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Léonie
Léonie
Léonie
Livre électronique407 pages5 heures

Léonie

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À propos de ce livre électronique

RESUME

Elle est belle, elle est intelligente, elle est bonne envers les autres et en plus, elle possède une chose extraordinaire qui lui permet de vivre des tronçons de vie comme peu de personnes en sont capables.

Accompagnée de son ange gardien elle bravera le terrible Lyov.

Et puis un jour, elle va rencontrer l’amour. Fou, irrésistible envoutant tant attendu incarné par le splendide Vladimir. Lui aussi se révèlera un être rare sous des dehors d’homme dur et léger avec les femmes.

La rencontre de ces deux êtres nous entraîne dans une autre dimension.

Pour notre plaisir de se dire : et si…

LangueFrançais
Date de sortie14 sept. 2014
ISBN9782332727787
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    Aperçu du livre

    Léonie - Frédérique REMIET

    Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

    Photo de la collection personnelle de l’auteur, avec autorisation du modèle.

    ISBN papier : 978-2-332-72779-4

    ISBN PDF : 978-2-332-72780-0

    ISBN epub : 978-2-332-72778-7

    Dépôt légal : août 2014

    Remerciements

    ––––––––

    Un grand merci à mes enfants pour leur soutien et la confiance qu’ils ont eu en moi : Marie-Clotilde, Sophie-Charlotte, Anne-Elisabeth, Anne- Laure, Charles-Emmanuel. À ceux qui ont partagé, lors de nos rencontres, la vie de mes personnages et su m’écouter avec patience : Morgane, Charlotte, Hubert. Et mon ami Jérôme.

    Je vous aime.

    Frédérique

    Prologue

    ––––––––

    Une petite fille est assise sur une chaise. Ses pieds touchent à peine le sol.

    La crinière rousse, hirsute, les mains posées sur ses genoux, elle contemple les murs blancs de cette pièce sans fenêtre.

    Trois hommes assis derrière une table, l’observent. La fillette bat des cils en ravalant ses larmes, elle attend.

    Le plus âgé lui demande :

    – Comment t’appelles-tu ?

    D’une voix extraordinairement rauque pour une petite fille elle répond :

    – Léonie.

    – Quel âge as-tu ?

    – J’ai 6 ans.

    – Alors, pourquoi as-tu dit à la maîtresse que tu avais 1250 ans ?

    La petite fille baisse les yeux.

    – C’était pour rire.

    – Et ton ami Bruno ?

    – C’est juste pour rire aussi.

    Les trois hommes se parlent à voix basse.

    Ils échangent des regards entendus. Le plus âgé reprend la parole, il s’adresse de nouveau à la petite fille :

    – Léonie, nous pensons que tu devrais rester quelques temps avec nous. Léonie se tasse sur sa chaise. Une larme coule le long de sa joue, laissant un sillon brillant.

    Elle sait qu’elle ne doit rien dire de ce qu’elle sait. Elle est petite, mais son expérience de la vie humaine est grande.

    Son regard se fixe sur un angle de la pièce. Pour elle seule, Bruno est là. Il la fixe, un sourire doux sur son visage, le doigt sur la bouche.

    – Chut !

    Elle sait qu’elle doit se taire, car les hommes ne sont pas prêts à entendre la vérité. Elle doit se concentrer sur sa mission. Elle n’a guère de temps.

    Elle doit aussi apprendre à rêver sans faire de bruit.

    Alors elle réussira et pourra enfin rentrer chez elle.

    Chapitre 1

    ––––––––

    Il est 5 h, une musique emplit la chambre, le Boléro de Ravel est l’idéal pour chasser les mauvais rêves. L’aube qui se lève laisse les premiers rayons du soleil percer à travers les voilages. Ils viennent éclairer une chevelure rousse déployée sur l’oreiller. La jeune fille dort paisiblement.

    Aucune trace de l’inquiétude qui l’a tenue éveillée une longue partie de la nuit. Le sommeil avait refusé de prendre la place d’une anxiété qui l’habitait depuis quelques jours. Comment allier une vie d’interne en chirurgie avec sa quête ?

    « Léonie réveille-toi... Léonie il est l’heure... ». Deux mains aux longs doigts fins, émergent des draps gris perlé et vont se perdre dans cette masse de cheveux ébouriffés. Puis, d’un doigt, Léonie éteint le réveil, la voix s’arrête. Alors que ses paupières sont encore engourdies, ses yeux se posent sur le plafond bleu marine constellé d’étoiles qui lui réjouit les yeux. Elle aime le petit matin. Cette heure d’une nouvelle journée pleine d’espérance. Elle baille et s’étire tel un chaton. Elle adore cette impression d’être sous la voûte céleste. Celle-ci la rapproche de chez elle.

    Son regard fait le tour de la chambre encore presque inconnue. Elle se redresse et se lève puis se dirige vers la douche. Son corps nu, aux jambes interminables et au galbe parfait, avance avec grâce. Elle décide qu’elle a le temps pour un hydro-massage, il effacera toutes traces visibles de sa nuit mouvementée.

    Flûte ! Elle a oublié sa crème pour les massages. Elle sort de la cabine de douche. Elle s’enduit d’une pâte épaisse aux algues vertes. Ses mains frictionnent son corps d’albâtre avec application. C’est bon pour la peau et l’énergie, pense-t-elle.

    Elle entre enfin dans la cabine de douche et elle se laisse aller au bien- être de l’eau qu’elle sent ruisseler sur sa peau blanche jusqu’à la transparence. Elle ferme les yeux.

    Elle court dans une immense prairie, l’air embaumé par la subtile fragrance des fleurs qui s’épanouissent autour d’elle, la gorge de plaisir. Puis, elle est sur une plage de sable fin. Le soleil, dans un ciel d’azur, la caresse. Elle court avec une grâce inégalée sur le sable doré et doux. Elle pénètre dans l’eau, les vagues déferlent et viennent se briser contre elle. Soudain la mer se déchaine, l’obscurité l’englobe, des hurlements, des craquements effrayants de bois qui se brise, puis cette horde d’énormes méduses avec leurs ombrelles ressemblant à des ovnis gélatineux tentent d’aspirer tout ce qui les frôle. Des tentacules verts qui ondoient autour d’elle l’enserrent et commencent à l’étouffer Elle ouvre les yeux et reprend son souffle. Elle sort de la douche. Cela faisait longtemps que les souvenirs d’une mission passée n’étaient venus la hanter sous forme de cauchemars surréels et éveillés.

    Au début des années 1900, la mission qui l’avait conduite en mer fut une des plus difficiles émotionnellement. Elle avait été chargée de sauver deux enfants d’un naufrage. Avec peu de détail sur eux, elle était partie sur les lieux. Elle voulait convaincre les parents de ne pas prendre ce bateau. Elle n’avait pas réussi à les persuader de reculer leur départ. Elle devait les protéger. Puisqu’ils cherchaient un précepteur, elle serait préceptrice. Ces deux petits garçons étaient pendant trois mois devenus quasi les siens. L’attachement qui s’était développé en elle pour eux lui paraissait naturel. La solitude affective de ces enfants l’avait émue. Elle aurait pu oublier sa mission si le glas du départ en bateau ne lui avait pas rappelé la raison de sa présence. Elle avait dû se résoudre à embarquer avec toute la famille pour les USA. Ce fut un voyage agréable jusqu’au moment où les éléments déchaînés avaient laissé la mer les engloutir. Elle avait bravé cette mer glacée, plongé et nagé afin de ramener ces deux enfants à la surface. Elle avait réussi à les hisser sur un canot de sauvetage, effrayés et grelottants. Puis elle fut happée par les eaux glacées d’une mer en folie.

    Au cours d’une autre mission, 40 ans plus tard, assise sur la terrasse d’un petit café, elle épiait un sombre personnage, dissimulant en partie son visage derrière un journal. Un gros titre attira son attention. Une émotion forte lui donna des palpitations. Les visages de deux merveilleux petits garçons lui arrivèrent en plein cœur. Il y avait un certain temps qu’elle n’avait plus pensé à eux. Elle avait enfoui au fond d’elle les sentiments qu’ils lui avaient inspirés. En regardant la photo qui accompagnait l’article relatant l’héroïsme d’un de ces deux enfants, elle s’était abandonnée à ses émotions au point de laisser filer l’homme qu’elle surveillait depuis des jours. Elle voulait lire et se souvenir. Un de ces garçons devenu un homme, venait de sauver mille deux cents personnes dont une devait, par son courage, sauver le monde d’un certain chaos. Sa mission prenait toute l’importance qu’elle n’avait pas décelée à cette époque.

    Les souvenirs qui la hantent sont ceux du moment où son corps avait été emporté par les flots glacés et verdâtres d’une mer en folie.

    Secouant la tête, elle les chasse de son esprit.

    Non ! Elle ne se laissera pas envahir aujourd’hui.

    « C’est mon jour. Rien ne viendra me gâcher cette journée », pense-t-elle. Pourquoi dernièrement, les cauchemars reviennent-ils la hanter avec cette force ? Elle a réussi jusqu’à ce jour à les dompter. Serait-Il à Paris ?

    « Il va me falloir plus rapidement que prévu trouver du temps pour ma traque ».

    Elle connaît la méthode afin de se libérer. Elle branche son mp3, la musique tzigane s’imprègne en elle. Quelques minutes d’isolement du monde extérieur, grâce aux pleurs des violons, lui suffisent pour retrouver sa sérénité. Elle peut maintenant arrêter la musique. Elle retourne dans la cabine de douche et rince ses cheveux.

    Sa chevelure tombe dans son dos comme des faisceaux de lumière écarlate. L’eau froide ruissèle sur la courbe de ses hanches et de ses interminables jambes. C’est délicieux. La puissance des jets lui rappelle les Cascades du Niagara, dans lesquelles elle avait sauté avec hardiesse et il faut l’admettre, une excitation indicible. Cela reste un souvenir très exaltant.

    Sa main effleure un angiome en forme de croissant de lune, sous son sein gauche. Elle sourit de cette petite marque légèrement douloureuse qui la suit au court des temps.

    Le bip de son alarme de portable sonne. Elle devrait déjà être dans sa voiture.  Elle sort de la douche. Elle s’enveloppe dans son peignoir moelleux. Malgré ce léger retard, elle prend le temps d’appliquer sur son corps une crème onctueuse qui laisse sa peau soyeuse. Elle se regarde dans la glace, prend sa brosse à dents et son tube de dentifrice, et se lave les dents avec vigueur, tout en se disant : « Mon corps est sain, ma tête aussi. Je suis en sécurité. »

    Elle soulève ses cheveux et vaporise son parfum, dans le creux derrière ses oreilles, quelques gouttes sur l’intérieur des poignets. Une senteur de jasmin se répand dans la pièce qu’elle quitte. Vite, elle enfile un tee-shirt noir, son bon vieux jean, entortille un élastique autour de sa chevelure. Elle est prête.

    Un dernier coup d’œil sur sa montre, le stress commence à se faire ressentir. Elle claque la porte et court vers l’ascenseur. Arrivée sur le parking, elle fouille les nombreuses poches de son sac, pas de clés. Elle les visualise dans le vide-poche sur la console dans l’entrée, mais, à aucun moment, elle ne se voit les prendre. Elle les a oubliées.

    Elle galope vers l’immeuble, cinq étages l’attendent. L’ascenseur est lent, beaucoup trop lent. « En retard un premier jour, pense-t-elle, je fais fort.

    Chapitre 2

    ––––––––

    Ses clés en main, haletante, elle arrive et s’assoit dans sa petite voiture, une coccinelle blanche flambant neuve que ses parents lui ont offerte cet été. Merci papa, merci maman.

    L’autoradio n’attend qu’un coup de pouce pour qu’un peu de musique emplisse l’habitacle. Elle insère un CD de reggae pour ensoleiller sa matinée. Encore légèrement essoufflée, elle se met à fredonner : elle est heureuse, elle est parée pour affronter sa journée.

    Le soleil brille déjà sur la capitale, l’odeur des rues lavées monte de la chaleur de l’asphalte. Paris qui s’éveille s’imprègne en elle. C’est unique à Paris. Sa nouvelle ville, elle l’adore. Elle a pris le temps hier de chronométrer le trajet. Léonie est prévoyante, tout programmer est une habitude chez elle. Elle n’a pas de temps à perdre. Grâce à son GPS dernier cri, elle pourra prévoir les jours d’embouteillage. Elle pense au temps supplémentaire dont il lui faudra tenir compte. Cela ne la gêne pas, elle est enchantée de venir vivre une fois encore dans cette ville.

    Les trente-cinq minutes qui séparent l’hôpital de son appartement (lorsque la circulation est fluide) lui laisse un peu de temps pour observer les parisiens qui courent vers leur bouche de métro. Ils sont toujours pressés. En comparant Paris aux autres métropoles qu’elle connaît, elle trouve aux parisiens un air grave. Ne sont-ils pas heureux de leur job ? Ne peuvent-ils se réjouir de posséder un tel bijou d’architecture ? Elle regarde l’heure : il est six heures trente, elle est dans le bon créneau, elle rayonne de plaisir.

    Ce moment de solitude passé au volant de sa voiture, bercée par Bob Marley, la ravit. Elle se souvient de son dernier concert. Elle y avait pris un tel plaisir ! C’était en 1980 à Pittsburgh. Elle y était allée, accompagnée de ses amis pendant les vacances. Elle avait été rappelée par la Société Des Ames dès le lendemain, car sa mission était terminée.

    Sa mort fut si rapide, que ses amis ont toujours pensé qu’elle avait fait une overdose alors qu’elle n’a jamais touché à un produit illicite.

    Surprenant comme beaucoup de périodes de ses vies antérieures restent gravées dans sa mémoire.

    Elle songe à cette nouvelle expérience qui l’attend.

    Elle a toujours travaillé dans la médecine mais la chirurgie cardiaque est un rêve de longue date. Enfin, elle va pouvoir le réaliser. La SDA (La Société des Ames) ne lui en avait jamais laissé le temps. Il lui a fallu attendre le XXIème siècle.

    « C’est incroyable comme je peux me sentir perturbée par une rentrée dans un lieu inconnu. Ce n’est pourtant pas la première fois que je me trouve dans un nouvel endroit. J’ai vécu cette situation tant de fois. Je devrais pouvoir contrôler mes craintes. Il doit être plus proche que ce que la SDA m’a dit.

    « Bruno, Bruno ou es-tu ? »

    Le téléphone sonne. Sa mère l’appelle.

    – Léonie, ma chérie, je veux juste te faire un coucou pour cette rentrée.

    – Maman, je n’ai pas le temps, je suis au volant, je dois me concentrer. Je suis heureuse, je te rappelle ce soir. Bisous, bisous.

    – Tu dors bien ? Tu manges bien ?

    – Oui, oui, oui, je raccroche, bisous.

    Elle fonce vers l’hôpital. Malgré son bonheur et sa patience habituelle, chaque feu rouge l’agace. Ils ont décidé de la retarder ! Elle aimerait avoir le pouvoir de se transformer en séduisante petite fée. D’un coup de baguette magique, elle se propulserait vers son point de chute. La SDA devrait réfléchir à mettre au point un système de téléportation.

    Elle arrive enfin sur le parking de l’hôpital SAINT VINCENT, elle repère une place. Alors qu’elle va s’engager, un superbe coupé Mercedes noir s’emboîte entre les deux voitures. Elle ouvre la portière, bondit de son auto. Elle se dirige vers la Mercedes, d’un pas rageur.

    Un homme sort du coupé, une serviette de cuir à la main. Il redresse la tête, son regard d’acier la toise. Il est majestueux.

    – Vous pourriez apprendre à lire ! Vous voyez le petit panneau bleu avec les lettres blanches, RESERVE Professeur ROUMANOFF

    Vous vous appelez Professeur Roumanoff ? Non. Alors, passez votre chemin.

    Son ton est tellement arrogant. Elle ouvre ses grands yeux verts et voudrait répliquer, mais elle reste bouche bée. Avant qu’elle ne puisse répondre, il est déjà parti. Elle réalise que des voitures s’accumulent derrière la sienne. L’impatience des autres conducteurs commence à se manifester. Un vocabulaire fleuri vole tout autour d’elle. Elle se remet au volant et poursuit sa recherche d’une nouvelle place. Bouillonnante de rage.

    « Comment un homme peut-il manquer à ce point de courtoisie ! Un pompeux ! Un rustre ! Un gougnafier ! »

    Des mots plus grossiers lui viennent aussi à l’esprit.

    « Ne panique pas ma fille, tu es plus forte que ça ». Lorsqu’enfin elle peut se garer, elle décide de ne plus penser à cet homme hautain et suffisant. Mais quel bel homme quand même !

    « Rien ne gâchera ce mardi matin !

    Chapitre 3

    ––––––––

    Son sac à la main, elle arpente le parking. Dans deux minutes, elle entrera dans le bâtiment, et avancera vers son avenir. Le soleil matinal caresse son visage. Ses yeux éblouis par la lumière se ferment. Elle s’étonne de se sentir si bien dans ce nouvel environnement, malgré son arrivée sabotée par cette voiture... Et l’homme. Son visage fait une apparition devant Léonie.

    Dans le hall de l’hôpital, un groupe d’étudiants attend.

    L’odeur de désinfectant planant dans l’air la rassure. Une odeur magique pour elle, depuis toujours.

    L’arrivée tardive de cette enfant dans le couple Remy, relevait du miracle. Ils avaient attendu toute leur vie un bébé au sein de leur foyer. L’amour qu’ils avaient à donner était infini. Le jour où la sage-femme avait déposé ce petit être parfait dans les bras de la femme, les larmes de son mari se mêlèrent aux siennes. Ils s’étaient émerveillés du cadeau que la vie venait de leur faire. Ils avaient quarante-cinq ans, lorsqu’ils avaient accueilli ce chef-d’œuvre de la nature.

    Parfois, sa mère disait : « on va me surnommer Sarah »

    Leur fille était parfaite, hormis cette petite marque sur la poitrine qui semblait leur faire un clin d’œil. Comme si elle voulait leur montrer que chef-d’œuvre et parfaite étaient trop forts comme mots choisis. Ce fut pour eux le début d’une joie quotidienne. Quand elle ouvrait ses grands yeux d’émeraude, ils étaient émerveillés par son regard si présent pour un nourrisson.

    Le jour de ses six ans, dans un moment qu’ils partageaient tous les trois le soir, elle leur confia de sa voix grave :

    « Je suis contente de vous avoir choisis. Le bonheur est au rendez-vous chaque jour. Vous me faites tant de bien. ILS font le bien encore une fois pour moi et par moi. »

    – Qui sont ILS ? Demande son père.

    – ILS, ce sont ceux qui nous protègent, qui nous aiment.

    – Pourquoi les nommes-tu ILS ?

    – Ce sont eux qui me l’ont demandé.

    Etonnés par sa manière de s’exprimer, ils avaient compris ce jour-là, qu’elle était différente.

    Ils se regardaient tous les trois, ils se souriaient, heureux. Elle percevait, malgré son jeune âge, tout l’amour que ce couple partageait. Elle laissait un sentiment de paix s’ancrer en elle. « Ici je suis bien. J’ai toujours eu de la chance avec mes parents, mon choix est encore une fois le bon. Ils ont le don du bonheur ».  

    Sa mère et son père, médecins de campagne, ont toujours eu cette générosité exemplaire, apaisante. Ils étaient capables de s’oublier pour aider les autres. Ils surent lui transmettre cet amour sans bornes de l’autre.

    Les souvenirs affluents. Petite fille, elle passait du temps à épier son père avec ses patients. Lorsque la porte s’entrouvrait, elle aspirait goulument l’odeur d’antiseptique qui filtrait du cabinet.

    Elle attendait la fin des visites et, dès que le dernier patient sortait, elle ouvrait la porte et se précipitait sur les genoux de son père. Dans ses bras affectueux et rassurants, elle se laissait aller. Le rituel pouvait commencer :

    – Bonjour Madame Trucmuche.

    – Bonjour Monsieur le docteur.

    – Qu’avons-nous comme douleurs aujourd’hui ?

    – Je crois que c’est le cœur...

    Il sortait son stéthoscope et commençait un examen en chatouillant la petite fille. Des rires fusaient, irradiant le cabinet de joie. Puis à son tour, elle prenait le rôle du médecin. Elle sentait au fond d’elle, encore et toujours, l’amour de la médecine enracinée en elle. Elle était même obsédée par le désir de soigner l’autre, de guérir l’autre, de sauver l’autre.

    Le soir sa mère, après ses visites aux patients qu’elle voyait à travers la Campagne, heureuse, rejoignait sa famille. Ils discutaient des cas difficiles afin de se donner des conseils. Léonie les stupéfiait par ses réflexions et sa connaissance innée en médecine et des méthodes pour soulager certaines douleurs. Elle était si petite et déjà si savante. Léonie rêvait de sillonner avec elle les petites routes menant dans les villages, elle voulait l’observer avec ses patients. Sa Maman avait une manière très chaleureuse avec ses malades et un contact physique très apaisant. Elle pouvait les rassurer. Mais Léonie savait qu’elle était destinée à un ailleurs...

    Leur lien était fort et fusionnel. Etre toujours présents pour prévenir les peines et partager les joies de Léonie. Chaque instant de sa vie est entouré de leur amour et de leurs soins.

    Ils s’apportaient mutuellement de l’amour.

    Si seulement elle avait pu leur épargner ce chagrin au cours de l’année de ses 6 ans. Mais elle était tenue au secret, elle ne pouvait pas leur expliquer la vérité. Elle fut internée. Leur sérénité fut ébranlée pendant de nombreuses années.

    Chapitre 4

    ––––––––

    La réalité prend le pas sur les souvenirs. Léonie observe le visage des jeunes avec qui elle va partager cinq années de sa vie. Elle a toujours eu du mal avec les gens de son âge.

    Aujourd’hui, elle va découvrir la chirurgie. Bien sûr, elle est déjà médecin, elle l’a prouvé pendant tous les remplacements qu’elle a accomplis et dans lesquels elle a brillé. Elle l’a prouvé au fil du temps passé. Toutefois la chirurgie, avec les plus grands spécialistes, la fascine depuis qu’elle sait que sa seule raison d’être dans ce monde est de venir en aide à tous les hommes, de soulager la douleur des autres. Et de les sauver.

    Son BAC en poche à l’âge de 16 ans, puis les six années de Fac de médecine qui ont suivi, lui permettent d’être là ce matin. Elle a sa place ici autant que les autres.

    Elle s’avance vers un groupe d’étudiants.

    Toute leur attention est concentrée sur une fille. Elle est élancée et racée, ce sont les adjectifs qui viennent instantanément à l’esprit pour la décrire. En un mot c’est une très belle femme. Confiance et force émanent d’elle.

    Léonie reconnaît Claire Boulanger. Elle a un petit pincement au cœur.

    Claire B. est bien là. Décidément, elle la poursuit.

    Cette fille lui a pourri la vie depuis le début de leurs études communes. Comment décrire Claire B. sans être désagréable ? Impossible.

    Claire B. est la fille la plus populaire de leur promotion : créature de rêve, renversante, toujours entourée d’une cour, invitée à toutes les fêtes. Sa chevelure blonde cascadant dans son dos est une vraie toison d’or qu’elle sait faire onduler avec grâce. Consciente de sa séduction et de l’attraction qu’elle suscite auprès des hommes, elle affiche un air suffisant qui la rend inaccessible.

    Léonie n’a jamais fait partie du groupe de fans qui la suivait lorsqu’elles étaient à la Fac de Reims.

    Claire se retourne, l’aperçoit, et s’avance vers elle de son pas chaloupé, sûre de sa beauté.

    – Ah ben, t’es là toi ?

    Léonie s’apprête à lui répondre, mais déjà Claire se détourne et repart vers le groupe, la plantant là, la bouche ouverte, la main tendue. En six ans d’études, elle ne lui a jamais adressé plus de trois mots et encore, seulement professionnels. Alors elle a fait des progrès, cinq mots c’est un exploit.

    Pourquoi Claire agirait-elle autrement, ce n’est que Léonie ! Toutefois, Léonie pense, « je ne suis quand même pas n’importe qui, elle le sait. Mais quel intérêt pour Claire ? Ce n’est pas une valeur essentielle pour les ambitions de Claire ». La garce ! Claire déclenchait en Léonie des pensées mesquines. Léonie s’en voulait d’être aussi sensible à la méchanceté de Claire. Pourquoi cette fille la mettait elle dans tous ses états ? Pourquoi cette fille la déstabilisait-elle autant ?

    Claire a déjà trouvé le moyen de dominer la place. Elle est si sûre de son pouvoir. La différence entre elles est visible. Claire, vêtue d’un petit tailleur marron glacé, veste ouverte sur un chemisier largement ouvert, chaussée d’escarpins assortis, joue de sa chevelure. Elle représente l’image de la femme épanouie, dans son corps et professionnellement. Léonie, en tenue cool, comprend qu’elle s’est encore trompée dans le choix de ses vêtements.

    « Un jour, il me faudra faire des efforts même si je dois rester prudente. »

    L’assurance, c’est ce qui lui fait défaut dans cette vie. Elle a l’obligation de ne pas se faire repérer. Elle est devenue maître dans l’art de se noyer dans la masse humaine de ce monde. Claire étant la seule personne de la même Fac, elles finiront peut- être par trouver des sujets communs et devenir des consœurs faute de pouvoir être amies. Elles doivent pouvoir travailler en bonne harmonie. Léonie est interrompue dans ses pensées par une voix familière :

    – Et comment va ma rouquine préférée ?

    C’est Bruno, son Bruno. Toujours là pour elle depuis tant d’années. Si Bruno est là, c’est que le danger se rapproche. De sa voix rendue encore plus rauque par la surprise, Léonie embrasse le jeune homme.

    – Bonjour Bruno.

    – Bonjour Léonie. Comment vas-tu beauté ?

    – Je suis contente de te voir. Je sens, depuis quelques temps, qu’Il est plus proche de nous que je ne le pensais, lui chuchote-t-elle à l’oreille.

    – Oui. C’est pour ça que je suis là plus tôt que prévu. On en parle ce soir.

    – OK ! On se retrouve chez moi ?

    – Tu es une rigolote toi. Où pourrais-je aller sinon chez toi ?

    Chapitre 5

    ––––––––

    A ce moment-là, une grande et superbe brune pulpeuse, arrive. Les mèches savamment désordonnées, se déhanchant, un sourire éclatant sur ses lèvres charnues recouvertes de gloss, parfumée, pleine de fierté, charmeuse.

    Léonie pense : « C’est un nid de top modèles ici ! »

    – Bonjour. Je suis Rebecca, infirmière en chef auprès des internes en chirurgie. Je vous guide ce matin. Vestiaires, puis salle de réunion. Ensuite, nous irons dans l’autre aile, et pour terminer, je vous laisserai entre les mains de nos chers patrons.

    Un garçon lève la main, l’œil égrillard, un sourire coquin se dessine sur sa face encore un peu pouponne.

    – On vous appelle Rebecca ou infirmière en chef ?

    Le regard de Rebecca se pose sur lui, légèrement ironique.

    – Qu’est-ce que ça change pour vous ?

    Tout.

    – Votre nom ?

    – Alexandre Granger pour vous servir, dit-il en mimant une révérence. Elle note son nom sur un carnet, ses yeux reviennent sur les trois garçons qui accompagnent   le fanfaron Alexandre. Ses yeux enjôleurs s’amusent du culot du beau gosse.

    « Cette promo est égale à la précédente. Un trio de garçons espiègles, une pin-up pour faire de l’ombre aux autres. Le reste du groupe, on n’en parle même pas. Ah si ! Cette fille-là une jeune et grande rouquine égarée dans un monde d’adulte », se dit-elle.

    Elle fait demi-tour, et d’un geste de la main, leur fait signe de la suivre.

    – Au bout du monde, si elle veut... marmonne Alexandre.

    Les filles gloussent de ses blagues de potache. Une fille du groupe leur susurre :

    – Le beau gosse n’a guère de chance de conclure, elle chasse dans de plus hautes sphères.

    Immédiatement, les filles friandes de ragots se pressent autour d’elle. Sans trop se laisser distancer par Rebecca, ils arpentent les longs couloirs d’un pas vif et décidé. Sur un ton confidentiel, la fille continue :

    – Elle a été la maîtresse du brillant chirurgien de Cardio. Vous allez le rencontrer, attention : pas touche. Ce qu’il recherche, c’est seulement des filles pour s’amuser. C’est un coureur de jupons chronique, conscient de son charme ravageur, c’est l’aimant parfait pour les femmes.

    – Nous, nous ne tomberons pas dans le panneau, répond une des filles, petite et un peu boulote.

    – Ho !  T’inquiètes pas, tu n’as pas trop de soucis à te faire toi !  Tu n’auras pas beaucoup à résister, lui lance Claire.

    La première continue sur un ton conspirateur.

    – On en reparlera quand vous le verrez. Il ne se fixe pas, personne ne le voit longtemps avec la même femme. Il faut avouer que nous sommes toutes inscrites sur la liste des « pauvres filles pleines d’espoir ». Entre deux interventions, batifoler est son passe-temps favori. Il est seulement condescendant avec la gente féminine.  Il semble les utiliser pour son confort. On ne le voit jamais les regarder autrement qu’avec une légèreté méprisante et surtout avec concupiscence.

    Plusieurs filles posent en même temps, la même question :

    – Mais comment une femme peut-elle tomber dans les bras d’un tel macho ?

    – Les filles, quand vous le verrez, je vais bien rire. Vous savez, sa beauté, associée à sa fonction de chirurgien, attire naturellement les femmes. Il se sait séduisant, mais ne se laisse pas duper. Il sera difficile à dompter. Celle qui le piègera n’est peut-être pas encore née.

    Claire demande :

    – Moi je suis née. Donc, donnes-nous plus de détail, tu nous fais languir.

    – Rebecca avait cru pouvoir entretenir une liaison plus longue avec lui. Au final, elle avait pas mal affabulé sur leurs rapports. Et puis, en toutes confidences, on dit qu’il a d’étranges pouvoirs sur les femmes. Il viendrait d’un pays de l’est, d’ailleurs, il repart très souvent là-bas. Ce qu’il va y faire est louche. De plus il est riche, j’ai entendu dire qu’il habite un super appartement avenue Foch et même qu’il possède un château. Il emmène régulièrement des femmes dans son antre, on pourrait croire que c’est une sorte de Barbe Bleue. Il pratique, enfin toujours d’après ce qu’on dit, le sado-maso.

    Claire n’en peut plus d’écouter ça.

    – Bon, je ne te connais pas très bien mais tu m’as l’air d’une grande mytho, toi. Bien, en résumé, il est libre ou pas ? Moi, je n’ai aucune envie de lui résister s’il est si beau et si riche.

    – Tu peux te moquer de moi mais je t’aurai prévenue. Deux mois après leur rencontre, Rébecca n’était plus qu’un prénom qui avait traversé sa vie.

    – Super, il est pour moi. Je vous préviens dès maintenant : chasse gardée !

    Décidément, Claire met déjà des limites aux autres. La fille rondelette reprend la parole.

    – Attends, tu ne sais même pas si toi, tu vas lui plaire ?

    – Tu m’amuses, je suis Claire Boulanger. Tu vas me voir à l’œuvre et tu vas pleurer, ma p’tite. Les paris sont ouverts.

    – OK, vous voulez parier sur sa réussite de le séduire ? Elle ne tiendra pas plus de trois mois, voire moins. Je prends les paris.

    En chœur le groupe répond :

    – OK.

    – C’est qui ? Je dois préparer mon plan d’attaque. Quelques détails croustillants seraient les bienvenus.

    – Tu vois, vu les paris, même pas dans tes rêves. Chacun pour soi ! Si tu es si forte ma grande ! Débrouille-toi !

    Chapitre 6

    ––––––––

    L’infirmière ouvre

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