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Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5
Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5
Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5
Livre électronique312 pages4 heures

Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5

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À propos de ce livre électronique

Et si l'attribution des contrats n'était pas qu'une affaire de technologie...
Ravitailleurs est un techno-thriller, qui creuse les liens possibles entre l'espionnage et la guerre économique... Une fiction ? A l'heure des révélations sur PRISM on peut en douter...

Ravitailleurs est le cinquième tome de "Guerres sous-marines" de Claude-Jean Siré.

Sous ce pseudonyme, l'auteur ne nous dévoile aucun secret, mais il a une bonne connaissance du secteur. Ancien consultant de l'industrie de la Défense et du Nucléaire, il a travaillé à la construction des grands groupes français du secteur. Il signe ici le 5ème tome d'une saga qui compte déjà 15 tomes, dont
a) Pour l'amour d'Eva
b) La menace ultime
"La guerre pour l'espace" - 4 tomes
et "La guerre des drones" - 3 tomes

LangueFrançais
Date de sortie21 oct. 2015
ISBN9781311342485
Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5
Auteur

Claude-Jean Siré

A specialist of modern warfare - Un spécialiste de la défense

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    Aperçu du livre

    Ravitailleurs, Guerres sous-marines, tome 5 - Claude-Jean Siré

    MAI 2013, PARIS

    La réception avait lieu dans un joli petit château à l’ouest de Paris. Le cocktail fut pris d’assaut. Vers 21 h la plupart des amis de monsieur et madame de la Rampière s’éclipsèrent. Seuls quelques invités, triés sur le volet, avaient été conviés au dîner. En effet, Kim n’ayant fait venir des États-Unis que sa mère, Ken et Philip, les deux vieux amis qu’elle avait lâchement abandonnés à Key Largo l’année précédente, elle n’avait convié que deux ou trois personnes de l’ambassade ainsi que le colonel et ses deux principaux adjoints à la DGSE, Francis Peignon et Jacques Sollin. La famille de Grégoire avait restreint en conséquence le nombre d’invités et la plupart des jeunes avaient été sélectionnés parmi les meilleurs amis de Grégoire. À la table des mariés, Éléonore avait Marc à sa droite et un inconnu à sa gauche :

    – Paul Tupéry, dit-il. J’étais en prépa avec Grégoire.

    – Je m’appelle Éléonore Hirigoyen, je suis une amie d’école du marié. Enfin, je veux dire, nous étions avec Grégoire et Marc, mon mari, à l’ICAM... Où avez-vous abouti après la prépa ?

    – J’ai fait Sup Aéro et je viens d’être embauché par Airbus, à Toulouse.

    – Ah, pour quel poste ?

    – Je suis au bureau d’études... Et vous, que faites-vous maintenant ? demanda Paul.

    – Je suis chez Vector, dans le service qui étudie la furtivité des missiles...

    – Cela doit être passionnant..., remarqua Paul.

    – Pas autant que de construire des avions...

    – Oh ! Vous savez, je ne suis qu’un pion dans l’édifice... Construire un avion est un projet énorme. Je suis en charge du système électrique sur le MRTT...

    – Ah, le ravitailleur...

    – Oui, je vois que vous connaissez...

    – Vector est candidat pour le nouveau système de défense de l’avion, précisa Éléonore...

    Paul pointa vers le ventre bien arrondi d’Éléonore...

    – Et ce bébé, pour quand est-il ?

    – Le terme est prévu dans trois semaines...

    – Vous avez le trac ?

    – Un peu d’appréhension, avoua Éléonore. C’est mon premier....

    – Fille ou garçon ?

    – « Big surprise »...

    – Vous avez raison. Pour mes neveux, quand on me donne le sexe et le prénom, je n’ai plus qu’à attendre la couleur des yeux... Pas de suspense...

    – Beaucoup de neveux ?

    – Déjà une dizaine. Mes sœurs aimeraient bien que je les suive sur cette voie, mais je n’ai pas encore trouvé l’âme sœur...

    – Les mariages, il n’y a plus que ça, quand on est passé dans le monde de l’entreprise....

    – Oui, j’ai déjà entendu cette chanson, répondit Paul en rougissant...

    Éléonore se tourna vers son mari. Paul n’osait pas regarder sa voisine de droite, une superbe jeune femme aux cheveux châtain clair qui l’avait distrait un instant pendant la célébration. Elle portait un petit caraco bleu dur sous un grand chapeau assorti.

    Paul était un grand timide, il rougissait à la seule idée de lui adresser la parole. Pourtant il allait devoir lui parler. Se retrouver à côté d’une inconnue pendant tout un repas était pour lui un supplice. Heureusement, c’est elle qui se tourna vers lui. Il y avait chez elle une lueur triste, mais elle cherchait visiblement à la masquer par une vivacité un peu forcée :

    – Bonjour, je m’appelle Léa de Bellemanche. Grégoire m’a dit que vous étiez à Toulouse ! Je suis également dans le GIE Airbus, au service commercial...

    – Ah, je me croyais le seul extraterrestre... Mon nom est Paul Tupéry, ajouta-t-il...

    – Vous êtes un ami du marié ?

    – Oui, nous étions en prépa ensemble.

    – Je suis une cousine éloignée de Grégoire. Nos parents sont très proches. Nous sommes voisins.

    – Dans le 16° ?

    – Oui...

    – Moi je suis de Toulouse... précisa Paul

    – C’est donc un retour aux sources....

    – En quelque sorte.

    – Il faudra qu’on dîne ensemble un jour. Je n’ai pas encore réussi à faire mon trou là bas. Le travail est très prenant et je voyage beaucoup.

    – Vous vendez le fruit de mon travail, c’est important, osa Paul

    – Oui, en quelque sorte, pourtant j’ai l’impression de ne pas maîtriser toutes les données...

    Ils papotèrent quelque temps. Paul n’était pas un as de la conversation. Il remercia intérieurement Grégoire de l’avoir placé à côté de ces deux charmantes jeunes femmes. Pourtant, il se sentait bien étranger à ce monde parisien.

    Éléonore se retourna vers lui.

    – Vous allez peut-être m’éclairer, osa-t-il… Je me demande toujours pourquoi on n’arrive pas à mettre en tête des missiles un système électronique qui soit en mesure d’absorber les ondes radars et les rendre indétectables à leur cible. Ce sont de très petits engins, et pourtant, ils sont souvent rendus inefficaces par des contre-mesures, alors que s’ils étaient plus furtifs, ils seraient probablement plus imparables.

    – Vous ne décrochez pas du boulot, répondit Éléonore avec un grand sourire.

    – Oui, excusez-moi, je n’arrive pas encore à faire la coupure. C’est si neuf pour moi...

    – Cela dit, votre question est néanmoins pertinente. Je ne peux vous répondre sur nos travaux qui se penchent effectivement sur ce problème. C’est de l’information classifiée…

    Il se tut. Il cherchait dans sa tête un autre sujet de conversation, moins sérieux, quand il fut sauvé par le début des discours. La plupart concernaient Grégoire. Il n’avait pas osé en préparer un. Pourtant, il aurait eu bien des anecdotes à raconter...

    Il s’attaqua à son assiette. La viande était succulente, accompagnée d’un fagot d’haricots verts fins et tendres. Il se régalait. Le Bordeaux était également excellent. Il tourna instinctivement la bouteille : Un Côtes de Bourg, Château Martinat. Il fallait qu’il se souvienne de ce nom.

    Pour les desserts, l’assemblée fut invitée à se lever en direction du buffet. Grégoire se pencha vers Paul.

    – Je te conseille d’inviter Léa. Elle danse merveilleusement le rock. En rallye, c’était ma cavalière préférée. Elle n’a pas trop le moral. Une histoire tragique, elle a perdu son fiancé dans un accident.

    Il frémit. Était-ce qui expliquait cette lueur tragique dans son regard.

    Il alla se rasseoir. Ken et Philip, les deux amis de Kim venaient de se lancer dans un discours tragi-comique en anglais, ponctué de quelques tirades dans un français ânonné avec un accent effroyable. L’allusion au passé sulfureux de Kim était patente, sans être lourde. Le discours eut le mérite de détendre l’atmosphère après celui un peu coincé du père de Grégoire...

    Bientôt le son de la première valse fit taire les conversations. Grégoire et Kim surprirent tout le monde. Malgré le handicap du jeune homme, ils arrivaient à évoluer avec grâce sur le parquet. Kim maîtrisait fort bien la danse. Elle était éblouissante. Pas étonnant qu’il soit tombé fou de cette femme, pensa Paul.

    Quand les rocks arrivèrent, il invita Charlotte qui ne se fit pas prier. La sœur de Grégoire était toujours aussi vive et joyeuse. Elle n’était pourtant pas son type. Il se rendit compte qu’il n’avait d’yeux que pour Léa, mais n’osait pas foncer sur elle dès la première danse. Pourtant, lorsque la musique d’Hôtel California résonna, il croisa son regard. Elle avait visiblement très envie de danser. Il s’avança vers elle, sentant ses joues rougir au fur et à mesure qu’il se rapprochait. Heureusement la piste était peu éclairée. À son sourire, il vit qu’elle était heureuse de son geste. Grégoire avait raison ! Malgré sa taille, elle avait un excellent sens du rythme et ses mouvements étaient d’une légèreté surprenante. Quand, dans une des passes qu’il préférait, il la fit tourner jusqu’à ce qu’elle se love autour de son bras droit, il aperçut l’espace d’un instant son regard fixé sur lui. Foudroyant… Alors qu’elle repartait avec grâce dans un tourbillon, son visage s’était gravé dans sa mémoire. Il était envoûté.

    Les dernières notes du morceau laissaient place à un autre air endiablé. La bienséance voulait qu’il salue sa cavalière et se tourne vers quelqu’un d’autre. Pourtant, il eut une folle envie de continuer. Quand il l’invita d’un regard à poursuivre, elle eut un petit mouvement approbateur de la tête. Le plaisir était donc partagé. Il se sentit emporté comme dans un rêve....

    À la fin du deuxième morceau, il l’abandonna avec une courbette. Il n’osait pas continuer. Il s’enfuit vers le buffet. On servait un excellent Champagne. Pourtant, il choisit de rester sobre. Il n’aimait pas danser avec trop d’alcool dans le sang. De plus, ce soir, il avait besoin de toute sa tête. Il sentit le parfum subtil de Léa avant qu’elle ne l’ait rejoint. Il se retourna. Elle lui souriait.

    – Vous dansez merveilleusement, glissa-t-elle. Cela me fait un bien fou...

    – Le plaisir était partagé, répondit Paul.

    Elle avait déjà disparu, happée par une autre connaissance. Il resta le long du mur, suivant de loin sa petite veste bleue évoluer avec grâce au milieu de la scène. Il n’arrivait pas à détacher son regard de la jeune femme. Il fallait qu’il se reprenne. Il aperçut Éléonore.

    – Est-ce que l’on peut encore vous inviter, osa-t-il ?

    – J’en rêverais, répondit la jeune femme. Ce n’est pourtant pas très raisonnable et mon mari serait furieux : je viens de lui refuser le dernier rock ! C’est gentil, en tout cas...

    Paul s’éloigna avec un sourire. Avec Charlotte et Léa, il avait deux cavalières possibles. S’il était à Toulouse, avec son vieil ami Olivier, il oserait faire le tour de toutes les jeunes femmes présentes. Pourtant ce soir, bizarrement, il ne s’en sentait pas le courage. Instinctivement, il guettait le moment de réinviter Léa... Cette dernière était en grande conversation avec Kim et Grégoire. Il se glissa dans la foule, dans leur direction...

    Dans le jardin, le colonel prit à part Jacques Sollin, son deuxième adjoint. Celui-ci avait deviné pendant le dîner que le colonel cherchait à lui parler

    – Jacques, je voudrais vous charger d’une mission.

    Il lui glissa à l’oreille quelques mots. Son adjoint s’exclama alors :

    – Mais nous venons juste de nous réconcilier avec nos amis américains.

    – Je sais, dit le colonel, mais la crise économique est si grave, que nous devons aider la vieille Europe à combattre sur ce terrain. Ce dont je vous parle est strictement défensif. J’ai des appuis très hauts placés sur ce projet. Nous n’aurons l’ordre d’agir que si nous présentons, d’ici un mois, une stratégie, la plus verrouillée et la plus secrète possible. La décision ne pourra venir que d’en haut. Dans l'idéal, nous devrions limiter l'effectif impliqué dans cette opération à cinq ou six personnes. Je vous laisse réfléchir à tout cela. On en reparle lundi matin.

    Depuis son divorce, Jacques n'était vraiment pas un fan des mariages. Sa discussion avec le colonel acheva de lui donner tout intérêt à cette soirée. Il salua brièvement Simon et chercha à atteindre les mariés. Ils étaient entourés d’une foule de jeunes qui dansaient autour d’eux avec beaucoup de fougue. Il renonça à leur dire au revoir. Cette joie brouillonne n’était plus de son âge. Il regagna sa voiture et repartit en direction de Montrouge et de sa solitude. Non pas qu'il avait dans cette perspective la moindre lueur d’intérêt...

    À la différence de Philipp, Ken ne parlait pas un mot de français. Son arrivée en France était pour lui une surprise totale, un monde dont il ne connaissait ni les codes, ni les usages. Il est vrai que comme pour beaucoup d’Américains, il aurait été presque incapable de situer la France sur une carte du monde. À table, Kim l’avait gentiment placé en face de Simon. À la droite de ce dernier, Charlotte, la jeune sœur de Grégoire avait attiré son attention. Vive et délurée, la jeune étudiante en droit avec ses cheveux coupés à la garçonne et une jolie robe rouge au décolleté appuyé semblait sortir, à ses yeux, d’un magazine de mode. Elle connaissait beaucoup d’amis de Grégoire et régnait sur ce petit monde comme une princesse. Le mariage de son frère lui donnait une énergie et un brio qui fascinait le jeune Américain.

    Charlotte, de son côté, avait été, un instant, séduite par l’ami de Kim. Il y avait chez lui un côté « brut de pomme » qui la changeait des étudiants snobs qu’elle croisait souvent à Dauphine. Ken lui rappelait le côté cow-boy de Redford. Elle l’imaginait domptant des chevaux dans le Montana ou parcourant le Far West à la poursuite d’Indiens imaginaires.

    Vers trois heures, les mariés s’éclipsèrent laissant un petit groupe de danseurs acharnés virevolter au son d’une musique endiablée. Ken, dépité de voir Kim lui échapper à jamais, avait un peu trop abusé du Champagne. Il tenta alors une approche plus appuyée vers Charlotte. Au début, la jeune femme ne résista pas aux attaques de l’Américain… Elle aussi avait un peu trop bu. Pourtant elle conservait une certaine réserve. La cour de Ken l’amusait… Quand il essaya néanmoins de l’entraîner dans les jardins du parc, elle fut prise de panique. Le jeune homme avait une force incroyable et elle sentit que son insistance pouvait mal tourner. Déjà ils avaient quitté la partie éclairée du parc. Ken semblait indomptable… Elle jeta un coup d’œil apeuré vers la piste de danse. Personne ne semblait s’apercevoir de ce qui se passait. Ses gestes devinrent plus insistants. Elle fut prise de panique et cria. Pourtant Ken restait insensible à ses cris. Elle essaya de se dégager en vain. Alors qu’il lui semblait impossible de lutter, elle sentit soudain le jeune homme arraché de ses bras par une force surhumaine. Avant qu’elle n’ait le temps de comprendre, elle le vit se battre avec une forme trapue dont elle ne distinguait pas les traits. Le jeune Américain trop éméché pour porter des coups s’effondra rapidement. Elle se releva quand elle reconnut la voix de Simon. Le vieil Américain avait toujours eu pour elle une attention particulière. Elle se réfugia dans ses bras et pleura. Il ne dit rien, se contentant de lisser gentiment ses cheveux avec une incroyable douceur. Ils restèrent ainsi dix bonnes minutes. Puis elle s’écarta de lui et s’éloigna, se dirigeant vers la salle de bains.

    Simon la regarda partir. Depuis longtemps, il avait une passion particulière pour Charlotte. Pourtant, il était trop vieux pour ces histoires. Il était content, néanmoins, d’avoir été là… Il n’allait pas la laisser tomber…

    PARIS

    Jacques arriva enfin sur les grands boulevards. La nuit, Paris était souvent aussi bouché que dans la journée…

    Il ressassait les paroles de son chef. Comment allait-il pouvoir mettre au point une telle stratégie dans un délai aussi court ? La seule solution envisageable était de s'impliquer directement. Cela voudrait dire un long voyage aux États-Unis…. L’Amérique... Depuis que Doreen y était partie, il ressentait une certaine appréhension à l’idée de retourner là-bas.

    À Montrouge, il habitait non loin du périphérique. Il tourna un bon quart d’heure avant de trouver une place. Dans sa tête résonnait la question du colonel. Il ne voyait pas comment il allait pouvoir réussir cette mission. Habitué des opérations les plus secrètes de la DGSE, il avait cependant quelques atouts dans sa manche. Ici, il marchait sur des œufs.

    Il grimpa au quatrième. Son appartement était lugubre depuis le départ de Doreen. Il est vrai qu’il ne faisait aucun effort pour l’arranger et son bazar s’accumulait, sans compter la poussière qui se déposait lentement et inexorablement sur ses meubles. Ce soir était un soir morose. Il n’avait pas le courage de prendre une douche. Sur ces idées noires, il se glissa dans son lit et s’endormit d’un sommeil agité.

    En pleine nuit, il se réveilla cependant avec une idée lumineuse. Il se rappelait avoir lu un rapport de surveillance sur les mouvements de Hank, le jeune espion venu en France à la recherche de la terroriste coréenne. Tenait-il là une piste ? Est-ce qu’il pouvait exploiter ce filon, faire chanter le jeune homme et le retourner pour qu’il travaille pour son pays ? L’idée était assez excitante pour l’avoir réveillé. Sa réalisation n’allait pas être plus simple pour autant.

    Il se leva, prit un grand verre d’eau en méditant sur cette idée subite. Il regarda sa montre : 5 heures. Il lui restait moins de deux heures avant la sonnerie du réveil. Il se recoucha et finit par sombrer à nouveau…

    LANGLEY, BANLIEUE DE WASHINGTON

    Pratiquement au même moment, une petite réunion se tenait chez le Directeur Central des Opérations de la CIA, au dernier étage de l’agence américaine de renseignements.

    – Messieurs, expliqua le DCO, vous n’êtes pas sans savoir que le contrat attribué à Boeing en 2011 pour les ravitailleurs de l’Armée de l’Air a été arraché de haute lutte contre les Européens. La pression européenne va donc être forte pour le contrat saoudien. Cinquante appareils doivent être attribués en décembre, à l’issue d’une compétition et de nombreux tests… Même si le Président se gardera bien d’intervenir sur ce dossier, il me semble important que nous mettions tout en œuvre pour que les intérêts américains soient préservés.

    – Vous voulez que nous intervenions en Europe pour mettre à mal les chances d’EADS dans l’appel d’offre ? L'avance de l'A350 MRTT peut nous être fatale.

    – Il va nous falloir être prudents, mais il me semble dans l’intérêt de notre pays de protéger au moins ses atouts sur ce plan.

    – Nos relations avec la France se sont beaucoup améliorées depuis que Simon a été nommé correspondant entre la CIA et la DGSE, un poste spécialement créé au sein de notre ambassade en France.

    – C’est pourquoi il nous faut travailler à son insu, nous servir de lui comme couverture, même si nous interviendrons dans un sens différent…

    Le DCO poursuivit :

    – Je veux que, d’ici une semaine, toutes les options possibles soient étudiées et évaluées…

    PEKIN, CHINE POPULAIRE, MEME HEURE

    Les propos tenus au siège des services secrets chinois avaient une teneur semblable. L’industrie chinoise, bénéficiant d’importants transferts de technologies, n’allait pas tarder à être capable de rivaliser avec les plus grands dans le domaine de l’aéronautique. Comme lors de la bataille pour la centrale nucléaire d’Abu Dhabi qui avait vu les Coréens remporter la mise face aux Européens et aux Américains, la Chine avait l’ambition de montrer qu’elle pouvait maintenant intervenir sur tous les marchés, même ceux où le savoir-faire occidental semblait le plus dominant. L’affaire prenait l’allure d’une lutte mondiale… À l’heure où la guerre froide n’était qu’un mauvais souvenir, la bataille économique prenait le dessus. Et pourtant, les forces en présence ressemblaient fort à celles qui évoluaient quelques décennies auparavant… Elles avaient l’apparence d’un monde plus policé, qui évoluaient en costard-cravate… Il suffisait néanmoins de gratter la mince couche de vernis pour que les vieilles méthodes apparaissent sous la surface apparemment lisse des relations internationales…

    Dans une petite salle discrète où se prenaient les vraies décisions du parti, deux hommes s’entretenaient à voix basse.

    – Général Chu Yo, quels sont les moyens dont nous pouvons disposer dans ce cadre?

    – Vous avez carte blanche, répondit ce dernier. La seule limite est celle de la discrétion. Si l’on apprend notre implication, c’est la crédibilité de notre service voire la réputation du pays qui sera mise à mal…

    – Il va nous falloir passer par des intermédiaires, pour noyer tout risque de remonter jusqu’à nous.

    – À vous de choisir, dit le général. En toutes hypothèses, cette action, qui n’a d’autres supports que moi, doit éviter toute publicité sur la Chine.

    – Pouvons-nous utiliser nos contacts nord-coréens?

    – Je l’avais aussi envisagé, appuya le général. Pensez-vous qu’ils sont fiables ?

    – Leur dernière opération a prouvé leur savoir-faire…

    – Elle s’est traduite par un échec.

    – Oui et non. En tout cas, ils ont prouvé leur capacité à intervenir à grande échelle et seuls quelques agents ont été démasqués.

    – Où en sont nos liens avec eux ?

    – Je vais en parler à Chin Tuo, notre agent de liaison… Je reviens vers vous, Général. Ils voudront une contrepartie.

    – Avec l’embargo qu’ils subissent, cela ne va pas être difficile à satisfaire. Ils ont besoin de notre aide…

    LE LENDEMAIN

    À l’invitation d’Éléonore, quelques amis s’étaient retrouvés à Nonancourt, dans la maison de campagne des Truchard, distante de quelques kilomètres seulement du lieu de la réception. On attendait les mariés, en milieu d’après-midi. Léa venait de saluer Paul quand le Père Alex, qui s’était proposé pour faire le service, s’approcha, tenant un verre de jus d’orange :

    – Je vous ai regardé danser hier tous les deux, c’était sublime.

    – Merci, Père, dit Paul en rougissant.

    – J’ai dansé aussi, dans mon jeune âge. Ce n’est plus très compatible avec ma fonction… J’en apprécie pourtant la symbolique.

    – Je l’ai senti dans votre homélie d’hier. Elle était très belle, glissa Léa, sans ajouter à quel point elle avait été émue par son évocation de la danse.

    – Merci. Ce ne sont que des mots. Pour Grégoire et Kim, cela va prendre du temps. Il me semble pourtant qu’au-delà du tragique de leur existence présente, ils peuvent trouver un chemin…

    – Est-ce que le handicap de Grégoire peut se réduire ?

    – Il a déjà fait beaucoup de progrès, grâce à la rééducation, répondit Alex. Il sera marqué à vie, mais il devrait, j’espère, devenir plus autonome.

    Il s’éloigna… Léa avait remarqué que les joues de Paul s’étaient colorées, suite à la remarque du jésuite. Décidément, ce jeune homme est bien timide, se dit-elle. Elle était arrivée la veille au mariage avec une certaine appréhension. Depuis la mort de Fabien, elle n’arrivait plus à reprendre goût à la vie. Elle avait surtout peur de revivre le cauchemar de l’année précédente… Pourtant, au fond d’elle-même, elle sentait combien elle aspirait à retrouver quelqu’un avec qui elle pourrait bâtir sa vie. La veille déjà, les hésitations de Paul l’avaient séduite. Il était très différent de Fabien, mais elle retrouvait en lui la même fragilité. Pouvait-elle se fier à son instinct ? Ce qui était certain, c’est qu’il y avait, chez ce jeune homme, une délicatesse surprenante, peut-être exacerbée par sa timidité. Elle révélait en lui, au-delà de l’apparence, une sensibilité particulière. D’un certain côté, elle se réjouit à l’idée de le revoir. Il lui fallait néanmoins avancer prudemment…

    – Quand repars-tu à Toulouse, lui demanda-t-elle ?

    – Ce soir, et toi ?

    – J’ai une réunion au siège demain. Je ne descends qu’en fin de semaine. Il faudra qu’on dîne un soir ensemble…

    – Avec joie…

    Les mariés arrivaient. Tout le monde se leva pour les accueillir. Grégoire avait un sourire touchant, malgré ses traits encore défigurés par son handicap…

    II – MISE EN PLACE

    SHANGHAI, 1ER JUIN 2013

    Ils s’étaient d’abord donné rendez-vous à la Maison Boulud, un restaurant français haut de gamme. Elle avait cependant changé d’avis, optant pour un restaurant plus discret, et pourtant tout aussi réputé, répondant sous le nom de Madam Zhu’s Kitchen. Conçu par Zhu Rung, une galeriste devenue restauratrice, en plein cœur du quartier des affaires de Shanghai, dans le sous-sol d’une nouvelle tour de bureaux, il attirait déjà une population plutôt sélecte de la jeune bourgeoisie chinoise. Arrivée de Séoul le matin même, Jinju se tenait déjà au fond de la salle quand Chin se présenta à l’entrée. Il l’aperçut et sans un mot, se dirigea droit vers la jeune femme. Elle était élégamment vêtue d’une robe fourreau en soie verte se terminant par un joli col officier aux broderies discrètes. Armée d’un long porte-cigarette, elle avait l’allure d’une femme de 40 ans, même si sa peau d’une incroyable blancheur trahissait son plus jeune âge. Chin tressaillit intérieurement en croisant son regard. Depuis qu’on lui avait affecté le « pilotage » des relations avec les services secrets nord-coréens et qu’il avait croisé cette jeune femme, lors d’un premier contact, alors qu’elle revenait de Londres, il en rêvait la nuit.

    Son front était moite. À l’extérieur, la chaleur était déjà insoutenable.

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