«Lachance sourit aux audacieux. » C’est souvent ce qu’on dit après coup pour qualifier un succès militaire inespéré, comme l’attaque des panzers dans lesArdennes en 1940, ou le Débarquement en Normandie, en ignorant souvent à quel point les vainqueurs ont travaillé dur pour limiter dans leurs plans les éléments aléatoires. De Market Garden, on retient souvent Un pont trop loin d’Arnhem, immortalisé en 1977 dans le film de Richard Attenborough (voir les images p. 19). Comme si l’opération se résumait à une demi-défaite due, essentiellement, au manque de pot. Il n’en est rien. L’échec de Market Garden et, au-delà, l’écroulement du grand rêve de terminer la guerre avant Noël (voir encadré p. 21), sont contenus dans l’organisation fracturée, dans les plans bâclés et, surtout, dans la croyance qui fait de l’arme aéroportée un outil décisif.
marque de fait une rupture dans la pensée militaire. Jusqu’à l’été 1944, les Alliés avaient employé les paras comme des commandos, ou comme un joker tactique destiné à favoriser des débarquements (Sicile, Normandie, Provence). L’opération engagée aux Pays-Bas du 17 au 25 septembre va bien au-delà : c’est la première tentative d’enveloppement vertical à finalité stratégique. Quelque 35000 paras sont chargés de s’emparer d’un corridor étroit par lequel l’armée britannique se projettera comme un poignard au cœur du Reich. L’investissement est aussi considé-rable (les 1128 planeurs de l’opération coûtent à eux seuls l’équivalent des chars de sept divisions blindées) que le pari est audacieux: un seul échec sur un des trois points et perd tout son sens. Réussir,