignante au cœur des Alpes suisses
Livre électronique330 pages4 heures

Mon cœur dans la montagne: Une romance historique poignante au cœur des Alpes suisses

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À propos de ce livre électronique

Dans les alpages suisses du XIXe siècle, une histoire d'amour adultère s'apprête à naître entre un peintre et une jeune fille...

Dans les hauts de Finhaut, en Valais, les éléments ont créé un cœur qui s’est creusé naturellement dans la roche. En 1863, Mathilde passe l’été à l’alpage, à proximité de ce cœur naturel, en compagnie de son mari et d’un mystérieux peintre anglais venu découvrir la beauté sauvage de la région. Entre la jeune femme mutique et Edward Milton, qui fuit les convenances que son rang veut lui imposer, un lien fort se développe. En ce lieu magique, une histoire d’amour interdite naît, qui mène à la passion chez les uns et à la folie, voire au crime, chez les autres.

En 2015, Virginie réalise à Salvan une exposition sur les œuvres de Milton, avec l’aide de l’héritier de ce dernier, Andrew. En plus de tableaux inédits représentant une mystérieuse jeune femme, elle découvre un journal intime, qui n’est autre que celui de Mathilde. Ce document l’emmène, et le lecteur avec elle, dans les tourments d’une femme prise dans les carcans de la société valaisanne du XIXe siècle, la rudesse de la vie paysanne de l’époque, ainsi que les soubresauts d’une période historique aux prises avec d’importants changements politiques et religieux.

Une plongée incroyable et romanesque dans la vie paysanne en Valais, faite d'âpreté et de combats.

EXTRAIT

Automne 2015

Il l’entendait encore geindre faiblement, par intermittence. La plainte misérable arrivait jusqu’à lui des tréfonds de ce gouffre obscur, puis le silence recouvrait tout à nouveau, angoissant. L’instant suivant, un aboiement malheureux, pitoyable, écla- tait à nouveau, suivi d’une longue lamentation qui déchirait cette trompeuse sérénité. L’animal semblait avoir recouvré un peu d’énergie depuis qu’il avait entendu son maître l’encourager de la voix.
– Allez mon gars, tiens bon, j’arrive ! Pauvre vieux, je vais te sortir de là, tu vas voir... t’inquiète pas...
il avait assuré sa corde à un arbre tout proche et s’était engagé dans la faille, vaguement dégagée de la broussaille qui la recouvrait partiellement, pour y glisser son corps sans trop d’encombre. Un coup de chance que le petit terrier ait gémi au moment où il passait à proximité ! il n’aurait jamais pu imaginer cette crevasse cachée sous un lit dense de buissons. Quelle saleté ! Dieu seul savait combien d’animaux s’étaient pris au piège.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Secrets familiaux, mensonges, injustices, meurtres, amour interdit, tous les ingrédients sont ici réunis pour offrir au lecteur un moment de lecture inoubliable. -Blog Silence je lis

[…] l’intrigue joue du romantisme et du suspense avec une égale maestria, jonglant avec les époques et les styles, les émotions et l’Histoire de Finhaut. L’alchimie fonctionne à merveille, servie par une écriture remarquablement travaillée mais chaleureuse et évocatrice ! -Marie-Claire Suisse

Une fiction qui a cette force rare de tenir en haleine le lecteur ! - La Gazette de Martigny

À PROPOS DE L'AUTEUR

Manuela Gay-Crosier est une auteure valaisanne passionnée par l’histoire. Son domaine de prédilection est la romance historique. Elle tente de garder une base historique pour créer des fictions.

Elle vit dans un petit hameau isolé où elle reçoit des hôtes tout au long de l’année. Ce cadre idyllique est propice à la création littéraire et picturale. L’écriture et la peinture sont donc de vieux rêves qu’elle concrétise désormais. Manuela Gay-Crosier a participé à quelques expositions de peinture et a publié divers romans dont Au-delà des frontières, Welàntë et La pierre d’Hélène, tous parus aux éditions Baudelaire.
LangueFrançais
ÉditeurPlaisir de Lire
Date de sortie2 janv. 2018
ISBN9782940486939
Mon cœur dans la montagne: Une romance historique poignante au cœur des Alpes suisses

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    Aperçu du livre

    Mon cœur dans la montagne - Manuela Gay-Crosier

    CHAPITRE I

    Automne 2015

    Il l’entendait encore geindre faiblement, par intermittence. La plainte misérable arrivait jusqu’à lui des tréfonds de ce gouffre obscur, puis le silence recouvrait tout à nouveau, angoissant. L’instant suivant, un aboiement malheureux, pitoyable, éclatait à nouveau, suivi d’une longue lamentation qui déchirait cette trompeuse sérénité. L’animal semblait avoir recouvré un peu d’énergie depuis qu’il avait entendu son maître l’encourager de la voix.

    – Allez mon gars, tiens bon, j’arrive ! Pauvre vieux, je vais te sortir de là, tu vas voir… T’inquiète pas…

    Il avait assuré sa corde à un arbre tout proche et s’était engagé dans la faille, vaguement dégagée de la broussaille qui la recouvrait partiellement, pour y glisser son corps sans trop d’encombre. Un coup de chance que le petit terrier ait gémi au moment où il passait à proximité ! Il n’aurait jamais pu imaginer cette crevasse cachée sous un lit dense de buissons. Quelle saleté ! Dieu seul savait combien d’animaux s’étaient pris au piège. Une végétation quasi inextricable cachait traîtreusement la brèche qui s’étendait sur quelques mètres. Des petites plaintes aiguës rythmèrent sa laborieuse descente. C’était un vrai miracle de le retrouver vivant après quelques jours de recherches infructueuses ! Il s’était mis en route une dernière fois sans trop d’espoir mais il avait bien fait ! Le hasard, la chance l’avaient guidé jusqu’au bon endroit, au bon moment, puisque les plaintes de l’animal avaient éveillé son attention alors qu’il s’en retournait penaud.

    Hasard ? Chance ? Comme sa femme aurait jubilé en ce moment ! « Tu vois, je t’avais bien dit qu’on pouvait lui faire confiance ! » aurait-elle asséné d’un ton fort, empli de contentement, où percerait un accent de triomphe. Elle avait tellement insisté pour que son amie (celle-là même qui l’agaçait, lui, prodigieusement avec ses histoires abracadabrantes d’énergie cosmique, un ramassis d’inepties et autres fadaises de doux illuminés brouteurs d’herbettes et de graines germées) ratisse au peigne fin la carte de la région au moyen de son pendule ridicule. Il en avait ricané intérieurement, l’observant à la dérobée avec un petit air de dédain. Après tout, si ça pouvait faire plaisir à sa femme et assurer la paix du ménage, soyons magnanime ! Cette même amie avait été catégorique. Le chien se trouvait dans ce périmètre et il était vivant ! En désespoir de cause, et pour faire taire ces satanées bonnes femmes qui paraissaient si sûres de leur fait, il avait repris une ultime fois ses recherches dans la région indiquée. Et bingo ! Il devait bien se rendre à l’évidence que c’était un sacré coup de veine ! Sa fierté en prenait un coup. Ah, il allait en entendre ce soir ! Ses oreilles sonnaient déjà désagréablement. Au moins le chien était vivant… C’était bien le principal.

    Un battement de queue frénétique l’accueillit tandis qu’une odeur pestilentielle lui agressait violemment les narines. Cela le conforta dans l’idée que ce lieu avait dû servir de sépulture à bon nombre de bêtes malchanceuses. L’idée lui vint qu’il allait falloir certainement signaler l’endroit. On ne savait jamais, un accident était vite arrivé. La preuve ! C’était même étonnant qu’aucun chasseur avant lui ne l’ait fait. Depuis des décennies, la montagne était très fréquentée. Il aurait pu y tomber lui-même. L’espace était étroit avec un sol plus ou moins inégal qui permettait de s’y mouvoir tout de même de manière aisée. Le terrier couleur fauve, au poil hirsute, gisait juste à ses pieds, au milieu de la caillasse et des ossements d’animaux divers. Il gardait la tête tournée en direction de son sauveur. Il tenta de se lever à l’arrivée de son maître mais un gémissement misérable fit comprendre à l’homme que la pauvre bête était blessée. Il s’agissait sans aucun doute d’une patte cassée ou sérieusement démise.

    Le peu de lumière qui leur parvenait, grâce à la trouée pratiquée dans la végétation qui les surplombait maintenant, lui permit de constater que la blessure ne semblait pas trop grave. Il s’empressa de caresser l’animal qui lui faisait fête malgré son extrême faiblesse. Il le flatta longuement de la voix et de la main. Il se sentit absurde d’être aussi ému mais c’était un fait qu’il s’était attaché à cette petite boule de poils, compagnon fidèle de ses pérégrinations sylvestres, et était heureux de pouvoir mettre un terme positif à cet épisode.

    – Allez, on va pas trop traîner ici mon pauv’vieux, hein ? Ça pue la mort dans ce trou !

    Ça n’est qu’au moment où il s’apprêtait à remonter grâce à sa corde, le chien solidement harnaché autour de sa poitrine au moyen d’une large bande de tissu, qu’il le vit. Il poussa involontairement un cri de surprise plutôt que de réelle frayeur.

    Il demeura un instant interdit, incrédule devant cette vision déroutante. Il prit une profonde inspiration, ferma un instant les yeux pour s’éclaircir les idées, puis dut finalement se rendre à l’évidence. Tenant toujours contre lui son animal calmé par la chaleur de son corps et les battements rythmés de son cœur, il s’approcha pour s’assurer que ses yeux ne lui jouaient pas de vilains tours. Non, malheureusement c’était bien ce qu’il avait cru entrevoir quelques secondes plus tôt. Le squelette désarticulé gisait au milieu de quelques lambeaux de ce qui avait dû être son vêtement, de la toile grossière déchiquetée, certainement par des rongeurs ou des carnassiers. Rien ne laissait deviner s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Il ne restait plus qu’un tas d’ossements, en partie éparpillés. Le chasseur sentit sa nuque se glacer devant ce spectacle pour le moins incongru. Qui pouvait bien être ce pauvre bougre ? Que diable faisait-il dans ce trou ? Et depuis combien de temps ce corps humain gisait-il ici ? Une seule chose était sûre : pour lui en tout cas, plus d’urgence. Sa priorité était de ramener son chien qui commençait à s’agiter contre sa poitrine, le reste n’était plus de son ressort.

    CHAPITRE II

    Même époque, quelques jours plus tard

    Il était en retard. Elle soupira d’agacement en refermant d’un geste brusque le journal qu’elle avait parcouru de long en large sans vraiment le lire.

    Ils s’étaient fixé rendez-vous à 14 h et il était déjà presque 14 h 30. Virginie consulta sa montre pour la énième fois. Elle aimait les gens ponctuels et cet inconnu qui devait la rejoindre commençait déjà à l’horripiler. Elle détestait perdre son temps et encore plus en faire perdre aux autres. D’ailleurs, fidèle à son habitude, elle était arrivée largement en avance. Elle avait ingurgité son deuxième café (elle hésitait à en commander un troisième tout en étant pratiquement sûre de le regretter plus tard dans la journée) et sa quatrième cigarette finissait de se consumer sur le bord du cendrier. Elle fumait toujours trop quand elle était énervée. Malgré un agacement grandissant, elle tenta de se persuader que ça n’était pas si grave finalement. Après tout, elle était aussi bien ici, à se dorer au soleil sur une terrasse, plutôt qu’enfermée dans son minuscule bureau étouffant. La journée était belle, exceptionnellement douce pour la saison. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vécu un mois d’octobre aussi clément. L’automne étalait sa lumière chaude, ses couleurs mordorées et sa douceur incroyable avec indécence, tel un exhibitionniste en goguette, sans faire mine de vouloir y mettre un terme.

    La jeune femme avait pris place sur la terrasse du café de l’Union et savourait ces brefs instants de béatitude solitaire. Elle semblait en effet être la seule à pouvoir ou vouloir profiter du soleil à cette heure-là. Le village somnolait dans la douce lumière de l’automne. Peu de badauds déambulaient dans la rue qui menait à la petite gare pour continuer ensuite jusqu’aux hameaux surplombant toute la vallée. Les vacances terminées, les enfants avaient tous repris, avec plus ou moins d’enthousiasme, le chemin de l’école. Quelques rares véhicules circulaient par moments. Peu d’immatriculations étrangères désormais, plutôt des gens de la région. Il faudrait attendre la promesse des premiers flocons lors des prochaines vacances d’hiver pour assister à nouveau au cortège incessant des touristes.

    Elle venait de parcourir la presse locale qui annonçait en gros titre racoleur la découverte d’un corps à l’état de squelette au cœur de la forêt surplombant le village. Elle frissonna. Et dire que ce corps gisait là-haut, tout près de là, depuis Dieu sait combien de temps sans que personne ne le sache. Combien de drames se déroulaient en ce moment même, dans l’indifférence ou l’inconscience générale ? songea-t-elle. Elle avait pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de cet article concernant un fait divers plutôt hors du commun et était plongée depuis un bon moment dans ses réflexions quand on lui adressa soudain la parole.

    Elle leva les yeux vers la personne qui s’était immobilisée tout près d’elle et qui la fixait en souriant d’un air interrogateur, main tendue. Il s’agissait d’un homme élancé, d’allure sportive, décontracté, brun, dans la trentaine, portant des vêtements de marque et des lunettes de soleil qu’il avait ôtées élégamment au moment de la saluer et qui avaient dû coûter une petite fortune, selon l’estimation avisée de Virginie. Un coup d’œil lui avait suffi pour se forger une idée générale du playboy qui se tenait face à elle. De toute évidence il soignait son apparence dans les moindres détails et travaillait son effet auprès de ses interlocuteurs. C’était tout à fait le genre d’homme à faire la une d’un magazine people. Il arborait une coupe de cheveux à la façon des sportifs du moment, courte sur les côtés et savamment longue sur le dessus. La jeune femme le jaugea rapidement, tout en se gardant bien d’en tirer des conclusions hâtives. La vie s’était chargée d’apprendre à Virginie à se méfier des apparences. Bien qu’extrêmement séduisant, le jeune homme paraissait trop sûr de ses charmes. Sa première impression à elle était souvent la bonne mais depuis quelque temps elle n’osait plus trop s’y fier.

    – Vous devez être Virginie ! Monsieur Lachat avec qui j’ai eu plusieurs contacts téléphoniques assez récemment, m’a dit que j’aurais rendez-vous avec sa collaboratrice. Veuillez m’excuser pour ce retard. Vraiment, je suis confus. Ça n’est pas dans mes habitudes mais mon associé m’a appelé à la dernière minute concernant des démarches administratives et toutes sortes de petites affaires urgentes et ennuyeuses, qu’il valait mieux régler sans tarder, de la paperasserie à remplir, et je n’ai pas vu le temps passer. Business is business. Vous devez savoir ce que c’est, avait-il ajouté en dévoilant des dents parfaitement alignées, d’une blancheur immaculée.

    Elle avait acquiescé d’un sourire, sans prononcer une parole. En réalité, le monde des affaires lui était totalement étranger. D’ailleurs, elle était une parfaite novice dans la façon de procéder pour mettre en place un projet d’envergure, comme cette exposition qu’elle s’apprêtait à mettre sur pied. L’idée seule lui donnait déjà le vertige et des sueurs froides. Mais il ne fallait pas que cet homme aguerri s’en rende compte et s’imagine être confronté à une débutante ignare affublée d’un total manque de professionnalisme. Sa poignée de main ferme et fraîche plut instantanément à la jeune femme.

    Alors qu’elle n’avait pris ce poste que tout récemment, un diplôme d’une prestigieuse école de tourisme en poche, son patron l’avait désignée responsable de cet ambitieux projet. La suite logique des opérations lui imposait de se transformer en guide particulier du jeune homme fringant assis en ce moment même en face d’elle. En effet, elle se trouvait être la seule de leur énergique petite équipe à maîtriser parfaitement l’anglais. Son stage d’une année en Angleterre était encore tout frais et bien présent dans son esprit. Une autre raison évidente avait été le fait d’être plus ou moins l’instigatrice de cette idée de rétrospective de l’œuvre d’un peintre qu’elle appréciait tout particulièrement depuis sa plus tendre enfance.

    L’artiste, internationalement reconnu, avait séjourné dans cette région alpine quelque 150 ans plus tôt. Cet épisode de sa vie n’était pas forcément connu du grand public. Dans le cadre de la promotion touristique, l’idée de mettre sur pied une exposition avait été largement approuvée par le comité de la Commission culturelle, malgré les coûts importants que cela engendrait. On supputait des retombées économiques bien plus importantes encore. Cette manifestation, relayée par des médias internationaux, coïnciderait avec le centenaire de la mort du peintre et se trouvait de ce fait être une occasion unique, dans un cadre touristique, de focaliser l’attention du public et de faire découvrir la région à une large échelle. D’autre part, les responsables contactés à Londres s’étaient montrés immédiatement enthousiasmés par cette offre.

    C’est ainsi que Virginie, fraîche émoulue de son illustre école, s’était retrouvée à mener à bien et à terme (de manière pleinement satisfaisante elle l’espérait de tout cœur, mettant tous ses espoirs dans cette aventure pour prouver sa valeur) un projet qui lui avait déjà valu quelques nuits blanches.

    – Je suis ravie de faire votre connaissance, Monsieur… ?

    – Andrew, appelez-moi simplement Andrew, si vous le voulez bien. Vous me permettez de vous appeler par votre prénom également ?

    Elle s’était sentie rougir légèrement (ce qui l’avait prodigieusement agacée) avant d’acquiescer et de poursuivre :

    – J’espère que vous avez fait bon voyage et que votre première nuit ici s’est passée dans les meilleures conditions ! Nous avons jugé intéressant de vous loger au même endroit que le peintre lui-même lors de son séjour ici.

    Elle émit un petit rire cristallin :

    – Avec un peu d’amélioration tout de même !

    – Merveilleux ! L’endroit est magique ! Je ne m’attendais pas à mieux, ni pour le logement, ni pour le décor et l’environnement qui se trouvent être simplement grandioses. Je comprends mieux pourquoi mon ancêtre paraissait tellement apprécier la région.

    Virginie tomba des nues. Elle ne s’était pas imaginé se retrouver confrontée à un descendant de l’illustre peintre.

    – Vous faites partie de la famille du grand Edward Milton ?

    Je suis impressionnée et intimidée !

    Andrew éclata de rire et ses yeux pétillèrent de malice, ce qui ajouta encore à son charme indéniable.

    – Il n’y a pas de quoi, je vous assure ! Je n’ai rien fait pour mériter vos éloges. Il existe un dicton : on choisit ses amis mais pas sa famille, non ? Mais, en toute franchise, je dois bien avouer que je suis très fier de pouvoir perpétuer la mémoire de cet artiste merveilleux à travers le monde. Il possédait un talent immense. C’était un peintre déjà très estimé de son vivant. C’est d’autant plus vrai de nos jours d’ailleurs. Nous recevons régulièrement des propositions d’expositions à travers le monde entier. Il est particulièrement apprécié au Japon où plusieurs rétrospectives ont déjà vu le jour.

    Virginie ne put qu’approuver les dires de son interlocuteur. Sans transition, Andrew désigna le gros titre du journal posé sur la table, à côté du verre qu’on venait de lui servir et tenta de le déchiffrer à voix haute avec un accent abominable qui fit sourire Virginie :

    « Découverte macabre sur les hauts de Salvan »

    Il grimaça comme pour s’excuser de sa prononciation approximative et questionna :

    – Ça parle de votre village, si je ne m’abuse ? Je vois son nom écrit ici… N’est-ce pas ? En revanche, je n’arrive pas à traduire ce mot « macabre » en anglais. De quoi s’agit-il ?

    – Effectivement c’est une sordide histoire qui s’est passée près d’ici. En réalité, il s’agit d’un fait divers plutôt hors du commun, du moins pour la région, répondit Virginie en souriant à nouveau, mais de manière plus réservée.

    Elle ne fit pas mention, volontairement, de la terrible tragédie qui restait vivace dans toutes les mémoires locales. Un drame qui avait défrayé la chronique une vingtaine d’années plus tôt et avait plongé dans l’horreur et la stupéfaction toute une population, tout un pays¹.

    Elle reprit :

    – Un chasseur vient de découvrir un squelette humain dans une cavité au milieu de la forêt qui surplombe notre village. La police scientifique se charge de déterminer depuis combien de temps la victime se trouve au fond de ce trou. On ne sait pas encore s’il s’agit d’un homme ou d’une femme et surtout comment il ou elle a bien pu se retrouver là. Ensuite, au fur et à mesure des éléments découverts, j’imagine qu’il y aura une enquête ciblée pour déterminer s’il y a eu des cas de disparitions non résolues à l’époque du drame. En revanche, si les faits remontent à trop longtemps, il semble évident qu’on ne connaîtra jamais l’identité de la victime. C’est un résumé de ce que raconte l’article de presse.

    Andrew avait paru surpris et Virginie avait cru bon de préciser que la découverte d’un cadavre n’était pas une affaire très courante pour la région et pour un petit village comme le sien. Ce genre d’affaire allait alimenter les cancans et demeurer au centre des conversations de bistrot durant plusieurs semaines. Elle concevait aisément que des grandes cités comme Londres étaient beaucoup plus propices à toutes sortes d’exactions terribles devenues peu à peu monnaie courante et de ce fait frôlant la banalité. La découverte d’un cadavre n’est jamais banal, même chez nous, avait-il rétorqué, mais il pouvait bien concevoir la stupéfaction qu’engendrait une telle nouvelle dans ce petit village paisible en apparence, avait-il encore souligné d’un air entendu.

    Après avoir terminé leurs consommations, ils allèrent visiter les locaux où se déroulerait l’événement. La salle d’exposition était vaste et lumineuse, donnant plein sud. Andrew parut ravi, les infrastructures semblaient parfaites pour recevoir les œuvres de son célèbre parent dans des conditions optimales, et surtout dans un cadre aussi idyllique. Virginie lui confirma que tout avait été prévu pour sécuriser et assurer les tableaux. Ils auraient encore pas mal de paperasserie à rédiger et signer. Il leur restait quelques semaines avant la mise en place de l’exposition. Entretemps, Andrew allait pouvoir mettre à profit son court séjour de deux ou trois jours ici pour peaufiner avec Virginie les détails de toute l’organisation sur place. La charmante jeune personne dont il venait de faire la connaissance serait une agréable alternative à ses soucis personnels, un bol d’air vivifiant avant de rentrer chez lui et de retrouver le quotidien stressant et harassant d’une mégalopole telle que Londres.

    Après s’être quittés devant l’hôtel en fin d’après-midi, ils s’étaient donné rendez-vous le soir-même, dans un restaurant de la plaine. Virginie avait été prise de court par la proposition de l’Anglais. Son patron lui avait parlé d’accompagner le jeune homme en journée et de lui faire vaguement visiter la région, pas d’agrémenter ses soirées.

    Elle n’avait pas voulu paraître impolie. Elle était restée muette sur le moment et avait juste ouvert la bouche pour marmonner le premier nom de restaurant qui lui venait à l’esprit, tout en pestant intérieurement. Il était indéniablement sympathique et charmant et rien ne s’opposait à l’idée d’échanger un repas avec lui. En principe. Elle aurait dû tout de suite lui rétorquer qu’elle n’était pas libre. Ce qui était d’ailleurs vrai. Il allait falloir avertir Mélissa qu’elle ne viendrait pas ce soir la rejoindre au pub, comme toutes les semaines, histoire de boire un verre vite fait avant de rentrer se coucher et de se rouler en boule dans son lit, bien à l’abri, en compagnie de Capsule, son chat. Elle envoya immédiatement un texto à Mélissa, prétextant se sentir un peu patraque. Pourquoi ne lui disait-elle pas tout simplement la vérité ? Elle n’avait pas envie de se lancer dans des explications avec sa meilleure amie qui lui aurait posé quantité de questions. Non, elle n’en avait pas le courage. Tout comme elle n’avait pas le courage de rejoindre le jeune homme au restaurant non plus d’ailleurs. Elle pesta contre elle-même et sa faiblesse. Elle se sentait tellement mal par moments. Elle se considérait comme une inadaptée à la vie, aux gens, aux règles de la société. Pourtant elle avait fait beaucoup d’efforts ces derniers temps et des progrès aussi, il fallait le souligner. Son travail l’obligeait à côtoyer quantité de gens et elle s’en trouvait généralement heureuse. Mais voilà, c’était son travail. C’était une tout autre histoire dans la vie privée.

    La salle bourdonnait de conversations feutrées qui se mêlaient subtilement aux notes de musique. Ce doux ronron, associé à la chaleur agréable de l’intérieur, rendirent instantanément Virginie légèrement euphorique. Ou bien était-ce dû, au moment de passer la porte du restaurant, à la vue du jeune homme attablé à quelques pas d’elle, qui lui adressait un sourire charmant ? Elle avait mis un soin tout particulier à sa tenue. Une fébrilité intense l’avait envahie, s’était emparée de son corps et de son esprit durant les deux heures qui l’avaient séparée de leur rendez-vous improvisé. Elle réalisait pleinement qu’elle se comportait comme une adolescente attardée. Elle avait une conscience aiguë de son irrationalité par moments, passant de la joie à l’angoisse en quelques secondes. Crainte, appréhension, ça n’était plus la Virginie d’autrefois qui la fixait dans le miroir ce soir-là. Elle s’était observée, sans indulgence ni concession. Elle avait terriblement maigri. Mais plus grave encore, la nouvelle Virginie était pétrie de peurs irraisonnées. Elle avait la nette impression d’être en proie à une phobie sociale totalement étrangère à sa personne d’autrefois. C’était plus fort qu’elle. Elle avait d’ailleurs abordé à plusieurs reprises le sujet avec sa psy lors de leur entrevue hebdomadaire. Était-elle folle d’accorder autant d’importance à un simple rendez-vous de travail ? Elle ne se reconnaissait pas dans cette attitude, devenue une habitude en elle depuis son histoire avec Cédric. Elle était devenue une vraie poule mouillée. Sa mère, protectrice à l’excès, l’aurait encouragée à être prudente, lui aurait dit de prendre garde, la trouvant encore trop fragile, trop vulnérable, tout le contraire de ce que tentait de lui inculquer sa psy… À qui faire confiance désormais ? L’étranger ravivait en elle, à lui tout seul, toutes ses peurs… Ça n’était qu’un repas après tout, quelle histoire pour un simple rendez-vous ! Elle se faisait une montagne d’une broutille.

    D’une démarche mal assurée, elle pénétra dans la salle à l’atmosphère feutrée. Pourvu que ses mains ne soient pas moites au moment de le saluer ! Elle détestait cette sensation de ne pas être maîtresse de son corps. Le problème ne se posa pas puisqu’il se leva prestement tandis qu’elle s’approchait de la table et s’avança vers elle, tout sourire, pour lui déposer un baiser sur la joue comme à une vieille connaissance. Virginie, prise de court, rougit instantanément et ragea intérieurement contre cette réaction épidermique si rapidement déclenchée chez elle. Décidément cela faisait trop longtemps qu’elle vivait recluse, un rien la déstabilisait. La rougeur s’accentua encore lorsqu’il lui fit compliment de sa tenue, au moment où elle s’installait en face de lui. Pour justifier son trouble, elle fit une remarque anodine sur la chaleur presque suffocante des lieux contrastant avec la fraîcheur extérieure. À sa grande désolation, son ton un peu trop contraint trahissait son mal-être.

    Une gêne palpable s’était insidieusement immiscée entre eux. Le changement de décor peut-être, le cadre plus flou, à cheval entre le monde rassurant du travail qui imposait ses propres limites raisonnables et ce lieu de tous les possibles, de toutes les libertés, mettait Virginie mal à l’aise et la rendait nerveuse. Qu’avait-elle fait ? Elle n’aurait jamais dû accepter cette invitation en dehors des heures de travail ! Elle avait juste l’envie de prendre ses jambes à son cou. Elle s’était volontairement imposé des règles monastiques, repoussant systématiquement les invitations de son entourage, refusant toute

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