Chute fatale
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À propos de ce livre électronique
Déterminée à prouver l'innocence de sa meilleure amie suspectée du meurtre de son mari, la journaliste Emmy Langlois décide de mener sa propre enquête. Au fil de ses démarches, elle développe un lien particulier avec un des deux enquêteurs, mais leurs découvertes ébranlent ses convictions. Sa vie serait-elle aussi menacée?
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Aperçu du livre
Chute fatale - Marie-Michelle Gagné
fatale
Chapitre 1
Sutton, vendredi 25 août 2017
Dans la région de Sutton, sur un sentier à flanc de montagne, un homme dans la mi-trentaine, grand et athlétique, tire un chariot. Le chemin d’un demi-kilomètre monte jusqu’à un belvédère où il doit laisser son chargement. La chaleur rend sa tâche difficile. Steeve Roy a hâte d’en avoir terminé. Il pourra ensuite retourner au chalet de son employeur rejoindre les autres invités.
Pour le 45e anniversaire de l’entreprise, le patron a convié son personnel à une grande fête. Ils ont pu se promener librement dans les magnifiques jardins de la propriété, des boissons fraîches et canapés leur ont été offerts à volonté. Un somptueux souper leur a été servi. De plus, une surprise les attend à la fin de la journée. Ce qu’il transporte en fait partie. Sur le chemin, des lanternes chinoises installées en hauteur créent un décor féérique et nimbent de leur douce lumière les montagnes environnantes.
Tout en admirant le panorama, Steeve réfléchit aux derniers événements de sa vie. Il a toujours eu de la facilité à atteindre ses objectifs. Pourtant, il y a cinq ans, il a presque tout perdu. Son goût pour le jeu et ses infidélités ont failli briser son couple, lui enlevant l’envie de se surpasser au travail.
Sa conjointe avait décidé de ne plus accepter son attitude irresponsable et l’avait quitté. Placé devant le fait accompli, il s’est relevé les manches pour reprendre les rênes de son destin, la reconquérir et s’investir dans sa carrière.
Trois mois auparavant, son deuxième enfant naissait et malgré le manque de sommeil, il n’échangerait sa vie pour rien au monde. Ses efforts au travail ont également porté fruit, la semaine dernière, son patron lui offrait de devenir associé.
Il reporte son attention à l’instant présent, consulte l’heure sur son cellulaire. Il ne sera pas de retour à temps pour voir son beau-frère qui a insisté pour le rencontrer un court instant durant la soirée. Il l’appelle et lui laisse un message pour reporter leur rendez-vous, avant de reprendre sa marche. Dix minutes plus tard, il arrive enfin au belvédère. Après avoir déposé ce qu’il transportait, il remarque que plusieurs lanternes sont décrochées. Il décide de monter sur la balustrade pour les remettre en place.
Heureusement, je n’ai pas le vertige ! pense-t-il.
* * *
Éric Dubois avait vingt-neuf ans lors du décès de son père survenu dix ans plus tôt, à la suite d’un tragique accident de bateau auquel il a lui-même survécu. Depuis, il dirige l’entreprise familiale située à Longueuil où se trouve aussi sa résidence principale.
Il souhaite de tout son cœur être à la hauteur du travail accompli depuis la fondation de Planchers Dubois. Toute petite à ses débuts, la compagnie est aujourd’hui bien connue du public québécois pour avoir conquis une grande part du marché en Amérique du Nord, mais également pour ses liens avec le milieu artistique. La mère d’Éric était une actrice très populaire. Son mariage avec le propriétaire de l’entreprise avait fait la manchette. Avant même de savoir marcher, son frère et lui étaient déjà célèbres.
Pour le moment, son attention se porte sur le déroulement de la soirée. Il a invité ses employés et leur conjoint à son chalet de Sutton. Le repas a été concocté en tenant compte de toutes les allergies et intolérances possibles. Des options végétariennes et végétaliennes ont été prévues. Le vin a été choisi avec un soin maniaque et des boissons sans alcool ont été préparées. Les convives peuvent se promener à leur guise dans la propriété et les jardins aménagés, tout en profitant du panorama. Des hors-d’œuvre et du champagne sont servis à volonté. Tout se déroule à merveille. Dans moins de quinze minutes, il va adresser quelques mots de remerciement aux membres de son personnel.
Il a aussi demandé à une amie d’effectuer un reportage sur la soirée. Il a l’impression que l’événement doit être publicisé pour compter parce que, depuis son plus jeune âge, il est habitué à évoluer sous le regard des projecteurs.
Deux ans plus tôt, sa femme avait péri dans un accident de voiture. Les médias avaient décrit de long en large le drame dans lequel elle avait perdu la vie. Ses beaux yeux bruns et ses fossettes en ont amené plusieurs à vouloir le consoler, mais il ne se sentait pas disposé à leur ouvrir les bras.
Depuis le décès de son épouse, il investit tout son temps à la gestion de l’entreprise. Aujourd’hui, il est fier de sa réussite. Il tient à ce que l’éclat de cette soirée témoigne de la place qu’occupe Planchers Dubois dans la société québécoise.
À l’approche de ses quarante ans, son plus grand regret est de ne pas avoir eu d’enfants. Il se souvient du nombre de fois où sa femme et lui avaient surveillé l’indicateur de grossesse et s’étaient désespérés du résultat. Il ressent maintenant un ardent désir de fonder une famille. Les années passent rapidement et il n’a personne dans sa vie, pour l’instant.
* * *
Une mezzanine surplombe le salon du chalet. Appuyée à la balustrade, la journaliste Emmy Langlois, une jolie et pétillante brunette aux yeux émeraude observe les invités. Ceux-ci s’amusent et circulent librement à l’intérieur et à l’extérieur de la propriété. Par l’immense porte-fenêtre, elle en aperçoit d’autres qui flânent et admirent les jardins aménagés et les montagnes environnantes. Deux jeunes engagés pour l’occasion se promènent pour ravitailler tout le monde en caviar, saumon fumé et autres mets raffinés. Le vin est servi sur demande et même avant.
Elle se réjouit de découvrir ce magnifique chalet. Celui-ci a été le cadre de plusieurs réceptions à l’époque où il appartenait encore aux parents d’Éric. Depuis quinze ans, l’Hebdo du Sud de Longueuil pour lequel elle travaille accorde une place de choix dans ses pages aux faits et gestes de la famille Dubois et au succès de l’entreprise. Sans doute parce que leur résidence principale et le siège social se situent dans le secteur desservi par son journal.
Emmy apprécie l’homme d’affaires. Il collabore toujours bien quand elle l’interviewe. Elle enregistre ses observations sur son magnétophone tout en admirant le luxe qui l’entoure. La mezzanine est vaste. Une bibliothèque remplie de livres longe le mur, quelques fauteuils convient les invités à lire ou simplement à relaxer.
* * *
Gabriel Prévost exulte. La soirée est la plus spectaculaire à laquelle, il a eu l’occasion d’assister depuis son embauche comme représentant. Il cherche du regard Alexandre Dubois, le frère d’Éric. Il sait que ce dernier est un homosexuel confirmé. Lui-même refuse d’admettre publiquement son orientation. Aujourd’hui, même si la majorité des gens sont ouverts, il a peur de perdre des clients. De taille moyenne et svelte, il est soucieux de son apparence. Il prend soin de choisir des couleurs qui font ressortir le bleu ciel de ses yeux et s’assure de toujours être parfaitement coiffé.
Emmy Langlois l’accompagne à presque toutes les réceptions données par son employeur. Elle en profite pour faire d’une pierre deux coups : jouir de la soirée et écrire un article pour son rédacteur en chef. Sans aller jusqu’à la présenter comme sa conjointe, il utilise le terme d’amie. Habituellement, cet arrangement lui convient. Toutefois, aujourd’hui, il le regrette. Gabriel ignore si Alexandre Dubois a un compagnon, mais depuis que ses yeux se sont posés sur lui, il a envie de prendre le risque de sortir du placard.
* * *
L’heure avance et Jennifer Duhaime s’impatiente. Son conjoint Steeve n’est toujours pas de retour. Elle l’attend pour entrer au salon avec les autres invités. À 22 h, Éric adressera un mot à tout le monde. Elle confie son inquiétude à Emmy venue la rejoindre à l’extérieur. Elles se connaissent depuis l’enfance. Leurs parents habitaient dans le même édifice. Elles ont onze ans de différence et la journaliste a été sa première gardienne. Les deux femmes ont continué à se voir et leur relation a évolué au fil du temps pour se transformer en amitié. Aujourd’hui, elle la considère un peu comme une sœur.
Jennifer était une jolie fillette potelée dotée d’une magnifique chevelure blonde et bouclée, d’immenses yeux bleu azur et d’un joyeux caractère. Adulte, sa silhouette s’est affinée, elle aurait pu facilement devenir mannequin. Toutefois, la jeune femme ne semble avoir aucune conscience de sa beauté.
Pour l’heure, elle fronce les sourcils. Avant leur mariage et la naissance des enfants, Steeve l’avait trompée. Aujourd’hui, elle ne doute plus de sa fidélité, sauf quand il tarde. Elle a alors tendance à s’imaginer les pires scénarios.
— Qu’est-ce qu’il fait ?
— Ne t’en fais pas, il va sûrement revenir bientôt. Je l’ai vu partir avec un chariot quand j’étais là-haut, dit Emmy en pointant la mezzanine.
Éric s’approche d’elles et s’informe auprès de Jennifer pour savoir si Steeve est de retour. Il veut l’attendre avant d’adresser un mot à ses convives. Ensuite, il les invitera à se rendre au belvédère où il leur a préparé une surprise. Celle-ci lui répond avec une pointe d’agacement dans la voix :
— Emmy dit qu’elle l’a vu tirer un chariot. Je me demande bien ce qu’il manigance !
— Moi, je le sais. Je lui ai demandé d’apporter quelque chose là-haut, mais je pensais qu’il serait revenu à cette heure-ci. Bon, j’imagine qu’il n’en a plus pour très longtemps, je vais adresser un mot à mon personnel et après j’inviterai tout le monde à me suivre. S’il n’est toujours pas arrivé, nous allons sûrement le croiser en chemin, dit-il avant d’entrer dans le salon par l’immense porte-fenêtre.
Jennifer hausse les épaules et prend une gorgée de vin avant d’emboîter le pas à Éric. Emmy les accompagne et se prépare à enregistrer les paroles de l’homme d’affaires. Celui-ci se dirige vers la chaîne stéréo, baisse le son et s’éclaircit la voix :
— Je vous remercie d’être tous ici pour célébrer avec moi. Vous participez au succès de cette entreprise qui me tient tant à cœur. Je ne vais pas tous vous nommer, mais je vous assure que j’apprécie votre présence. J’offre une mention toute spéciale à Élisabeth, ma précieuse secrétaire. Je veux aussi souligner le travail de Jim qui a fondé la compagnie avec mon père. Et finalement, bravo à Gabriel, Patricia et Steeve, nos super représentants grâce auxquels les affaires prospèrent un peu partout à travers l’Amérique du Nord.
— Steeve n’est pas là, l’interrompt Jérémy, le chef comptable qui vient d’entrer dans le salon par la porte-fenêtre. Il tient sa femme par une main et époussette son veston de l’autre.
— Merci Jérémy ! En passant, je veux aussi souligner ton travail. Je sais que Steeve n’est pas encore revenu, mais nous allons sûrement le croiser tout à l’heure. Enfin, vous avez tous contribué au succès de Planchers Dubois. Et tant qu’à être dans les remerciements, il y a une personne à qui je dois beaucoup : ma mère Alice. Elle est juste là en compagnie de mon frère Alexandre, dit-il en désignant la galerie.
Tous tournent la tête dans la direction indiquée par Éric. Alice Dubois, âgée de quatre-vingt-quinze ans, est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Assise dans un fauteuil roulant, l’ancienne actrice affiche un sourire angélique, mais ses magnifiques yeux gris regardent par-dessus les convives et contemplent les montagnes. Alexandre, renfrogné, se tient debout derrière elle. Il tourne la chaise pour la dérober à la curiosité des invités. Éric hausse les épaules, reprend la parole.
— Enfin, merci d’être tous là avec vos conjoints. Quarante-cinq ans, c’est quelque chose, aussi je vous ai préparé une petite surprise. Suivez-moi tous.
* * *
Emmy sort avec les autres et admire la douce lumière multicolore diffusée par les lanternes chinoises. Elle rejoint son amie Jennifer qui marche aux côtés d’Éric. Celle-ci semble particulièrement énervée.
— Où est-il passé ?!
— Bah ! Il nous attend sûrement au belvédère, lui répond Emmy.
Jennifer hausse les épaules. Patricia Gauthier, une collègue de Steeve, vient se placer à côté d’elle. C’est une rousse démonstrative, exubérante, à l’élégance un peu tapageuse, mais extrêmement sympathique.
— Tu vas bien, Jennifer ?
— Très bien, merci ! lui répond celle-ci en s’efforçant de sourire.
— Ne t’en fais pas mon chou, Steeve doit t’attendre en haut.
Jennifer ne peut s’empêcher de cacher sa surprise. Comment cette femme peut-elle savoir à quoi elle pense ? Comme si cette dernière avait lu dans son esprit, elle s’explique :
— Je t’ai entendue parler tout à l’heure avec mon boss Éric. Tu ne devrais pas t’inquiéter pour ton mari, ma belle. Je le connais bien et il m’a dit que tu es la meilleure chose qui lui soit arrivée dans sa vie.
— C’est gentil à vous de me dire ça, mais il m’agace quand il me fait attendre.
— Je te comprends. Moi, un homme qui me fait ça, ce n’est pas long avant qu’il apprenne que ce n’est pas dans son intérêt de me niaiser.
Jennifer lui sourit sans répondre. Elle est gênée de sa familiarité. Heureusement, la représentante se tait pour admirer les alentours. Emmy, de son côté, observe le paysage en prenant mentalement des notes pour son article. Les trois femmes cheminent maintenant côte à côte sans rien dire.
* * *
Élisabeth Lemay, la secrétaire d’Éric, dépasse Jennifer, Emmy et Patricia au pas de course. Elle a peu d’occasions de s’amuser et, le vin aidant, elle se laisse aller. À l’âge de 62 ans, elle a beaucoup d’énergie, adore courir. C’est à elle qu’Éric a confié la tâche de choisir les artificiers pour la surprise. Juste avant d’arriver au belvédère, elle remarque un pan de la balustrade brisé et des lanternes arrachées. Elle s’approche pour regarder ce dont il s’agit. Elle aperçoit un corps en bas et reconnaît son jeune collègue Steeve. Son cri se perd dans le bruit des feux qui éclatent un peu avant l’heure.
Le ciel s’illumine, les invités accélèrent et rient, heureux de la surprise préparée par leur hôte. Tout près de leur destination, ils rencontrent Élisabeth. Affolée, elle les arrête dans leur course pour les informer de la situation. Au pied de la pente abrupte, ils aperçoivent eux aussi le corps de Steeve.
Arrivée juste avant son amie, Emmy reconnaît la victime, saisit Jennifer par un bras. Paniquée, la jeune femme part à la course pour se rendre auprès de Steeve. Emmy décide aussitôt de l’accompagner et le photographe du journal leur emboîte le pas.
Éric jette un œil vers le bas de la falaise. Soudain blanc comme un drap, il se tourne vers ses invités, s’adresse à sa secrétaire.
— Élisabeth, je veux que tu raccompagnes tout le monde et que tu appelles le 911. Je vais les rejoindre, dit-il en désignant Jennifer et Emmy ainsi que le photographe.
Au moment où il s’apprête à les suivre, Patricia, le visage livide, s’approche de lui, pose une main sur son bras et lui murmure quelque chose à l’oreille. Éric hoche la tête, fronce les sourcils et réfléchit un court instant. Puis, il se décide :
— Je comprends. Vas-y, ça ne changera rien.
Patricia acquiesce et rentre au chalet avec les autres invités. Les feux d’artifice explosent, mais personne n’a le cœur à les admirer et le retour s’effectue en silence.
De son côté, Éric part au pas de course pour rattraper Jennifer, Emmy et le photographe. Il est à bout de souffle lorsqu’il les rejoint. Jennifer est accroupie près de Steeve, le visage ravagé, le corps secoué de larmes, elle tient une des mains de son mari.
— Je t’en prie, lui dit-elle, d’une voix désespérée, tu ne peux pas me laisser comme ça. Pourquoi ? Qu’est-ce que tu fais là ?
La jeune femme continue à parler à Steeve comme si celui-ci pouvait encore lui répondre. Or les yeux ouverts et tout le sang perdu témoignent qu’à l’évidence, la vie a déserté le corps.
Le photographe prend quelques clichés sans que personne ne fasse attention à lui. Il décide ensuite de quitter les lieux et fait signe à Emmy qu’il la verra plus tard. Celle-ci acquiesce d’un bref mouvement de la tête. Debout derrière Jennifer, elle attend un peu que les pleurs de son amie se calment. Éric se rapproche d’elle.
— J’imagine que l’ambulance arrivera bientôt, Élisabeth les appelle. Tu crois que tu pourrais la ramener tout de suite au chalet, demande-t-il en désignant Jennifer.
— Je ne sais pas, chuchote Emmy. Tu vois à quel point elle s’agrippe. J’imagine qu’elle va vouloir rester ici jusqu’à l’arrivée des secours.
— D’accord, mais il n’y a plus rien à faire. Bon, je vais attendre avec vous.
Le temps s’écoule lentement. Après un moment, Emmy s’accroupit à côté de Jennifer, pose un bras autour des épaules de son amie.
— Jennifer, on devrait retourner au chalet.
— Je vais attendre l’ambulance.
— Je peux le faire pour toi, offre Éric. Tu devrais entrer et prendre des nouvelles de tes enfants, suggère-t-il. J’informerai les ambulanciers que tu es là-bas.
À l’évocation de ses bambins, Jennifer se relève.
— C’est d’accord, mais avertis-moi dès qu’ils seront là.
— Naturellement !
Emmy et Jennifer laissent Éric seul pour se rendre au chalet. Juste avant de le quitter, la journaliste se retourne vers lui.
— Si tu veux, je peux demander à quelqu’un de venir te relever si les secours tardent trop.
— Oh ! Oui, merci ! Tu peux le demander à Jim, Jérémy ou Gabriel, s’il te plait.
* * *
Dix minutes s’écoulent encore et l’ambulance n’est toujours pas arrivée. Gabriel est venu rejoindre son patron.
— Il y a des lanternes déchirées, dit-il en désignant la balustrade brisée. Je me demande s’il ne serait pas tombé en tentant de les remettre en place.
— C’est possible, acquiesce Éric, cette clôture date du temps où mes parents ont fait construire le chalet.
— C’est un bête accident !
Gabriel ne sait pas quoi faire, il a l’impression de vivre un cauchemar. Éric et Steeve étaient de bons amis. Son patron va sûrement se blâmer pour ce qui est arrivé, parce que cela s’est passé sur sa propriété.
— Élisabeth m’a dit que l’ambulance devrait arriver d’une minute à l’autre et que des policiers sont en route.
Éric se rapproche de Steeve et se penche au-dessus du corps de son ami. Gabriel regarde par-dessus son épaule. Il aperçoit un papier qui dépasse de sa poche.
— Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il par pure curiosité, en le pointant.
Éric prend le mot et le passe à Gabriel. Tracés à l’encre mauve dans une écriture pleine de fioritures, il peut lire ces mots :
Salut trésor, viens me rejoindre, on doit régler une ou deux choses. À+ Patricia.
Il regarde Gabriel, indécis.
— Est-ce qu’on laisse ça dans sa poche ?
— Je pense qu’on ne devrait toucher à rien.
Éric s’apprête à remettre le billet à sa place, mais une idée soudaine l’arrête.
— Je vais plutôt le donner aux policiers, s’il y a une enquête. J’aimerais mieux leur dire que Jennifer ne devrait pas être mise au courant. Qu’est-ce que tu en penses ?
— Tu as raison, répond Gabriel en haussant les épaules. J’ai juste hâte que l’ambulance arrive.
— Moi aussi. Écoute Gabriel, est-ce que tu peux rester ici tout seul ? Je retournerais tout de suite au chalet pour voir comment les invités se portent. Je me demande comment Jennifer tient le coup.
— C’est correct, je vais rester.
— D’un autre côté, ce n’est peut-être pas nécessaire. Après tout, il ne peut rien arriver de pire à Steeve.
— Je sais, mais il me semble que ce n’est pas bien de le laisser tout seul.
— Merci ! Quand j’arriverai au chalet, je t’appellerai pour savoir si l’ambulance est là et je vais demander à ma gouvernante Rita de t’amener quelque chose à boire.
— Merci, c’est bon, tu peux y aller.
Gabriel regarde Éric s’éloigner et s’installe sur une roche pour attendre. Le temps semble s’étirer à l’infini et même s’il n’y a plus rien à faire pour Steeve, il n’ose pas quitter les lieux. Il frissonne