Vous avez vinifié dans le monde entier, pourquoi arrachet-on 8 500 hectares de vignes à Bordeaux? Qu'est-ce qui ne marche pas?
Gardons-nous de toute opinion tranchée sur la situation. Cette crise, on la pensait bordelo-bordelaise au départ, elle est globale. Les Australiens arrachent, les Sud-Africains arrachent, les Argentins arrachent, les Chiliens arrachent… Mais à Bordeaux, c'est vrai, cette crise n'a pas été anticipée, comprise assez tôt. Je l'ai vu lors d'une récente réunion du CIVB, on essaie de s'adapter à une consommation qui change avec quatre à six ans de retard.
Les Vignobles André Lurton, que vous présidez aujourd'hui, sont également touchés?
Lorsque j'arrive en 2019, à la mort de papa, je constate que ce type de vins ne marche plus depuis un moment. On se faisait tailler des croupières par les Chiliens, les Australiens, les Languedociens et aussi par les Côtes de Gascogne.
Pourquoi?
Nous n’étions plus au goût du consommateur. Sur les blancs jusque-là produits en sous-maturité, un peu acides, j'ai voulu retrouver un peu plus de gras, de volume. Il fallait aussi donner plus d'ampleur aux rouges, de la richesse, arrondir les tanins, les rendre plus souples. Les replacer dans l'air du temps, les affranchir du vieillissement dans le bois, remettre le fruit au goût du jour. Je venais du Nouveau Monde: là-bas c'est le fruit, le fruit, le fruit. Une syrah doit sentir une syrah, un chardonnay doit sentir un chardonnay et un riesling doit sentir un riesling.